LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 janvier 2009), que M. X... qui était employé par la caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charente en qualité de "responsable administratif groupe" a été licencié pour faute grave en raison de son refus d'être affecté à un emploi de "responsable clientèle", le 26 février 2004, alors qu'il était âgé de cinquante-six ans ; qu'il a conclu une transaction avec son employeur le 3 mars 2004 ; que pour avoir paiement de la contribution prévue par l'article L. 321-13 du code du travail, alors en vigueur, l'ASSEDIC Aquitaine aux droits de laquelle vient Pôle emploi a émis le 9 février 2005 une contrainte à laquelle la caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charente a fait opposition ;
Attendu que la caisse d'épargne fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à titre principal 54 802,66 euros en la déboutant de son opposition à contrainte, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur est dispensé de verser la cotisation dite Delalande aux ASSEDIC en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ; que tel était le cas en l'espèce, peu important le versement par la suite d'une indemnité transactionnelle par l'employeur au salarié licencié pour faute grave ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 321-13 du code du travail, applicable au litige et alors en vigueur ;
2°/ que, l'employeur est dispensé de verser la cotisation dite Delalande aux ASSEDIC en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ; que tel était le cas en l'espèce, l'employeur ayant non seulement adressé à l'ASSEDIC l'attestation, préétablie, dûment remplie, en y mentionnant "refus de changement des conditions de travail", en n'y faisant figurer aucune indemnité (préavis et licenciement) et rédigé une lettre de licenciement mentionnant des faits qualifiés de faute grave, de sorte qu'il se situait dans le cas d'exonération de versement de la contribution Delalande en raison de la notification au salarié de son licenciement pour faute grave ; que dès lors, en condamnant néanmoins l'employeur au versement de la contribution Delalande litigieuse sans avoir recherché dans quelle mesure ces éléments du débat ne démontraient pas qu'il était dans un cas d'exonération légale, en l'occurrence, la faute grave du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du code du travail, applicable au litige et alors en vigueur ;
3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que dès lors en relevant d'office, pour la débouter de sa demande d'annulation de la contrainte tendant au versement de la contribution Delalande prétendument consécutive au licenciement de M. X..., le moyen tiré de l'absence de l'examen de la situation individuelle de ce salarié dans le cadre de la réorganisation de la caisse, comme exigé par la note du 20 juillet 2004 relative au "pôle développement et réseau, évolution d'organisation (comité d'entreprise du 29 juillet 2004)", sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que le refus par un salarié de continuer le travail après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave, qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement ; que dès lors en rejetant son opposition et en validant la contrainte litigieuse au motif qu'elle n'avait pas démontré la faute grave du salarié, cause exonératoire du versement de cette contribution, sans rechercher, comme l'y invitaient pourtant ses conclusions, dans quelle mesure en refusant le changement de ses conditions de travail, le salarié n'avait pas commis un acte d'insubordination, constitutif d'une faute grave, que l'employeur ne pouvait que sanctionner par un licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du code du travail, ensemble les articles L. 1234-1, L. 1234-9, L. 1232-1, ainsi que l'article L. 1221-1, du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel qui n'a pas déduit l'absence de faute grave du versement par l'employeur d'une indemnité transactionnelle au salarié et qui, sans méconnaître le principe du contradictoire, a retenu que le comportement reproché par l'employeur à M. X... dans la lettre de licenciement n'était pas fautif dans la mesure où l'intéressé était en droit de refuser une modification de son contrat de travail, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charente aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charente à payer au Pôle emploi Aquitaine la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la caisse d'épargne Aquitaine Poitou Charente.
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES de sa demande d'opposition à la contrainte émise le 9 février 2005 par l'ASSEDIC AQUITAINE et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer à celle-ci, à titre principal et conformément aux dispositions de l'article L. 321-13 du Code du travail, la somme de 54.802,66 € ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE s'il est exact qu'en présence d'une transaction entre un employeur et un salarié, à la suite du licenciement de ce dernier par le précédent, le contrôle du juge s'avère limité en raison de l'autorité qui s'attache à cet acte (article 2052 du Code civil), il n'en demeure pas moins que dans la cause il ne s'agit pas d'un contentieux opposant les seules parties mais de l'application (devenue depuis obsolète) d'une contribution instituée par le législateur sur les licenciements de nature à faire intervenir l'assurance chômage à l'égard de salariés considérés comme réglementairement âgés (article L 321-13 et D. 321-18 du Code du travail depuis abrogés) comme tel est les cas ; que cette disposition est d'ordre public à raison de sa nature – l'examen des conditions d'assiette ou d'exonération de la contribution échappe donc au cantonnement du contrôle du juge en matière de transaction qui certes ne concerne que les parties (article 2052 du Code civil) mais qui n'a pas pour effet de nuire aux droits des tiers (article 1165 du Code civil) ; que par voie de conséquence, l'ASSEDIC AQUITAINE attributaire par détermination de la loi du montant éventuel d'une contribution de cette nature est fondée à faire examiner si les dispositions de l'article L. 321-13 du Code du travail applicable à l'époque ont bien été observées par le redevable présumé ; qu'en l'espèce, la CAISSE D'EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES ; que, comme le relève le premier juge, le texte est sans équivoque, seules les fautes, grave ou lourde, sont de nature à écarter l'application automatique du versement de la cotisation en question à raison du but poursuivi par le législateur comme rappelé ci-dessus ; que force est de constater que le protocole transactionnel du 3 mars 2004 fait état d'un licenciement sans le qualifier et en même temps d'une indemnité d e rupture sans pour autant qualifier cette dernière ; que dès lors l'ASSEDIC est fondée à demander que soit justifiée à son égard la nature du licenciement en question dans la mesure où la CAISSE D'EPARGNE tente d'échapper à une contribution légalement déterminée en cas de licenciement ; que ce protocole ne vise pas la faute grave ; que par voie de conséquence, dans la détermination des concessions réciproques des parties qui est le fond de la transaction, il n'a pas été retenu par elles, explicitement ; que la faute grave n'est donc pas comprise (article 2049 du Code civil) et la transaction se renfermant dans son objet (article 2048 du Code civil), l'accord des parties porte forcément au fond sur un autre point que cette qualification ; que dès lors la nature de ce licenciement doit être examiné comme le sollicite l'ASSEDIC ; que la CAISSE D'EPARGNE, qui ne prend même pas la peine de fournir le contrat de travail de l'intéressé ni le règlement applicable au personnel des caisses, est à la peine de démontrer l'existence d'une faute grave puisque dans la réalité des faits, elle a abondé de sommes en contradiction avec la notion de faute grave sans noter ni justifier quelle était la concession réciproque du salarié à son égard sur ce point ; que la CAISSE D'EPARGNE se réfère à un refus d'un changement d'affectation de ce salarié sans autre précision, mais elle reconnaît dans ses écritures que ce salarié aurait considéré qu'il s'agissait d'une modification substantielle de son contrat de travail, opinion du salarié qui se trouve effectivement confortée par la note du 20 juillet 2004, versée aux débats sur « pôle développement et réseau, évolution d'organisation (comité d'entreprise du 29 juillet 2004) qui modifie totalement la structure des emplois de cet établissement ; que faute de pouvoir imposer cette modification à ce salarié, qui dans l'instance est absent, la CAISSE D'EPARGNE aurait prononcé un licenciement ; que dans la mesure où elle estime qu'une faute grave aurait été commise, il lui appartient de justifier de celle-ci, la preuve en l'espèce lui incombant ; qu'elle échoue dans cette démonstration ; qu'en effet, si dans une acception du motif, considéré en lui-même, ce dernier pourrait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (ce qui reste, rappelons le, hypothétique comme rappelé ci-dessus), l'employeur ne démontre pas en quoi, alors que dans le document rappelé ci-dessus la réorganisation comporte « l'examen des situations individuelles », la réaction du salarié alléguée pouvait entraîner l'exclusion immédiate de ce dernier de l'entreprise, situation qui est la condition nécessaire à la prise en considération de la qualification de faute grave ; que dès lors, la CAISSE D'EPARGNE échoue dans la démonstration qui lui incombe d'établir qu'au sens du texte fondant la poursuite en paiement d'une contribution légale, le licenciement qu'elle a prononcé est d'une nature qualitative exonératoire de cette contribution ; que la décision entreprise qui, dans une décision régulière et bien fondée, a condamné la CAISSE D'EPARGNE à régler les sommes rappelées ci-dessus, doit donc être purement et simplement confirmée ; (arrêt attaqué, pp. 5-6) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE l'article L. 321-13 du Code du travail (rédaction actualisée après l'ordonnance du 24 juin 2004) prévoit que toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l'allocation d'assurance prévue à l'article L. 351-3 entraîne l'obligation pour l'employeur de verser aux organismes visés à l'article L. 351-21 une cotisation dont le montant des fixé par décret dans la limite de douze mois de salarie brut calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des douze derniers mois travaillés ; que ce montant peut varier selon l'âge auquel intervient la rupture et la taille de l'entreprise concernée ; que cette cotisation n'est pas due dans les cas suivants : 1° licenciement pour faute grave ou lourde ; que dans une lettre du 6 février 2004, Monsieur X... qui était responsable administration groupe, suivant contrat du 1er juillet 1965, « informé de son affectation à l'emploi de responsable clientèle à compter du 16 février 2004 » a « refusé ce changement d'emploi » ; que le 26 février 2004, la CAISSE D'EPARGNE a adressé à Monsieur X... la lettre suivante : « Suite à notre entretien du 23 février 2004 et aux explications que vous m'avez fournies, je vous informe que j'ai décidé de vous licencier pour faute grave. En effet, vous avez refusé une affectation à l'emploi de responsable clientèle à BERGERAC alors que vous étiez affecté auparavant à l'emploi de responsable administration groupe à BERGERAC. Ce refus est donc constitutif d'une faute grave. Compte tenu de la gravité de la faute commise, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; vous n'avez donc pas de préavis à effectuer (…) » ; qu'une transaction est intervenue le 3 mars 2004 ; que Monsieur X... a reçu une indemnité de rupture de 52.000 € brute ; que l'énonciation par l'employeur d'un motif de licenciement de manière unilatérale ne lie pas la juridiction qui a le pouvoir de requalifier le licenciement ; que le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas nécessairement une faute grave ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi que le contrat de travail comportait une obligation de mobilité fonctionnelle ; que Monsieur X... était un salarié ayant une très grande ancienneté dans l'entreprise ; qu'il a perçu une indemnité de rupture forfaitaire conséquente de 52.000 € (plus de douze mois de salaires comme le fait observer l'ASSEDIC) ; qu'il n'est pas démontré en quoi le refus de Monsieur X... rendait son maintien dans l'entreprise impossible pendant al durée du préavis (jugement entrepris, pp ; 2-3) ;
1°) ALORS QUE l'employeur est dispensé de verser la cotisation dite DELALANDE aux ASSEDIC en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ; que tel était le cas en l'espèce, peu important le versement par la suite d'une indemnité transactionnelle par l'employeur au salarié licencié pour faute grave ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 321-13 du Code du travail, applicable au litige et alors en vigueur ;
2°) ALORS QUE, l'employeur est dispensé de verser la cotisation dite DELALANDE aux ASSEDIC en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ; que tel était le cas en l'espèce, l'employeur ayant non seulement adressé à l'ASSEDIC l'attestation, préétablie, dûment remplie, en y mentionnant « refus de changement des conditions de travail », en n'y faisant figurer aucune indemnité (préavis et licenciement) et rédigé une lettre de licenciement mentionnant des faits qualifiés de faute grave, de sorte qu'il se situait dans le cas d'exonération de versement de la contribution DELALANDE en raison de la notification à Monsieur X... de son licenciement pour faute grave ; que dès lors, en condamnant néanmoins l'employeur au versement de la contribution DELALANDE litigieuse sans avoir recherché dans quelle mesure ces éléments du débats ne démontraient pas que l'employeur était dans un cas d'exonération légale, en l'occurrence, la faute grave de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du Code du travail, applicable au litige et alors en vigueur ;
3°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et, en conséquence, il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que dès lors en relevant d'office, pour débouter la CAISSE D'EPARGNE de sa demande d'annulation de la contrainte formée par l'ASSEDIC et tendant au versement de la contribution DELALANDE prétendument consécutive au licenciement de Monsieur X..., le moyen tiré de l'absence de l'examen de la situation individuelle de ce salarié dans le cadre de la réorganisation de la CAISSE, comme exigé par la note du 20 juillet 2004 relative au « pôle développement et réseau, évolution d'organisation (comité d'entreprise du 29 juillet 2004) », sans avoir, au préalable, invité les parties à s'en expliquer, la Cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHESE , le refus par un salarié de continuer le travail après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave, qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement ; que dès lors en rejetant l'opposition de la CAISSE D'EPARGNE et en validant la contrainte litigieuse au motif que la CAISSE D'EPARGNE n'avait pas démontré la faute grave du salarié, cause exonératoire du versement de cette contribution, sans rechercher, comme l'y invitaient pourtant les conclusions de l'employeur, dans quelle mesure en refusant le changement de ses conditions de travail, le salarié n'avait pas commis un acte d'insubordination, constitutif d'une faute grave, que l'employeur ne pouvait que sanctionner par un licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-13 du Code du travail, ensemble les articles L. 122-6, devenu L. 1234-1, L. 122-9, devenu L. 1234-9, L. 122-14-3, devenu L. 1232-1, ainsi que l'article L. 122-1, devenu l'article L. 1221-1, du Code du travail.