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13/07/2010 | FRANCE | N°10-12154

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juillet 2010, 10-12154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 du code civil, ensemble l'article L. 132-8 du code de commerce et l'article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
Attendu que l'article L. 132-8 du code de commerce conférant au transporteur routier une action en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire institués garants du paiement du prix du transport n'est pas une loi dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et écon

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 du code civil, ensemble l'article L. 132-8 du code de commerce et l'article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 ;
Attendu que l'article L. 132-8 du code de commerce conférant au transporteur routier une action en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire institués garants du paiement du prix du transport n'est pas une loi dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable et de constituer une loi de police ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Transbidasoa a effectué des transports de jus de fruits d'Espagne vers la France dont elle n'a pas été payée par l'expéditeur, la société Dream fruit ; qu'elle a assigné en règlement du prix de ces prestations la société Système U centrale régionale Sud (la société Système U), destinataire de ces transports, sur le fondement de l'article L. 132-8 du code de commerce ;
Attendu que pour condamner la société Système U à payer à la société Transbidasoa la somme de 8 200 euros, l'arrêt retient que l'article L. 132-8 du code de commerce, texte d'ordre public, a vocation à assurer la protection des intérêts économiques des transporteurs auxquels est accordée une garantie de paiement du prix de leurs prestations, dans des conditions concourant ainsi à la sécurité des opérations de transport et que ce texte doit donc être regardé comme une loi de police au sens de l'article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome, lorsque le lieu de livraison des marchandises transportées se situe en France ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la société Transbidasoa aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de la société Système U centrale régionale sud
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la société Système U Centrale Régionale Sud à payer à la société Transbidasoa la somme de 8.200 €,
Aux motifs que « la Convention internationale de transport routier de marchandises par route du 19 mai 1956 dite CMR, qui régit les transports effectués par la société Transbidasoa du 8 mars au 24 juillet 2007 entre l'Espagne et la France, ne contient aucune disposition spécifique sur l'action directe du transporteur à l'encontre du destinataire ; qu'il y a lieu en conséquence de rechercher la loi du contrat par référence à la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; que d'après ladite Convention, le contrat est régi par la loi choisie par les parties et, à défaut, par celle du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que l'article 4, paragraphe 4, énonce à cet égard que dans le contrat de transport, si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays ; qu'au cas d'espèce, les contrats de transport successifs, ayant fait objet des lettres de voiture, concernent, d'une part, deux sociétés de droit espagnol, les sociétés DREAM Fruit et TRANSBIDASOA, respectivement expéditeur et transporteur, toutes deux établies en Espagne, et, d'autre part, un lieu de chargement des marchandises transportées, également situé en Espagne ; qu'à défaut de loi choisie par les parties, il doit donc être présumé que les contrats de transport présentent avec ce pays les liens les plus étroits et qu'ainsi, la loi applicable à la relation contractuelle est la loi espagnole ; que le fait que la livraison a été effectuée en France n'est pas à lui seul de nature à rendre la loi française applicable, sauf à dissocier la livraison des marchandises transportées de l'opération de transport à laquelle elle se rattache ; qu'en l'absence, dans le droit espagnol, d'un mécanisme d'action directe du voiturier contre le destinataire, n'est pas contraire à l'ordre public international français en sorte que la loi espagnole, désignée comme la loi applicable au contrat, ne saurait être écartée sur le fondement de l'article de la Convention de Rome ; qu'il résulte cependant de l'article 7-2 de la Convention que les dispositions de celle-ci ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat ; que la loi de police du for, dont l'application s'impose ainsi, même si le contrat se trouve soumis à une autre loi, est définie par la Cour de justice des communautés européennes comme la disposition nationale dont l'observation est jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'Etat membre concerné au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national de cet Etat ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci ; que cette définition est d'ailleurs reprise pour l'essentiel à l'article 9 du règlement (CE) n° 593-2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ; qu'en l'occurrence, l'article L.132-8 du code de commerce, issu de l'article 10 de la loi n° 98-69 du 6 février 1998 tendant à améliorer les conditions d'exercice de la profession de transporteur routier, dont l'application est sollicitée dans le cadre du présent litige, institue en faveur du voiturier une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport, toute clause contraire étant réputée non écrite ; que l'article Il de la loi du 6 février 1998 a même ajouté à la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la soustraitance un second alinéa tendant à rendre applicables aux opérations de transport les dispositions de cette loi, en ce sens que le donneur d'ordre initial est assimilé au maître d'ouvrage et le cocontractant du transporteur sous-traitant qui exécute les opérations de transport, à l'entrepreneur principal ; que l'article L. 132-8 sus visé, texte d'ordre public, a vocation à assurer la protection des intérêts économiques des transporteurs auxquels est accordée une garantie de paiement du prix de leurs prestations, dans des conditions concourant ainsi à la sécurité des opérations de transport, les travaux parlementaires, préparatoires à l'adoption de la loi du 6 février 1998, rappelant notamment la place essentielle occupée par le transport routier de marchandises dans l'économie française et le taux élevé de faillites dans ce secteur de l'économie par rapport au secteur marchand en général ; que cette protection, voulue par le législateur, ne saurait, par ailleurs, être éludée du fait de l'application sur le territoire français, où les marchandises transportées sont livrées et où le destinataire se trouve établi, d'une législation déniant au transporteur le bénéfice de l'action directe, situation qui, en matière de transport international, conduirait inévitablement à fausser le jeu de la concurrence entre transporteurs français et étrangers ; que la loi du 6 février 1998 dite «loi GAYSSOT» doit donc être regardée, en son article 10 devenu l'article L. 132-8 du code de commerce, comme une loi de police au sens de l'article 7-2 de la Convention de Rome, lorsque le lieu de livraison des marchandises transportées se situe en France ; qu'il convient dès lors de faire application, en l'espèce, de ce texte dans le cadre du litige opposant devant les juridictions françaises la société TRANSBIDASOA à la société Système U, nonobstant le fait que les contrats de transports en cause sont régis par la loi espagnole ; qu'il est produit aux débats les huit lettres de voiture, se rapportant aux transports effectués entre le 8 mars et le 24 juillet 2007, les bons de livraison correspondant à ces prestations, ainsi que le relevé des factures éditées par la société TRANSBIDASOA ; que c'est ainsi à juste titre que le premier juge a condamné la société Système U au paiement de la somme de 8 200,00 euros, montant desdites factures, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance » (arrêt, p. 4, dernier al. à p. 6, 5e al.) ;
Alors qu'aux termes de l'article 4 de la Convention de Rome relative à la loi applicable aux obligations contractuelles, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; que selon le paragraphe 4 de l'article 4, dans le contrat de transport, « si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l'établissement principal de l'expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays » ; qu'ainsi, le contrat conclu entre un expéditeur et un transporteur ayant tous deux leur établissement en Espagne, portant sur une marchandise chargée en Espagne est régi par la loi espagnole, même si la marchandise doit être déchargée en France ; que si l'article 7 de la Convention de Rome, intitulé « lois de police », énonce dans son paragraphe 2 que « les dispositions de la présente Convention ne pourront porter atteinte à l'application des règles de la loi du pays du juge qui régissent impérativement la situation quelle que soit la loi applicable au contrat », tel n'est pas le cas des dispositions de l'article L.132-8 du code de commerce qui ne constitue pas une loi de police ; que dès lors, en condamnant la société Système U Centrale Régionale Sud sur le fondement de ce texte qualifié de loi de police, la cour d'appel a violé par refus d'application de l'article 4, paragraphe 4, et par fausse application de l'article 7, paragraphe 2, de la Convention de Rome, ensemble l'article L.132-8 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-12154
Date de la décision : 13/07/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Contrat de transport - Prix - Paiement - Action directe du transporteur à l'encontre du destinataire - Loi de police (non)

TRANSPORTS ROUTIERS - Marchandises - Contrat de transport - Prix - Paiement - Action directe du voiturier contre l'expéditeur - Loi de police (non) CONFLIT DE LOIS - Contrats - Loi applicable - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Article 7 § 2 - Lois de police - Applications diverses CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Loi applicable aux obligations contractuelles - Article 7 § 2 - Lois de police - Applications diverses

L'article L. 132-8 du code de commerce conférant au transporteur routier une action en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire institués garants du paiement du prix du transport n'est pas une loi dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays au point de régir impérativement la situation quelle que soit la loi applicable et de constituer une loi de police


Références :

article 3 du code civil

article L. 132-8 du code de commerce

article 7 § 2 de la Convention de Rome du 19 juin 1980

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 08 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2010, pourvoi n°10-12154, Bull. civ. 2010, IV, n° 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 131

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Potocki
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.12154
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