La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2010 | FRANCE | N°08-44470

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2010, 08-44470


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la demande de mise hors de cause :
Met hors de cause M. X..., en qualité précédemment d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Artacrea ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 11 février 2003 en qualité de directeur administratif et financier par la société Artacrea, laquelle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 juillet 2005 ; qu'à la suite du licenciement de M. Y... intervenu le 24 août 2005, un protocole transactionnel a Ã

©té signé le 23 novembre 2005 entre les parties, sous condition suspensive de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la demande de mise hors de cause :
Met hors de cause M. X..., en qualité précédemment d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Artacrea ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 11 février 2003 en qualité de directeur administratif et financier par la société Artacrea, laquelle a été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 juillet 2005 ; qu'à la suite du licenciement de M. Y... intervenu le 24 août 2005, un protocole transactionnel a été signé le 23 novembre 2005 entre les parties, sous condition suspensive de sa validation par le juge-commissaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la société ; que le protocole n'a pas été validé ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à titre salarial et indemnitaire ; que la liquidation judiciaire de la société Artacrea, devenue la société Deserres France, a été prononcée par jugement du 17 juillet 2008 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 235-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le protocole transactionnel conclu le 23 novembre 2005 est l'oeuvre commune des parties y compris dans l'exposé des faits ayant présidé à son élaboration, sa rédaction et sa signature ; que sans être opposable à la procédure collective, il conserve tous ses effets entre les parties ; que dans ce protocole, il est reconnu par M. Y..., qui avait sous sa responsabilité l'ensemble des services financiers comptables et de gestion ainsi que l'ensemble du système d'information et des relations juridiques de l'entreprise, qu'il a manifesté son désaccord sur la stratégie de redressement de l'entreprise et que son opposition manifeste aux axes stratégiques de redressement souhaités par le président-directeur général a rendu difficile la poursuite de l'exploitation de l'entreprise ; qu'en conséquence le salarié est mal fondé à soutenir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se bornant à faire référence aux déclarations des parties dans le protocole transactionnel, sans rechercher si le caractère réel et sérieux des griefs invoqués dans la lettre de licenciement était établi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le second moyen :
Vu les articles L. 221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la société à une certaine somme à titre de prime, l'arrêt retient que le contrat de travail prévoit la possibilité du versement d'une prime de performance s'ajoutant à la rémunération du salarié ; qu'au cours du mois de mai 2005, soit moins de deux mois avant la date de cessation des paiements, M. Y... a bénéficié d'une prime sur objectif exceptionnelle de 18 000 euros, cette prime étant versée en trois fois sur les mois de juin, juillet et août 2005 ; que la prime sur objectif et la prime de performance ont, en l'espèce, exactement le même objet ainsi que le démontre l'examen comparatif des fiches de paie ; qu'ainsi en percevant cette prime d'objectif exceptionnelle, M. Y... a perçu, en réalité, de façon échelonnée, sa prime de performance 2005 et se trouve en conséquence rempli de ses droits ;
Attendu cependant que l'employeur ne peut modifier la rémunération contractuelle du salarié sans l'accord exprès de celui-ci ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'employeur ne pouvait procéder unilatéralement à la substitution de la prime de performance, prévue au contrat de travail, par le versement d'une prime exceptionnelle sur objectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement de M. Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande tendant à voir fixer au passif de la société Artacrea, devenue la société Deserres France, une créance à titre de prime de performance, l'arrêt rendu le 10 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Z..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur Y... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE l'essentiel de l'argumentation de Monsieur Y... consistait à faire valoir que le motif invoqué dans la lettre de licenciement était un prétexte et que le motif réel de licenciement tenait à la volonté de la société Artacrea de contourner la procédure applicable au licenciement pour motif économique ; que la SA Artacrea avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 7 juillet 2005 ayant désigné un administrateur judiciaire ayant pour mission d'assister la société pour tous les actes de gestion ; que les éléments versés aux débats ne permettaient pas d'établir une collusion frauduleuse entre Monsieur Y... et le PDG de la société Artacrea ; que le licenciement intervenu sans le concours de l'administrateur, sans être nul, était inopposable à la procédure collective, et conservait tous ses effets entre les parties, de sorte qu'il appartenait à la cour d'apprécier la réalité et le sérieux des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui énonçait : « Vous occupez le poste de directeur administratif et financier depuis le 11 février 2003 sous le statut de cadre dirigeant. A ce titre, vous participez activement au développement de l'entreprise et vous impliquez sur la conduite stratégique de celle-ci. Notre entreprise étant en redressement judiciaire depuis le 7 juillet dernier, la direction doit dans ce cadre réfléchir à tout axe stratégique pour apprécier toutes les possibilités de redressement de l'entreprise. Or vous avez manifesté votre opposition aux axes stratégiques définis par le Président Directeur général et avez refusé catégoriquement de poursuivre toute réflexion dans ce sens marquant ainsi votre désaccord sur des points essentiels de la stratégie de redressement de l'entreprise. Votre comportement est directement préjudiciable à la société en raison de l'importance de votre rôle et de votre place au sein de la direction générale. En conséquence, nous sommes contraints de notifier votre licenciement pour tous les faits indiqués ci-dessus » ; que le protocole transactionnel signé entre Monsieur Y... et la société Artacrea représentée par son PDG Monsieur A... le 23 novembre 2003 était l'oeuvre commune des parties y compris dans l'exposé des faits ayant présidé à son élaboration, sa rédaction et sa signature ; que sans être opposable à la procédure collective, il conservait tous ses effets entre les parties ; que dans ce protocole, il était reconnu par Monsieur Y... qui avait sous sa responsabilité l'ensemble des services financiers, comptables et de gestion ainsi que l'ensemble du système d'information et des relations juridiques de l'entreprise (article 2 du protocole transactionnel) qu'il avait manifesté son désaccord sur la stratégie de redressement de l'entreprise et que son opposition manifeste aux axes stratégiques de redressement souhaités par le PDG avaient rendu difficile la poursuite de l'exploitation de l'entreprise (article 4) ; qu'en conséquence Monsieur Y... était mal fondé à soutenir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;
1- ALORS QUE la convention contenant des obligations contractées sous condition suspensive ne peut produire aucun effet tant que la condition n'est pas accomplie, ni a fortiori si cette condition a défailli ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le protocole transactionnel du 23 novembre 2005 prévoyait une condition suspensive, tenant à ce que son application était subordonnée à la validation préalable du juge commissaire ; que la cour d'appel a également relevé que cette validation n'était jamais intervenue ; qu'en affirmant néanmoins que ce protocole produisait tous ses effets entre les parties, pour déduire de l'exposé des faits dudit protocole l'existence d'un motif réel et sérieux de licenciement, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1181 et suivants du code civil, ensemble l'article L. 122-14-3 du Code du travail, devenu l'article L. 1235-1.
2- ALORS QUE la transaction a entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; qu'en l'espèce, à considérer que le protocole du 23 novembre 2005 ait conservé tous ses effets entre les parties, il s'en évinçait alors que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître l'autorité s'attachant à la transaction, dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour refuser toute indemnité à M. Y... au titre des conséquences de son licenciement, quand ledit protocole octroyait au salarié une indemnité de 50. 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à son licenciement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé les articles 1134 et 2052 du Code civil, ensemble l'article L. 122-14-3 devenu l'article L. 1235-1 du Code du travail, et entaché sa décision d'excès de pouvoir.
3- ALORS QUE le protocole transactionnel du 23 novembre 2005, en énonçant dans son exposé des faits que M. Y... avait manifesté son désaccord sur la stratégie de redressement, et que son opposition aux axes stratégiques de redressement souhaités par le PDG ont rendu difficile la poursuite de l'exploitation de l'entreprise, ne faisait manifestement que rappeler le motif du licenciement, sans que le salarié n'ait pour autant reconnu le bien fondé de ce motif ; que le protocole énonçait d'ailleurs explicitement, ensuite, que M. Y... avait contesté les motifs de ce licenciement et signifié son intention de soumettre le dossier à la juridiction prud'homale, et qu'il estimait que sa position lui conférait le droit d'avoir un désaccord avec le PDG sur la stratégie de redressement de l'entreprise ; que l'exposé des faits dudit protocole indiquait enfin que « la société Artacrea estime pour sa part que ce désaccord, même s'il entre effectivement dans les prérogatives d'un DAF, était devenu un point bloquant à l'exploitation normale de l'entreprise et contrariait ses chances de redressement » ; qu'en affirmant néanmoins que M. Y... aurait reconnu dans ce protocole que « son opposition manifeste aux axes stratégiques de redressement souhaités par le PDG ont rendu difficile la poursuite de l'exploitation de l'entreprise », quand tel n'était manifestement pas le cas, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée dudit protocole, et violé l'article 1134 du Code civil.
4- ALORS QUE, en tout état de cause, le juge doit rechercher le véritable motif du licenciement ; qu'ayant constaté que Monsieur Y... soutenait que le motif invoqué dans la lettre de licenciement était un prétexte et que le motif réel tenait à la volonté de la société Artacrea, placée en redressement judiciaire le 7 juillet 2005, de contourner la procédure applicable au licenciement économique, la cour d'appel, qui n'a pas recherché la cause exacte du licenciement, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 devenu L. 1235-1 du Code du travail.
5- ALORS QUE, enfin, en se bornant à renvoyer aux termes du protocole transactionnel, sans à aucun moment rechercher elle-même concrètement si les motifs énoncés dans la lettre de licenciement correspondaient à des faits réels, précis, établis, et surtout suffisamment sérieux pour justifier le licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 devenu L. 1235-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Y... de sa demande tendant à voir fixer sa créance au passif de la société Artacrea à la somme de 20. 265 € à titre de prime ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail prévoyait bien la possibilité du versement d'une prime de performance ; que l'article 7 indiquait « à cette rémunération mensuelle viendra s'ajouter éventuellement une prime de performance dont le montant de pourra dépasser … pour l'année 2005 et au-delà : 25 % du salaire annuel brut. Cette prime sera versée au plus tard le 30 avril de l'année suivante de l'atteinte et du dépassement d'objectifs fixés annuellement par courrier séparé au plus tard le 15 avril pour l'année en cours. Elle sera calculée en outre au prorata du temps de présence. L'attribution de dette prime ne se fera qu'à la condition suivante : M. Nicolas Y... doit être présent et non démissionnaire au moment de son paiement » ; qu'en mai 2005, moins de deux mois avant la date de cessation des paiements, Monsieur Y... avait bénéficié d'une prime sur objectif exceptionnelle de 18. 000 €, versée en trois fois, en juin, juillet et août 2005 ; que la prime sur objectifs et la prime de performance avaient exactement le même objet, ainsi que le démontrait l'examen comparatif des fiches de paie d'avril 2005 mentionnant la prime sur objectif 2004 et la fiche de paie 2005 ; qu'en percevant cette prime d'objectif exceptionnelle, M. Y... avait perçu en réalité de façon échelonnée sa prime de performance 2005 et était en conséquence rempli de ses droits ; que de surcroît, M. Y... n'aurait pas eu vocation à percevoir la prime 2005 pour défaut de présence dans la société à l'année N + 1 en application de l'article 7 du contrat ;
1- ALORS QUE les modalités de la rémunération servie au salarié ne sauraient être modifiées unilatéralement par l'employeur ; que l'octroi d'une prime exceptionnelle d'objectifs ne saurait dès lors, ipso facto et sans l'accord du salarié, se substituer au paiement de la prime de performance contractuellement prévue ; qu'en l'espèce, le salarié s'était vu octroyer le 23 mai 2005 une « prime sur objectif exceptionnelle » d'un montant de 18. 000 euros, sans qu'à aucun moment l'employeur n'ait proposé au salarié que cette prime « exceptionnelle » – donc par hypothèse octroyée en sus de la rémunération contractuelle-se substitue à la prime de performance par ailleurs prévue par le contrat de travail, ni encore moins que le salarié ait accepté une telle substitution, et partant de ne pas percevoir la prime contractuelle ; qu'en décidant néanmoins qu'il avait été rempli de ses droits au regard de la prime de performance contractuelle, par le versement de la prime exceptionnelle qui avait le même objet, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 121-1 devenu L. 1221-1, et l'article L. 321-1-2, devenu L. 1222-6, du Code du travail.
2- ALORS QUE l'employeur ne peut se dégager de son obligation de payer un élément de salaire calculé en fonction d'objectifs effectivement réalisés, en licenciant le salarié avant le terme fixé pour l'obtention de cet élément de salaire ; qu'en l'espèce, en relevant que M. Y... n'aurait pas eu vocation à percevoir la prime pour 2005, du fait de son défaut de présence dans l'entreprise, quand ce défaut de présence était la conséquence d'un licenciement prononcé par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 140-1 et suivants, devenus L. 3211-1 et suivants du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44470
Date de la décision : 26/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 10 juillet 2008, Cour d'appel de Paris, 10 juillet 2008, 06/12519

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2010, pourvoi n°08-44470


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.44470
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award