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30/06/2010 | FRANCE | N°09-41349

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 juin 2010, 09-41349


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 4 septembre 1961 par la société Jeumont Schneider, dont le contrat de travail a été repris à partir de 1989 par la société Abb automation devenue Abb France et exerçant en dernier lieu les fonctions d'ingénieur technico-commercial a été mis à la retraite le 28 septembre 2003 avec un préavis de six mois ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le second moyen pris en ses trois premières branches et cinquième et sixi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... engagé le 4 septembre 1961 par la société Jeumont Schneider, dont le contrat de travail a été repris à partir de 1989 par la société Abb automation devenue Abb France et exerçant en dernier lieu les fonctions d'ingénieur technico-commercial a été mis à la retraite le 28 septembre 2003 avec un préavis de six mois ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen pris en ses trois premières branches et cinquième et sixième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la quatrième branche du second moyen :
Vu les articles L. 1234-5 et L. 1237-6 du code du travail, ensemble l'article 31-2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ;
Attendu que si, en cas de nullité du licenciement, le salarié a droit, en principe, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la requalification de la mise à la retraite en licenciement nul n'ouvre toutefois pas droit au paiement d'une telle indemnité lorsque la rupture du contrat a été précédée d'un délai de préavis d'une durée au moins égale à celle du préavis de licenciement ;
Attendu que pour allouer une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel relève que le délai prévu à l'article 32-1 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie et laissé à l'employeur pour prévenir le salarié de sa mise à la retraite six mois avant la date à laquelle il sera mis effectivement fin au contrat de travail ne peut être considéré comme un délai de préavis dans le cadre du licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le préavis dû en cas de licenciement était de même durée que celui dû en cas de mise à la retraite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Abb France à payer à M. X... une somme au titre de l'indemnité de préavis suite au licenciement, l'arrêt rendu le 21 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Abb France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. X... avait été victime d'un harcèlement moral et d'AVOIR condamné l'exposante à lui payer 50. 000 € au titre de l'indemnité pour harcèlement moral ainsi que 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre diverses condamnations pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « M. Michel X... expose à l'appui de son appel qu'il a fait l'objet d'un harcèlement moral ; en février 2002, dès la nomination de M. Y..., l'organigramme a été modifié de manière unilatérale et il a été déqualifié sans notification ni concertation préalable ; il indique qu'il n'était plus technico-commercial mais simple technicien ; il aurait ainsi été évincé du suivi de nombreux clients ; il fait état des difficultés nées de l'utilisation des logiciels OFFRASY et CUUSAMO et de l'impossibilité pour lui d'utiliser le logiciel CUUSAMO et de pouvoir bénéficier de la formation à ce dernier logiciel ; il précise qu'il a été mis à l'écart également de la formation sur les moteurs AMD et que M. Y... a tenté de lui retirer le client YORK ; il fait valoir que M. Y... a de même tenté d'empêcher le versement à M. Michel X... de la somme due au titre de l'intéressement de 2002 ;
La société ABB France conteste que M. Michel X... a fait l'objet d'un harcèlement moral ; elle réfute que le salarié a été évincé de la gestion des clients qu'il suivait depuis des années ; elle dénie que M. Michel X... a été court-circuité dans les relations avec les clients, et pour les réunions ; elle explique que le logiciel CUUSAMO n'a pas été installé sur le poste du salarié car il refuserait de travailler avec ce logiciel ; elle allègue que les déclarations de M. Michel X... ne correspondent pas à la réalité et notamment les prétendues insultes proférées par M. Y... qui auraient provoqué un malaise du salarié et entraîné un accident du travail ; l'employeur affirme que le salarié a des relations difficiles avec tous ses collègues de travail et qu'il ne pourrait rendre responsable la société de la situation qu'il a lui seul créée ;
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ;
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1 « dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » ;
En l'espèce, M. Michel X... pour justifier de la perte de sa fonction commerciale produit d'une part l'avenant du contrat de travail qui prévoit qu'à compter du 1er janvier 1990, il exercera les fonctions d'ingénieur technico-commercial, et d'autre part l'organigramme de mars 2002 qui mentionne « Michel X... / Technical support » et « Martine Z... / Area Sales » ; l'existence de cet organigramme n'est pas réfuté par l'employeur ;
M. Michel X... se prévaut de ses courriels qui soulignent de ce qu'il a été évincé des relations commerciales avec les clients et qu'il n'avait plus de contact avec eux
Il ressort des éléments du dossier produits par les parties, l'existence d'une réelle tension entre M. Michel X... et Mme Z... dans le traitement des « dossiers clients » et finalement M. Michel X... a pu conserver le traitement du dossier YORK dont il n'est pas dénié qu'il en assurait la gestion depuis une quinzaine d'années ;
Il en résulte donc bien que M. Michel X... a eu de sérieuses difficultés à conserver ce client ;
Il ressort du courriel du 16 mars 2003 de M. Y... que M. Michel X... a été écarté de la visite chez YORK alors qu'il assurait le suivi de ce client ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'a pas pu participer à certaines réunions ;
En ce qui concerne les logiciels, les échanges de courriel de M. Michel X... avec M. Y... démontrent seulement les difficultés relationnelles entre les deux salariés et les problèmes de réactualisation du logiciel OFFRASY ;
En revanche, il n'est pas contesté par la société ABB France que M. Michel X... a été exclu de la formation sur le logiciel CUUSAMO ;
Il est établi que M. Michel X... a reçu avec retard l'appel d'offre du dossier « ALSTOM », M. Y... le reconnaissant dans son attestation, et ainsi M. Michel X... a été contraint de traité ce volumineux appel d'offre en seulement quatre jours alors que ce document avait été remis sans aucune difficulté dès le 27 mai 2003 à M. A..., un autre salarié, fait non contesté ;

Il n'est pas contesté que l'intéressement contractuel de M. Michel X... a été modifié en 2002, la base de l'intéressement du salarié n'étant fixée qu'à 1220 K alors que les autres commerciaux bénéficiaient d'une base d'intéressement de 8000 K ; Si l'employeur avance qu'il s'agissait d'une erreur, il résulte des courriels échangés entre M. Michel X... et M. Y... que les explications de ce dernier concernant ce changement ont varié avant d'aboutir à la rectification demandée par M. Michel X..., après qu'il avait saisi de ce différent M. B..., directeur général de la société ;

Il résulte de l'organigramme de janvier 2003 que M. Michel X... a seulement retrouvé après plusieurs mois, les fonctions commerciales qui, sans concertation, lui avaient été retirées, fait établi par le précédent organigramme de mars 2002 ;
L'attestation de Mme Z... du 6 juillet 2005 et du 8 septembre 2006, écrites en des termes très généraux et vagues, ne peuvent être retenues comme un élément probant ; qu'il en est de même pour l'attestation de Mme Z... du 21 novembre 2007 qui est à la fois non circonstanciée et non corroborée par d'autres éléments de preuve ;
L'attestation de M. Y... dont il est établi qu'il entretenait des relations conflictuelles avec M. Michel X..., n'emporte pas la conviction de cette juridiction ;
En ce qui concerne les autres attestations produites par l'employeur, à savoir celles de MM. C..., D..., E..., F..., A..., autres salariés ayant travaillé avec M. Y..., le caractère général du contenu, peu précis et peu circonstancié, ne permet pas de les prendre en considération ;
Il est donc démontré qu'une modification du poste de M. Michel X... était intervenue ainsi que sa mise à l'écart et une tentative de le priver de son intéressement en 2002 ;
Par ailleurs, il est constant qu'une altercation est intervenue le 3 juin 2003 entre M. Michel X... et M. Y... ;
La société ABB France déclare produire la pièce 25 comme étant l'attestation de M. G...qu'en fait la pièce 25 correspond au rapport d'enquête de Mine H..., comme indiqué dans le bureau des pièces, et l'attestation de M. G...ne figure pas parmi les pièces de l'employeur ;
Les échanges de courriels versés au dossier et le rapport d'enquête du 12 juillet 2004 de Mme H..., établissent que les relations difficiles imputées au salarié sont en partie liées aux agissements de M. Y... ;
Le certificat médical initial du 12 juin 2003 mentionne « réaction à type de malaise avec poussée tensionnelle réactionnelle suite à une altercation avec son supérieur hiérarchique sur le lieu de travail » ;
Il s'ensuit que l'ensemble de ces faits dont la preuve contraire n'est pas rapportée, établissent à eux seuls l'existence d'agissements répétés de nature à dégrader les conditions de travail de M. Michel X... et à altérer sa santé physique ou mentale, ainsi que cela résulte du certificat médical du 12 juin 2003 et du jugement du 4 juillet 2006 du tribunal des affaires de sécurité sociale, confirmé par l'arrêt du 13 septembre 2007 de la Cour d'appel de Paris dont le caractère définitif n'est pas contesté, qui ont reconnu le caractère professionnel de l'accident survenu le 11 juin 2003 à M. Michel X... ;
Il s'ensuit que le harcèlement moral est suffisamment caractérisé Il convient d'infirmer le jugement et de dire que M. Michel X... a été victime d'un harcèlement moral ;
En conséquence, M. Michel X..., salarié pendant 42 ans dans la société et en fin de carrière, dont les qualités professionnelles ont été reconnues, est en droit d'obtenir le montant suffisamment justifié, de 50 000 € au titre de la réparation du préjudice moral que lui a causé ce harcèlement moral » ;
1. ALORS QUE la simple modification des tâches du salarié, qui n'entraine pas une modification de son contrat de travail, décidée par l'employeur dans l'intérêt et la bonne marche de l'entreprise ne peut constituer un agissement constitutif d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, l'employeur avait, dans l'exercice de son pouvoir de direction et d'organisation de l'entreprise, confié à Mme Z... le suivi commercial de certains clients, notamment ceux de M. X... qui se plaignait de surcharge de travail, M. X... conservant toutefois le suivi commercial du client YORK et s'occupant, sur le terrain commercial et technique, des appels d'offres et commandes, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas eu de modification de son contrat de travail ; qu'après avoir relevé que M. X... continuait à assumer la gestion commerciale du client YORK et les appels d'offres (notamment celui d'ALSTOM), la Cour d'appel s'est bornée à retenir qu'il avait été retiré à M. X... la gestion commerciale de ses autres clients pour en déduire un agissement constitutif d'un harcèlement moral à son encontre, sans rechercher si la réduction de ses tâches ne constituait pas une modification de ses conditions de travail décidée dans l'intérêt et la bonne marche de l'entreprise ; qu'ainsi la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-49 devenu L 1152-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE les juges du fond doivent s'expliquer sur les éléments objectifs avancés par l'employeur pour exclure l'existence d'agissements constitutifs d'harcèlement moral ; qu'en l'espèce, l'employeur soutenait que si M. X... n'avait pas suivi la formation sur le logiciel CUUSAMO, c'était parce qu'il refusait de travailler avec ce logiciel mais uniquement qu'avec le logiciel OFFRASY dont il était le créateur ; qu'en retenant que M. X... avait été exclu de la formation sur le logiciel CUUSAMO pour en déduire l'existence d'un agissement constitutif d'harcèlement moral, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si le défaut de formation ne s'expliquait pas par le refus de M. X... de travailler avec le logiciel concerné, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 122-49 devenu L 1152-1 du code du travail ;

3. ALORS QU'il résultait du courriel de M. X... du 2 juin 2003 adressé à M. Y... que l'appel d'offre du dossier ALSTOM, reçu par M. Y... le 15 mai 2003, avait d'abord été transféré, avec un certain retard le 27 mai 2003, à M. A... qui avait refusé de traiter cet appel d'offre, puis avait ensuite été transféré à M. I...qui, refusant également de traiter cet appel d'offre, l'a ensuite retransféré le 2 juin à M. X... ; qu'en retenant que M. X... avait reçu le 2 juin 2003 avec retard l'appel d'offre d'ALSTOM bien que ce dossier avait été remis sans aucune difficulté dès le 27 mai 2003 à M. A..., pour en déduire l'existence d'un agissement constitutif d'un harcèlement moral à son encontre, sans rechercher si ce retard ne s'expliquait pas objectivement par le fait qu'à compter de sa transmission le 27 mai 2003 pour être traité, l'appel d'offre avait été refusé successivement par deux ingénieurs technico-commerciaux avant d'être transféré à M. X... le 2 juin 2003, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-49 devenu L 1152-1 du code du travail ;
4. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer par omission les écrits qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, M. X... avait versé aux débats son courriel du 2 juin 2003 indiquant à M. Y... qu'il donnerait une réponse à l'appel d'offre d'ALSTOM dans un mois environ ; que le rapport d'enquête de Mme H... mentionne le fait que M. X... avait bénéficié d'un délai supplémentaire pour traiter ce dossier ; qu'en affirmant que M. X... avait été contraint de traiter l'appel d'offre ALSTOM en seulement quatre jours, soit dans le délai initial, la Cour d'appel a dénaturé par omission les documents susvisés en violation de l'article 1134 du code civil ;
5. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'il résulte du courriel de M. X... du 12 mars 2003 envoyé à 11h47 à M. Y... que celui-ci lui avait expliqué que la base de l'intéressement à 1220 Ke était une erreur en ce qu'elle avait été divisée par le taux de change et que malgré la reconnaissance de cet erreur, M. X... avait ensuite écrit le même jour un courriel à 12h50 à M. B..., le Directeur général de la société pour se plaindre de ce problème qui n'avait plus lieu d'être ; qu'en retenant qu'il résultait des courriels échangés entre M. X... et M. Y... que la rectification demandée par M. X... n'avait abouti qu'après qu'il avait saisi de ce différend M. B..., la Cour d'appel a dénaturé les courriels précités en violation de l'article 1134 du code civil ;
6. ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur indiquait expressément dans ses conclusions que le témoignage de M. G...était relaté par Mme H... dans son rapport d'enquête produit aux débats sous le n° 25 (conclusions p 11 § 1) ; qu'en affirmant que l'employeur ne versait pas aux débats l'attestation de M. G...dans la mesure où la pièce n° 25 correspondait au rapport d'enquête de Mme H..., la Cour d'appel n'a manifestement pas examiné le document susvisé relatant le témoignage de M. G...entendu dans le cadre de cette enquête, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
7. ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'en cas d'identité d'objet et de la cause de la demande formée entre les mêmes parties ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a jugé que l'existence d'agissements répétés de nature à dégrader les conditions de travail de M. X... et à altérer sa santé physique ou mentale résultait de l'arrêt du 13 septembre 2007 de la Cour d'appel de PARIS reconnaissant le caractère professionnel de l'accident survenu le 11 juin 2003 à M. X... et ayant un caractère définitif ; qu'en statuant ainsi bien que l'arrêt susvisé n'avait aucune autorité de la chose jugée quant à l'existence d'un harcèlement moral, en l'absence d'identité d'objet, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analysait en un licenciement entaché de nullité et d'AVOIR condamné l'exposante à payer à celui-ci 24. 803, 88 € pour l'indemnité de préavis, 2. 480, 38 € pour les congés payés afférents, 51. 187, 22 € au titre de l'indemnité de licenciement conventionnelle, 99. 215, 52 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul, 4. 133, 98 € au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière, ainsi que 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « M. Michel X... soutient qu'il a été mis à la retraite d'office, alors qu'il avait atteint l'âge de la retraite de 60 ans dès le 19 février 2003 et qu'il aurait été convenu qu'il reste au sein de l'entreprise jusqu'à l'âge de 65 ans ; il affirme que la rupture du contrat de travail est nulle en raison du harcèlement moral ; il s'agirait donc d'un licenciement abusif ; il souligne également que l'article 31-2 de la convention collective a été violé car l'employeur n'a pas justifié avoir embauché pour le remplacer un salarié dans l'année du départ à la retraite ;
La société ABB France rétorque que la mise à la retraite de M. Michel X... est régulière ; elle précise qu'elle a embauché 13 salariés au cours de l'année 2004 ;
Aux termes de l'article L. 1237-5 du code du travail « la mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1'de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale.
Un âge inférieur peut être fixé, dans la limite de celui prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la sécurité sociale :
1° Dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif étendu conclu avant le 1er janvier 2008 fixant des contreparties en termes d'emploi ou de formation Professionnelle » ;
L'avenant du 29 janvier 2000 à l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie prévoit à l'article 31-2 concernant la mise à la retraite avant 65 ans : « la mise à la retraite, à l'initiative de l'employeur, d'un ingénieur ou cadre âgé de moins de 65 ans qui peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein au sens du code de la Sécurité sociale et qui peut faire liquider sans abattement les retraites complémentaires auxquelles l'employeur cotise avec lui ne constitue pas un licenciement lorsque cette mise à la retraite s'accompagne de l'une des quatre dispositions suivantes :
• conclusion par l'employeur d'un contrat d'apprentissage ;
• conclusion par l'employeur d'un contrat de qualification ;
• embauche compensatrice déjà réalisée dans le cadre d'une mesure de préretraite progressive ou de toute autre mesure ayant le même objet ;
• conclusion par l'employeur d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Le contrat d'apprentissage ou de qualification visé à l'alinéa précédent doit être conclu dans un délai d'un an avant ou après la date de notification de la mise à la retraite. Il doit comporter soit la mention du nom de l'ingénieur ou cadre mis à la retraite, si celui-ci ne s'y oppose pas, soit la mention de son identification codée.
A la demande écrite de l'ingénieur ou cadre mis à la retraite, l'employeur doit justifier de la conclusion du contrat d'apprentissage ou de qualification, ou du remplacement par contrat à durée indéterminée, en communiquant à l'intéressé soit le nom du titulaire du contrat si celui-ci ne s'y oppose pas, soit son identification codée.
L'employeur doit prévenir l'ingénieur ou cadre de sa mise à la retraite six mois avant la date à laquelle il sera mis effectivement fin au contrat de travail » ;
Il résulte de l'article 31-2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, que l'employeur qui a décidé de la mise à la retraite d'un salarié doit rapporter la preuve que le contrat à durée indéterminée conclu avec un autre salarié est en lien avec cette mise à la retraite ;
Par conclusions, le salarié effectue la demande prévue par l'article 31-2 ;
La société ABB France se borne à produire un extrait du registre du personnel duquel il ressort seulement que 13 salariés cadres et non cadres ont été engagés par contrat à durée indéterminée en 2004 dont MM. J...et K...sans précision concernant l'effectif de la société et sans autre élément prouvant le lien entre ces embauches et la mise à la retraite de M. Michel X... ;
Pour ce seul motif, en l'absence de preuve d'un lien entre ces nouveaux contrats de travail et la mise à la retraite de M. Michel X..., constitue un licenciement, la mise à la retraite décidée par l'employeur alors que les conditions prévues par l'article L. 1237-5 du code du travail et les dispositions de la convention collective applicable ne sont pas remplies ;
Par ailleurs, cette mise à la retraite irrégulière intervenue le 26 septembre 2003, alors que M. Michel X... avait atteint l'âge de 60 ans dès le 19 février 2003 est la conséquence du harcèlement moral dont le salarié était l'objet.
Donc, le licenciement intervenu doit être déclaré nul en raison du harcèlement moral démontré ;
Il s'ensuit qu'il convient d'infirmer le jugement et de déclarer que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement entaché de nullité ;
SUR LES CONSÉQUENCES DU LICENCIEMENT NUL
• Sur la réintégration
Le licenciement d'un salarié harcelé, et qui est atteint de nullité, ouvre droit à la réintégration pour le salarié qui la demande ;
En l'espèce, M. Michel X... ne sollicitant pas la réintégration, il y a lieu de lui en donner acte ;
• Sur le préavis et les congés payés afférents
Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les motifs de la rupture ;
En l'occurrence, que si l'employeur doit prévenir l'ingénieur ou cadre de sa mise à la retraite six mois avant la date à laquelle il sera mis effectivement fin au contrat de travail, ce délai ne peut être considéré comme un préavis dans le cadre du licenciement ;
Donc la demande pour l'indemnité compensatrice de préavis de M. Michel X... est justifiée pour la somme de 24 803, 88 € outre celle de 2 480, 38 € pour les congés payés afférents, montants non contestés ;
• Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
Au regard du licenciement le salarié est en droit d'obtenir au titre. de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 51 187, 22 € montant non contesté ;
Il convient d'accorder à M. Michel X... cette indemnité ;
• Sur l'indemnité de licenciement entaché de nullité
Il convient d'allouer le montant non contesté de 99 215, 52 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul qui suffit à assurer la réparation de l'entier préjudice subi par M. Michel X... du fait de la perte de son emploi et eu égard à son ancienneté ;
• Sur l'indemnité pour procédure irrégulière
Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice résultant de la nullité du licenciement ;
En l'espèce, M. Michel X... est fondé à obtenir la somme de 4 133, 98 € non comprise dans l'indemnité concernant le licenciement nul et ce au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière, montant non critiqué » ;
1. ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, l'annulation du chef de dispositif ayant dit que la rupture du contrat de travail de M. X... s'analysait en un licenciement entaché de nullité et ayant condamné l'exposante à payer au salarié diverses sommes en conséquence de la nullité du licenciement ;
2. ALORS QUE l'article 31-2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie prévoit que la mise à la retraite d'un ingénieur ou cadre âgé de moins de 65 ans et bénéficiant d'une pension de vieillesse à taux plein est possible si la mise à la retraite s'accompagne de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée, sans exiger que la conclusion de ce nouveau contrat à durée indéterminée soit en lien avec la mise à la retraite ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que, postérieurement à la mise à la retraite de M. X..., l'employeur avait procédé à l'embauche de 13 salariés par contrat à durée indéterminée, dont M. J...et M. K...; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas établir de lien entre ces embauches et la mise à la retraite de M. X... pour en déduire que la mise à la retraite était irrégulière, la Cour d'appel a violé l'article 31-2 de la convention collective susvisée ;
3. ALORS QUE l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement nul ; qu'en l'espèce, en allouant à la fois à M. X... des dommages-intérêts pour licenciement nul et une indemnité pour procédure irrégulière, la Cour d'appel a violé l'article L. 122-14-4 devenu l'article 1235-2 du code du travail ;
4. ALORS QUE le délai de 6 mois prévu par l'article 31-2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie pour notifier au salarié sa mise à la retraite avant la fin effective du contrat de travail s'analyse en un délai de préavis prévu par l'article L 122-14-13 dernier alinéa du code du travail (nouvel article L 1237-6 du code du travail) ; qu'en jugeant que ce délai ne pouvait être considéré comme un délai de préavis pour accorder à M. X..., qui avait déjà bénéficié d'un préavis de 6 mois à compter de la notification de sa mise à la retraite, une indemnité compensatrice de préavis, la Cour d'appel a violé l'article 31-2 de la convention collective susvisée, ensemble l'article L 122-14-13 devenu L 1237-6 du code du travail ;
5. ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité, et que la circonstance qu'une demande ne soit pas contestée ne dispense pas le juge de son obligation de vérifier son bien fondé ; qu'en l'espèce, si l'employeur ne contestait pas expressément le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement réclamé par le salarié, il faisait valoir que celui-ci avait perçu, suite à son départ à la retraite, une indemnité de 31. 227, 58 € calculée conformément aux dispositions de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie qui sont les mêmes dispositions applicables en matière d'indemnité de licenciement ; qu'en se bornant à retenir que le montant de 51. 187, 22 € d'indemnité conventionnelle de licenciement n'était pas contesté pour allouer ce montant au salarié, sans vérifier le bien fondé de cette demande, la Cour d'appel a violé les articles 12 et 455 du code de procédure civile ;
6. ALORS QUE lorsque la mise à la retraite est requalifiée en un licenciement, le salarié ne peut à la fois cumuler l'indemnité de départ à la retraite et l'indemnité de licenciement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que M. X... avait perçu, suite à son départ à la retraite, une indemnité de 31. 227, 58 € calculée conformément aux dispositions de l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie ; qu'en condamnant l'employeur, après avoir requalifié la mise à la retraite en licenciement, à payer à M. X... une indemnité conventionnelle de licenciement de 51. 187, 22 € sans déduire de ce montant le montant de l'indemnité de départ à la retraite perçue par le salarié, la Cour d'appel a violé l'article 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41349
Date de la décision : 30/06/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Effets - Indemnité compensatrice de préavis - Paiement - Exclusion - Cas - Requalification d'une mise à la retraite en licenciement nul - Condition

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Mise à la retraite - Préavis - Durée - Durée au moins égale à celle du préavis de licenciement - Indemnité compensatrice de préavis - Paiement - Exclusion

Si en cas de nullité du licenciement, le salarié a droit, en principe, au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, la requalification de la mise à la retraite en licenciement nul n'ouvre toutefois pas droit au paiement d'une telle indemnité lorsque la rupture du contrat a été précédée d'un délai de préavis d'une durée au moins égale à celle du préavis de licenciement. En l'espèce, la cour d'appel ne pouvait allouer au salarié une indemnité compensatrice de préavis pour licenciement d'une durée égale à celle du préavis déjà effectué dans le cadre de la mise à la retraite


Références :

articles L. 1234-5 et L. 1237-6 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2009

Sur l'exclusion du cumul de plusieurs règles protectrices des salariés protégés, à rapprocher : Soc., 19 septembre 2007, pourvois n° 06-41.227 et 06-41.238, Bull. 2007, V, n° 130 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 jui. 2010, pourvoi n°09-41349, Bull. civ. 2010, V, n° 153
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 153

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : Mme Zientara
Rapporteur ?: M. Mansion
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41349
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