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26/05/2010 | FRANCE | N°09-65812

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 2010, 09-65812


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2009), que, par ordonnance du 30 janvier 2007, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Salaisons du Pays d'Oc (la société SPO) a fait jouer la clause de réserve de propriété des marchandises, portant sur des noix de jambons, fournies par la société Toulze ; que, statuant par jugement du 8 juin 2007 (RG n° 07/555) sur l'opposition formée contre cette ordonnance par la société Eurogage, mandataire chargé

e de l'organisation de la tierce détention des biens gagés au profit de la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2009), que, par ordonnance du 30 janvier 2007, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la société Salaisons du Pays d'Oc (la société SPO) a fait jouer la clause de réserve de propriété des marchandises, portant sur des noix de jambons, fournies par la société Toulze ; que, statuant par jugement du 8 juin 2007 (RG n° 07/555) sur l'opposition formée contre cette ordonnance par la société Eurogage, mandataire chargée de l'organisation de la tierce détention des biens gagés au profit de la société Crédit Lyonnais-LCL (la banque), elle-même opposante, en sa qualité de créancière gagiste, au titre de la garantie du remboursement d'une créance qu'elle avait sur la société SPO, le tribunal a débouté la société Toulze de sa revendication des marchandises considérant que la substitution des marchandises données en gage était régulière ;
Attendu que la société Toulze fait grief à l'arrêt d'avoir, statuant sur l'opposition de la banque et de la société Eurogage à l'ordonnance du 30 janvier 2007, mis à néant à leur l'égard l'ordonnance critiquée et rejeté sa requête en revendication, alors, selon le moyen :
1°/ que le gage ne porte que sur la chose remise au créancier pour sûreté de sa créance ; que le créancier gagiste ne peut opposer au propriétaire revendiquant la possession d'une marchandise qui ne lui a pas été donnée en gage et qui ne présente, avec la chose gagée, aucune fongibilité ; qu'en jugeant néanmoins que le gage consenti par la société Salaisons du Pays d'Oc portait sur les noix de jambons détenues par la société Eurogage, tandis que seuls des jambons en cours d'affinage avaient été donnés en gage, avec stipulation de substitution, la cour d'appel, qui a relevé que les deux catégories de marchandises n'étaient pas naturellement fongibles, a violé les articles 1134 et 2071 du code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;
2°/ que la substitution de nouvelles marchandises aux marchandises gagées ne peut résulter que d'un accord de volontés des parties ; qu'à supposer que les parties puissent décider qu'une marchandise de nature et de qualité différentes puisse se substituer à la marchandise initialement gagée, une telle substitution doit résulter d'un accord exprès de volontés ; que la convention par laquelle la société Salaisons du Pays d'Oc a consenti un gage au Crédit lyonnais ne portait que sur des jambons en cours d'affinage et ne prévoyait que la substitution de marchandises de même nature et de même qualité ; qu'en jugeant néanmoins que les parties avaient stipulé la possibilité de substituer des noix de jambons aux jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2071 du code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;
3°/ que, par ailleurs, en l'absence de fongibilité de la marchandise détenue par le créancier gagiste avec celle qui lui a été initialement donnée en gage, le créancier doit restituer la marchandise détenue au vendeur avec réserve de propriété qui n'a pas été réglé ; que pour débouter la société Toulze de son action en revendication des noix de jambons détenues par la société Eurogage pour le compte du Crédit lyonnais, la cour d'appel a considéré que ces marchandises n'étaient pas individualisées pièce par pièce mais seulement par lots ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que les noix de jambons n'étaient pas fongibles avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel qui, statuant par un motif inopérant, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 2071 du code civil, en sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L. 624-16 du code de commerce ;
4°/ que l'autorisation, donnée à l'administrateur judiciaire du débiteur, de payer le créancier gagiste pour retirer les marchandises qu'il détient ne peut suffire à rendre fongibles les marchandises de nature et qualité différentes de celles données en gage, ni à constituer un gage sur ces marchandises ; que par ordonnance du 23 juin 2006, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société Salaisons du Pays d'Oc a autorisé l'administrateur judiciaire à payer Crédit lyonnais pour obtenir restitution des marchandises détenues par ce créancier ; qu'en déduisant de cette autorisation l'existence d'un gage sur les noix de jambons détenues et la fongibilité de ces noix de jambons avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé l'article 2071 du code civil en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles L. 624-16 et L. 622-7 du code de commerce ;
Mais attendu que, la substitution de nouvelles marchandises, de nature et de qualité différentes de celles initialement gagées, ne peut résulter que de l'exécution d'une clause de substitution conventionnelle, résultant d'un accord de volontés des parties, disposant que les biens substitués seront remplacés par le débiteur constituant par la même quantité de choses équivalentes ; qu'ayant relevé que la clause de substitution caractérisant le "gage tournant" de la banque était valable, dès lors qu'elle s'appliquait à des marchandises fongibles et qu'il ressortait, en outre, d'un accord antérieur aux livraisons revendiquées par la société Toulze, entre le gagiste et sa débitrice, que les deux produits litigieux, à savoir les noix de jambons livrées comme produits finis et les jambons livrés à affiner pouvaient être assimilés pourvu que la valeur de chaque pièce soit identique, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, en a exactement déduit que l'action en revendication intentée par la société Toulze se heurtait au principe énoncé à l'article 2279 du code civil autorisant le créancier gagiste, possesseur présumé de bonne foi, à invoquer son droit de rétention à l'égard du vendeur avec réserve de propriété ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Toulze aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Toulze
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, statuant sur l'opposition du CREDIT LYONNAIS-LCL et de la société EUROGAGE à l'ordonnance du juge-commissaire de la société SALAISONS DU PAYS D'OC en date du 30 janvier 2007, mis à néant, à l'égard des opposants, l'ordonnance critiquée et, vu l'article 2279 du Code civil, la régularité du gage étant établie et la bonne foi du créancier gagiste non contestée, rejeté la requête en revendication de la société TOULZE ;
Aux motifs propres que, « la clause de substitution caractérisant le gage tournant du CREDIT LYONNAIS est parfaitement valable dès lors qu'elle s'applique à des marchandises fongibles ; qu'il est vrai que même « meilleure » partie d'un jambon, la noix de jambons livrée comme produit fini, ne saurait remplacer un jambon livré à affiner qui n'a pas la même qualité ; que cependant, d'une part il ressort d'un accord antérieur aux livraisons revendiquées par la société TOULZE, entre le gagiste et sa débitrice, que les deux produits pouvaient être assimilés en substitution entre eux pourvu que la valeur de chaque pièce soit identique, d'autre part que, dans le cas d'espèce, la société TOULZE revendique la propriété d'une marchandise qu'elle ne peut individualiser que par lot, pour les exigences de la réglementation sur la traçabilité des produits alimentaires et non pièce par pièce (ce qui eut été facile à réaliser par l'apposition d'un tampon dûment complété), de sorte que, au surplus eu égard aux confusions qu'elle fait entre ce qui est détenu par EUROGAGE pour le compte du CREDIT LYONNAIS et ce qui est détenu par AUXIGA pour le compte de CIO, son action ne visant pas de pièces précises et individualisées se heurte au principe énoncé à l'article 2279 du Code civil, ce que le tribunal de commerce d'Albi a bien expliqué, y compris en faisant référence à une précédente ordonnance du juge-commissaire du 26 juin 2006 qui est parfaitement opposable à tous en l'absence de recours (tierce opposition qu'aurait pu intenter la société TOULZE) » ;
Et aux motifs adoptés que « l'ordonnance du 23 juin 2006 répond à une requête de l'administrateur judicaire en date du 14 juin 2006 qui (…) établit que le gagiste et le constituant ont convenu que des noix de jambons pouvaient être substituées aux jambons et a validé cette possibilité de substitution ; qu'il ne peut être dès lors valablement contesté que la substitution de noix de jambons aux jambons initialement visés dans le contrat de gage soit régulière » ;
1. Alors que, d'une part, le gage ne porte que sur la chose remise au créancier pour sûreté de sa créance ; que le créancier gagiste ne peut opposer au propriétaire revendiquant la possession d'une marchandise qui ne lui a pas été donnée en gage et qui ne présente, avec la chose gagée, aucune fongibilité ; qu'en jugeant néanmoins que le gage consenti par la société SALAISONS DU PAYS D'OC portait sur les noix de jambons détenues par la société EUROGAGE, tandis que seuls des jambons en cours d'affinage avaient été donnés en gage, avec stipulation de substitution, la cour d'appel, qui a relevé que les deux catégories de marchandises n'étaient pas naturellement fongibles, a violé les articles 1134 et 2071 du Code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L.624-16 du Code de commerce ;
2. Alors que, d'autre part, la substitution de nouvelles marchandises aux marchandises gagées ne peut résulter que d'un accord de volontés des parties ; qu'à supposer que les parties puissent décider qu'une marchandise de nature et de qualité différentes puisse se substituer à la marchandise initialement gagée, une telle substitution doit résulter d'un accord exprès de volontés ; que la convention par laquelle la société SALAISONS DU PAYS D'OC a consenti un gage au CREDIT LYONNAIS ne portait que sur des jambons en cours d'affinage et ne prévoyait que la substitution de marchandises de même nature et de même qualité ; qu'en jugeant néanmoins que les parties avaient stipulé la possibilité de substituer des noix de jambons aux jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2071 du Code civil, en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble l'article L.624-16 du Code de commerce ;
3. Alors que, par ailleurs, en l'absence de fongibilité de la marchandise détenue par le créancier gagiste avec celle qui lui a été initialement donnée en gage, le créancier doit restituer la marchandise détenue au vendeur avec réserve de propriété qui n'a pas été réglé ; que pour débouter la société TOULZE de son action en revendication des noix de jambons détenues par la société EUROGAGE pour le compte du CREDIT LYONNAIS, la cour d'appel a considéré que ces marchandises n'étaient pas individualisées pièce par pièce mais seulement par lots ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que les noix de jambons n'étaient pas fongibles avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel qui, statuant par un motif inopérant, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article 2071 du Code civil, en sa rédaction applicable à l'espèce, ensemble l'article L.624-16 du Code de commerce ;
4. Alors qu'enfin, l'autorisation, donnée à l'administrateur judiciaire du débiteur, de payer le créancier gagiste pour retirer les marchandises qu'il détient ne peut suffire à rendre fongibles les marchandises de nature et qualité différentes de celles données en gage, ni à constituer un gage sur ces marchandises ; que par ordonnance du 23 juin 2006, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SALAISONS DU PAYS D'OC a autorisé l'administrateur judiciaire à payer le CREDIT LYONNAIS pour obtenir restitution des marchandises détenues par ce créancier ; qu'en déduisant de cette autorisation l'existence d'un gage sur les noix de jambons détenues et la fongibilité de ces noix de jambons avec les jambons initialement gagés, la cour d'appel a violé l'article 2071 du Code civil en sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles L.624-16 et L.622-7 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-65812
Date de la décision : 26/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Sauvegarde - Détermination du patrimoine - Revendication - Clause de réserve de propriété - Obstacle - Droit de rétention du créancier gagiste bénéficiant d'une substitution conventionnelle de garantie

La substitution de nouvelles marchandises, de nature et de qualité différentes de celles initialement gagées, ne peut résulter que de l'exécution d'une clause de substitution conventionnelle, résultant d'un accord de volontés des parties, disposant que les biens substitués seront remplacés par le débiteur constituant par la même quantité de choses équivalentes. A ce titre, ayant relevé que la clause de substitution caractérisant le "gage tournant" de la banque était valable, dès lors qu'elle s'appliquait à des marchandises fongibles et qu'il ressortait d'un accord antérieur aux livraisons revendiquées par le créancier, intervenu entre le gagiste et sa débitrice, que les deux produits litigieux pouvaient être assimilés pourvu que la valeur de chaque pièce soit identique, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action en revendication intentée par le créancier se heurtait au principe énoncé à l'article 2279 du code civil autorisant le créancier gagiste, possesseur présumé de bonne foi, à invoquer son droit de rétention à l'égard du vendeur avec réserve de propriété


Références :

article L. 624-16 du code de commerce

article 2279 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 03 février 2009

A rapprocher : Com., 4 juillet 2000, pourvoi n° 98-11803, Bull. 2000, IV, n° 136 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 2010, pourvoi n°09-65812, Bull. civ. 2010, IV, n° 98
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 98

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Arbellot
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65812
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