LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Roland
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, veuf de Marie-Louise
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, est décédé le 6 janvier 2003 en laissant pour lui succéder M. Arnaud
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, son petit-fils, venant par représentation de Thierry
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, son père, prédécédé et Mme Florence
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, épouse
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, sa fille, et en l'état d'un testament olographe léguant à cette dernière la quotité disponible de sa succession et précisant que dans son lot devront figurer " l'intégralité des contrats d'assurance-vie " ; qu'il avait souscrit le 7 avril 1999 un contrat d'assurance-vie auprès de la société Natio-vie avec stipulation que le bénéficiaire était le contractant lui-même et, en cas de décès de celui-ci, le conjoint, à défaut ses enfants vivants et, à défaut, ses héritiers ; que M. Arnaud
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a fait assigner Mme
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aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des communauté et successions réunies des époux
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-
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;
Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter M. Arnaud
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de sa demande tendant à ce que le capital d'assurance-vie versé à Mme Florence
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soit pris en compte dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, l'arrêt retient, d'une part, que, contrairement à ce qu'affirmait M. Arnaud
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, son père ne pouvait être le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie puisqu'il était décédé antérieurement à la souscription du contrat, d'autre part, qu'il ne rapportait pas la preuve de l'intention libérale au sens de l'article 894 du code civil relatif à la donation puisque l'assurance-vie suppose un aléa, enfin, que les primes versées n'étaient pas manifestement exagérées compte tenu des facultés contributives de Roland
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eu égard à l'importance de son patrimoine mobilier et immobilier ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Arnaud
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qui faisait valoir que Roland
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avait, dans son testament, exprimé la volonté que le capital d'assurance-vie soit pris en considération pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible en précisant que ce capital devrait être inclus dans le lot de sa fille, légataire de la quotité disponible, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 843 et 894 du code civil ;
Attendu que pour dire que M. Arnaud
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devra faire rapport à la succession de la somme totale de 57 107, 22 euros réputée consentie en avancement d'hoirie, l'arrêt retient qu'il ne démontre pas que les dépenses engagées à son profit par le défunt l'ont été dans le cadre de son entretien et de sa subsistance ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que Roland
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avait agi dans une intention libérale au profit de son petit-fils, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit, d'une part, que le capital versé à Mme Florence
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au titre du contrat d'assurance-vie échappera aux règles du rapport et de la réduction, d'autre part, que M. Arnaud
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devait faire rapport à la succession de la somme totale de 57 107, 22 euros, l'arrêt rendu le 27 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims, autrement composée ;
Condamne Mme
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aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme
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et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à M. Arnaud
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;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M.
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PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur Arnaud
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de sa demande tendant à ce que le capital d'assurance-vie soit pris en compte dans la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible ;
AUX MOTIFS QU'aux termes des articles L. 132-12 et L. 132-13 du Code des assurances, le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l'assuré ; le bénéficiaire, quelles que soient la forme et la date de la désignation, est réputé y avoir seul droit à partir du jour du contrat, même si son acceptation est postérieure à la mort de l'assuré ; le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant ; ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'en application des articles précités, la notion de " primes manifestement exagérées " ne répond à aucune règle précise et s'apprécie au cas par cas par les juges saisis ; que Monsieur Roland
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a souscrit le 7 avril 1999 auprès de la Société anonyme NATIO-VIE, un contrat d'assurance-vie pour un montant 1. 500. 000 francs et dont les bénéficiaires étaient le contractant lui-même et, en cas de décès de celui-ci avant le terme de l'adhésion, son conjoint, à défaut, ses enfants vivants et, à défaut, ses héritiers ; Monsieur
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étant décédé veuf avant ledit terme, sa fille a accepté le bénéfice de l'assurance-vie ; que Monsieur Arnaud
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ne rapporte pas la preuve de l'intention libérale de Monsieur Roland
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au sens de l'article 894 du Code civil relatif à la donation puisque l'assurance-vie suppose un aléa (Monsieur Roland
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ignorait qui de lui ou du bénéficiaire allait recevoir le capital puisque le créancier différait selon que l'adhérent était vivant ou non au moment du versement), et d'autre part, les primes versées ne sont as manifestement exagérées compte tenu des facultés contributives de Monsieur Roland
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eu égard à l'importance de son patrimoine mobilier et immobilier, importance qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelant ;
ALORS, D'UNE PART, QUE Monsieur Arnaud
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faisait valoir, dans ses écritures, que Roland
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avait, dans son testament, exprimé la volonté que le capital d'assurance-vie soit pris en considération pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible en précisant que ledit capital devrait être inclus dans le lot de sa fille, légataire de la quotité disponible, si bien qu'en ne s'expliquant sur ce moyen, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions de l'article L. 132-13 du Code des assurances selon lesquelles le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve, peuvent être écartées par la volonté du souscripteur, si bien qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si Roland
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n'avait pas manifesté la volonté de voir le capital versé à sa fille à son décès pris en considération pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité et de l'article 922 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Ce moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur Arnaud
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devrait rapporter à la masse active de la succession la somme de 57. 107, 22 € au titre des dons qui lui ont été faits par Monsieur Roland
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;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Roland
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a financé au profit de son petit-fils :
- l'aménagement d'une chambre à coucher pour 55. 000 francs,
- ses frais de scolarité, y compris un séjour linguistique aux Etats-Unis pour 53. 601 francs,
- les loyers concernant un studio sis
... à PARIS
pour 60. 000 francs, QU'il est démontré que Monsieur Roland
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a effectué au profit de Monsieur Arnaud
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neuf versements de 4. 000 francs par virement ou chèque, représentant une somme totale de 36. 000 francs ; que contrairement à ce que soutient Monsieur Arnaud
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, celui-ci est un co-héritier en représentation de son père et que s'il est indéniable qu'il s'est retrouvé orphelin très jeune, il ne démontre pas que les dépenses précitées engagées à son profit par le défunt l'ont été dans le cadre de son entretien et de sa subsistance, l'attestation de la mère d'Arnaud à hauteur d'appel, étant inopérante comme constitutive d'une preuve réalisée pour soi-même et non corroborée par d'autres éléments ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 852 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, que les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipements, ceux de noces et présents d'usage, ne doivent pas être rapportés ; qu'en écartant l'application de ces dispositions par un motif inintelligible selon lequel il ne serait pas démontré que des dépenses de logement et de scolarité ont été exposées " dans le cadre " de l'entretien et de la subsistance de l'enfant, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article 852 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006, que les frais de nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais ordinaires d'équipements, ceux de noces et présents d'usage, ne doivent pas être rapportés ; que la dispense de rapport édictée par les dispositions précitées n'est pas subordonnée à la condition que le de cujus ait été légalement tenu de supporter les frais qui y sont désignés, ni à l'état de besoin de celui qui en a bénéficié ; si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte précité ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il résulte de l'article 371-2 du Code civil que les parents sont tenus de pourvoir à l'entretien et à l'éducation des enfants, si bien que la prise en charge par Monsieur Roland
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de frais afférents à l'entretien et à l'éducation d'Arnaud
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n'a pu réaliser une donation à ce dernier, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 894 et 843 du Code civil ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en ordonnant le rapport à sa succession des dépenses engagées par Monsieur Roland
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pour le logement et la scolarité de son petit-fils sans constater qu'il avait agi dans une intention libérale au profit de ce dernier, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 843 et 894 du Code civil.