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09/06/2010 | FRANCE | N°09-15361

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 09 juin 2010, 09-15361


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 février 2009), que par acte sous seing privé du 14 octobre 2004, les époux X... ont vendu aux époux Y... une maison d'habitation, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la réitération par acte authentique devant intervenir le 15 janvier 2005 ; que le contrat prévoyait qu'au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive, la partie qu

i ne serait pas en défaut percevrait une certaine somme à titre de cla...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 février 2009), que par acte sous seing privé du 14 octobre 2004, les époux X... ont vendu aux époux Y... une maison d'habitation, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la réitération par acte authentique devant intervenir le 15 janvier 2005 ; que le contrat prévoyait qu'au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive, la partie qui ne serait pas en défaut percevrait une certaine somme à titre de clause pénale ; que la vente n'ayant été réitérée ni dans le délai contractuel, ni dans le délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, les époux X... ont assigné les époux Y... en paiement de la clause pénale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que la caducité du compromis de vente par application de l'alinéa 2 de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 prive rétroactivement cet acte de tous ses effets ; qu'elle entraîne l'irrecevabilité de toute action en responsabilité contractuelle, fût-elle fondée sur une clause pénale prévue audit acte ; qu'en prétendant en l'espèce faire application de cette clause pénale nonobstant la caducité du compromis de vente signé entre M. X... et les époux Y..., la cour d'appel a méconnu les dispositions précitées ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que la loi du 4 mars 2002 avait modifié l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 en substituant à la nullité édictée par le texte d'origine la notion de caducité, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette sanction, dont l'objectif est de ne pas laisser subsister indéfiniment des actes de vente immobilière qui ne seraient pas transcrits au Livre Foncier, ne concernait que l'acte portant transfert de droits immobiliers et n'affectait pas la clause pénale qui devait précisément produire effet en cas de non-réitération de la vente en la forme authentique par suite de la défaillance fautive de l'une des parties ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;

Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la notification faite par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2004 à "M. et Mme Y...", acquéreurs solidaires, doit être considérée comme valable, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'à cette date les époux Y... vivaient encore ensemble à l'adresse où cette notification a été délivrée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque la notification prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation a été effectuée non par lettres distinctes, adressées à chacun des époux acquéreurs, mais par une lettre unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l'égard des deux que si l'avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l'époux signataire était muni d'un pouvoir à l'effet de représenter son conjoint, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Y..., avec son épouse, à payer à Monsieur X... la somme de 15.000 euros au titre de la clause pénale dont était assorti le compromis de vente du 14 octobre 2004, outre les sommes de 1.000 et 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Aux motifs propres que la jurisprudence fondée sur l'article 1227 du Code civil, prévoyant la nullité de la clause pénale en cas de nullité de l'obligation principale, n'est plus applicable dès lors que la loi du 4 mars 2002 a modifié l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 en substituant à la nullité édictée par le texte d'origine la notion de caducité, laquelle n'a pas le même effet d'anéantissement rétroactif ; que la sanction de la caducité, dont l'objectif est de ne pas laisser subsister indéfiniment des actes de ventes immobilières qui ne seraient pas transcrites au Livre Foncier, ne concerne que l'acte portant transfert de droits immobiliers et n'affecte pas les autres dispositions contractuelles susceptibles d'être insérées dans la même convention (par exemple la vente de meubles ou la répartition des honoraires dus à un intermédiaire) ; qu'elle n'affecte pas non plus la clause pénale qui doit précisément produire effet en cas de non réitération de la vente dans la forme authentique par suite de la défaillance fautive de l'une des parties ; que cette défaillance pouvant, le cas échéant, n'être constatée qu'à l'expiration du délai légal de six mois, il ne saurait être imposé à la partie qui n'est pas en défaut, d'engager une procédure à titre préventif dans le seul but de respecter ce délai ; qu'il convient encore d'observer qu'une action en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil serait hasardeuse dans la mesure où il faudrait démontrer une faute distincte de la seule violation d'une obligation contractuelle ; qu'il résulte de ces considérations que l'action en paiement de la clause pénale qui indemnise de manière préalable et forfaitaire les conséquences de la caducité du transfert de propriété immobilière imputable à l'une des parties, n'est pas soumise au délai de forclusion de six mois ; que sur le second moyen subsidiaire des appelants, il est précisé dans le compromis de vente que « si la vente intervient entre plusieurs vendeurs ou acquéreurs, les uns et les autres agiront conjointement et solidairement entre eux et seront dénommés "le vendeur" et "l'acquéreur" » ; que l'article L.271-1 du Code de la construction et de l'habitation impose que l'acte de vente immobilière sous seings privés soit notifié à l'acquéreur non professionnel qui peut se rétracter dans un délai de sept jours ; que la notification faite par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2004 à « Monsieur et Madame Y... », acquéreurs solidaires, doit être considérée comme valable, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'à cette date les époux Y... vivaient encore ensemble à l'adresse où cette notification a été délivrée ; que non seulement les époux Y... ne se sont pas rétractés dans ce délai mais qu'ils ont au contraire déposé de prêt qui leur a été accordé par le Crédit Foncier le 18 décembre 2004 ;

Et aux motifs, repris des premiers juges que si, antérieurement à la modification intervenue par l'effet de la loi du 4 mars 2002, l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 frappait de « nullité » tout texte entre vifs, translatif ou déclaratif de propriété non suivi d'un acte authentique ou d'une demande en justice dans le délai de six mois suivant l'acte sous seings privés, cette sanction a été, par l'effet de la loi nouvelle, remplacée par la « caducité » ; que, par cette substitution de terminologie, le législateur a, notamment en cas de non réitération authentique d'une promesse de vente, entendu interdire l'application de l'article 1227 du Code civil, lequel ne prévoit la nullité de la clause pénale qu'en cas de nullité de l'obligation principale et non en cas de simple « caducité » … ; que par ailleurs, les conventions doivent être exécuté e s de bonne foi (Cass. 3ème Civ. 23/6/2004, B. n° 132 : cas d'une promesse synallagmatique de vente ; que la clause pénale a précisément pour but de régler préalablement et forfaitairement, les conséquences dommageables d'une inexécution par l'une des parties de ses engagements contractuels ; qu'il résulte d'une lettre de l'agence Immoclair en date du 17 janvier 2005, que Monsieur Sébastien Y... et Madame Z... née A... ont refusé de signer l'acte authentique ; qu'il découle d'un courrier en date du 18 décembre 2004 du Crédit Foncier que cet établissement financier avait dument accordé son concours à Monsieur Sébastien Y... et Madame Z... née A... pour l'acquisition du bien dont s'agit ;

Alors, de première part, que la caducité du compromis de vente par application de l'alinéa 2 de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 prive rétroactivement cet acte de tous ses effets ; qu'elle entraîne l'irrecevabilité de toute action en responsabilité contractuelle, fût-elle fondée sur une clause pénale prévue audit acte ; qu'en prétendant en l'espèce faire application de cette clause pénale nonobstant la caducité du compromis de vente signé entre Monsieur X... et Monsieur et Madame Y..., la Cour d'appel a méconnu les dispositions précitées ;

Alors, d'autre part, que la Cour d'appel qui a constaté que ce compromis avait été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception conjointement aux deux époux, de sorte que cette notification était insusceptible d'avoir fait courir à l'encontre de chacun d'eux le délai de rétractation prévu à l'article L.271-1 du Code de la construction et de l'habitation, ne pouvait estimer que Madame Y... n'avait pas exercé valablement son droit de rétractation, faisant ainsi obstacle à la réalisation de la vente, au profit de l'un ou l'autre des époux agissant en l'occurrence conjointement, sans méconnaître la portée de ses propres énonciations et violer la disposition précitée ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-15361
Date de la décision : 09/06/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

VENTE - Promesse de vente - Immeuble - Acquéreur - Faculté de rétractation - Conditions d'information - Notification de l'acte - Modalités - Détermination

PROCEDURE CIVILE - Notification - Notification en la forme ordinaire - Lettre recommandée - Vente - Immeuble - Epoux acquéreurs - Faculté de rétractation - Conditions d'information - Modalités PROCEDURE CIVILE - Notification - Notification en la forme ordinaire - Notification à des époux - Notification séparée à chacun d'eux - Nécessité

Lorsque la notification prévue par l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation a été effectuée non par lettres recommandées distinctes, adressées à chacun des époux acquéreurs, mais par une lettre unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l'égard des deux que si l'avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l'époux signataire était muni d'un pouvoir à l'effet de représenter son conjoint


Références :

Sur le numéro 1 : article 42 de la loi du 1er juin 1924, dans sa version issue de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002
Sur le numéro 2 : article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 20 février 2009

Sur le n° 2 : Dans le même sens que :3e Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-14503, Bull. 2010, III, n° 120 , (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 09 jui. 2010, pourvoi n°09-15361, Bull. civ. 2010, III, n° 114
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 114

Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats
Avocat général : M. Cuinat
Rapporteur ?: M. Jacques
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.15361
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