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23/06/2010 | FRANCE | N°09-65803

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 2010, 09-65803


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 février 2009), que Mme X..., engagée depuis 1966 au sein de la société X..., société à caractère familial dont elle était actionnaire, a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 29 mars 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et d'une demande en paiement de diverses sommes ; que la société a opposé qu'en réalité elle recevait une rémunération et des bulleti

ns de paie sans avoir, à aucun moment, travaillé dans l'entreprise ;

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 3 février 2009), que Mme X..., engagée depuis 1966 au sein de la société X..., société à caractère familial dont elle était actionnaire, a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 29 mars 2004 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation du bien-fondé de son licenciement et d'une demande en paiement de diverses sommes ; que la société a opposé qu'en réalité elle recevait une rémunération et des bulletins de paie sans avoir, à aucun moment, travaillé dans l'entreprise ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes, alors, selon le moyen :

1° / que les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige, tels que déterminés par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, Mme Y... faisait valoir tout d'abord l'absence de caractère fictif du contrat de travail, dont elle avait été titulaire du 1er octobre 1966 au 31 mars 2004, au sein de la société X... avant de démontrer l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement tandis que la société X... soutenait tout d'abord le caractère fictif dudit contrat de travail et sollicitait la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait constaté celle-ci, puis faisait valoir le caractère réel et sérieux du licenciement litigieux ; que dès lors, en l'espèce, en considérant l'absence de contrat de travail apparent, nullement invoqué par la société X... ou critiqué par Mme Y..., et en appliquant les règles de preuve afférentes pour débouter Mme Y... de ses demandes relatives à son licenciement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que déterminés par les prétentions respectives des parties et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2° / que caractérisent un contrat de travail apparent, la remise de bulletin de salaire et la notification d'une lettre de licenciement adressée au salarié par l'employeur ; qu'il appartient dès lors à celui qui conteste l'existence de ce contrat et, partant, son caractère fictif, d'apporter la preuve de l'absence d'un lien de subordination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, saisie par Mme Y... de demandes relatives au bien fondé de son licenciement, a relevé l'existence de bulletins de paie adressés par la société X... à Mme Y..., et, implicitement mais nécessairement, comme saisie de demandes afférentes au licenciement de Mme Y..., l'existence de la lettre de notification de ce licenciement par la société X... à l'intéressée ; que dès lors en concluant à l'absence de contrat apparent et en imposant, en conséquence, à la salariée, de rapporter la preuve d'un contrat de travail, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 du code civil ;

3° / qu'en déduisant l'absence de contrat de travail ayant lié Mme Y... à la société X... de ce que la seule production par Mme Y... de ses bulletins de paie ne pouvait être équivalente à un contrat de travail et de ce que les attestations produites par Mme Y... ne faisaient pas état de l'emploi effectivement occupé par celle-ci au sein de l'entreprise, la cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve en l'état d'un contrat de travail apparent, a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1315 du code civil ;

4° / qu'il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d'un contrat apparent de travail d'en rapporter la preuve, une telle preuve impliquant celle de l'absence de tout lien de subordination ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence du contrat de travail litigieux des seules difficultés financières importantes consécutives à l'incendie auquel la société X... avait été confrontée et de la production par celle-ci d'un courrier de l'expert-comptable, datant de 2003, et soulignant « la nécessité de faire cesser le versement de salaires à Mme Y... pour un emploi fictif », pourtant insuffisantes à établir l'absence de lien de subordination de Mme Y... que la société X... devait prouver, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'abstraction faite des motifs critiqués par les trois premières branches du moyen mais surabondants, la cour d'appel, qui a relevé par motifs propres et adoptés au vu de l'ensemble des éléments de preuve produits que Mme X... n'avait jamais occupé un emploi dans l'entreprise et n'y avait effectué aucun travail pour la société, a estimé que la preuve était rapportée que le contrat de travail apparent avait un caractère fictif ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Laugier et Caston, avocat aux conseils pour Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande de contestation de son licenciement et de sa demande subséquente de paiement par la SA X... de diverses indemnités et rappels de salaires ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'existence d'un contrat de travail, Madame Sylvie X..., qui est la présidente de l'entreprise, est la soeur la plus jeune de Madame Annie Y... et cette dernière était actionnaire dans la société, au même titre que plusieurs autres membres de la famille X... ; qu'il y a lieu de rechercher la réalité du contrat de travail existant entre Madame Y... et la Société X..., au-delà de l'habillage que les parties ont entendu donner à leurs relations ; qu'en l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui se prétend salarié d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination, caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives et de sanctionner les manquements ; que la participation à un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; qu'en l'espèce, aucun contrat de travail écrit n'a été conclu entre Madame Y... et la Société X..., la seule production de bulletins de paie ne pouvant être équivalente à un contrat de travail ; qu'il appartient à Madame Y... d'établir qu'elle a accompli depuis son engagement au sein de la Société X..., une prestation de travail régulière sous la subordination de l'employeur, le versement d'une rémunération n'étant pas contesté ; que les bulletins de paie font état d'une qualification de cartonnière puis d'attachée commerciale ; que Madame Annie Y... produit des attestations de proches ou d'anciens salariés de l'entreprise dont les termes sont imprécis ; qu'aucune de ces attestations ne fait état de l'emploi occupé effectivement par Madame Y... et elles se bornent à dire ou qu'elle était dans l'entreprise, sans préciser à quel titre ou qu'elle a travaillé dans l'entreprise de ses parents ; qu'il sera relevé qu'elle-même ne donne, ni dans ses conclusions ni par les pièces produites, à part la dénomination d'attachée commerciale figurant sur les derniers bulletins de paie, aucun détail sur sa prestation de travail et ne fait référence à aucune qualification ou aucun coefficient ; qu'en outre, elle déplore n'avoir aucune formation professionnelle ; que de son côté, la Société X... rappelle qu'à la suite de l'incendie de l'entreprise, elle a été confrontée à des difficultés financières importantes et un courrier de l'expert comptable de l'entreprise du mois de décembre 2003 fait état de la nécessité de faire cesser le versement de salaires à Madame Y... pour un emploi fictif ; que le premier juge a rappelé de manière circonstanciée le contenu des attestations produites par la Société X... qui indiquent qu'effectivement, Madame Y..., si elle passait parfois à l'entreprise pour rencontrer ses parents ou pour voir des membres de sa famille, n'occupait pas un emploi et n'effectuait aucun travail dans l'entreprise ; que dans la mesure où les demandes de Madame X... sont liées à son licenciement, il sera retenu que faute d'établir la réalité d'un contrat de travail et la réalisation d'une prestation de travail effectuée de manière régulière sous la subordination de l'employeur, c'est à juste titre que le premier juge a débouté Madame Y... de ses demandes, la situation dont elle a bénéficié pendant plusieurs dizaines d'années étant le résultat de la nature familiale de la société mais ne pouvant la faire bénéficier des garanties réservées aux salariées ; que le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions (arrêt, p. 3 der. § ; p. 4 et 5 § 1) ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent méconnaître les termes du litige, tels que déterminés par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel, Madame Y... faisait valoir tout d'abord l'absence de caractère fictif du contrat de travail, dont elle avait été titulaire du 1er octobre 1966 au 31 mars 2004, au sein de la Société X... avant de démontrer l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement tandis que la Société X... soutenait tout d'abord le caractère fictif dudit contrat de travail et sollicitait la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait constaté celle-ci, puis faisait valoir le caractère réel et sérieux du licenciement litigieux ; que dès lors, en l'espèce, en considérant l'absence de contrat de travail apparent, nullement invoqué par la Société X... ou critiqué par Madame Y..., et en appliquant les règles de preuve afférentes pour débouter Madame Y... de ses demandes relatives à son licenciement, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que déterminés par les prétentions respectives des parties et ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE caractérisent un contrat de travail apparent, la remise de bulletin de salaire et la notification d'une lettre de licenciement adressée au salarié par l'employeur ; qu'il appartient dès lors à celui qui conteste l'existence de ce contrat et, partant, son caractère fictif, d'apporter la preuve de l'absence d'un lien de subordination ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, saisie par Madame Y... de demandes relatives au bien fondé de son licenciement, a relevé l'existence de bulletins de paie adressés par la Société X... à Madame Y..., et, implicitement mais nécessairement, comme saisie de demandes afférentes au licenciement de Madame Y..., l'existence de la lettre de notification de ce licenciement par la Société X... à l'intéressée ; que dès lors en concluant à l'absence de contrat apparent et en imposant, en conséquence, à la salariée, de rapporter la preuve d'un contrat de travail, la Cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail, ensemble l'article 1315 du Code civil ;

3°) ALORS QU'en déduisant l'absence de contrat de travail ayant lié Madame Y... à la Société X... de ce que la seule production par Madame Y... de ses bulletins de paie ne pouvait être équivalente à un contrat de travail et de ce que les attestations produites par Madame Y... ne faisaient pas état de l'emploi effectivement occupé par celle-ci au sein de l'entreprise, la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve en l'état d'un contrat de travail apparent, a violé les articles L. 1221-1 du Code du travail et 1315 du Code civil ;

4°) ALORS QU'il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d'un contrat apparent de travail d'en rapporter la preuve, une telle preuve impliquant celle de l'absence de tout lien de subordination ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence du contrat de travail litigieux des seules difficultés financières importantes consécutives à l'incendie auquel la Société X... avait été confrontée et de la production par celle-ci d'un courrier de l'expert-comptable, datant de 2003, et soulignant « la nécessité de faire cesser le versement de salaires à Madame Y... pour un emploi fictif », pourtant insuffisantes à établir l'absence de lien de subordination de Madame Y... que la Société X... devait prouver, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-65803
Date de la décision : 23/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 03 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 2010, pourvoi n°09-65803


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Laugier et Caston, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65803
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