LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la communication faite au procureur général ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° W 09-42. 835 et Y 09-42. 937 ;
Sur les deux moyens réunis, communs aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 25 juin 2009), que l'établissement public Economat de l'armée, devenu depuis Economat des armées (l'Economat), dont l'activité s'exerçait principalement en Allemagne, s'est réorganisé à la suite de la réunification allemande et du retrait des Forces françaises de ce pays, en réduisant le nombre de ses succursales et les effectifs du personnel civil employé par contrat de droit privé ; que le dernier plan social mis en place concernait les salariés de sept succursales, dont MM.
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et
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, licenciés pour motif économique respectivement le 8 janvier 2000 et le 8 septembre 1999 ;
Attendu que l'Economat fait grief aux arrêts de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le premier moyen :
1° / que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif autonome de licenciement ; qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui fait mention d'une réorganisation de l'entreprise et de son incidence sur le contrat de travail ou l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était indiqué, dans la lettre de licenciement adressée à chaque salarié, que le licenciement était justifié par les « causes économiques (…) suivantes : suppression d'emploi, liée à la restructuration de l'établissement » ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée, au motif inopérant qu'elle se limiterait à mentionner l'existence de difficultés économiques sans nullement les expliciter, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1, alinéa 1er devenus les articles L. 1233-42 et L. 1233-1 du code du travail ;
2° / qu'en affirmant encore que la lettre de licenciement adressée à chaque salarié n'énonce pas la conséquence précise du motif économique sur l'emploi du salarié, pour en conclure que cette lettre est insuffisamment motivée, la cour d'appel a dénaturé par omission les lettres de licenciement qui lui étaient soumises, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
et alors, selon le second moyen,
1° / que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en faisant application de l'article L. 321-1, alinéa 3 (devenu l'article L. 1233-4) du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, cependant que les licenciements des salariés avaient été prononcés en 1999 ou 2000, la cour d'appel a violé le principe de non-rétroactivité des lois nouvelles posé par l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2° / que selon l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur doit tenter de reclasser le salarié menacé de licenciement pour motif économique sur un « emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi de catégorie inférieure » ; que l'employeur doit donc proposer au salarié menacé de licenciement tous les emplois qui répondent à cette définition ; qu'en l'espèce, l'économat des armées faisait valoir qu'il avait été programmé, depuis plusieurs années, de fermer ses derniers établissements situés en Allemagne en 1999 et qu'au dernier moment, en mars 1999, le ministre de la Défense avait décidé de maintenir trois établissements en activité en Allemagne afin d'assurer l'approvisionnement de la brigade franco-allemande, ce qui avait permis de libérer une cinquantaine d'emplois de reclassement ; que l'économat des armées expliquait que dans la mesure où tous les salariés menacés de licenciement étaient, compte tenu de leur qualification, éligibles à l'ensemble de ces postes, elle leur avait remis, contre émargement, un dossier d'appel à candidature pour occuper un emploi dans les trois succursales maintenues ; qu'en produisant cet appel à candidature, qui comportait le descriptif très précis de chaque poste et détaillait les modalités de candidature et de sélection des candidats, l'économat des armées offrait de prouver que la remise de cet appel à candidature constituait une offre précise, concrète et personnalisée de reclassement et qu'il avait ainsi exécuté loyalement son obligation de reclassement ; qu'en affirmant que la remise de cet avis d'appel à candidature ne constituait pas une proposition individualisée, précise et circonstanciée de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
3° / qu'en s'abstenant de rechercher si tous les emplois listés dans le dossier d'appel à candidature remis à chaque salarié ne correspondaient pas à la qualification professionnelle de chaque salarié concerné et si ces derniers n'avaient pas été précisément informés des modalités à suivre pour présenter leur candidature sur les postes de leur choix et des critères d'ordre pour la répartition des postes de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
4° / que l'employeur peut impartir au salarié un délai pour se prononcer sur l'offre de reclassement qu'il lui soumet, à condition que ce délai soit d'une durée raisonnable et qu'il attende l'expiration de ce délai avant de prononcer le licenciement ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que « le refus des salariés de se porter volontaires en temps utile leur interdis (ait) par la suite d'invoquer un quelconque manquement de l'employeur », la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
5° / que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, qu'il n'existait aucune permutabilité effective du personnel de l'économat des armées et des deux autres Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense ; que, par ailleurs, il était constant que l'économat des armees et ces deux autres Epic avaient des activités très éloignées les unes des autres et une organisation propre ; que, néanmoins, la cour d'appel a considéré que le périmètre des recherches de reclassement de l'économat des armées s'étendait aux deux autres Epic placés sous l'autorité du ministère de la Défense, aux motifs adoptés que le principe de spécialité des établissements publics ne constitue pas en soi un obstacle à la permutabilité de leur personnel et que le ministère de la Défense exerce une tutelle sur ces trois Epic ; qu'en se fondant sur de telles considérations parfaitement inopérantes à établir une permutabilité du personnel des trois Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article 1233-4 du code du travail ;
6° / que l'économat des armées faisait valoir que le « groupe » à l'intérieur duquel des possibilités de reclassement doivent être recherchées est un ensemble d'entreprises unies par des liens de dépendance ou d'influence et comprend nécessairement l'entreprise dominante de cet ensemble ; qu'il en déduisait que le périmètre des recherches de reclassement ne pouvait être étendu aux autres Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans inclure également ce ministère, et qu'il était impossible d'étendre le périmètre de reclassement d'une entreprise à une administration centrale de l'Etat français, eu égard aux règles d'entrée dans la fonction publique ; qu'en exposant que l'économat des armées aurait dû étendre ses recherches de reclassement aux deux autres Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans juger nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le ministère de la Défense pouvait faire partie de ce groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
7° / que les possibilités de reclassement doivent être appréciées à la date où le licenciement est envisagé ; que l'économat des armées faisait également valoir, sans être contredit, qu'à l'époque des licenciements, l'Igesa, l'un des trois Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense, n'avait pas encore le statut d'Epic, mais celui d'association soumise à la Loi de 1901 ; qu'en affirmant néanmoins que les possibilités de reclassement devaient être recherchées dans les trois Epic placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu qu'abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le premier moyen, la cour d'appel a constaté que l'Economat avait communiqué à tous les salariés concernés par le projet de licenciement une même documentation regroupant l'ensemble des emplois existants et disponibles dans les trois dernières succursales qui devaient être maintenues en Allemagne ; qu'elle a pu en déduire, sans faire une application rétroactive de la loi, que l'employeur avait ainsi manqué à son obligation de soumettre à chaque salarié une offre personnalisée de reclassement, adaptée à ses compétences et capacités ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l'Epic, Economat des armées aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits aux pourvois W 09-42. 835 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour l'entreprise Epic économat des armées ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur la motivation de la lettre de licenciement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur
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et d'AVOIR condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que pour avoir une cause économique, le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L. 1233-3 du Code du Travail être prononcé pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 8 septembre 1999 est ainsi rédigée : « Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique ; cette mesure se place dans le cadre d'un licenciement collectif dont les causes économiques, qui vous ont été exposées au Comité d'Etablissement lors des réunions des O7. O5. 1998 et 28. O5. 1998 sont les suivantes : suppression de l'emploi, liée à la restructuration de l'établissement. Le point de départ de votre préavis d'une durée de 2 mois est fixé au O5. 11. 1999 et votre radiation des contrôles de CEA / FFSA interviendra le O5. O1. 2000. Nous vous rappelons que la loi vous donne la possibilité d'adhérer à une convention de conversion. Nous vous adressons ci-joint une demande d'adhésion à une telle convention. A la réception de cette proposition vous disposerez d'un délai de 21 jours pour y adhérer. Il sera mis fin à votre contrat de travail au lendemain de votre adhésion à la convention de conversion (...) » ; qu'au vu de cette rédaction, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la lettre de licenciement adressée au salarié est insuffisamment motivée dans la mesure où, d'une part, elle se limite à mentionner l'existence de difficultés économiques sans nullement les expliciter et, surtout, en ce qu'elle n'énonce pas la conséquence précise du motif économique qu'elle invoque sur l'emploi du salarié ; que ni la motivation commune utilisée par l'ECONOMAT DES ARMEES pour tous ses salariés licenciés, ni le renvoi aux réunions du Comité d'Etablissement de mai 1998 au cours desquelles le motif économique de la restructuration des FFSA a été développé, ne sauraient pallier ces insuffisances » ;
1. ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif autonome de licenciement ; qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui fait mention d'une réorganisation de l'entreprise et de son incidence sur le contrat de travail ou l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était indiqué, dans la lettre de licenciement de Monsieur
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, que le licenciement était justifié par les « causes économiques (…) suivantes : suppression d'emploi, liée à la restructuration de l'établissement » ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée, au motif inopérant qu'elle se limite à mentionner l'existence de difficultés économiques sans nullement les expliciter, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1, alinéa 1er, devenus les articles L. 1233-42 et L. 1233-1 du Code du travail ;
2. ALORS QU'en affirmant encore que la lettre de licenciement de Monsieur
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n'énonce pas la conséquence précise du motif économique sur l'emploi du salarié, la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre de licenciement, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(sur l'obligation de reclassement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'ils a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur
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et d'AVOIR condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « par ailleurs, l'article L. 1233-4 du Code du Travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites, précises et individualisées ; que dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non par le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées pour chaque salarié pris individuellement tant dans l'entreprise elle-même que dans l'ensemble des entreprises du groupe par exemple dans le cas d'une mobilité interentreprises ou, en l'absence de celle-ci, dans les entreprises dont la complémentarité ou la similarité des activités permet la permutabilité ; qu'en l'espèce, l'ECONOMAT DES ARMEES rappelle le contexte des licenciements et soutient que, grâce aux moyens développés par les plans sociaux en matière de reclassement externe, il a obtenu des succès considérables pour nombre de salariés de l'entreprise ; qu'il souligne par ailleurs que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le périmètre de recherche des offres de reclassement ne pouvait s'étendre aux deux autres EPIC dépendant de la tutelle du Ministère de la Défense, soit l'Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA) et l'Institut de Gestion Sociale des Armées (IGESA), dont les objets statutaires, les activités et les organisations sont très éloignées et qui n'entretiennent aucune relation avec lui ; qu'il ajoute, invoquant une étude du professeur Z... qu'il verse aux débats, que ces établissements sont régis par le principe de spécialité des personnes publiques et que l'argument tiré de la tutelle exercée par le Ministère de la Défense sur ces entités méconnaît les contraintes du droit administratif et ses relations avec le droit social ; que l'Economat des Armées fait au surplus valoir que la jurisprudence n'a jamais inclus dans un groupe de reclassement que des personnes morales de droit privé et non des établissements publics et qu'aucun groupe de reclassement ne peut se limiter à des EPIC indépendants les uns des autres et être dépourvu de toute entité dominante ; que s'agissant de l'obligation de reclassement interne, l'ECONOMAT DES ARMEES rappelle que celle-ci n'est qu'une obligation de moyen qui correspond à une obligation de rechercher des postes de travail vacants et de les proposer, lorsqu'ils existent, en reclassement aux salariés qui font l'objet, ou qui sont susceptibles de faire l'objet, d'une suppression d'emploi ; qu'il rappelle que les dix années de plans sociaux mis en oeuvre par le Comptoir de l'Economat ont précisément eu ce but, en particulier en prévoyant que tous les salariés pourraient, selon leur catégorie professionnelle et selon les critères de l'article 22 du règlement des personnels, postuler sur les postes libérés et en assurant la publicité systématique de ces postes au sein du comité d'établissement du comité de suivi de plans sociaux ; qu'il ajoute que le mécanisme des départs volontaires a été favorisé au maximum pour permettre le reclassement d'un maximum de salariés, ainsi qu'il résulte notamment des différents procès-verbaux du comité d'entreprise et des notes de l'époque traitant des nombreux reclassements consécutifs aux départs volontaires ; que l'ECONOMAT DES ARMEES soutient enfin que les salariés qui ont été licenciés à partir du mois de mars 1999 l'on été après avoir refusé ou après ne pas s'être portés volontaires sur les offres de reclassement objets des emplois maintenus sur les trois succursales restantes du Comptoir ; qu'il souligne que, en première instance, il ne disposait pas des listes d'émargement signées des salariés prouvant la remise à ces derniers d'offres de reclassement dans les emplois maintenus, mais qu'il les produit en cause d'appel ; que Francis
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, pour sa part, réplique qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite tant au sein de l'établissement que des autres établissements de l'Economat ; qu'il fait valoir que le comptoir d'Allemagne était composé de plusieurs établissements et conservait les structures de Mulheim, Donaueschingen et Immendigen qui n'ont pas été dissoutes, outre d'autres implantations basées à l'étranger et offrant les mêmes services aux militaires français basés à l'étranger ou dans les DOM-TOM ; qu'il soutient qu'il appartenait à l'ECONOMAT, agissant comme employeur de droit privé, de rechercher toutes les possibilités de reclassement en interne ou en externe, ce qu'il ne justifie pas avoir réellement fait, le caractère public de l'ECONOMAT ne pouvant, selon lui, faire obstacle à des dispositions applicables de plein droit ; qu'il ajoute qu'aucune recherche n'a en particulier été faite auprès de l'ONERA alors même que les salariés reclassés dans cet EPIC ne sont pas forcément titularisés, certains étant des salariés sous contrat de droit privé ; que de ce qui précède, il résulte que, si l'ECONOMAT DES ARMEES a procédé à une restructuration d'envergure s'échelonnant sur plusieurs années en raison du retrait des forces françaises en Allemagne, dans le contexte politique de réunification de ce pays, et a pu, par ses plans sociaux, reclasser ou favoriser le départ volontaire d'une majorité de salariés avec lesquels il était engagé en vertu de contrats de travail de droit privé, plusieurs d'entre eux ne l'ont pas été ; qu'à leur égard, il ne peut être valablement soutenu que l'obligation légale de reclassement de l'employeur a été remplie par la proposition, contre un simple émargement, de listes générales de postes, le refus des salariés de se porter volontaires en temps utile leur interdisant par la suite d'invoquer un quelconque manquement de l'employeur, alors que ce dernier ne produit aux débats aucune proposition individualisée, précise et circonstanciée soit de reclassement soit même de formation dans l'un des établissements subsistant en Allemagne ou dans l'un des EPIC placés sous la tutelle du Ministère de la Défense ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin de rechercher si la notion de groupe devait ou non s'étendre au-delà des trois EPIC concernés, l'ECONOMAT DES ARMEES n'a manifestement pas rempli son obligation de reclassement, ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges dont la décision doit être confirmée sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « s'agissant des possibilités de reclassement des personnels régis par le Code du Travail, entre EPIC soumis à la même tutelle, le principe de spécialité ne fait pas obstacle, en soi, à la permutabilité ; que certes, celle-ci n'apparaît pas effective concernant l'Economat en ce qu'aucune organisation, à cet effet, n'a jamais été mise en place ou en pratique, à l'occasion de son fonctionnement ; mais que pour autant, la tutelle exercée sur l'EPIC par un même ministère, est, de fait, de nature à favoriser, ou en tout cas à permettre, les mouvements de personnels, et par conséquent des reclassements, dans d'autres EPIC, dirigés par le même donneur d'ordre, dont les activités ou l'organisation offrent la possibilité d'exercer des fonctions comparables ; que c'est en vain et sans l'argumenter que l'Economat soutient qu'une telle extension du périmètre de reclassement conduirait à rendre impossible toute restructuration des entreprises ayant le statut d'EPIC ; que force est de constater qu'aucune recherche ainsi élargie, n'a été envisagée par l'Economat concernant M.
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qui occupait les fonctions de cadre administratif ; que par conséquent, en raison de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que l'obligation de reclassement a été remplie, de manière suffisante, par l'Economat de l'Armée ; que dans ces conditions, le licenciement litigieux ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse » ;
1. ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en faisant application de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail dans sa rédaction issue de la Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, cependant que le licenciement du salarié avait été prononcé en 1999, la cour d'appel a violé le principe de non-rétroactivité des lois nouvelles posé par l'article 2 du Code civil, ensemble l'article L. 321-1, alinéa 3 devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE selon l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail, l'employeur doit tenter de reclasser le salarié menacé de licenciement pour motif économique sur un « emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi de catégorie inférieure » ; que l'employeur doit donc proposer au salarié menacé de licenciement tous les emplois qui répondent à cette définition ; qu'en l'espèce, l'ECONOMAT DES ARMEES faisait valoir qu'il avait été programmé, depuis plusieurs années, de fermer ses derniers établissements situés en Allemagne en 1999 et qu'au dernier moment, en mars 1999, le ministre de la Défense avait finalement décidé de maintenir trois établissements en activité en Allemagne afin d'assurer l'approvisionnement de la brigade franco-allemande, ce qui avait permis de libérer une cinquantaine d'emplois de reclassement ; que l'ECONOMAT DES ARMEES expliquait que dans la mesure où tous les salariés menacés de licenciement étaient, compte tenu de leur qualification, éligibles à l'ensemble de ces postes, elle leur avait remis, contre émargement, un dossier d'appel à candidature pour occuper l'un des emplois disponibles dans les trois succursales maintenues en Allemagne et à son siège, à PANTIN ; qu'en produisant cet appel à candidature, qui comportait le descriptif très précis de chaque poste et détaillait les modalités de candidature et de sélection des candidats, l'ECONOMAT DES ARMEES offrait de prouver que la remise de cet appel à candidature constituait une offre précise, concrète et personnalisée de reclassement et qu'il avait ainsi exécuté loyalement son obligation de reclassement ; qu'en affirmant que la remise de cet avis d'appel à candidature ne constituait pas une proposition individualisée, précise et circonstanciée de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
3. ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en s'abstenant de rechercher si tous les emplois listés dans le dossier d'appel à candidature remis à chaque salarié ne correspondaient pas à la qualification professionnelle de chaque salarié concerné et si ces derniers n'avaient pas été précisément informés des modalités à suivre pour présenter leur candidature sur les postes offerts et des critères d'ordre pour la répartition des postes de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
4. ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur peut impartir au salarié un délai pour se prononcer sur l'offre de reclassement qu'il lui soumet, à condition que ce délai soit d'une durée raisonnable et qu'il attende l'expiration de ce délai avant de prononcer le licenciement ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que « le refus des salariés de se porter volontaires en temps utile leur interdis (ait) par la suite d'invoquer un quelconque manquement de l'employeur », la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
5. ALORS, PAR AILLEURS, QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, qu'il n'existait aucune permutabilité effective du personnel de l'ECONOMAT DES ARMEES et des deux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense ; que, par ailleurs, il était constant que l'ECONOMAT DES ARMEES et ces deux autres EPIC avaient des activités très éloignées les unes des autres et une organisation propre ; que, néanmoins, la cour d'appel a considéré que le périmètre des recherches de reclassement de l'ECONOMAT DES ARMEES s'étendait aux deux autres EPIC placés sous l'autorité du ministère de la Défense, aux motifs adoptés que le principe de spécialité des établissements publics ne constitue pas en soi un obstacle à la permutabilité de leur personnel et que le ministère de la Défense exerce une tutelle sur ces trois EPIC ; qu'en se fondant sur de telles considérations parfaitement inopérantes à établir une permutabilité du personnel des trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article 1233-4 du Code du travail ;
6. ALORS, AU SURPLUS, QUE l'ECONOMAT DES ARMEES faisait valoir que le « groupe » à l'intérieur duquel des possibilités de reclassement doivent être recherchées est un ensemble d'entreprises unies par des liens de dépendance ou d'influence et comprend nécessairement l'entreprise dominante de cet ensemble ; qu'il en déduisait que le périmètre des recherches de reclassement ne pouvait être étendu aux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans inclure également ce ministère, et qu'il était impossible d'étendre le périmètre de reclassement d'une entreprise à une administration centrale de l'Etat français, eu égard aux règles d'entrée dans la fonction publique ; qu'en exposant que l'ECONOMAT DES ARMEES aurait dû étendre ses recherches de reclassement aux deux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans juger nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le ministère de la Défense pouvait faire partie de ce groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
7. ALORS, ENFIN, QUE les possibilités de reclassement doivent être appréciées à la date où le licenciement est envisagé ; que l'ECONOMAT DES ARMEES faisait également valoir, sans être contredit, qu'à l'époque des licenciements, l'IGESA, l'un des trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, n'avait pas encore le statut d'EPIC, mais celui d'association soumise à la Loi de 1901 ; qu'en affirmant néanmoins que les possibilités de reclassement devaient être recherchées dans les trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail.
Moyens produits aux pourvois Y 09-42. 837 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour l'entreprise Epic économat des armées ;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
(sur la motivation de la lettre de licenciement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur
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et en ce qu'il a condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; que pour avoir une cause économique, le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L. 1233-3 du Code du Travail être prononcé pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement du 8 septembre 1999 est ainsi rédigée : « Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique ; cette mesure se place dans le cadre d'un licenciement collectif dont les causes économiques, qui ont été exposées au Comité d'Etablissement lors des réunions des 07. 05. 1998 et 28. 05. 1998 sont les suivantes :- suppression de l'emploi, liée à la restructuration de l'établissement. Le point de départ de votre préavis d'une durée de 2 mois est fixé au 20. 10. 1999 et votre radiation des contrôles du CEA / FFSA interviendra le 20. 12. 1999. Nous vous rappelons que la loi vous donne la possibilité d'adhérer à une convention de conversion. Nous vous adressons ci-joint une demande d'adhésion à une telle convention. A la réception de cette proposition, vous disposerez d'un délai de 21 jours pour y adhérer. Il sera mis fin à votre contrat de travail au lendemain de votre adhésion à la convention de conversion. (...) Durant l'année qui suivra la fin du préavis, vous bénéficierez d'une priorité de réembauchage dans l'entreprise, à condition de nous avoir informés, dans les quatre mois suivant la fin de préavis, de votre désir de faire valoir cette priorité. Celle-ci concerne les postes compatibles avec votre qualification et également, ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après le licenciement (sous réserve cependant que vous me la fassiez connaître) (...). » ; qu'au vu de cette rédaction et, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la lettre de licenciement adressée au salarié est insuffisamment motivée dans la mesure où, d'une part, elle se limite à mentionner l'existence de difficultés économiques sans nullement les expliciter et, surtout, en ce qu'elle n'énonce pas la conséquence précise du motif économique qu'elle invoque sur l'emploi du salarié ; que ni la motivation commune utilisée par l'ECONOMAT DES ARMEES pour tous ses salariés licenciés, ni le renvoi aux réunions du Comité d'Etablissement de mai 1998 au cours desquelles le motif économique de la restructuration des FFSA a été développé, ne sauraient pallier ces insuffisances » ;
1. ALORS QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif autonome de licenciement ; qu'est suffisamment motivée la lettre de licenciement qui fait mention d'une réorganisation de l'entreprise et de son incidence sur le contrat de travail ou l'emploi du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il était indiqué, dans la lettre de licenciement de Monsieur
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, que le licenciement était justifié par les « causes économiques (…) suivantes : suppression d'emploi, liée à la restructuration de l'établissement » ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement était insuffisamment motivée, au motif inopérant qu'elle se limite à mentionner l'existence de difficultés économiques sans nullement les expliciter, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-2 et L. 321-1, alinéa 1er, devenus les articles L. 1233-42 et L. 1233-1 du Code du travail ;
2. ALORS QU'en affirmant encore que la lettre de licenciement de Monsieur
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n'énonce pas la conséquence précise du motif économique sur l'emploi du salarié, la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre de licenciement, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(sur l'obligation de reclassement)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur
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et en ce qu'il a condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné l'ECONOMAT DES ARMEES à verser à Monsieur
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une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « par ailleurs, l'article L 1233-4 du Code du Travail dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites, précises et individualisées ; que dans le cadre de cette obligation de reclassement, il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non par le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure fût-ce par voie de modification des contrats de travail, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à l'évolution de leur emploi ; que les possibilités de reclassement doivent être recherchées pour chaque salarié pris individuellement tant dans l'entreprise elle-même que dans l'ensemble des entreprises du groupe par exemple dans le cas d'une mobilité interentreprises ou, en l'absence de celle-ci, dans les entreprises dont la complémentarité ou la similarité des activités permet la permutabilité ; qu'en l'espèce, l'ECONOMAT DES ARMEES rappelle le contexte des licenciements et soutient que, grâce aux moyens développés par les plans sociaux en matière de reclassement externe, il a obtenu des succès considérables pour nombre de salariés de l'entreprise ; qu'il souligne par ailleurs que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le périmètre de recherche des offres de reclassement ne pouvait s'étendre aux deux autres EPIC dépendant de la tutelle du Ministère de la Défense, soit l'Office National d'Etudes et de Recherches Aérospatiales (ONERA) et l'Institut de Gestion Sociale des Armées (IGESA), dont les objets statutaires, les activités et les organisations sont très éloignées et qui n'entretiennent aucune relation avec lui ; qu'il ajoute, invoquant une étude du professeur Z... qu'il verse aux débats, que ces établissements sont régis par le principe de spécialité des personnes publiques et que l'argument tiré de la tutelle exercée par le Ministère de la Défense sur ces entités méconnaît les contraintes du droit administratif et ses relations avec le droit social ; que l'ECONOMAT DES ARMEES fait au surplus valoir que la jurisprudence n'a jamais inclus dans un groupe de reclassement que des personnes morales de droit privé et non des établissements publics et qu'aucun groupe de reclassement ne peut se limiter à des EPIC indépendants les uns des autres et être dépourvu de toute entité dominante ; que s'agissant de l'obligation de reclassement interne, l'ECONOMAT DES ARMEES rappelle que celle-ci n'est qu'une obligation de moyen qui correspond à une obligation de rechercher des postes de travail vacants et de les proposer, lorsqu'ils existent, en reclassement aux salariés qui font l'objet, ou qui sont susceptibles de faire l'objet, d'une suppression d'emploi ; qu'il rappelle que les dix années de plans sociaux mis en oeuvre par le Comptoir de l'Economat ont précisément eu ce but, en particulier en prévoyant que tous les salariés pourraient, selon leur catégorie professionnelle et selon les critères de l'article 22 du règlement des personnels, postuler sur les postes libérés et en assurant la publicité systématique de ces postes au sein du comité d'établissement et du comité de suivi de plans sociaux ; qu'il ajoute que le mécanisme des départs volontaires a été favorisé au maximum pour permettre le reclassement d'un maximum de salariés, ainsi qu'il résulte notamment des différents procès-verbaux du comité d'entreprise et des notes de l'époque traitant des nombreux reclassements consécutifs aux départs volontaires ; que l'ECONOMAT DES ARMEES soutient enfin que les salariés qui ont été licenciés à partir du mois de mars 1999 l'ont été après avoir refusé ou après ne pas s'être portés volontaires sur les offres de reclassement objets des emplois maintenus sur les trois succursales restantes du Comptoir ; qu'il souligne que, en première instance, il ne disposait pas des listes d'émargement signées des salariés prouvant la remise à ces derniers d'offres de reclassement dans les emplois maintenus, mais qu'il les produit en cause d'appel ; que M. Albert
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pour sa part, réplique qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite tant au sein de l'établissement que des autres établissements de l'Economat ; qu'il fait valoir que le comptoir d'Allemagne était composé de plusieurs établissements et conservait les structures de Mulheim, Donaueschingen et Immendingen qui n'ont pas été dissoutes, outre d'autres implantations basées à l'étranger et offrant les mêmes services aux militaires français basés à l'étranger ou dans les DOM-TOM ; qu'il soutient qu'il appartenait à l'Economat, agissant comme employeur de droit privé, de rechercher toutes les possibilités de reclassement en interne ou en externe, ce qu'il ne justifie pas avoir réellement fait, le caractère public de l'Economat ne pouvant, selon lui, faire obstacle à des dispositions applicables de plein droit ; qu'il ajoute qu'aucune recherche n'a en particulier été faite auprès de l'ONERA alors même que les salariés reclassés dans cet EPIC ne sont pas forcément titularisés, certains étant des salariés sous contrat de droit privé ; que de ce qui précède il résulte que, si l'ECONOMAT DES ARMEES a procédé à une restructuration d'envergure s'échelonnant sur plusieurs années en raison du retrait des forces françaises en Allemagne, dans le contexte politique de réunification de ce pays, et a pu, par ses plans sociaux, reclasser ou favoriser le départ volontaire d'une majorité des salariés avec lesquels il était engagé en vertu de contrats de travail de droit privé, plusieurs d'entre eux ne l'ont pas été ; qu'à leur égard, il ne peut être valablement soutenu que l'obligation légale de reclassement de l'employeur a été remplie par la proposition, contre un simple émargement, de listes générales de postes, le refus des salariés de se porter volontaires en temps utile leur interdisant par la suite d'invoquer un quelconque manquement de l'employeur, alors que ce dernier ne produit aux débats aucune proposition individualisée, précise et circonstanciée soit de reclassement soit même de formation dans l'un des établissements subsistant en Allemagne ou dans l'un des EPIC placés sous la tutelle du Ministère de la Défense ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin de rechercher si la notion de groupe devait ou non s'étendre au-delà des trois EPIC concernés, l'ECONOMAT DES ARMEES n'a manifestement pas rempli son obligation de reclassement, ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges dont la décision doit être confirmée sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « s'agissant des possibilités de reclassement des personnels régis par le Code du Travail, entre EPIC soumis à la même tutelle, le principe de spécialité ne fait pas obstacle, en soi, à la permutabilité ; que certes, celle-ci n'apparaît pas effective concernant l'Economat en ce qu'aucune organisation, à cet effet, n'a jamais été mise en place ou en pratique, à l'occasion de son fonctionnement ; mais que pour autant, la tutelle exercée sur l'EPIC par un même ministère, est, de fait, de nature à favoriser, ou en tout cas à permettre les mouvements de personnels, et par conséquent des reclassements, dans d'autres EPIC dirigés par le même donneur d'ordre, dont les activités ou l'organisation offrent la possibilité d'exercer des fonctions comparables ; que c'est en vain et sans l'argumenter que l'Economat soutient qu'une telle extension du périmètre de reclassement conduirait à rendre impossible toute restructuration des entreprises ayant le statut d'EPIC ; que force est de constater qu'aucune recherche ainsi élargie, n'a été envisagée par l'Economat concernant M.
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qui occupait les fonctions de chef de pool ; que par conséquent, en raison de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que l'obligation de reclassement a été remplie, de manière suffisante, par l'Economat de l'Armée » ;
1. ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'en faisant application de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail dans sa rédaction issue de la Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, cependant que le licenciement du salarié avait été prononcé en 1999, la cour d'appel a violé le principe de non-rétroactivité des lois nouvelles posé par l'article 2 du Code civil, ensemble l'article L. 321-1, alinéa 3 devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
2. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE selon l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail, l'employeur doit tenter de reclasser le salarié menacé de licenciement pour motif économique sur un « emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi de catégorie inférieure » ; que l'employeur doit donc proposer au salarié menacé de licenciement tous les emplois qui répondent à cette définition ; qu'en l'espèce, l'ECONOMAT DES ARMEES faisait valoir qu'il avait été programmé, depuis plusieurs années, de fermer ses derniers établissements situés en Allemagne en 1999 et qu'au dernier moment, en mars 1999, le ministre de la Défense avait finalement décidé de maintenir trois établissements en activité en Allemagne afin d'assurer l'approvisionnement de la brigade franco-allemande, ce qui avait permis de libérer une cinquantaine d'emplois de reclassement ; que l'ECONOMAT DES ARMEES expliquait que dans la mesure où tous les salariés menacés de licenciement étaient, compte tenu de leur qualification, éligibles à l'ensemble de ces postes, elle leur avait remis, contre émargement, un dossier d'appel à candidature pour occuper l'un des emplois disponibles dans les trois succursales maintenues en Allemagne et à son siège, à PANTIN ; qu'en produisant cet appel à candidature, qui comportait le descriptif très précis de chaque poste et détaillait les modalités de candidature et de sélection des candidats, l'ECONOMAT DES ARMEES offrait de prouver que la remise de cet appel à candidature constituait une offre précise, concrète et personnalisée de reclassement et qu'il avait ainsi exécuté loyalement son obligation de reclassement ; qu'en affirmant que la remise de cet avis d'appel à candidature ne constituait pas une proposition individualisée, précise et circonstanciée de reclassement, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
3. ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en s'abstenant de rechercher si tous les emplois listés dans le dossier d'appel à candidature remis à chaque salarié ne correspondaient pas à la qualification professionnelle de chaque salarié concerné et si ces derniers n'avaient pas été précisément informés des modalités à suivre pour présenter leur candidature sur les postes offerts et des critères d'ordre pour la répartition des postes de reclassement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
4. ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'employeur peut impartir au salarié un délai pour se prononcer sur l'offre de reclassement qu'il lui soumet, à condition que ce délai soit d'une durée raisonnable et qu'il attende l'expiration de ce délai avant de prononcer le licenciement ; qu'en se fondant encore sur la circonstance inopérante que « le refus des salariés de se porter volontaires en temps utile leur interdis (ait) par la suite d'invoquer un quelconque manquement de l'employeur », la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
5. ALORS, PAR AILLEURS, QUE les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'assurer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, qu'il n'existait aucune permutabilité effective du personnel de l'ECONOMAT DES ARMEES et des deux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense ; que, par ailleurs, il était constant que l'ECONOMAT DES ARMEES et ces deux autres EPIC avaient des activités très éloignées les unes des autres et une organisation propre ; que, néanmoins, la cour d'appel a considéré que le périmètre des recherches de reclassement de l'ECONOMAT DES ARMEES s'étendait aux deux autres EPIC placés sous l'autorité du ministère de la Défense, aux motifs adoptés que le principe de spécialité des établissements publics ne constitue pas en soi un obstacle à la permutabilité de leur personnel et que le ministère de la Défense exerce une tutelle sur ces trois EPIC ; qu'en se fondant sur de telles considérations parfaitement inopérantes à établir une permutabilité du personnel des trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article 1233-4 du Code du travail ;
6. ALORS, AU SURPLUS, QUE l'ECONOMAT DES ARMEES faisait valoir que le « groupe » à l'intérieur duquel des possibilités de reclassement doivent être recherchées est un ensemble d'entreprises unies par des liens de dépendance ou d'influence et comprend nécessairement l'entreprise dominante de cet ensemble ; qu'il en déduisait que le périmètre des recherches de reclassement ne pouvait être étendu aux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans inclure également ce ministère, et qu'il était impossible d'étendre le périmètre de reclassement d'une entreprise à une administration centrale de l'Etat français, eu égard aux règles d'entrée dans la fonction publique ; qu'en exposant que l'ECONOMAT DES ARMEES aurait dû étendre ses recherches de reclassement aux deux autres EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, sans juger nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le ministère de la Défense pouvait faire partie de ce groupe, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail ;
7. ALORS, ENFIN, QUE les possibilités de reclassement doivent être appréciées à la date où le licenciement est envisagé ; que l'ECONOMAT DES ARMEES faisait également valoir, sans être contredit, qu'à l'époque des licenciements, l'IGESA, l'un des trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, n'avait pas encore le statut d'EPIC, mais celui d'association soumise à la Loi de 1901 ; qu'en affirmant néanmoins que les possibilités de reclassement devaient être recherchées dans les trois EPIC placés sous la tutelle du ministère de la Défense, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 321-1, alinéa 3, devenu l'article L. 1233-4 du Code du travail.