LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 09-42.890, G 09-42.892 et H 09-42.891 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Caen, 29 mai 2009) que MM. X..., Y... et Z... ont été engagés par la société Compagnie des fromages aux droits de laquelle vient la Compagnie des fromages et Richesmonts, en qualité d'ouvriers de fabrication ; que le 18 janvier 2001, un accord collectif portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail a été conclu dans l'entreprise et a défini notamment en son article 6, le salaire de base ; que le 26 novembre 2004, un avenant à cet accord en a modifié la composition ; que MM. X..., Y... et Z... ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaires pour non respect du SMIC, pour la période écoulée de juillet 2001 à mai 2006 ;
Attendu que la société la Compagnie des fromages et Richesmonts fait grief aux arrêts de dire que MM. X..., Y... et Z... ont perçu depuis 2001 une rémunération inférieure au SMIC et de faire droit à leurs demandes, alors selon le moyen :
1°/ que doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, outre les versements de nature indemnitaire, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des «compléments de salaire de fait» et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel était le cas de la rémunération des temps de pause prévue par l'accord d'entreprise applicable, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ensemble l'article 6 de l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant n° 5 en date du 26 novembre 2004 ;
2°/ que l'article D. 141-3 devenu D.3231-6 du code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, «compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire» ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les «majorations» qu'il prévoit ne sauraient constituer, elles aussi, la contrepartie d'un travail effectif déjà rémunéré à ce titre, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la prise en compte des pauses rémunérées sous le seul prétexte qu'elles rémunéraient un temps qui n'est pas un temps de travail, les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
3°/ qu'un accord collectif ne saurait influer sur les règles d'ordre public qui régissent le SMIC ; qu'en se fondant, pour dire que le salaire horaire à prendre en compte pour le respect du SMIC était le salaire correspondant à du temps de travail effectif à l'exclusion de la rémunération forfaitaire du temps de pause prévue par l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant en date du 26 novembre 2004, sur le fait que cette rémunération ne remplissait pas les «objectifs annoncés par l'accord », cependant qu'elle devait seulement rechercher si cet élément de rémunération remplissait les conditions légales pour être intégré dans l'assiette du SMIC, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé par refus d'application l'article D. 141-3 devenu D. 3231-6 du code du travail ;
4°/ que l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail prévoyait expressément que la mise en place, en sus du «salaire de base pour taux horaire», des deux compléments constitués par la prime de pause et le complément différentiel RTT, avait pour objet de «maintenir le salaire de base actuel sans augmenter le taux horaire» ; qu'il en résulte que la prime de pause, mise en place au moment du passage de l'entreprise aux 35 heures avait pour objet, au même titre que le «complément différentiel RTT», de permettre le maintien global du niveau de rémunération des salariés à la suite du passage aux 35 heures, ce dont il résultait que cette prime avait nécessairement, eu égard à sa fonction, la nature d'un «complément de salaire» au sens de l'article D. 141-3 devenu D. 3231-6 du code du travail ; qu'en jugeant du contraire la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte précité, ensemble l'article 6 de l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant n° 5 en date du 26 novembre 2004 ;
Mais attendu que dès lors qu'il n'est pas contesté que pendant les pauses, les salariés n'étaient pas à la disposition de l'employeur de sorte que celles-ci ne constituaient pas du temps de travail effectif, les primes les rémunérant, qui ne sont pas la contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société La Compagnie des fromages aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société La compagnie des fromages à payer à MM. X..., Y... et Z... la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit aux pourvois n°s F 09-42.890 à H 09-42.891 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société La Compagnie des fromages
Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que MM. X..., Z... et Y... avaient perçu depuis 2001 une rémunération inférieure au SMIC ; condamné en conséquence la société CFR à leur payer diverses sommes à titre de rappel de salaires et congés payés y afférents entre juillet 2001 et mai 2006 ainsi qu'à titre de dommages et intérêts pour non respect du SMIC ; ordonné sous astreinte à l'employeur de recalculer les primes et majorations dues depuis juillet 2001 ainsi que les salaires dus depuis mai 2006, et d'établir un bulletin de paie rectificatif par année concernée ; condamné la société CFR à payer au syndicat CGT LA COMPAGNIE DES FROMAGES la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « l'accord de 2001 stipule « Pour maintenir le salaire de base actuel sans augmenter le taux horaire, le salaire de base sera éclaté de la manière suivante : -salaire de base pour taux horaire, prime de pause équivalente à 2O mn jour, complément différentiel RTT le tout indexé. Il est convenu que le complément différentiel RTT sera progressivement réintroduit dans le salaire de base pour taux horaire, lors des négociations sur la politique salariale. » (article 6) ; que l'avenant signé le 26/11/O6 est ainsi rédigé : « En application de l'article 6 de l'accord (...) du 18/1/O1 (...), il a été décidé d'intégrer le montant de l'ICRTT (complément salaire RTT) dans le salaire de base et la prime pause. A compter du 1/1/O5, le salaire mensuel de base sera composé de 2 éléments indexés : - le salaire de bvase déterminant le taux horaire auquel sera ajouté 95,6 % du montant de l'ICRTT, - la prime de pause à laquelle sera ajouté 4,4 % du montant de l'ICRTT. Cette nouvelle structure de rémunération aura pour conséquence l'augmentation des taux horaires servant au calcul des différentes primes et majorations en vigueur. » ; La SAS LA COMPAGNIE DES FROMAGES soutient que la prime de pause fait partie du salaire à comparer avec le SMIC, d'une part parce qu'il s'agit d'un complément différentiel de salaire ; d'autre part parce que les parties à l'accord l'ont inclus dans le salaire de base ; que l'accord de 2001 poursuivait, selon ses propres termes, deux objectifs : le maintien de la rémunération malgré une diminution du temps de travail et le maintien du taux horaire alors en vigueur ; que toutes les primes et majorations ont été calculées, du moins jusqu'en décembre 2005, sur la base d'un taux horaire correspondant à la division du « salaire de base pour taux horaire » par le nombre d'heures travaillées soit jusqu'en janvier 2005, sur la base du taux horaire de 2001 indexé ; que la première composante du « salaire de base » dit « salaire de base pour taux horaire » remplissait donc l'objectif consistant à ne pas augmenter le taux horaire ; que le complément différentiel RTT avait pour but de maintenir la rémunération des salariés malgré la diminution du temps de travail et avait vocation à terme à s'intégrer « au salaire de base pour taux horaire » ; qu'il est à noter que contrairement aux termes de l'accord de 2001, ce complément ne s'est pas intégré au 1/1/O5 en totalité à ce « salaire de base pour taux horaire » mais seulement à hauteur de 95,6 % n'abondant donc ainsi que partiellement le taux horaire servant de base au calcul des primes et majorations ; que la prime de pause ne remplit aucun des deux objectifs annoncés par l'accord ; qu'il est constant qu'avant 2001 le temps de pause était inclus dans le temps de travail effectif et payé comme tel ; qu'un salarié payé pour 39 H hebdomadaires travaillait donc en fait 37,35 H (soit 39 H – 2O mn de pause journalière) ; qu'en application de l'accord de janvier 2001, le temps de pause a été extrait du temps de travail effectif et payé séparément par le biais d'une prime dite « de pause » ; qu'ainsi le temps de travail est-il passé de 37,35H effectives à 35H effectives alors que le passage aux 35 H aurait abouti à un travail effectif de 33,35 H (soit 35H-2O mn journalières de pause) si le temps de pause était resté inclus dans le temps de travail effectif ; que l'instauration de la « prime de pause » a donc eu pour effet d'atténuer pour l'employeur l'effet du passage aux 35 H ; que la diminution du temps de travail effectif s'est ainsi limitée à 2,35 H au lieu de 4 H ; qu'il ne s'agit donc nullement comme prétendu par la SAS LA COMPAGNIE DES FROMAGES d'un second complément différentiel s'ajoutant au premier et tendant au maintien de la rémunération ; que la SAS COMPAGNIE DES FROMAGES ne saurait donc valablement soutenir que cette prime de pause devrait, en sa qualité de complément différentiel, être intégrée au salaire devant être comparé au SMIC ; qu'il est constant que les parties à l'accord de 2001 ont intégré la « prime de pause » dans ce qu'elles ont qualifié de « salaire de base » et qui sert notamment à l'établissement de grilles salariales ; que cette prime n'a pas pour autant nécessairement le caractère d'un « complément de salaire » au sens de l'article D141-3 (recodifié D3231-6) du Code du Travail, notion dont les parties n'ont pas la libre disposition ; que les primes qui ne constituent pas une contrepartie du travail et dont la détermination dépend de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas sont exclues du salaire devant être comparé au SMIC ; que l'article L22O-2 (recodifié L3121-33) du Code du Travail instaure une pause obligatoire de 2O mn pour six heures de travail quotidien ; que ce temps de repos obligatoire est destiné à préserver la santé et la sécurité du salarié ; que si l'employeur choisit de rémunérer cette pause notamment par le biais d'une prime, il rémunère un temps qui n'est pas un temps de travail, un temps imposé et déterminé par une disposition légale, sur lequel le salarié n'influe pas ; qu'une telle prime de pause ne remplit donc pas les conditions nécessaires pour pouvoir être qualifiée de « complément de salaire » au sens de l'article précité et doit être exclue du salaire de comparaison avec le SMIC ; que la société CFR venant aux droits de la SAS La Compagnie des Fromages ne conteste pas qu'une fois cette prime exclue, le salaire versé à M. Z... s'est avéré inférieur au SMIC et ne conteste pas non plus le montant des rappels de salaire réclamé à ce titre par le salarié ; qu'il sera donc fait droit à sa demande de ce chef ; que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal à compter du 20/10/2006, date de réception par la SAS LA COMPAGNIE DES FROMAGES de sa convocation devant le bureau de conciliation ; que la société CFR devra en outre recalculer sur la même période les diverses primes et majorations versées en tenant compte des rappels de salaire alloués ; qu'elle devra enfin calculer les rappels de salaire, de majorations et de primes dus en application de la présente décision à compter de mai 2006 et établir un bulletin de salaire rectificatif par année faisant état des rappels de salaire alloués ; qu'afin d'assurer l'exécution effective et diligente de ces obligations, une astreinte provisoire pendant quatre mois de 50 € par jour de retard sera prononcée passé un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que la cour se réservera la liquidation de cette astreinte ; que de juillet 2001 à mai 2006, M. Z... a subi un préjudice mensuel moyen d'environ 35 € -hors majorations et primes éventuellement sous-évaluées à raison de l'application d'un taux horaire inférieur au SMIC- ; que le préjudice ainsi subi justifie l'octroi de 1.000 € de dommages et intérêts ; que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision ; que la SAS COMPAGNIE DES FROMAGES n'a pas méconnu l'accord collectif signé en 2001 ; que le syndicat CGT de la COMPAGNIE DES FROMAGES ne saurait valablement réclamer des dommages-intérêts à ce titre ; qu'en revanche, la SAS COMPAGNIE DES FROMAGES en rémunérant M. Z... en-dessous du SMIC a porté atteinte indirectement à l'ensemble de la profession que représente le syndicat CGT de la COMPAGNIE DES FROMAGES en méconnaissant cette garantie salariale ; que le syndicat CGT de la COMPAGNIE DES FROMAGES est donc bien fondé à obtenir des dommages-intérêts qui seront fixés à 500 € ; que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision » ;
ALORS, DE PREMIÈRE PART QUE doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, outre les versements de nature indemnitaire, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des « compléments de salaire de fait » et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel était le cas de la rémunération des temps de pause prévue par l'accord d'entreprise applicable, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du Code du travail ensemble l'article 6 de l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant n° 5 en date du 26 nove mbre 2004 ;
QU'IL EN VA D'AUTANT PLUS AINSI QUE l'article D.141-3 devenu D. 3231-6 du Code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, « compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire » ; que sauf à vider ce texte de sa substance, les « majorations » qu'il prévoit ne sauraient constituer, elles aussi, la contrepartie d'un travail effectif déjà rémunéré à ce titre, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la prise en compte des pauses rémunérées sous le seul prétexte qu'elles rémunéraient un temps qui n'est pas un temps de travail, les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;
ALORS, DE TROISIÈME PART QU'un accord collectif ne saurait influer sur les règles d'ordre public qui régissent le SMIC ; qu'en se fondant, pour dire que le salaire horaire à prendre en compte pour le respect du SMIC était le salaire correspondant à du temps de travail effectif à l'exclusion de la rémunération forfaitaire du temps de pause prévue par l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant en date du 26 novembre 2004, sur le fait que cette rémunération ne remplissait pas les « objectifs annoncés par l'accord », cependant qu'elle devait seulement rechercher si cet élément de rémunération remplissait les conditions légales pour être intégré dans l'assiette du SMIC, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a violé par refus d'application l'article D. 141-3 devenu D. 3231-6 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail prévoyait expressément que la mise en place, en sus du « salaire de base pour taux horaire », des deux compléments constitués par la prime de pause et le complément différentiel RTT, avait pour objet de « maintenir le salaire de base actuel sans augmenter le taux horaire » ; qu'il en résulte que la prime de pause, mise en place au moment du passage de l'entreprise aux 35 heures avait pour objet, au même titre que le « complément différentiel RTT », de permettre le maintien global du niveau de rémunération des salariés à la suite du passage aux 35 heures, ce dont il résultait que cette prime avait nécessairement, eu égard à sa fonction, la nature d'un « complément de salaire » au sens de l'article D.141-3 devenu D. 3231-6 du Code du travail ; qu'en jugeant du contraire la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations au regard du texte précité, ensemble l'article 6 de l'accord d'entreprise en date du 18 janvier 2001 et son avenant n° 5 en date du 26 novembre 2004.