LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée et 1er de l'ordonnance n° 76-59 du 7 janvier 1959, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu, selon ces textes, que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, s'il existe ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 8 novembre 1999, M. X..., conducteur d'une motocyclette, a été blessé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme Y..., assurée auprès de la société Abeille assurances, aux droits de laquelle vient la société Aviva assurances (l'assureur) ; que M. X... a assigné Mme Y... et l'assureur en indemnisation devant un tribunal de grande instance, en présence de son employeur, le CHU Hôtel Dieu Saint-Jacques de Toulouse, la Caisse des dépôts et consignations et la caisse primaire d'assurance maladie de Toulouse ;
Attendu que pour rejeter le recours subrogatoire de la Caisse des dépôts et consignations, l'arrêt retient que l'allocation temporaire d'invalidité que perçoit M. X... est calculée sur une base forfaitaire et sur un barème objectif applicable à tous ceux qui se trouvent atteints du même taux d'invalidité ; que cette prestation ne peut donc être déduite que des préjudices patrimoniaux permanents et non être imputée sur un poste de préjudice personnel puisque le caractère forfaitaire de cette rente interdit de la déduire d'une indemnisation qui, par nature, n'est pas forfaitaire ; que la Caisse des dépôts et consignations ne justifie pas par ailleurs que l'allocation temporaire d'invalidité indemnise, de manière incontestable, un poste de préjudice personnel, de sorte que sa créance ne peut s'imputer sur le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent indemnisé à hauteur de la somme de 7 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il a déclaré Mme Y... entièrement responsable de l'accident, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne Mme Y... et la société Aviva assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Odent, avocat aux Conseils pour la Caisse des dépôts et consignations
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté, dans le cadre de la fixation des divers chefs de préjudices de la victime (M. X...) d'un accident de la circulation causé par une conductrice (Mme Y..., assurée par la compagnie AVIVA ASSURANCES) le recours subrogatoire d'un organisme tiers payeur (la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS) qui versait une allocation temporaire d'invalidité à la victime ;
AUX MOTIFS QUE M. X... n'avait pas subi de pertes de gains professionnels après la consolidation, c'est-à-dire une perte ou un changement d'emploi ; qu'il ne sollicitait d'ailleurs rien de ce chef et au titre de l'incidence professionnelle ; que M. X... percevait une allocation temporaire d'invalidité ; que cette prestation était calculée sur une base forfaitaire et était calculée sur un barème objectif applicable à tous ceux qui se trouvaient atteints du même taux d'invalidité ; que cette prestation ne pouvait donc être déduite que des préjudices patrimoniaux permanents et non être imputée sur un poste de préjudice personnel puisque le caractère forfaitaire de cette rente interdisait de la déduire d'une indemnisation qui, par nature, n'était pas forfaitaire ; que, par ailleurs, en l'espèce, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ne justifiait pas que l'allocation temporaire d'invalidité indemnisait, de manière incontestable, un poste de préjudice personnel, de sorte que la créance de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ne pouvait s'imputer sur le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent ;
1°/ ALORS QU'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, l'allocation temporaire d'invalidité versée à la victime d'un accident de la circulation indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, la cour qui, prétexte pris du caractère forfaitaire de l'allocation temporaire d'invalidité servie par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, a refusé de l'imputer sur le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent de M. X..., a statué par des motifs inopérants et a privé ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1382 du code civil, 31 de la loi du 5 juillet 1985 et 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ;
2°/ ALORS QU'à défaut de perte de gains ou d'incidence professionnelle d'un accident de la circulation, l'allocation temporaire d'invalidité servie par un organisme tiers payeur à la victime d'un accident de la circulation s'impute nécessairement sur le poste de préjudice personnel de la victime correspondant à son déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'espèce, la cour qui, prétexte pris de ce que le tiers payeur n'avait pas justifié avoir indemnisé un poste de préjudice personnel, a refusé d'imputer l'allocation temporaire d'invalidité servie par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sur le poste de préjudice personnel de M. X... correspondant à son déficit fonctionnel permanent, a violé les articles 1382 du code civil, 31 de la loi du 5 juillet 1985 et 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959.