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12/07/2010 | FRANCE | N°08-44642

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juillet 2010, 08-44642


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M.

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a été engagé le 4 février 1991 en qualité de métallier par la société Honoré Piping Préfabrication (H2P) aux droits de laquelle vient la société Financière Honoré ; que le 16 février

2001, il a été élu délégué du personnel ; qu'il a été déclaré par le médecin du travail inap...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, que M.

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a été engagé le 4 février 1991 en qualité de métallier par la société Honoré Piping Préfabrication (H2P) aux droits de laquelle vient la société Financière Honoré ; que le 16 février 2001, il a été élu délégué du personnel ; qu'il a été déclaré par le médecin du travail inapte à tous postes de travail dans l'entreprise à l'issue d'un examen unique en raison du danger immédiat pour sa santé entraîné par le maintien de son poste ; que le 3 octobre 2001, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement en ces termes : "l'inaptitude non contestée à ce jour résulte d'une dégradation de l'état de santé du salarié, générée par le comportement hostile de la direction, induit par le refus de l'existence d'une représentation du personnel et en particulier d'une représentation syndicale ... , cette hostilité à caractère discriminatoire s'est manifestée dès les premières démarches effectuées par l'intéressé en vue de doter l'entreprise d'institutions représentatives" ; qu'il a été licencié le 11 octobre 2001 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir déclarer nul ou sans cause réelle et sérieuse son licenciement et obtenir des dommages et intérêts, outre un rappel de salaires et une indemnité de préavis ;
Attendu que pour déclarer M.

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irrecevable en ses demandes, l'arrêt énonce d'une part que le licenciement ayant été prononcé sur la base du même motif que celui pour lequel l'autorité administrative avait donné son autorisation, le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux de ce motif ou rechercher si le licenciement était la conséquence d'un comportement fautif de l'employeur, tel le harcèlement moral justifiant le prononcé de la nullité ; que d'autre part, il appartenait au salarié d'user des voies de recours portées à sa connaissance pour obtenir l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'état des motifs de l'autorisation administrative de licenciement dont il ressortait que l'inaptitude du salarié était la conséquence exclusive du refus de l'employeur d'accepter dans l'entreprise une représentation du personnel et syndicale, la question de la légalité de cette décision, dont dépendait l'appréciation du bien fondé des demandes du salarié, présentait un caractère sérieux, de sorte qu'il appartenait aux juges du fond d'inviter les parties à la faire trancher par la juridiction administrative en lui posant une question préjudicielle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Financière Honoré aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Financière Honoré à payer à M.

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la somme de 242,65 euros ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Financière Honoré à payer à la SCP Masse-Dessen et Thouvenin la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour M.

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PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Thierry

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de sa demande en paiement de dommages-intérêts en raison des conditions de son licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis.
AUX MOTIFS QUE le principe de la séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire, lorsqu'une autorisation de licenciement a été accordée à l'employeur, d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement ; qu'en vertu du même principe, le juge judiciaire ne saurait remettre en cause la décision de l'autorité administrative en déclarant le licenciement nul ; qu'en l'espèce, par lettre motivée du 3 octobre 2001, l'inspecteur du travail a autorisé la société H2P à licencier Monsieur

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, copie de cette lettre étant adressée à celui-ci avec la mention du délai de deux mois dans lequel un recours hiérarchique pouvait être porté devant le Ministre du Travail ou un recours contentieux devant le Tribunal Administratif ; que par ailleurs, dans sa lettre de licenciement notifiée à Monsieur
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le 11 octobre 2001, la société H2P a visé cette autorisation administrative fondée sur l'inaptitude du salarié à occuper tout poste dans l'entreprise ; qu'en conséquence, le licenciement ayant été prononcé sur la base du motif même pour lequel l'autorité administrative avait donné son autorisation, le juge judiciaire ne saurait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux de ce motif ou rechercher si ce licenciement ne serait pas la conséquence d'un comportement fautif, tel que le harcèlement moral, justifiant le prononcé de sa nullité ; qu'il appartenait à Monsieur
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d'user des voies de recours qui avaient été portées à sa connaissance pour obtenir l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et sa réintégration dans l'entreprise ; qu'ainsi, Monsieur
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n'ayant pas sollicité des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral en tant que tel, ses demandes de dommages et intérêts, d'indemnité de préavis et de rappel de salaire qui sont les conséquences du caractère abusif du licenciement ou de sa nullité doivent être déclarées irrecevables ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens et confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur
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aux dépens et débouté la société Financière Honoré de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; que Monsieur
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qui succombe sera condamné aux dépens d'appel ; qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE suite à la visite médicale du 28 août 2001, le médecin du travail a rendu une décision d'inaptitude du salarié à tous les postes de l'entreprise avec effet immédiat, sans nécessité d'une deuxième visite, compte tenu du danger immédiat pour sa santé et sa sécurité en cas de maintien même temporaire dans l'entreprise ; que dans ces conditions, la poursuite du contrat de travail s'avérait impossible et la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement à l'initiative de l'employeur était la conséquence logique de l'avis du médecin du travail qui n'a fait l'objet d'aucune contestation par le salarié, toute tentative de reclassement apparaissant inutile ; que s'agissant d'un salarié protégé, le licenciement a été autorisé le 3 octobre 2001 par l'inspecteur du travail sur requête de l'employeur en date du 14 septembre 2001 ; que la lettre de licenciement du 11 octobre 2001 énoncé le motif du licenciement qui consiste en l'inaptitude définitive et générale du salarié préalablement constatée par le médecin du travail ; qu'il apparaît ainsi que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse dont la réalité ne peut objectivement pas être contestée ; qu'il n'est donc pas possible de faire droit à la demande du salarié tendant à faire juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il convient de débouter Monsieur

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de sa demande à ce titre.
ALORS QUE si le juge judiciaire est lié par la décision de l'inspecteur du travail constatant que l'inaptitude est la cause du licenciement du salarié protégé, en sorte que le principe dudit licenciement ne peut être remis en cause, il n'en demeure pas moins tenu de rechercher si l'inaptitude ainsi constatée ne résulte pas d'un comportement fautif de l'employeur ouvrant droit à réparation ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, la loi du 16 Fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs.
ALORS aussi QU'en disant que Monsieur

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ne demandait pas de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement en tant que tel, la Cour d'appel a dénaturé les écritures du salarié, et violé les articles 4 du CPC et 1134 du Code civil
ET ALORS en tout cas QUE le juge judiciaire peut sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier les mesures prises par l'employeur antérieurement au licenciement et de nature différente du licenciement ayant fait l'objet d'une décision administrative ; que Monsieur Thierry

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poursuivait le paiement des salaires pour la période postérieure à l'expiration du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ; qu'en déclarant cette demande irrecevable comme se heurtant au principe de séparation des pouvoirs, la Cour d'appel a de nouveau violé, par fausse application, l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, la loi du 16 Fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs, ensemble l'article L 122-24-4 devenu L 1226-4 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(éventuel)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR « confirmé pour le surplus » la décision ayant débouté Monsieur

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de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE compte tenu de l'inaptitude définitive du salarié et de l'inexécution par ce dernier de tout travail au profit de l'employeur, il y a lieu de rejeter la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et du rappel de salaire pour la période du 1er au 12 octobre 2001 qui n'a pas été travaillée.
ALORS QUE si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est du à un manquement de l'employeur à l'origine de son inaptitude ; qu'en adoptant éventuellement les motifs du jugement déféré ayant retenu le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44642
Date de la décision : 12/07/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Licenciement - Salarié protégé - Autorisation administrative - Compétence judiciaire - Question préjudicielle au juge administratif sur la légalité de la décision administrative dont dépend la solution du litige - Nécessité - Condition

PRUD'HOMMES - Compétence - Compétence matérielle - Litiges nés à l'occasion du contrat de travail - Licenciement - Salarié protégé - Limites REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation administrative - Portée

En l'état des motifs de l'autorisation administrative de licenciement dont il ressortait que l'inaptitude du salarié était la conséquence exclusive du refus de l'employeur d'accepter dans l'entreprise une représentation du personnel et syndicale, la question de la légalité de cette décision, dont dépendait l'appréciation du bien fondé des demandes du salarié, présentait un caractère sérieux, de sorte qu'il appartenait aux juges du fond d'inviter les parties à la faire trancher par la juridiction administrative en lui posant une question préjudicielle. Viole les articles L. 1152-1, L. 1152-2, L. 2421-3 du code du travail, ensemble la loi des 16-24 août 1790, la cour d'appel qui énonce que le licenciement ayant été prononcé sur la base du même motif que celui pour lequel l'autorité administrative avait donné son autorisation, le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux de ce motif ou rechercher si le licenciement était la conséquence d'un comportement fautif de l'employeur, tel le harcèlement moral justifiant le prononcé de la nullité


Références :

Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 1er février 2008, 05/01537
articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 2421-3 du code du travail

loi des 16-24 août 1790

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 01 février 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2010, pourvoi n°08-44642, Bull. civ. 2010, V, n° 170
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 170

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Wurtz
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44642
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