LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société X... de son intervention en qualité de mandataire judiciaire de la société Y... ;
Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 avril 2009), que la société Compagnie écossaise Saint-André (la Compagnie écossaise) est titulaire d'un bail commercial qui lui a été consenti le 8 décembre 2000 par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricole du Sud Ouest (CRAMA) ; qu'au titre de la clause de destination des lieux loués le contrat stipulait que " les lieux ci-dessus désignés sont loués à usage exclusif de commerce ayant un rapport avec la vente : vente de produits d'habillement, accessoires, produits alimentaires, art décoratif, librairie, salon de thé, petite restauration, le preneur s'y interdit d'exercer toute activité ayant un rapport quelconque avec les assurances et la restauration et de toute activité pouvant faire concurrence aux commerçants en place dans notre immeuble " ; qu'un local voisin situé dans le même immeuble a été donné à bail commercial par la CRAMA le 6 mars 2003 à M. Z..., lequel a cédé son bail le 17 avril 2008 à M. Y... pour y exercer " une activité d'artisant glacier exclusivement " ; que l'acte de cession reprenait la clause de destination figurant au bail du 6 mars 2003 stipulant que " les locaux faisant l'objet du présent bail devront exclusivement être destinés à l'exercice de tous commerce, à l'exception de ceux bruyants et malodorants, ainsi que ceux existant déjà au sein de l'immeuble... " ; que M. Y... a ouvert un fonds de commerce exploité sous la forme de la société à responsabilité limitée Y... (la SARL), dont l'objet social était l'activité de glacier, ainsi que toute activité s'y rapportant à emporter ou à consommer sur place ; qu'estimant que la SARL lui faisait au mépris de ses engagements une concurrence directe, la Compagnie écossaise, qui exploite dans les lieux loués une activité de salon de thé, petite restauration à consommer sur place et vente de produits alimentaires, l'a assignée, ainsi que M. Y..., pour obtenir la fermeture de son fonds de commerce et des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
Attendu que M. Y... et la SARL font grief à l'arrêt de dire que seule peut-être exercée dans les lieux loués l'activité d'artisan glacier, de leur interdire d'exercer toute activité concurrentielle à celle de la Compagnie écossaise et de les condamner à payer à celle-ci une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1° / que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en retenant, pour condamner M. Y... et la société Y..., qu'ils " ne respectaient pas la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession du droit du bail ", dont la société Compagnie écossaise Saint-André, tiers à cette convention, n'était pas en droit de se prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil ;
2° / que le fait d'exercer une activité similaire à celle de son voisin n'est pas fautif ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner M. Y... et la société Y..., qu'ils ne respectaient pas les obligations contractées à l'égard de leur bailleur dans un contrat auquel la société Compagnie écossaise Saint-André était étrangère, sans indiquer en quoi le comportement de M. Y... et de la société Y... pouvait constituer une faute à l'égard de la société Compagnie écossaise Saint-André, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
3° / que subsidiairement la clause de non concurrence litigieuse interdisait " tous commerces existant déjà au sein de l'immeuble " ; qu'il en résulte que la cour d'appel devait se prononcer au regard des " commerces " exploités et non au regard des " activités " exercées ; qu'un commerce de " salon de thé " n'est pas concurrent d'un commerce de " glacier ", quand bien même ils auraient certaines activités en commun ; qu'en se déterminant au regard des activités exercées et non, ainsi que le commandait la clause, au regard des " commerces ", la cour d'appel a dénaturé la clause et violé l'article 1134 du code civil ;
4° / que, subsidiairement encore, en ne recherchant pas si l'activité de vente de boissons n'était pas, selon les usages de la profession et du commerce, le corollaire nécessaire de la vente de glaces, de sorte qu'autorisés à exercer une activité de glacier, M. Y... et la société Y... l'étaient aussi à vendre des boissons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5° / que le caractère d'ordre public des règles applicables à la déspécialisation ne permet pas de fonder une opposition à leur mise en oeuvre sur le fondement d'une clause d'exclusivité ; qu'en ne recherchant pas si en autorisant l'activité de glacier, le bailleur n'avait pas également accordé l'autorisation de commercialiser des boisssons non alcoolisées, ce dont il résultait la déspécialisation partielle du bail à laquelle la société Compagnie écossaise Saint-André ne pouvait s'opposer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-47 du code de commerce ;
Mais attendu que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'ayant retenu, sans dénaturation, que la clause stipulée à l'acte de cession du 17 avril 2008 avait pour but d'interdire au deuxième locataire d'exercer en même temps que le premier locataire déjà installé dans l'immeuble la même activité que celui-ci et ayant relevé que l'activité de la société Y... n'était pas limitée à la production et à la vente de glace mais qu'elle portait également sur la vente de pâtisseries, gaufres, petits déjeuners, café et autres boissons le tout dans un " salon de dégustation ", qu'il ne s'agissait pas d'une activité marginale et que cette activité, exercée au mépris de la clause de non-concurrence insérée dans l'acte de cession du droit au bail, était directement concurrente de celle de la société Compagnie écossaise, la cour d'appel qui, sans être tenue de procéder à des recherches qui ne lui avaient pas été demandées, a ainsi caractérisé le dommage causé par les manquements de la société Y... et de M. Y... à la Compagnie écossaise installée dans le même immeuble, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y..., la société Y..., et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y..., de la société Y... et de M. X..., ès qualités ; les condamne, ensemble, à payer à la Compagnie écossaise la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. Y..., la société Y... et la société X..., ès qualités.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur Y... et la société Y... ne peuvent exercer que l'activité d'artisan glacier, de leur avoir fait interdiction d'exercer toute activité concurrentielle à celle de la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE, notamment celle de salon de thé et de les avoir condamnés au paiement de la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments produits par la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE que l'activité de la société Y... n'est pas limitée à la production et à la vente de glaces produites ; que la société Y... exerce également une activité de salon de thé puisque les photographies et autres pièces dont la nouvelle carte des consommations, démontrent que l'activité n'est non seulement pas limitée à l'activité d'artisan glacier mais également la vente de pâtisseries, gaufres, petit déjeuner, café et autres boissons, le tout dans un salon de dégustation ; qu'il ne s'agit pas d'une activité marginale surtout pendant la période d'hiver comme cela ressort des éléments comptables ; que Monsieur Y... et la société Y... ne respectent pas sur ce point la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession de droit au bail ; qu'il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris et d'interdire à Monsieur Y... et à la société Y... d'exercer toute activité directement concurrente à celle exercée par la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE, à savoir toute l'activité relevant du salon de thé, vente de boissons et de pâtisseries diverses, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt, la seule activité restant autorisée étant celle d'artisan glacier ;
1) ALORS QUE les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; qu'en retenant, pour condamner Monsieur Y... et la société Y..., qu'ils « ne respectaient pas la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession du droit au bail », dont la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE, tiers à cette convention, n'était pas en droit de se prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil ;
2) ALORS QUE le fait d'exercer une activité similaire à celle de son voisin n'est pas fautif ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner Monsieur Y... et la société Y..., qu'ils ne respectaient pas les obligations contractées à l'égard de leur bailleur dans un contrat auquel la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE était étrangère, sans indiquer en quoi le comportement de Monsieur Y... et de la société Y... pouvait constituer une faute à l'égard de la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
3) ALORS QUE subsidiairement la clause de non concurrence litigieuse interdisait « tous commerces existant déjà au sein de l'immeuble » ; qu'il en résulte que la cour d'appel devait se prononcer au regard des « commerces » exploités et non au regard des « activités » exercées ; qu'un commerce de « salon de thé » n'est pas concurrent d'un commerce de « glacier », quand bien même ils auraient certaines activités en commun ; qu'en se déterminant au regard des activités exercées et non, ainsi que le commandait la clause, au regard des « commerces », la cour d'appel a dénaturé la clause et violé l'article 1134 du code civil ;
4) ALORS QUE, subsidiairement encore, en ne recherchant pas si l'activité de vente de boissons n'était pas, selon les usages de la profession et du commerce, le corollaire nécessaire de la vente de glaces, de sorte qu'autorisés à exercer une activité de glacier, Monsieur Y... et la société Y... l'étaient aussi à vendre des boissons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
5) ALORS QUE le caractère d'ordre public des règles applicables à la déspécialisation ne permet pas de fonder une opposition à leur mise en oeuvre sur le fondement d'une clause d'exclusivité ; qu'en ne recherchant pas si en autorisant l'activité de glacier, le bailleur n'avait pas également accordé l'autorisation de commercialiser des boissons non alcoolisées, ce dont il résultait la déspécialisation partielle du bail à laquelle la société COMPAGNIE ECOSSAISE SAINT ANDRE ne pouvait s'opposer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L145-47 du code de commerce.