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27/05/2010 | FRANCE | N°09-14881

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 mai 2010, 09-14881


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 311-14 du code civil, ensemble l'article 3 du code civil ;
Attendu que selon le premier texte, applicable aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1972, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ;
Attendu que M. Jean-Jacques X..., né le 10 août 1979 à Anyama (Côte d'Ivoire) a saisi le tribunal de grande instance d'une action déclaratoire de nationalité sur le fondement de l'article 18 d

u code civil, son père, Pierre Antoine X... et son grand-père, Henri Ma...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 311-14 du code civil, ensemble l'article 3 du code civil ;
Attendu que selon le premier texte, applicable aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1972, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ;
Attendu que M. Jean-Jacques X..., né le 10 août 1979 à Anyama (Côte d'Ivoire) a saisi le tribunal de grande instance d'une action déclaratoire de nationalité sur le fondement de l'article 18 du code civil, son père, Pierre Antoine X... et son grand-père, Henri Marcel X..., étant français ; que le tribunal de grande instance, par jugement du 9 novembre 2007, faisant application de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964 modifiée par la loi du 2 août 1983, a dit que si la filiation de Jean-Jacques X... était établie à l'égard de Pierre Antoine X..., en revanche, la filiation de ce dernier, à l'égard de Henri Marcel X..., ne l'était pas dès lors que l'acte de naissance issu du jugement supplétif du 23 octobre 1946 mentionnait seulement le nom d'Henri X... comme étant le père de Pierre Antoine, sans autre élément, tel une reconnaissance ;
Qu'en statuant ainsi, par application de la même loi, sans rechercher quelle était la loi personnelle de Y..., mère de Pierre Antoine X..., au jour de la naissance de celui-ci, le 25 septembre 1934, ni quel était le contenu de cette loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Jean-Jacques X... ne pouvait obtenir la nationalité française sur le fondement de l'article 18 du Code civil ;
AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE " la copie de l'acte de naissance de Monsieur Jean-Jacques X... mentionne qu'il est né le 17 août 1979 à M'Brago, en Côte d'Ivoire, le 10 août 1979, de Monsieur Pierre-Antoine X... et de Madame Z... Rosalie, la déclaration de naissance ayant été faite par le père.
Il n'est pas contesté par l'intéressé que sa mère est de nationalité ivoirienne. Or en application de l'article 19 de la loi ivoirienne du 7 octobre 1964, relative à la paternité et à la filiation, la preuve de la filiation des enfants nés hors mariage ne peut résulter, à l'égard du père, que d'une reconnaissance ou d'un jugement.
Or il est constant que les parents de Monsieur Jean-Jacques X... ont vécu en concubinage. L'indication du nom du père dans l'acte de naissance est donc insuffisante pour établir le lien de filiation. Monsieur Jean-Jacques X... ne produisant ni acte de reconnaissance ni jugement, il convient de rejeter sa demande et de constater son extranéité.
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'" il incombe à Jean-Jacques X..., qui a introduit la présente instance sur le fondement de l'article 18 du code civil, de rapporter la preuve de sa filiation et celle de la qualité de français de son père.
Jean-Jacques X... justifie de son état-civil par la copie de son acte de naissance dressé le 15 août 1979 à la sous préfecture de ANYAMA, portant le n° 90, aux termes duquel il est né le 10 août 1979 et a pour père Pierre Antoine Arnaud X... et pour mère Z... Rosalie, l'acte de naissance ayant été dressé sur la déclaration du père.
Cet acte d'état civil, rédigé dans les formes usitées dans ce pays, fait foi par application de l'article 47 du code civil en l'absence de données extérieures ou d'éléments tirés de l'acte lui-même établissant que l'acte est irrégulier.
La filiation étant régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant par application de l'article 311-4 du code civil, la loi applicable pour établir sa filiation est la loi ivoirienne, étant observé qu'il n'est pas contesté que la mère de Jean-Jacques X... est ivoirienne et qu'il est enfant naturel.
Aux termes de l'article 19 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964 modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983 relative à la Paternité et à la Filiation, la preuve de la filiation des enfants naturels résulte, à l'égard de la mère, du seul fait de la naissance, mais à l'égard du père, la preuve de la filiation ne peut résulter que d'une reconnaissance ou d'un jugement, étant précisé à l'article 20 nouveau que la reconnaissance est faite pas acte authentique lorsqu'elle ne l'a pas été dans l'acte de naissance et que l'acte de naissance portant l'indication du père vaut reconnaissance lorsqu'il est corroboré par la possession d'état.
L'acte de naissance de Jean-Jacques X... comporte seulement l'indication du nom du père sans mention de reconnaissance.
Jean-Jacques X... établit toutefois sa possession d'état d'enfant de Pierre Antoine Arnaud X... en versant aux débats la convocation adressée le 11 février 1986, donc pendant sa minorité, par le directeur de son école à Pierre X... pour une affaire le concernant ainsi que par les nombreuses attestations des membres de sa famille certifiant que Pierre Antoine Arnaud X... s'est toujours occupé lui depuis sa naissance et a toujours vécu avec lui, étant observé que ces attestations ont certes été établies en 2008, mais qu'elles relatent des faits constatés pendant la minorité de l'appelant et qu'en tout état de cause, elles ne font que corroborer une possession d'état établie par la convocation du directeur de l'école fréquenté par l'appelant.
La filiation paternelle de Jean-Jacques X... est donc établie à l'égard de Pierre Antoine Arnaud X....
Pour justifier de la filiation paternelle de Pierre Antoine Arnaud X... est versée aux débats la copie d'un jugement rendu le 23 octobre 1946 aux termes duquel Pierre Antoine Arnaud X... est né le 25 septembre 1934, son père étant Henri Marcel X... et sa mère Y....
Henri Marcel X... et Y... vivant en concubinage, il doit être établi la filiation paternelle de Pierre Antoine Arnaud X..., enfant naturel, à l'égard de Henri Marcel X... conformément à l'article 20 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964 modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983.
L'acte de naissance de Pierre Antoine Arnaud X... issu du jugement du 23 octobre 1946 comporte seulement l'indication du nom du père sans mention de reconnaissance et il n'est pas établi une possession d'état à l'égard de Henri Marcel X..., le certificat de baptême de Pierre Antoine Arnaud X... comportant le nom de son père étant insu insuffisant à établir une possession d'état.

Il s'ensuit que la filiation paternelle de Pierre Antoine Arnaud X... n'est pas établie légalement et sa nationalité française non justifiée (arrêt p. 2 alinéas 5 à 9 et p. 3). "

ALORS QUE, D'UNE PART, la filiation est régie par la loi de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que pour justifier la filiation paternelle de Pierre Antoine X..., né le 25 septembre 1934, vis-à-vis de son père, Henri Marcel X..., la Cour d'appel s'est fondée sur l'article 20 de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983 ; qu'en appréciant ainsi la portée de la filiation d'un homme né en 1934 au regard de la loi du 7 octobre 1964 qui n'existait pas encore, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 311-14 du Code civil.
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en cas de modification ultérieure de la loi étrangère désignée, c'est à cette loi qu'il appartient de résoudre les conflits dans le temps ; qu'en se fondant sur la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983 pour apprécier la portée de la filiation de Monsieur Pierre Antoine X... né en 1934, sans rechercher le contenu des dispositions transitoires de la loi ivoirienne n° 64-377 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi n° 83-799 du 2 août 1983, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 311-14 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-14881
Date de la décision : 27/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Etablissement - Loi applicable - Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant - Office du juge - Etendue

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Mise en oeuvre par le juge français - Application d'office - Cas - Droits indisponibles - Portée NATIONALITE - Nationalité française - Nationalité française d'origine - Français par filiation - Conditions - Etablissement de la nationalité française de l'un des parents - Loi applicable - Office du juge FILIATION - Dispositions générales - Conflit de lois - Loi applicable - Détermination - Office du juge - Etendue

Viole l'article 311-14 du code civil, ensemble l'article 3 du même code, le jugement qui rejette une demande déclaratoire de nationalité fondée sur l'article 18 du code civil sans rechercher la loi étrangère applicable, alors qu'aux termes du premier de ces textes, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, et que selon le second, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent


Références :

articles 3, 18 et 311-14 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 2008

Sur la détermination de la nationalité française lorsqu'un seul des parents est originaire de France, à rapprocher : 1re Civ., 11 juin 1996, pourvois n° 94-12.926, 94-12.927, 94-12.928 et 94-12.929, Bull. 2007, I, n° 244 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 mai. 2010, pourvoi n°09-14881, Bull. civ. 2010, I, n° 121
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 121

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : Me Copper-Royer

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.14881
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