La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2010 | FRANCE | N°08-87326

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 2010, 08-87326


Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIÉTÉ BUREAU VERITAS,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NANTERRE, en date du 8 octobre 2008, qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par les agents de la Commission européenne assistés par ceux de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
Vu les mémoires produits

;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 ...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIÉTÉ BUREAU VERITAS,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de NANTERRE, en date du 8 octobre 2008, qui s'est déclaré incompétent pour statuer sur la régularité des opérations de visite et de saisie de documents effectuées par les agents de la Commission européenne assistés par ceux de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 20 du Règlement (CE) n° 1 / 2003 du 16 décembre 2002 et L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des libertés et de la détention s'est déclaré incompétent pour connaître du déroulement des opérations de visite et de saisie en exécution de la décision prise le 8 janvier 2008 par la Commission ; f
" aux motifs qu'en exécution de la décision prise le 8 janvier 2008 par la Commission dfFfe l'Union Européenne prise en application de l'article 20 § 4 du Règlement (CE) n° 1 / 2003 du 6 décembre 2002 qui ordonnait à la société Bureau Veritas de se soumettre à une inspection relative à d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des services de classification de navires de la marine marchande, puis d'une note ministérielle, en date du 22 janvier 2008, la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes a obtenu sur requête l'ordonnance rendue le 28 janvier 2008 l'autorisant à procéder aux opérations de visite et de saisie ; que ces opérations de visite et de saisie, après notification de la décision du 8 janvier 2008, conduites par les agents B..., C..., D...et E..., mandatés par la Commission, et assistés par les inspecteurs de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes Hugues X..., Jérémy Y..., Muriel Z...et Marie-Christine A..., se sont déroulées les 29 et 30 janvier 2008 dans les locaux de la société Bureau Veritas ; que la direction nationale des enquêtes de concurrence,f de consommation et de répression des fraudes conclut à l'incompétence du juge des libertés et de la détention au motif que l'ordonnance précitée, sollicitée à titre préventif, non notifiée à l'occupant des lieux représentant la société Bureau Veritas, à la différence de la décision communautaire mentionnant la possibilité d'exercice d'un recours non suspensif devant le tribunal de première instance des communautés européennes à Luxembourg, n'avait pas été mise à exécution en raison de l'absence d'opposition à l'inspection ; que, la demanderesse reproche aux agents de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes d'avoir violé l'ordonnance en l'invoquant à plusieurs reprises et dès le commencement de la visite mais sans la notifier et méprisé l'opposition de l'entreprise manifestée par le refus d'indiquer clairement leurs identités, la fouille systématique et sans indication de l'objet des recherches (pas de communication des mots-clés utilisés pour fouiller les messageries), absence de témoins lors de la visite de bureau, altercation « physique » concernant la photocopie d'une pièce confidentielle (un agent mandaté par la Commission essayant de soustraire cette pièce des mains d'une employée de la société Bureau Veritas) et refus par les inspecteurs de consigner les réserves de la société Bureau Veritas ; qu'il est constant qu'aucun agent mandataire de la Commission européenne n'a constaté l'existence d'une opposition de la part de l'entreprise ni sollicité le concours de la force publique à la France, Etat membre intéressé ; que cette absence d'opposition résulte aussi des déclarations de plusieurs personnes présentes lors de l'inspection, notamment la déclaration de la directrice du contentieux de la société Bureau Veritas qui répète lors de l'audience que : « on s'est opposé, il y avait des avocats et ils nous disaient de toute façon si vous vous opposez on a une ordonnance du juge des libertés et de la détention et les policiers vont venir ; on s'est opposé mais ce n'était pas une opposition directe, physique ; je ne savais pas que j'étais en droit d'exiger l'ordonnance et les garanties attachées " ; que, conformément aux paragraphes 6 et 7 du Règlement précité, seule la notification de l'ordonnance à l'occupant des lieux, nécessaire afin obtenir ce concours pour vaincre l'opposition de l'entreprise, donnerait compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître du déroulement des opérations de visite ou saisie visées à l'article L. 450-4 du code de commerce ;
" 1) alors qu'une société concernée par une visite domiciliaire autorisée à titre préventif par le juge des libertés et de la détention et à l'égard de laquelle les pouvoirs confiés aux enquêteurs par l'article L. 450-4 du code de commerce ont été mis en oeuvre, doit bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif de la régularité des opérations ainsi autorisées ; que ce contrôle juridictionnel ne peut être paralysé du seul fait du choix des agents désignés par cette ordonnance de ne pas la notifier à l'entreprise ; qu'en se déclarant néanmoins incompétent pour connaître du déroulement des opérations de visite et de saisie, au motif que sa décision les autorisant n'avait pas été notifiée à la société Bureau Veritas, le juge des libertés et de la détention a privé cette société d'un recours juridictionnel effectif et a ainsi violé les textes susvisés ;
" 2) alors que la seule assistance des agfents de la Commission européenne par les agents nationaux dûment désignés par le juge des libertés et de la détention, à l'occasion d'une inspection ordonnée en vertu de l'article 20 du Règlement (CE) n° 1 / 2003 du 16 décembre 2002, confère compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître du déroulement des opérations de visite et de saisie ; qu'il importe peu que la décision désignant les agents nationaux n'ait pas été notifiée par lesdits agents à l'entreprise, objet de l'inspection, dès lors qu'elle a été effectivement mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention a constaté que les inspecteurs de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes, qu'il avait désignés par ordonnance du 28 janvier 2008, avaient assisté les agents de la Commission européenne ayant conduit les opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Bureau Veritas ; qu'en se déclarant néanmoins incompétent pour connaître du déroulement des opérations de visite et de saisie, au motif que sa décision les autorisant n'avait pas été notifiée à la société Bureau Veritas, tandis qu'il constatait que cette ordonnance avait été mise en oeuvre, les fouilles et saisies n'entrant pas dans le champ de l'article 20 § 2 du Règlement (CE) n° 1 / 2003, le juge des libertés et de la détention a violé les textes susvisés ;
" 3) alors que la société Bureau Veritas faisait valoir, dans des conclusions restées sans réponse, que les agents désignés par l'ordonnance du 28 janvier 2008 avaient procédé à des fouilles systématiques dans ses locaux et sur ses ordinateurs et que l'un des inspecteurs de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes s'était même enfermé seul, à quatre reprises dans le bureau d'un salarié pour y consulter des documents ; que la société Bureau Veritas soulignait en outre que ces fouilles avaient conduit à la copie d'une pièce couverte par la confidentialité de la correspondance entre avocat et client ; que la société Bureau Veritas soutenait ainsi que les mesures prévues par l'article L. 450-4 du code de commerce avaient été effectivement mises en oeuvre par les agents de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes désignés par l'ordonnance du 28 janvier 2008 ; qu'en se déclarant néanmoins incompétent pour connaître du déroulement des opérations autorisées par cette décision, sans répondre aux conclusions faisant valoir qu'elle avait été mise à exécution, le juge des libertés et de la détention a violé les textes susvisés ;
" 4) alors qu'en cas d'opposition d'une entreprise à une inspection ordonnée en vertu de l'article 20 du Règlement (CE) n° 1 / 2003 du 16 décembre 2002, l'Etat membre intéressé prête son assistance aux agents de la Commission en requérant, au besoin, la force publique ; que, pour juger que la société Bureau Veritas ne s'était pas opposée aux opérations de visite et de saisie litigieuses, le juge des libertés et de la détention a estimé que ce défaut d'opposition résultait des déclarations de la directrice du contentieux de la société, qui avait répété « on s'est opposé, il y avait des avocats et ils nous disaient de toute façon si vous vous opposez on a une ordonnance du juge des libertés et de la détention et les policiers vont venir, on s'est opposé mais ce n'était pas une opposition directe, physique » ; qu'en jugeant que ces déclarations démontraient l'absence d'opposition de la société Bureau Veritas et en se déclarant, par conséquent, incompétent, le juge des libertés et de la détention s'est contredit, violant ainsi les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, par décision de la Commission européenne du 8 janvier 2008, il a été ordonné à la société Bureau Veritas de se soumettre à une inspection, diligentée en application de l'article 20 § 4 du Règlement (CE) n° 1 / 2003, du Conseil du 16 décembre 2002, relative à d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des services de classification de navires de la marine marchande ; que, par ordonnance du 28 janvier 2008, le juge des libertés et de la détention de Nanterre a autorisé, à titre préventif, la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Bureau Veritas pour assister les agents de la Commission européenne ; que, saisi pour statuer sur la régularité desdites opérations, le juge des libertés et de la détention s'est déclaré incompétent par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le juge des libertés et de la détention, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi, a justifié sa décision, dès lors qu'il a souverainement constaté que l'ordonnance d'autorisation n'avait pas été mise en oeuvre par les enquêteurs de la direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes en l'absence d'opposition de la société Bureau Veritas aux opérations de visite et de saisie effectuées par les agents de la Commission européenne ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, Mme Slove conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Desgranges, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Bloch conseillers de la chambre, Mme Labrousse conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-87326
Date de la décision : 02/06/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Visites domiciliaires - Régularité des opérations - Contrôle - Compétence - Détermination - Cas

Le juge des libertés et de la détention qui a rendu une ordonnance autorisant, à titre préventif, les agents de la Direction nationale des enquêtes de concurrence, de consommation et de répression des fraudes (DNECCRF) à effectuer des opérations de visite et de saisie dans les locaux d'une société pour assister les agents de la Commission européenne, est incompétent pour statuer sur la régularité de ces opérations dès lors qu'il constate que son ordonnance n'a pas été mise en oeuvre par les enquêteurs de la DNECCRF en l'absence d'opposition de la société aux opérations de visite et de saisie effectuées par les agents de la Commission européenne


Références :

article L. 450-4 du code de commerce

article 20 du Règlement CE n° 1/2003 du 16 décembre 2002

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 08 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 2010, pourvoi n°08-87326, Bull. crim. criminel 2010, n° 100
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 100

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Davenas
Rapporteur ?: Mme Slove
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Baraduc et Duhamel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.87326
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award