LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 avril 2009), que les consorts X... ont assigné les époux Y..., qui avaient acquis des époux Z... une parcelle bâtie cadastrée AD n° 362, ainsi que Mme Z..., propriétaire d'une autre parcelle, pour faire constater la cessation de l'état d'enclave de leurs fonds et l'extinction de la servitude de passage grevant le leur ;
Attendu que, pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que la servitude consentie le 15 avril 1939 et insérée dans l'acte de vente de la parcelle 362 ne fait pas référence à une situation d'enclave qui justifierait sa création et que les éléments du dossier ne permettent pas de dire que cette situation d'enclave était la cause déterminante de la création de la servitude conventionnelle à la date du 15 avril 1939 ;
Qu'en statuant ainsi, en retenant que la servitude avait été consentie le 15 avril 1939 alors que, dans l'acte reçu par le notaire le 15 avril 1939, il était indiqué sous le titre " rappel de servitudes ", que le vendeur déclarait n'avoir personnellement créé aucune servitude et qu'il n'était pas à sa connaissance qu'il en ait existé, soit activement, soit passivement, à l'égard de l'immeuble vendu, à l'exception toutefois d'une servitude de passage au profit des propriétés Z... et D..., la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... et les condamne à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour les consorts X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur et Madame Y... bénéficiaient d'une servitude de passage sur le terrain des consorts X..., propriétaires d'une parcelle n° 510 et d'AVOIR ordonné la publication de la décision à la conservation des hypothèques ;
AUX MOTIFS QUE la servitude consentie le 15 avril 1939 est ainsi libellée (et réappelée dans les titres) : « Monsieur A...es qualité, déclare que la société venderesse n'a personnellement créé aucune servitude et qu'il n'est pas à sa connaissance qu'il en existe, soit activement, soit passivement, à l'égard de l'immeuble vendu, à l'exception toutefois, d'une servitude de passage au profit des propriétés Z... et D.... Ce droit de passage part du chemin rural confrontant au sud la propriété objet de la présente vente pour se diriger dans le sens Est-Ouest vers la propriété Z... au sud du puits de la propriété vendue. Telle au surplus que cette servitude est indiqué au plan ci-annexé » ; qu'il n'est pas fait référence à l'existence d'une situation d'enclave, qui justifierait sa création ; de plus cette clause est insérée dans l'acte de vente de la parcelle 362 à Monsieur B..., et non dans un acte de partage d'un fonds unique ; que les éléments du dossier ne permettent pas de dire que la situation d'enclave était la cause déterminante de la création de la servitude conventionnelle à la date du 15 avril 1939 ; que dès lors, l'article 685-1 du code civil est inapplicable ;
1. / ALORS QUE, il est interdit au juge de dénaturer les pièces du dossier ; que la clause insérée dans l'acte de vente du 15 avril 1939, et reprise dans l'acte de vente du 25 janvier 1995, énonce qu'« aux termes de l'acte reçu par Me C..., notaire sus nommé le quinze avril mil neuf cent trente-neuf il a été indiqué sous le titre « rappel des servitudes », ce qui suit littéralement transcrit : « Monsieur A...es qualité, déclare que la société venderesse n'a personnellement créé aucune servitude et qu'il n'est pas à sa connaissance qu'il en existe, soit activement, soit passivement, à l'égard de l'immeuble vendu, à l'exception toutefois, d'une servitude de passage au profit des propriétés Z... et D... » », ce dont il résulte que la servitude de passage existait antérieurement à l'acte recognitif du 15 avril 1939 ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article 685-1 du code civil, que cette servitude aurait été créée à la date du 15 avril 1939 (p. 3, § 13), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente du 25 janvier 1995, en violation du principe susvisé ;
2. / ALORS QUE, il est interdit au juge de dénaturer les éléments versés aux débats ; que la clause insérée dans l'acte de vente du 15 avril 1939, et reprise dans l'acte de vente du 25 janvier 1995, énonce que « Monsieur A...es qualité, déclare que la société venderesse n'a personnellement créé aucune servitude et qu'il n'est pas à sa connaissance qu'il en existe, soit activement, soit passivement, à l'égard de l'immeuble vendu, à l'exception toutefois, d'une servitude de passage au profit des propriétés Z... et D.... », ce dont il résulte que l'origine légale ou conventionnelle de la servitude n'était pas précisée ; qu'en retenant, pour écarter l'application de l'article 685-1 du code civil, que l'acte du 15 avril 1939 avait créé une servitude conventionnelle, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente du 25 janvier 1995, en violation du principe susvisé ;
3. / ALORS QUE prive sa décision de motivation le juge qui se détermine sur le seul visa de document n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se bornant à énoncer que « les éléments du dossier ne permettent pas de dire que la situation d'enclave était la cause déterminante de la création de la servitude conventionnelle à la date du 15 avril 1939 », pour écarter l'application de l'article 685-1 du code civil, sans analyser, même sommairement, les pièces produites par les parties, et notamment le procès-verbal de bornage, le rapport d'expertise et les différents courriers produits par les exposants à l'appui de leurs conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4. / ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la servitude de passage dont l'assiette et l'aménagement ont été fixés conventionnellement, mais trouvant sa cause dans l'état d'enclave du fonds dominant, prend fin lorsque ce fonds cesse d'être enclavé ; qu'en se bornant à énoncer que l'acte de vente du 15 avril 1939 ne faisait pas référence à un état d'enclave et que « les éléments du dossier ne permettent pas de dire que la situation d'enclave était la cause déterminante de la création de la servitude conventionnelle à la date du 15 avril 1939 », pour écarter l'application de l'article 685-1 du code civil, sans rechercher la cause effective de la servitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.