LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 janvier 2009), que les époux X... ont vendu aux époux Y... un bien immobilier situé dans un lotissement ; que par jugement du 20 décembre 2001 confirmé par un arrêt du 28 février 2005, ils ont été évincés d'une partie de leur bien constituée d'un espace vert qui a été reconnue partie commune du lotissement ; qu'ils ont assigné leurs vendeurs en indemnisation de la perte du terrain et paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'accueillir la demande des époux Y..., alors, selon le moyen, que la cour d'appel a dénaturé par omission l'acte de vente du 1er février 1996 qui stipulait que l'acquéreur ne pourrait demander aucune indemnité, ni diminution de prix, non seulement " pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée " mais encore " pour quelque autre cause que ce soit " en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acte notarié disposait que l'acquéreur s'obligeait à " prendre le bien vendu dans l'état où il se trouve actuellement, sans pouvoir demander aucune indemnité, ni diminution du prix ci-dessus fixé pour mitoyenneté, défaut d'alignement, vices de construction apparents ou cachés, vétusté des bâtiments, champignon, mauvais état du sol, ou du sous-sol, ou quelque autre cause que ce soit, ni pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée, cette différence excédât-elle un vingtième ", c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la clause rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que cette clause de non-garantie de désignation et de contenance ne dispensait pas les vendeurs de garantir les acheteurs contre l'éviction de la chose vendue ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt attaqué de limiter à 38 430 euros l'indemnisation pour l'éviction de la parcelle, alors, selon le moyen, que l'acquéreur évincé est en droit de demander contre le vendeur la réparation de tous les dommages qu'il a subis du fait de l'éviction ; qu'en l'espèce, M. et Mme Y... demandaient, d'une part, la condamnation des vendeurs à leur restituer le prix de vente de la parcelle dont ils avaient été évincés, et d'autre part, la condamnation de ces derniers à les indemniser de leur préjudice né de la perte de jouissance du garage qu'ils n'avaient pas pu faire construire sur cette parcelle et de la dévalorisation que subit leur terrain du fait de l'absence de garage et d'espaces verts ; qu'en refusant d'indemniser ces postes de préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1630, 1639, 1149 et 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, énoncé à bon droit qu'en application de l'article 1633 du code civil les vendeurs sont tenus d'indemniser leurs acquéreurs de la valeur du bien dont ils sont évincés à la date de la décision d'éviction, la cour d'appel, qui a constaté que les époux Y... avaient subi une éviction sur 183 m2 à la suite de la décision de la cour d'appel de Douai du 28 février 2005 et qu'il ressortait d'une attestation de valeur établie par notaire et produite par ces derniers qu'en 2005, la valeur moyenne du mètre carré dans un secteur équivalent était d'environ 210 euros, en a exactement déduit que quels qu'aient pu être les projets des acquéreurs pour cette parcelle, l'indemnité devait être fixée à 38 430 euros ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen du pourvoi incident :
Vu les articles 1630, 1639 et 1151 du code civil ;
Attendu que pour limiter à 3 000 euros le préjudice des époux Y..., l'arrêt retient que les époux X... ne peuvent pas être tenus pour responsables de l'entier préjudice découlant des procédures judiciaires qui ont suivi la découverte des contestations liées à la superficie du bien vendu et qui ont conduit à l'éviction, celles-ci résultant de la position même des époux Y... qui ont refusé de reconnaître l'erreur cadastrale ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acquéreur évincé a droit à la réparation de tout le préjudice causé par l'inexécution du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2006, l'arrêt rendu le 12 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils, pour les époux X..., demandeurs au pourvoi principal
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur et Madame X..., qui avaient vendu à Monsieur et Madame Y... une maison située dans un lotissement, sur un terrain d'une contenance indiquée à l'acte de 430 m ², mais dont il s'est avéré que 183 m ² étaient des parties communes, à payer aux acquéreurs 38. 430 € pour diminution du prix et 3. 000 € à titre de dommages intérêts.
Aux motifs que l'acte de vente stipulait : « la partie acquéreuse s'oblige expressément (…) de prendre le bien vendu dans l'état où il se trouve actuellement sans pouvoir demander aucune indemnité ni diminution du prix ci-dessus fixé pour mitoyenneté, défaut d'alignement, vices de construction apparents ou cachés, vétusté des bâtiments, champignons, mauvais état du sol ou du sous-sol ou quelque autre cause que ce soit, ni pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée, cette différence excédât-elle un vingtième » ; que cette clause de non-garantie de désignation et de contenance ne dispensait pas les vendeurs de garantir les acheteurs contre l'éviction de la chose vendue ; que ce n'était pas seulement la consistance du bien qui était remise en cause, mais la qualité même de propriétaire des acquéreurs.
Alors que la cour d'appel a dénaturé par omission l'acte de vente du 1er février 1996 qui stipulait que l'acquéreur ne pourrait demander aucune indemnité, ni diminution de prix, non seulement « pour moindre mesure qui pourrait exister entre la contenance réelle et celle sus-indiquée », mais encore « pour quelque autre cause que ce soit » (violation de l'article 1134 du code civil).
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les époux Y..., demandeurs au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'avoir limité le montant de l'indemnisation due aux acquéreurs évincés à la somme de 38. 430 euros correspondant au prix de vente de la parcelle au jour de l'éviction et d'avoir rejeté leur demande tendant à l'indemnisation du préjudice né de la perte de jouissance du garage qu'ils n'ont pas pu faire construire sur cette parcelle et de la dévalorisation que subit leur terrain du fait de l'absence de garage et d'espaces verts ;
AUX MOTIFS QUE l'article 1633 du Code civil prévoit que si la chose se trouve avoir augmenté de prix à l'époque de l'éviction, indépendamment même du fait de l'acquéreur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu'elle vaut au-dessus du prix de la vente ; que dès lors les vendeurs sont tenus d'indemniser leurs acquéreurs de la valeur du bien dont ils sont évincés, à la date de la décision d'éviction ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame Y... ont subi cette éviction suite à la décision de la Cour d'appel de DOUAI du 28 février 2005 pour 183 m ² ; que le premier juge a justement retenu, à partir de l'attestation de valeur de la SCP de notaire DANJOU-DURNEZ et DESWARTE relativement à la valeur au m ² des terrains vendus début 2005 dans le même secteur, une valeur moyenne de 210 euros le m ² soit un préjudice de 38. 430 euros ; que cette somme répare l'entier préjudice découlant de l'éviction quels qu'aient pu être les projets des acquéreurs pour cette parcelle ;
ALORS QUE l'acquéreur évincé est en droit demander contre le vendeur la réparation de tous les dommages qu'il a subis du fait de l'éviction ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame Y... demandaient, d'une part, la condamnation des vendeurs à leur restituer le prix de vente de la parcelle dont ils avaient été évincés, et d'autre part, la condamnation de ces derniers à les indemniser de leur préjudice né de la perte de jouissance du garage qu'ils n'avaient pas pu faire construire sur cette parcelle et de la dévalorisation que subit leur terrain du fait de l'absence de garage et d'espaces verts ; qu'en refusant d'indemniser ces postes de préjudice, la Cour d'appel a violé les articles 1630, 1639, 1149 et 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR limité le montant des dommages et intérêts accordés aux acquéreurs évincés à la somme de 3. 000 euros au titre de leur préjudice moral et de les avoir déboutés de leur demande au titre des frais de justice engagés ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Monsieur et Madame X... bien que connaissant les contestations liées à la superficie du bien vendu et à l'intégration dans leur parcelle des espaces verts bordant cette dernière, n'ont donné à ce sujet à leurs acquéreurs aucune indication, gardant dans ce domaine un silence fautif lors de la vente ; qu'ils ont ainsi causé à leurs acquéreurs un préjudice moral certain consécutif aux tracas liés à cette découverte peu après la vente, ainsi qu'aux mauvaises relations de voisinage qui ont pu en découler ; que cependant Monsieur et Madame X... ne peuvent être tenus responsables de l'entier préjudice découlant des procédures judiciaires qui ont suivi et ont abouti à l'éviction, celle-ci résultant de la position même des époux Y... qui ont refusé de reconnaître l'erreur cadastrale ; que dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice subi à 3. 000 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux Y... indiquent avoir dû subir des procédures judiciaires coûteuses et éprouvantes et sollicitent la somme de 5. 907, 05 euros au titre des frais de justice exposés, outre celle de 5. 000 euros au titre du préjudice moral ; que les procédures judiciaires ayant mené à l'éviction auxquelles les époux Y... ont été parties, ont pour origine, non pas le silence fautif gardé par les époux X... lors de la vente quant à la difficulté relative au caractère commun ou privatif de l'espace vert, mais l'erreur de cadastre ; qu'il leur était loisible, après avoir pris connaissance de l'erreur de restituer la parcelle litigieuse sans avoir recours à la justice ; qu'ils seront donc déboutés de leur demande au titre des frais de justice exposés ; qu'en revanche, par leur silence fautif, les époux X... ont causé aux époux Y... un préjudice moral, lié au tracas de la découverte de la difficulté après la vente, qu'il convient de réparer par l'allocation de la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE seule l'attitude fautive de la victime est de nature à exonérer le vendeur, tenu à garantie, de son obligation d'indemniser l'acquéreur évincé des dommages qu'il subit du fait de cette éviction ; qu'en jugeant que « Monsieur et Madame X... ne peuvent être tenus responsables de l'entier préjudice découlant des procédures judiciaires qui ont suivi et ont abouti à l'éviction » au motif que « celles-ci résult eraient de la position même des époux Y... qui ont refusé de reconnaître l'erreur cadastrale » la Cour d'appel a violé les articles 1630, 1639 et 1147 du Code civil.