LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Vedettes inter-îles vendéennes que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la Régie départementale des passages d'eau de la Vendée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Com. 17 juin 2008, n° 05-17. 566 B. 121), que depuis 1986, la société Vedettes inter-îles vendéennes (la VIIV), qui exploitait trois vedettes rapides, assurait le transport maritime de passagers entre l'île d'Yeu et le continent pendant la saison estivale du mois d'avril au mois de septembre cependant que d'autres compagnies privées assuraient également cette liaison pendant la même période ; que la Régie départementale des passages d'eau de la Vendée (la Régie), établissement public industriel et commercial départemental, qui exploite deux ferries pouvant transporter sept cents passagers chacun ainsi que des véhicules, et une vedette rapide " l'Amporelle " (trois cent cinquante passagers), a pour mission d'assurer l'exploitation directe du service maritime de passages d'eau entre l'île d'Yeu et le continent et doit assurer un service quotidien suivant les exigences des marées, effectuant le transport des voyageurs, des marchandises, des véhicules et divers, ainsi que, à chaque fois que possible et selon les besoins du trafic, des services supplémentaires y compris de voyages et d'excursions ; que le conseil général de Vendée, a, moyennant loyer, mis à disposition de la Régie en 1992, la vedette rapide " l'Amporelle " dont il est propriétaire ; que cette vedette, comme les deux ferries, ont le gabarit nécessaire pour assurer le service de transport par tout temps ; que le 28 mars 2001, la VIIV, reprochant à la Régie d'avoir abusé de la position dominante qu'elle détient sur le marché de transport de passagers entre l'île d'Yeu et le continent en période estivale, a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (le Conseil) ; qu'après expertise, ont été notifiés à la Régie et maintenus dans le rapport, des griefs d'abus de position dominante pour les années 1998, 1999 et 2000 consistant à avoir utilisé une partie des subventions du département pour financer, sur " l'Amporelle " pendant la période estivale, des prix de vente inférieurs aux coûts totaux et avoir ainsi perturbé durablement le marché, et à avoir pratiqué des prix prédateurs pour le transport de passagers ; que, par décision n° 04- D-79 du 23 décembre 2004, le Conseil a dit non établi que la Régie ait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ; que la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 28 juin 2005, rectifié le 17 janvier 2006, rejeté le recours formé par la VIIV contre la décision du Conseil ; que sur pourvoi formé par cette société et après reprise de l'instance par M. X..., ès qualités après la liquidation judiciaire de la VIIV, la Chambre commerciale a, le 17 juin 2008, cassé l'arrêt du 28 juin 2005, mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours formé par la VIIV contre la décision du Conseil ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que la Régie fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence qu'elle avait présentée au profit de la juridiction administrative, alors, selon le moyen, que le point de savoir si l'acquisition de « l'Amporelle » était réellement nécessaire à l'exécution de la mission de service public impartie à la Régie, ainsi qu'il en avait été décidé en séance publique par l'assemblée délibérante du conseil général de la Vendée, est une question qui relève des juridictions administratives ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs ;
Mais attendu que l'arrêt n'a pas retenu que l'appréciation de la légalité de la décision, prise par le département de la Vendée, d'acquérir la vedette " l'Amporelle ", mise, moyennant loyer, à disposition de la Régie à laquelle est confiée la mission de service public d'assurer la continuité du territoire national, n'est pas une question relevant de la juridiction administrative ; que le moyen manque en fait ;
Et attendu que le second moyen du pourvoi incident ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir rappelé que la recherche du marché pertinent est préalable à toute définition d'une position dominante, l'arrêt retient que cette recherche prend, lorsque comme en l'espèce le concurrent accusé d'abus de position dominante est un service d'intérêt économique général (SIEG), un relief particulier ; qu'en effet, le fait de fournir un service public crée une présomption de position dominante, présomption qui n'a de sens que si le marché pris en considération inclut les périodes, les modalités et autres circonstances de l'activité de service public et que, réciproquement, il ne peut être retenu contre un SIEG l'imputation de position dominante sur la seule période ou dans les seuls lieux ou bien avec les seuls moyens de l'exercice en concurrence, en omettant les charges que constituent le temps, le lieu et les moyens de l'exercice en monopole ; qu'une telle démarche systématique rendrait irréfragable, par le biais d'une segmentation imaginaire du marché, la présomption de position dominante ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Régie s'était bornée à contester la délimitation d'un marché comprenant le transport de passagers tant par ferries que par vedettes rapides, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré d'une prétendue spécificité de la détermination du marché pertinent en présence d'un opérateur chargé de missions de service public, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen, a violé le texte susvisé ;
Sur le même moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 4 du code civil, ensemble l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter le recours formé par M. X... ès qualités, l'arrêt retient qu'il ne retrouve pas la preuve que la Régie ait bénéficié, sur un marché pertinent clairement et rationnellement défini, d'une position qui serait conséquemment dite " dominante ", ni qu'elle ait abusé de cette position selon un examen fiable des coûts engagés pour exploiter ce marché ;
Attendu qu'en refusant ainsi de délimiter le marché concerné par les pratiques dénoncées, la cour d'appel a méconnu son office et violé les textes susvisés ;
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Attendu qu'après avoir rappelé la communication de la Commission européenne n° 97 / C 372 / 03 du 9 décembre 1997 sur la définition du marché en cause, en ce qu'elle énonce que le marché de produits en cause comprend tous les produits et / ou services que les consommateurs considèrent comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés, l'arrêt retient que la segmentation du marché, démarche intellectuelle indispensable pour dessiner les contours d'un marché pertinent, prend une dimension spécifique en présence d'un SIEG ; qu'il ajoute que, pour vérifier la validité de cette segmentation, il est notamment permis de s'assurer que les coûts de l'activité sur le marché invoqué peuvent être calculés de manière plausible ; qu'il conclut qu'en l'espèce la segmentation du marché n'est plausible ni par la chronologie, ni par la nature des services, ni par le type de moyens utilisés et en déduit qu'il ne retrouve pas la preuve que la Régie ait bénéficié sur un marché pertinent clairement et rationnellement défini, d'une position qui serait conséquemment dite " dominante " ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les services de transports de passagers entre l'île d'Yeu et le continent proposés par la Régie et par la société VIIV durant la période estivale étaient considérés par les voyageurs comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Attendu que l'arrêt retient que, dès lors qu'un SIEG est en cause, il convient de retenir une définition du marché pertinent aussi peu segmentée que possible, en lien avec une évaluation plausible des coûts et que la détermination des coûts d'un tel service doit se doubler d'une possibilité de les fractionner dans l'exacte mesure où le marché pertinent sera segmenté ;
Attendu qu'en prenant ainsi en compte, au stade de la délimitation du marché pertinent, des éléments relevant de l'appréciation de l'abus reproché à la Régie consistant à pratiquer des prix prédateurs dans le cadre de ses activités concurrentielles, au lieu de se déterminer au regard de critères de substituabilité admis par la doctrine économique et adoptés par la jurisprudence, la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa dixième branche :
Vu l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Attendu que l'arrêt retient que la Régie étant un service d'intérêt économique d'intérêt général, qui reçoit des aides d'Etat au sens du Traité, dont les " coûts moyens " sont en bonne part irréels, dont le mode de gestion est sans aucun rapport avec celui de ses concurrents privés dès lors qu'elle ne répond pas, en tout cas structurellement, aux priorités d'économies qui s'imposent aux dirigeants d'entreprises privées, et dont la comptabilité n'est pas comparable à celle d'une société commerciale, les tests utilisés par les instances européennes dans les décisions " B..." et " Deutsche Post ", pour établir le caractère abusivement bas des prix pratiqués par une entreprise sur un marché concurrentiel lorsque cette entreprise détient une position dominante sur un autre marché n'obéissent manifestement pas aux mêmes notions comptables et économiques et ne sont ni l'un ni l'autre les instruments adéquats pour répondre aux questions de l'espèce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces tests ont précisément vocation à permettre de calculer le coût auquel doit être comparé le prix pratiqué sur le marché concurrentiel par l'entreprise exerçant par ailleurs une mission de service public, afin de déterminer si elle a abusé de sa position dominante, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours formé par M. X..., en qualité de liquidateur de la société Vedettes inter-îles vendéennes contre la décision n° 04- D-79 du 23 décembre 2004 du Conseil de la concurrence, l'arrêt rendu le 9 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Dit que les dépens seront supportés par la Régie départementale des passages d'eau de la Vendée ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X..., ès qualités, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X..., ès qualités, demandeur au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par la société VEDETTES INTER-ILES VENDEENNES prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître X..., contre la décision n° 04- D-79 du 23 décembre 2004 du Conseil de la concurrence ;
AUX MOTIFS QUE sur le marché pertinent en présence d'un S. I. E. G, aux termes de l'article L 420-2 du Code de commerce, est prohibée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprise d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ; que le Traité instituant la Communauté européenne interdit à une entreprise dominante d'éliminer un concurrent et de renforcer ainsi sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent de la concurrence par les mérites ; que dans cette perspective, la concurrence par les prix ne peut pas toujours être considérée comme légitime ; que la position dominante peut, selon plusieurs avis (n° 99- A-11) ou décisions (00- D-47 du 22 nov. 2000, EDF ; 00- D-50, 5 mars 2001,...) du Conseil de la concurrence, découler d'une situation de monopole, de fait ou de droit ; que l'examen d'une attitude de prédation, quelle que soit l'analyse juridique et économique menée à son sujet, impose la définition du marché pertinent dans lequel s'exercent les activités concurrentes ; que ce marché est le cadre dans lequel le juge détermine les parts des différents concurrents, compare les produits ou services, enfin applique la notion fonctionnelle et concrète d'abus, en l'occurrence de prix prétendument bas ; que selon une jurisprudence constante rappelée pour la période immédiate par le T. P. I. des Communautés européennes (arrêt du 30 janv. 2007, aff. T-340 / 03, France Telecom cl. Commission, parag. 78 ; pourvoi rejeté par C. J. C. E., 2 avr. 2009, aff. C-202 / 07 F), les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l'ensemble des produits ou services qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d'autres produits ou services ; qu'en outre, étant donné que la détermination du marché en cause sert à évaluer si l'entreprise concernée a la possibilité de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective et d'avoir un comportement, dans une mesure appréciable, indépendant de celui de ses concurrents, on ne saurait à cette fin se limiter à l'examen des seules caractéristiques objectives des services en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l'offre sur le marché ; que de même, la Commission, dans une communication sur la définition du « marché en cause » en droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, point 7), énonce qu'un marché de produits en cause comprend tous les produits et / ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et l'usage auquel ils sont destinés ; que cette recherche du « marché pertinent », préalablement à toute définition d'une position dominante et à toute comparaison des prix, prend, lorsque comme en l'espèce le concurrent accusé d'abus de position dominante est un service économique d'intérêt général, un relief particulier ; qu'en effet, et à titre de remarque générale, le fait de fournir un service public crée une présomption de position dominante ; qu'en effet, si l'ouverture à la concurrence d'un marché jusqu'alors totalement monopolistique, entraîne une perte de parts de ce marché pour l'opérateur chronologiquement premier, ce dernier conserve sauf exceptions un rôle symbolique auprès de la clientèle, dispose avant ses concurrents d'infrastructures appropriées et souvent déjà amorties, et peut-telle la Régie pendant la période hivernale-demeurer de fait la seule entreprise active dans tel ou tel cas, et apparaître pour la clientèle comme l'opérateur de droit commun ; que cette présomption n'a de sens que si le marché pris en considération inclut les périodes, les modalités et autres circonstances de l'activité de service public ; que réciproquement, il n'est ni juste ni rationnel de retenir contre un service d'intérêt économique général l'imputation, juridiquement désavantageuse, de position dominante sur la seule période ou dans les seuls lieux ou bien avec les seuls moyens de l'exercice en concurrence, en omettant les charges que constituent,- le plus souvent jusqu'au déficit chronique-, le temps, le lieu, l'objet et les moyens de l'exercice en monopole (de droit ou de fait) ; qu'une telle démarche systématique rendrait irréfragable, par le biais d'une segmentation imaginaire du marché, la présomption de position dominante ; qu'en somme, la segmentation du marché, démarche intellectuelle indispensable pour dessiner les contours d'un marché pertinent, prend une dimension spécifique en présence d'un S. I. E. G ; que pour vérifier la validité de cette segmentation, il est notamment permis de s'assurer que les coûts de l'activité sur le marché invoqué peuvent être calculés de manière plausible ;
QUE sur la détermination et le fractionnement des coûts du S. I. E. G. pour qualifier la prédation par les prix sur un marché peu segmenté, dans une conception élargie du marché pertinent les coûts sont nécessairement abordés de manière peu fractionnée ; qu'autrement dit la prédation par les prix est un grief qui, s'il est dirigé contre un S. I. E. G., requiert du Rapporteur la preuve des coûts réellement exposés par ce service pour exploiter le marché prédéfini comme pertinent ; que cette détermination des coûts du S. I. E. G. doit se doubler d'une possibilité de les fractionner dans l'exacte mesure où le marché pertinent sera segmenté ; que la Commission a sur ce point statué (20 mars 2001, Deutsche Post Comp / 35 141) dans le cas d'une entreprise disposant d'un « domaine réservé » (ce qui semble pouvoir s'entendre comme un secteur d'activité de caractère monopolistique ou quasi-monopolistique), le plaignant affirmant que les recettes tirées de cette activité ne doivent pas servir à financer des ventes ou services à perte dans le secteur concurrentiel (mécanisme dit de « subventions croisées », décrit parag. 3 et 5 et de la décision de la Commission) ; que précisément la décision du 20 mars 2001 pose en règle (parag. 6 et 7) que pour être répréhensible, le mécanisme des subventions croisées suppose, d'une part, que les produits d'un service donné ne permettent pas de couvrir les coûts incrémentaux propres à ce service et, d'autre part, qu'il existe un service ou tout un domaine d'activité de l'entreprise dont les produits dépassent les « coûts de fourniture isolée » ; que l'excédent de couverture des « coûts de fourniture isolée » indique la source des subventions croisées et le déficit de couverture des coûts incrémentaux la destination (des subventions) ; que dans le cas de Deutsche Post, le domaine réservé constitue une source durable de financement, (dont la totalité des produits) dépassent ses « coûts de fourniture isolée » ; que dès lors, pour déterminer si les coûts incrémentaux propres aux prestations en concurrence sont couverts, il convient d'établir une distinction entre les coûts additionnels propres aux prestations, qui découlent uniquement de la fourniture de ce service, et les coûts fixes communs, qui ne sont pas imputables à ce service seulement ; qu'autant que de besoin, la Commission précise en notule numéro 7 la définition qu'elle donne des coûts incrémentaux : « coûts qui ne sont liés qu'à un seul service ; les coûts fixes qui ne sont pas liés qu'à un seul service, dits coûts fixes communs, ne sont pas des coûts incrémentaux ; les coûts fixes communs ne disparaîtraient que si l'entreprise cessait de fournir tous ses services » ; que cette définition apparaît plutôt restrictive, comparée à celle que donne la littérature économique de différence entre le profit d'une entreprise en concurrence et le profit d'une entreprise en concurrence astreinte à un service universel ; que plus loin, la Commission explique comment ces notions s'appliquent spécialement à un service d'intérêt économique général (parag. 8 à 10) ; qu'à ce sujet, la Commission admet qu'un S. I. E. G. conserve une capacité de réserve suffisante pour couvrir à tout moment des pointes d'activité dans le respect des critères qualitatifs légaux ; qu'il faut donc distinguer les coûts communs de maintien des capacités et les coûts incrémentaux propres aux prestations ; que ceux-ci, dans le cas de Deutsche Post, résultaient uniquement de la fourniture d'un service au-delà du simple service de guichet ; que ces énonciations de la Commission sur les coûts du S. I. E. G. imposent, comme le démontre d'ailleurs l'hypothèse de « Deutsche Post » sur laquelle a porté sa décision, une segmentation plausible, à la fois économiquement et juridiquement, du marché, pour permettre de dessiner les contours du « marché pertinent » ; que cette segmentation ne pose pas de difficultés insurmontables lorsqu'une entreprise en position de monopole ou disposant en tout cas de ce que la Commission dénomme le « domaine réservé », y ajoute une activité d'une nature nouvelle en concurrence directe avec des entreprises de pur droit privé, ce qui était le cas de la Deutsche Post, monopolistique sur la distribution « historique » de courrier mais désireuse de concurrencer U. P. S. sur la distribution « nouvelle » de colis spéciaux ; que la segmentation est autrement plus hasardeuse lorsque comme dans le cas de la régie le service public exerce exactement la même activité, dans les mêmes lieux et toute l'année, la variable étant l'irruption de la concurrence de droit privé dans certaines de ces circonstances seulement ; que pour sa part, la Cour de justice européenne a énoncé (5° ch. • 3 juill. 1991, c-62 / 86, B...c /. Co mm) que des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables (c'est-à-dire à ceux qui varient en fonction des quantités produites) par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent toujours être considérés comme abusifs ; que par ailleurs, des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, doivent être considérés comme abusifs lorsqu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent ; que ces bases d'évaluation ont vraisemblablement été celles de l'expert Y... ; qu'elles auraient dû reposer sur une analyse, relativement complexe, des données bilancielles, là où la méthode « Deutsche Post » se contente d'un examen plus élémentaire du compte de résultat, qui peut au besoin être ramené à une période courte, telle qu'un mois ou une saison prédéfinie ; que (cependant) le recours à ces critères ou tests, éventuellement approprié lorsque deux entreprises de droit privé sont en concurrence sur un même marché bien identifié, est très difficilement transposable lorsque l'entreprise en position dominante est un service d'intérêt économique général, qui reçoit des aides d'Etat au sens du Traité (ce qui inclut les subventions départementales) et dont les « coûts moyens » sont en bonne part irréels ; qu'en effet, le versement de subventions d'équilibre, mécanisme en vigueur pour la régie pour la période considérée, soldées en fin d'exercice annuel de sorte de parvenir à un résultat comptable neutre ou positif, permet à elle seule, comme l'indique la Rapporteure elle-même dans la notification de griefs (page 35) et comme le laisse entendre la Ministre chargée de l'économie dans ses écritures, d'équilibrer de toute manière la gestion, de compenser au besoin tous les déficits d'exploitation, de pratiquer durablement une politique de prix bas à destination de tout ou partie de la clientèle ; qu'autrement dit, la gestion d'un service public ne répond pas, en tout cas structurellement, aux priorités d'économies, qui s'imposent au dirigeant d'entreprise privée, doit d'ailleurs répondre aux exigences de continuité et au voeu de qualité du service public, et peut conduire, si l'autorité publique de financement est assez généreuse, à augmenter régulièrement les salaires, à fournir des prestations attractives aux yeux des usagers, à investir dans des actifs nouveaux sans augmenter immédiatement les prix, à amortir plus rapidement les matériels que ne le ferait un entrepreneur de droit privé, en somme à favoriser l'usager aux dépens du contribuable ; qu'ainsi, les calculs de coûts entre concurrents sont faussés d'emblée, les deux modes de gestion étant sans aucun rapport entre eux sur un plan économique et les données de la comptabilité d'un service public et de la comptabilité d'une société commerciale n'étant nullement comparables, sinon de manière superficielle ; que d'ailleurs, dans un arrêt du 24 juillet 2003 (aff. C-280 / 00, C...), la même Cour de justice européenne a dû aborder autrement-sous l'angle des « aides d'Etat »- la question du tarif des services d'intérêt économique général et qu'à leur tour, les instances normatives de l'Union ont en bonne part transposé les préconisations de la Cour dans des décisions caractéristiques (2l déc. 2005, Banque Postale) puis lors de la mise au point du paquet « Monti-Croes » relatif aux S. I. E. G. en application de l'article 87 du Traité (régi. CE n° 1998 / 2006 du 15 déc. 2006 ; cire. Min. int., 4 juill. 2008, BO. 800133. C) ; qu'enfin, à supposer que les tests « B...», c'est-à-dire les coûts moyens (variables, totaux), soient sérieusement évaluables nonobstant le mécanisme particulier de la subvention d'équilibre, ils le seront presque nécessairement sur des exercices annuels globaux, qui sont le cadre normal de l'aide d'Etat, sans possibilité de segmentation géographique, chronologique ou autre, sinon par l'effet d'une règle de trois dont l'artifice n'échapperait pas à la critique ; qu'en somme, les tests « B...» et « Deutsche Post », s'ils n'obéissent manifestement pas aux mêmes notions comptables et économiques et ne sont ni l'un ni l'autre les instruments adéquats pour répondre aux questions de l'espèce, montrent en tout cas la nécessité d'une définition appropriée du marché pertinent, aussi peu segmentée que possible dés lors qu'un S. I. E. G. est en cause, en lien avec une évaluation plausible des coûts ;
QUE sur la segmentation artificielle en l'espèce, la segmentation du marché, pratiquée tour à tour par la Rapporteure du Conseil de la concurrence dans sa notification de griefs, puis par le Conseil lui-même dans sa décision, enfin par la cour d'appel dans son arrêt cassé, ne paraît pas pouvoir être opérée ; qu'en effet, la segmentation n'est plausible ni par la chronologie, ni par la nature des services proposés, ni par le type de moyens (ici, de navires) utilisés ; que s'agissant d'une segmentation par la chronologie, autrement dit d'une distinction opérée entre une saison d'hiver et une saison d'été (« début octobre », « fin mars », elle a été retenue d'office dans la notification de griefs du 10 novembre 2003 ; que pourtant, elle ne procède fondamentalement que d'un libre choix des transporteurs de naviguer ou pas avant et après ces dates puisqu'il n'existait pas de monopole légal ni d'activité « réservée », au sens de la décision Deutsche Post, à la Régie non plus qu'aux opérateurs concurrents ; qu'elle n'a été reprise, dans un règlement portuaire-qui sera au demeurant jugé nul par le Tribunal administratif compétent-qui a régi l'accès aux pontons de Port-Joinville, qu'en considération des ambitions concrètes des prestataires de pur droit privé ; que si ces ambitions avaient été plus larges, et avaient par exemple englobé la période plus difficile de navigation en hiver, ce règlement aurait été nécessairement refait ; qu'autrement dit, si ce règlement portuaire a pu conforter quelque temps le monopole de fait de la Régie entre octobre et mars, il ne pouvait déterminer une " période réservée " et rendre ce monopole objectif et stable ; que la segmentation chronologique retenue ne correspond d'ailleurs à rien dans le calendrier civil ou scolaire ; qu'elle ne recouvre pas davantage de différences dans le service rendu, qui doit être assuré continûment, y compris en cas de mauvais temps ou pour très peu d'usagers ; que cette segmentation opère une distinction entre « clients d'hiver » et « clients d'été », dont on sait qu'elle est fausse puisque l'île accueille des résidents secondaires en toute saison et que réciproquement, les islais se rendent sur le continent pour affaires ou pour leurs loisirs toute l'année ; qu'en somme, les notions centrales de la décision « Deutsche Post » de « coûts fixes communs (à plusieurs activités) » et de « coûts de fourniture isolée » n'ont pas de sens économique pour la Régie dans les circonstances d'espèce ; que s'agissant d'une segmentation par la nature des services proposés, autrement dit selon qu'il s'agit de passagers, de marchandises, de véhicules, ou s'agissant d'une segmentation par nature de clientèles, autrement dit selon qu'il s'agit d'islais ou de continentaux, d'adultes ou de scolaires, ou toute autre distinction du même genre, la Rapporteure puis le Conseil lui-même y ont renoncé ; qu'enfin, s'agissant de la segmentation par type de moyens utilisés, autrement dit d'une distinction opérée entre le marché de « L'Amporelle » et celui des autres navires, qu'elle conduit, comme l'a suggéré la Cour de cassation dans son arrêt du 17 juin 2008, à ignorer l'existence des ferries ; que la notification des griefs du 10 novembre 2003 se contente à ce sujet d'un énoncé ainsi rédigé, non sans approximations de fait ou de droit et contradictions : « En ce qui concerne les ferries et les vedettes rapides, l'offre est différente, monopole de la régie sur les ferries, concurrence sur les vedettes rapides, le service rendu est différent et les passagers qui voyagent sans véhicule ou avec peu de bagages préfèrent probablement les vedettes rapides ; malgré ces différences, les ferries et les vedettes rapides peuvent être considérées comme suffisamment substituables pour les passagers, pour être sur le même marché ; en effet, les passagers choisissent la plupart du temps un horaire de bateau et non une catégorie de bateau donnée ; ils doivent d'ailleurs obligatoirement utiliser les ferries les jours où les vedettes rapides ne circulent pas ou sont complètes » ; que d'ailleurs, dans le corps du rapport (page 35), le marché est finalement décrit comme « celui du transport de passagers entre l'île d'Yeu et le continent » ; quant au Conseil, bien qu'il renonce expressément à cette approche dans son analyse du marché pertinent (parag. 88), il y recourt finalement (parag. 100 à 103) pour poser en règle que les coûts incrémentaux qu'il cherche à identifier sont tous liés à l'exploitation de « L'Amporelle » ; que le consultant David Z..., interrogé par la société VIIV, procède de même à l'analyse du sort de « L'Amporelle », isolée des autres moyens de la Régie ; qu'autrement dit, il n'est pas exagéré d'énoncer que la segmentation par le type de moyens utilisés n'a pas été la même d'un bout à l'autre de la procédure, ce qui traduit un doute dirimant sur sa viabilité ; qu'il n'est donc que la segmentation géographique (faire un sort à part à la desserte depuis la ville des Sables d'Olonne, nettement plus distante) qui apparaisse plausible et qui d'ailleurs a été retenue par le Conseil ; que cependant, aucun des griefs articulés contre la Régie n'est relatif à ce port ; que de ce qui précède, il se déduit que la cour ne retrouve pas la preuve que la Régie ait bénéficié sur un marché pertinent clairement et rationnellement défini, d'une position qui serait conséquemment dite « dominante », ni qu'elle ait abusé de cette position selon un examen fiable des coûts engagés pour exploiter ce marché ; qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir enfreint les dispositions de l'article L 420-2 du Code de commerce, en ayant pratiqué des prix prédateurs pour le transport de passagers, ou en ayant utilisé une partie des subventions du département pour financer, sur l'Amporelle pendant la période estivale, des prix de vente inférieurs aux coûts totaux et avoir ainsi perturbé durablement le marché ; que dès lors, la cour rejettera le recours engagé par la société VIIV contre la décision du 23 décembre 2004 qui avait, a juste titre et serait-ce pour de tous autres motifs, écarté les griefs notifiés par la Rapporteure à la Régie ;
1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré d'une prétendue spécificité de la délimitation du marché pertinent en présence d'un opérateur de service public, sans inviter au préalable les parties à s'expliquer sur ce point, la cour de renvoi a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE lorsqu'il examine un recours dirigé contre une décision du Conseil de la concurrence, le juge est tenu, conformément à la loi, de délimiter l'étendue du marché à considérer pour apprécier les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence, préalablement à tout examen de la pratique dénoncée susceptible de constituer un abus de position dominante : qu'en décidant qu'aucun marché pertinent ne pouvait être clairement et rationnellement défini en l'espèce, la cour de renvoi qui a refusé d'accomplir son office et méconnu l'étendue de ses pouvoirs a violé l'article L 420-2 du Code de commerce, ensemble l'article 4 du code civil ;
3°) ALORS QUE les règles de concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services y compris celles qui sont le fait de personnes publiques pourvu qu'il existe un marché où se rencontrent une offre et une demande de produits ou de services déterminés ; que la qualité publique ou privée de la personne mise en cause ou du service assuré n'influe donc pas sur la délimitation du marché pertinent ; qu'en considérant qu'il y avait lieu d'adapter les règles de délimitation du marché pertinent, lorsque le concurrent auquel il est reproché d'abuser de sa position dominante accomplit un service économique d'intérêt général, la cour de renvoi a violé l'article L 420-2 du Code de commerce :
4°) ALORS QUE le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les acheteurs comme étant parfaitement substituables entre eux ; que la seule constatation d'offres concurrentes substituables entre elles suffit à établir l'existence d'un marché pertinent fût-il local et ponctuel ; qu'ainsi, le juge de la concurrence doit délimiter le marché pertinent en fonction des seuls critères de substituabilité des produits ou services offerts aux yeux des consommateurs, admis par la doctrine économique ; qu'en concluant à l'inexistence d'un marché pertinent clairement et rationnellement défini, sans rechercher si les offres de transport proposées par la société VIIV pendant la période estivale étaient ou non substituables aux yeux des vacanciers à celles de la Régie, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 420-2 du Code de commerce ;
5°) ALORS QUE la délimitation du marché pertinent est nécessairement préalable et indépendante de l'examen d'une pratique de prédation ; que le marché pertinent est celui où se confrontent l'offre et la demande de produits ou de services considérés par les acheteurs comme étant parfaitement substituables entre eux ; qu'ainsi, le juge de la concurrence doit délimiter le marché pertinent en fonction des seuls critères de substituabilité des produits ou services offerts aux yeux des consommateurs, admis par la doctrine économique, sans tenir compte, à ce stade du raisonnement, de la nature de l'abus reproché à l'entreprise mise en cause ; qu'en décidant au contraire que le marché pertinent devait être délimité de manière à permettre une évaluation plausible des coûts du service supportés par la Régie, quand le juge devait seulement s'assurer que l'offre de transport proposée par la société VIIV pendant la période estivale était effectivement substituable à celle de la Régie aux mêmes dates, la cour de renvoi a violé l'article L 420-2 du Code de commerce ;
6°) ALORS QUE si le Conseil de la concurrence a effectivement retenu qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon les moyens de transports utilisés vedettes rapides et ferries pour définir le marché pertinent et établir la position dominante de la régie sur ce marché, il a, en revanche, considéré, s'agissant, non plus de délimiter le marché, mais d'apprécier l'abus reproché à la régie à savoir la pratique de prix prédateurs pendant la période estivale, qu'il y avait lieu de considérer que les coûts incrémentaux qui ne seraient pas engagés par la Régie si elle n'exerçait pas d'activité sur le marché concurrentiel sont les coûts incrémentaux liés à l'exploitation de « l'Amporelle » pendant la période estivale c'est-à-dire ceux qui ne seraient pas supportés si « l'Amporelle » n'effectuait pas de traversées d'avril à septembre ; qu'ainsi le Conseil de la concurrence n'a jamais retenu qu'il convenait d'opérer une segmentation du marché pertinent selon les moyens de transport utilisés mais seulement que les coûts de l'Amporelle constituaient des coûts incrémentaux permettant à la régie d'échapper à la pratique abusive qui lui était reproché ; qu'en affirmant au contraire que le Conseil de la concurrence s'était contredit en considérant que la segmentation du marché selon les moyens de transports utilisés ne pouvait pas être retenu, avant de retenir finalement une telle segmentation du marché, la cour de renvoi qui a confondu la délimitation préalable du marché pertinent, avec l'examen de la pratique abusive reprochée, a dénaturé la décision déférée en violation de l'article 1134 du code civil ;
7°) ALORS QUE l'arrêt de cassation du 17 juin 2008 a expressément constaté que le marché pertinent avait été défini en l'espèce comme le marché de transport de passagers entre l'île d'Yeu et le continent en période estivale sur lequel la Régie occupe une position dominante et s'est bornée à censurer l'arrêt attaqué qu'en ce qu'il avait retenu, pour dire que les pratiques tarifaires de la Régie n'étaient pas prédatrices, que le coût de la mise en service de l'Amporelle constituait un coût fixe commun à la mission de service public et à l'activité concurrentielle de la régie et que ce coût ne devait donc pas être inclus dans le coût incrémental de l'activité concurrentielle de la Régie ; qu'en affirmant que la segmentation du marché par type de moyens utilisés prétendument retenue par le Conseil de la concurrence opérant une distinction entre le marché de l'Amporelle et celui des autres navires devait être écartée dans la mesure où elle conduisait, ainsi que la Cour de cassation l'a suggéré, à ignorer l'existence des ferries, bien que la Cour de cassation n'ait pas statué sur la délimitation du marché pertinent et se soit bornée à censurer la motivation par laquelle la cour d'appel avait conclu à l'absence d'abus de la Régie, la cour de renvoi qui a méconnu le sens et la portée de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie, a dénaturé celui-ci en violation de l'article 1134 du code civil ;
8°) ALORS QUE le juge est tenu de déterminer si la pratique dénoncée est ou non abusive au sens de l'article L 420-2 du Code de commerce ; qu'en se bornant à affirmer, pour exclure tout abus tarifaire de la Régie départementale, qu'il n'existait pas de test de coûts permettant en l'espèce d'aboutir à un examen fiable des coûts engagés pour exploiter ce marché, la Cour de renvoi qui a refusé d'accomplir son office, a violé de plus fort l'article L 420-2 du Code de commerce, ensemble l'article 4 du code civil ;
9°) ALORS QU'il a été définitivement jugé que le fait que la régie soit chargée d'une mission de service public consistant à transporter les marchandises et les passagers entre le continent et l'île d'Yeu durant la totalité de l'année n'implique pas pour autant que la liaison par vedettes rapides assurée pendant la période estivale et pour laquelle il existe une offre concurrente relève d'une prérogative de puissance publique si bien que les activités concurrentielles que la régie assure d'avril à septembre ne relèvent pas de ce service public ; qu'en retenant pour conclure à l'impossibilité d'appliquer les tests de coûts et spécialement celui permettant notamment de déterminer les coûts incrémentaux que les notions de coûts fixes communs à plusieurs activités et de coûts de fourniture isolée n'avaient pas de sens économique en l'espèce pour la régie départementale dans la mesure où l'activité concurrentielle de la régie n'était pas différente de celle exercée dans le cadre du service public, quand le transport des vacanciers par vedettes rapides ne relève pas du service public mais d'une activité concurrentielle distincte, la cour de renvoi qui a méconnu l'étendue de sa saisine a violé les articles 1351 du code civil et L 420-2 du Code de commerce ;
10°) ALORS QUE viole les dispositions de l'article L 420-2 du Code de commerce l'entreprise qui, disposant d'une position dominante assurant une mission de service public, offre des prestations sur un marché ouvert à la concurrence à un prix inférieur au coût incrémental de ces prestations, c'est-à-dire au coût que l'entreprise ne supporterait pas si elle n'exerçait pas l'activité concurrentielle ; qu'en refusant d'appliquer les critères ou tests de coûts permettant d'établir une pratique de prédation au prétexte que l'entreprise en cause est un service d'intérêt économique général, qu'elle reçoit des aides d'Etat et demeure soumise à des modes de gestion particuliers étrangers au droit privé, quand ces différents tests ont précisément vocation en se combinant à préciser les modalités de calcul à adopter pour déterminer les coûts, lorsque l'entreprise accusée de comportements anticoncurrentiels exerce une mission de service public, la cour de renvoi qui a ajouté à la loi une disposition qu'elle ne comporte pas a violé de plus fort l'article susvisé, ensemble l'article L 410-1 du Code de commerce ;
11°) ALORS QUE viole les dispositions de l'article L 420-2 du Code de commerce l'entreprise qui disposant d'une position dominante assurant une mission de service public offre des prestations sur un marché ouvert à la concurrence à un prix inférieur au coût incrémental de ces prestations, c'est-à-dire au coût que l'entreprise ne supporterait pas si elle n'exerçait pas l'activité concurrentielle ; En considérant ainsi qu'à défaut de pouvoir comparer les coûts supportés par l'entreprise publique avec ceux d'un concurrent soumis au droit privé, les tests de coûts existants destinés à déterminer un éventuel prix prédateurs n'étaient pas applicables quand la détermination d'un coût est une démarche objective ne nécessitant aucune comparaison de cette nature, puisqu'il dépend exclusivement de l'analyse des coûts supportés par l'entreprise mise en cause et des prix de vente pratiqués par celle-ci, la cour de renvoi a violé de plus fort le texte susvisé ;
12°) ALORS QUE la circonstance que la personne en cause soit une personne publique et qu'elle perçoive des subventions destinées à combler un éventuel déficit d'exploitation lié à l'exercice d'un service public n'influe pas sur le résultat des tests de coûts mis en oeuvre pour caractériser une pratique de prédation ; qu'en décidant le contraire, la cour de renvoi a violé les articles L 410-1 et L 420-2 du Code de commerce ;
13°) ALORS QU'en considérant, pour dire que la régie ne bénéficiait d'aucun domaine réservé en hiver, que le règlement portuaire régissant l'accès aux pontons de Port Joinville et ayant conforté le monopole de fait de la régie entre octobre et mars avait été annulé par un jugement du tribunal administratif en 2003 quand les pratiques reprochées à la régie couvraient la période 1998-2000 pendant laquelle l'accès aux pontons en hiver des sociétés de droit privé était interdite, la cour de renvoi qui a méconnu la période couverte par les pratiques dénoncées a violé l'article L 420-2 du Code de commerce ;
14°) ALORS QU'en affirmant que rien n'interdisait aux sociétés concurrentes de la régie départementale de naviguer pendant la période hivernale et que « le service doit être assuré continument y compris en cas de mauvais temps et pour très peu d'usagers », tout en constatant que seule la régie départementale qui était investie d'une mission de service public doit assurer cette continuité de service en toutes circonstances et perçoit, en contrepartie, des subventions d'équilibre à ce titre, la cour de renvoi qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L 420-2 du Code de commerce. Moyens produits par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la Régie départementale des passages d'eau de la Vendée, demanderesse au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence présentée par la Régie au profit de la juridiction administrative ;
AUX MOTIFS QUE « la régie DPEV énonce que la Cour de cassation, si elle a explicitement rejeté le moyen d'incompétence tiré de l'exercice d'une prérogative de puissance publique, a réintroduit dans ses motifs, sinon dans son dispositif, la question de la compétence du juge administratif ; qu'en effet, elle a sanctionné la lecture faite par la cour d'appel de l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 30 juin 2004, et a contraint ainsi, au visa de l'article 1134 du code civil, la cour de renvoi à déterminer si l'Amporelle était indispensable à l'exécution d'une mission de service public ; que sur une telle question, qui est différente de celle des prérogatives de puissance publique de fixation des tarifs et qui est devenue le centre du débat, la compétence administrative s'impose ; que Madame la Ministre chargé de l'Economie relève que dans son précédent arrêt, la cour d'appel a estimé qu'en déterminant ses prix, la Régie n'exerce aucune prérogative de puissance publique et qu'il lui faut réitérer cette juste analyse ; que si la cour de renvoi estimait qu'il faut, comme le soutient la Régie, examiner maintenant les modalités même d'exécution des missions de service public, alors la compétence du juge administratif s'imposera ; qu'en toute hypothèse, une question préjudicielle adressée au Conseil d'Etat paraît inévitable ; mais considérant que selon l'article L. 410-1 du code de commerce, les règles définies au livre IV de ce code, relatif à la liberté des prix et de la concurrence, s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ; que dans la mesure où elles exercent de telles activités, et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en oeuvre des prérogatives de puissance publique, ces personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire (TC, 4 avril 2009, D...) ; considérant que la Cour de cassation, dans l'examen de la troisième branche du premier moyen, censure la cour d'appel pour avoir dénaturé les termes ou la portée d'une décision du Conseil d'Etat le 30 janvier 2004 ; que cette décision du Conseil d'Etat du 30 janvier 2004, utilisée par le Conseil puis lors des premiers débats devant la présente cour, statue exclusivement sur le régime des accostages, stationnements, débarquements et embarquements, et répond à une saisine visant uniquement le « règlement d'utilisation des installations portuaires de Fromentine » ; que le Conseil de la concurrence était quant à lui saisi par lettre du 28 mars 2001, qui soutenait que la Régie a abusé de la position dominante qu'elle occupe sur le marché du transport maritime de passagers en période estivale et qui priait le Conseil d'examiner les tarifs susceptibles de constituer le mode d'abus de la position dominante qu'elle dénonçait ; que l'objet de la saisine du Conseil en son temps et de la cour maintenant, tient donc tout entier dans une pratique anticoncurrentielle ou prétendue telle, définie aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 du code de commerce ou relevant des dispositions prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la communauté européenne ; considérant que s'agissant de l'exercice de prérogative de puissance publique, première nuance introduite par l'arrêt précité du tribunal des conflits, le pourvoi a été expressément rejeté tant dans les motifs de l'arrêt du 17 juin 2008 que par une mention expresse et générale du dispositif ; que dès lors, les énonciations de l'arrêt de la cour d'appel du 28 juin 2005 sur ce point sont définitives et ne peuvent être réexaminées dans la présente décision : « s'agissant des transports en vedette rapide assurés pour la période pendant laquelle existe une offre concurrente, la Régie n'exerce aucune prérogative de puissance publique en déterminant ses prix alors qu'il n'est pas contesté qu'elle a la liberté de les fixer ; le conseil, saisi de pratiques liées à l'exploitation de la vedette rapide de la Régie, en sus de ses ferries, afin de transporter les passagers dépourvus de bagages pendant la période d'avril à septembre, alors qu'il existe des offres concurrentes d'autres compagnies, s'est à bon droit déclaré compétent pour rechercher si cette exploitation ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce » ; autrement dit, si la rédaction du cahier des charges de la Régie, notamment l'énoncé des principes directeurs de la tarification et du subventionnement, est incontestablement une de ces prérogatives, la fixation détaillée et périodique des tarifs chiffrés de passage des personnes, véhicules et marchandises, en considération des décisions de même nature prises par les concurrents de droit privé, relève quant à elle de la seule gestion d'entreprise, qu'elle soit publique ou privée ; que si les acquisitions de navires ont certainement été des décisions d'organisation du service public, seconde limité apportée à la compétence du conseil et de la cour d'appel par la jurisprudence du tribunal des conflits, et n'ont pas fait l'objet d'une analyse expresse de la Cour de cassation dans son arrêt du 17 juin 2008, en revanche force est de constater qu'aucune décision du conseil général de la Vendée relativement à l'acquisition de l'Amporelle n'a donné lieu à une saisine de la juridiction administrative par la société VIIV ; que dès lors, les décisions de ce conseil général sont acquises aux débats de la cour en tant que faits de la cause ; que du tout, il s'évince, conformément au même arrêt de conflit, que la compétence du conseil de la concurrence, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, s'impose, sauf le moment venu et s'il le faut, à poser une question préjudicielle au juge administratif » ;
ALORS QUE le point de savoir si l'acquisition de « l'Amporelle » était réellement nécessaire à l'exécution de la mission de service public impartie à la Régie, ainsi qu'il en avait été décidé en séance publique par l'assemblée délibérante du conseil général de la Vendée, est une question qui relève des juridictions administratives ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir du liquidateur ;
AUX MOTIFS QUE « compétente pour examiner le recours, la cour doit et peut examiner la fin de non recevoir soulevée par la Régie ; que sur ce point, la Régie, après avoir avancé que la société requérante mène à grands frais et aux dépens de son activité commerciale, un combat judiciaire de pur principe, expose que la cour de renvoi devrait déclarer le liquidateur judiciaire irrecevable, car il n'a pas qualité pour exercer une action qui n'est pas relative à un droit patrimonial de la société VIIV (cf Cons. Conc, 99- d-25, 00- d-91 ou 04- d-26) ; que le liquidateur de la société VIIV se réfère à l'arrêt de cassation et renvoi, qui donne acte à ce liquidateur d'un droit d'occuper à la procédure ; mais considérant en tout état de cause, que la classification des actions dans la catégorie patrimoniale ou dans la catégorie extrapatrimoniale, prérogatives subsistantes du débiteur liquidé, en l'espèce la société VIIV ; que pour fixer l'étendue des prérogatives du liquidateur judiciaire, il faut distinguer les actions fondées sur un droit exclusivement attaché à la personne du débiteur, dont l'exercice est naturellement réservé à celui-ci, et celles qui ne présentent pas cette caractéristique et qui sont ouvertes au liquidateur, même si leurs effets patrimoniaux ne sont qu'indirects ou éventuels ; que la poursuite d'une action devant l'autorité de la concurrence ou devant la cour d'appel de Paris, sur recours, n'est pas exclusivement attachée à la personne, notamment en ce qu'elle ne relève pas des articles 1 à 515 du code civil, ni explicitement ni implicitement, non plus que du code de procédure pénale ; que la fin de non recevoir soulevée par la Régie est donc injustifiée » ;
ALORS QUE le liquidateur n'a vocation à exercer que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine ; qu'il en résulte que Maître Marcel X... n'avait pas qualité pour agir devant la cour de Paris, saisie du recours contre la décision du Conseil de la concurrence, au lieu et place de la société, laquelle n'avait au demeurant pas donné suite à l'action indemnitaire qu'elle avait introduite parallèlement ; qu'en décidant l'inverse, l'arrêt attaqué a violé l'article 422 du code de procédure civile.