ARRÊT N° PH
DU 1er FÉVRIER 2008
R. G : 05 / 01537
Conseil de Prud'hommes d'EPINAL F0 2 / 61 29 avril 2005
COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE
APPELANT :
Monsieur Thierry X... ... Représenté par Maître François-Xavier KOEHL (Avocat au Barreau de NANCY) substituant Maître Gérard WELZER (Avocat au Barreau d'EPINAL)
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ FINANCIÈRE HONORE (venant aux droits de la société H2P) prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social 2 bis rue du Pré du Puits ZA 88390 LES FORGES Représentée par Maître Franck KLEIN (Avocat au Barreau d'EPINAL)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY Conseillers : Madame MAILLARD Monsieur FERRON
Greffier présent aux débats : Madame BOURT
DÉBATS :
En audience publique du 06 décembre 2007 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 1er février 2008 ;
A l'audience du 1er février 2008, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Thierry X... a été embauché le 4 février 1991 en qualité de métallier par la société Honoré Piping Préfabrication (H2P), aux droits de laquelle a succédé la société Financière Honoré, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée puis, à partir du 4 mai 1991, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Son salaire brut mensuel s'élevait en dernier lieu à 1 340, 98 €.
La relation de travail était régie par la convention collective des industries métallurgiques des Vosges.
Le 16 février 2001, il a été élu délégué du personnel.
Le 28 août 2001, il a été déclaré par le médecin du travail inapte à tous les postes de l'entreprise.
Le 30 août 2001, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 10 septembre suivant, et licencié le 11 octobre 2001 pour inaptitude après autorisation donnée par l'inspecteur du travail le 3 octobre 2001.
Considérant que la dégradation de son état de santé était la conséquence du harcèlement moral dont il s'estimait victime, il a saisi, le 2 février 2002, le Conseil de Prud'hommes d'Epinal pour voir reconnaître son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et se voir allouer des dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de préavis et un rappel de salaire pour la période du 1er au 12 octobre 2001.
Le Conseil de Prud'hommes a rejeté toutes ses prétentions et débouté la société Financière Honoré de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur X... a interjeté appel de cette décision et demandé à la Cour de faire droit à ses demandes, soutenant que son licenciement était soit dépourvu de cause réelle et sérieuse, soit nul puisque son inaptitude était la conséquence du harcèlement moral de son employeur. Il reprochait en outre à celui-ci de n'avoir pas satisfait à l'obligation de reclassement dont il était débiteur.
Par arrêt avant dire droit du 16 novembre 2007, la Cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur la portée de l'autorisation de licencier donnée par l'inspecteur du travail.
A l'audience du 6 décembre 2007 à laquelle l'affaire avait été renvoyée, Monsieur X... a maintenu ses demandes tendant à la condamnation de la société Financière Honoré à lui payer :
-50 000 € à titre de dommages et intérêts,-2 680 € à titre d'indemnité de préavis,-848, 64 € à titre de rappel de salaire pour la période du 1er au 12 octobre 2001,-1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il a fait valoir, à titre principal, qu'en déclarant nul un licenciement sur le fondement de l'article L. 122-49 du Code du Travail, le juge judiciaire ne portait pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs, et que si celui-ci lui interdisait de contrôler le motif fondant l'autorisation de licenciement, à savoir l'inaptitude, il ne l'empêchait pas de rechercher si l'inaptitude avait pour origine des agissements fautifs de l'employeur et, dans ce cas, de sanctionner ce dernier en allouant au salarié des dommages et intérêts pour licenciement nul.
La société Financière Honoré réplique que l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier Monsieur X... s'oppose à ce que celui-ci puisse contester le caractère réel et sérieux des motifs retenus par l'autorité administrative et demander la nullité du licenciement.
C'est pourquoi, elle a conclu au rejet des demandes dirigées contre elle et à la condamnation de Monsieur X... au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier le 6 décembre 2007, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.
MOTIVATION
Le principe de la séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire, lorsqu'une autorisation de licenciement a été accordée à l'employeur, d'apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.
En vertu du même principe, le juge judiciaire ne saurait remettre en cause la décision de l'autorité administrative en déclarant le licenciement nul.
En l'espèce, par lettre motivée du 3 octobre 2001, l'inspecteur du travail a autorisé la société H2P à licencier Monsieur X..., copie de cette lettre étant adressée à celui-ci avec la mention du délai de deux mois dans lequel un recours hiérarchique pouvait être porté devant le Ministre du Travail ou un recours contentieux devant le Tribunal Administratif.
Par ailleurs, dans sa lettre de licenciement notifiée à Monsieur X... le 11 octobre 2001, la société H2P a visé cette autorisation administrative fondée sur l'inaptitude du salarié à occuper tout poste dans l'entreprise.
En conséquence, le licenciement ayant été prononcé sur la base du motif même pour lequel l'autorité administrative avait donné son autorisation, le juge judiciaire ne saurait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux de ce motif ou rechercher si ce licenciement ne serait pas la conséquence d'un comportement fautif, tel que le harcèlement moral, justifiant le prononcé de sa nullité.
Il appartenait à Monsieur X... d'user des voies de recours qui avaient été portées à sa connaissance pour obtenir l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail et sa réintégration dans l'entreprise.
Ainsi, Monsieur X... n'ayant pas sollicité des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral en tant que tel, ses demandes de dommages et intérêts, d'indemnité de préavis et de rappel de salaire qui sont les conséquences du caractère abusif du licenciement ou de sa nullité doivent être déclarées irrecevables.
Le jugement déféré sera réformé en ce sens et confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X... aux dépens et débouté la société Financière Honoré de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur X... qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.
Enfin, il n'y a pas lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau,
DÉCLARE Monsieur Thierry X... irrecevable en ses demandes ;
CONFIRME pour le surplus la décision entreprise et y ajoutant ;
DÉBOUTE la société Financière Honoré de sa demande formée en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur X... aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du premier février deux mil huit par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.