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26/05/2010 | FRANCE | N°07-11744

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 2010, 07-11744


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupe électrogène installé en 1995 par la société Wartsila à l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon a pris feu en raison de l'échauffement de l'alternateur fabriqué par la société Moteurs Leroy Somer ; que la société Dalkia France, chargée de la maintenance de cette installation, et son assureur, la société Ace Europe, ont réparé les dommages matériels causés à l'hôpital par cet accident puis, subrogés dans les droits de ce dernier, ont assigné la socié

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un groupe électrogène installé en 1995 par la société Wartsila à l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon a pris feu en raison de l'échauffement de l'alternateur fabriqué par la société Moteurs Leroy Somer ; que la société Dalkia France, chargée de la maintenance de cette installation, et son assureur, la société Ace Europe, ont réparé les dommages matériels causés à l'hôpital par cet accident puis, subrogés dans les droits de ce dernier, ont assigné la société Moteurs Leroy Somer afin d'obtenir le remboursement des sommes versées par elles ; que, par arrêt du 24 juin 2008, la chambre commerciale, financière et économique a saisi la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Moteurs Leroy Somer fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était tenue d'une obligation de sécurité et de l'avoir condamnée à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euros et à la compagnie Ace Europe la somme de 229 107 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de sécurité qui pèse sur tout vendeur professionnel ne couvre pas les dommages causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage professionnel ; qu'en condamnant la société Leroy Somer à réparer les dommages purement matériels affectant le groupe électrogène commandé par l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon pour les besoins de son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1603 du code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ;
2°/ que seul est réparable, au titre de la garantie des produits défectueux, le dommage causé à une chose autre que le produit défectueux lui-même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Wartsila avait vendu au centre hospitalier de Lyon un groupe électrogène et que le dommage subi avait «pu être circonscrit, en dehors de l'alternateur, au seul transformateur» du groupe électrogène, ce dont il résultait que le bien pour lequel il était demandé réparation ne constituait pas un bien distinct du produit défectueux ; qu'en condamnant néanmoins la société Leroy Somer, sur le fondement de son obligation de sécurité, à réparer le dommage subi par le centre hospitalier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les dispositions de l'article 1603 du code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ;
Mais attendu, d'une part, que la Cour de justice des Communautés européennes a énoncé (CJCE, 4 juin 2009, affaire C-285/08, point n° 28) que la réparation des dommages causés à une chose destinée à l'usage professionnel et utilisée pour cet usage ne relève pas du champ d'application de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le dommage avait pu être circonscrit au seul transformateur, la cour d'appel a distingué le bien pour lequel il était demandé réparation de l'alternateur défectueux ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euros et à la compagnie Ace Europe celle de 229 107 euros, l'arrêt retient que la société Moteurs Leroy Somer, fabricant d'alternateurs, ne peut opposer à l'Hôpital, aux droits duquel sont subrogées les sociétés Dalkia et Ace Europe, ses conditions générales de vente qui limiteraient, selon elle, sa garantie au remboursement du seul transformateur et des plots endommagés, tandis qu'elle ne produit aucune pièce justifiant de la connaissance qu'aurait eue l'hôpital de ces limitations de garantie des vices et surtout que cet établissement hospitalier n'est pas un professionnel en la matière ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la société Moteurs Leroy Somer était en droit d'opposer à la société Dalkia France et à la société Ace Europe son assureur qui, subrogées dans les droits du sous-acquéreur, exerçaient une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'elle pouvait invoquer à l'encontre de son propre cocontractant, la société Wartsila, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Dalkia France la somme de 320 143,03 euros et à la société Ace Europe celle de 229 107 euros, l'arrêt rendu le 7 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Dalkia France et la société Ace Europe aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Moteurs Leroy Somer
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société Moteurs Leroy Somer était tenue d'une obligation de sécurité et de l'AVOIR condamnée à payer à la société Dalkia France la somme de 320.143,03 euros et à la compagnie Ace Europe la somme de 229.107,00 euros,
AUX MOTIFS QUE la recevabilité de la demande sur le fondement de l'obligation de sécurité n'est plus contestée en ce qu'elle est engagée par la société Dalkia et la compagnie Ace Europe, subrogées dans les droits de l'acheteur, l'hôpital neuro- cardiologique ; qu'en application de l'article 1603 du code civil, le fabricant professionnel est tenu de livrer des produits exempts de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, qu'il s'agisse de co-contractants ou de tiers ; que l'action en responsabilité contractuelle exercée contre le vendeur ou le fabricant pour manquement à son obligation de sécurité n'est pas soumise au délai imparti par l'article 1648 du code civil et nécessite, pour sa mise en oeuvre, que le vice de la chose ait été la cause d'un dommage à une personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport réalisé le 11 juin 2001 par le CNPP, à la demande de la société Dalkia elle-même et de son assureur, que l'incendie survenu le 11 février 2001 sur le cogénérateur, n'a, au premier état des constatations de l'expert, concerné que l'alternateur, la partie moteur thermique n'ayant subi aucun dommage, non plus que la partie transformateur, la dégradation de celle-ci, consécutive au court-circuit produit par l'incendie de liaisons avec le jeu de barre, ayant toutefois été révélée lors d'une expertise réalisée en décembre 2002, à la suite de la première campagne d'essai après raccordement d'un nouvel alternateur commandé à Leroy Somer en juillet 2001 ; qu'ainsi, grâce à un système de détecteurs d'incendie arrêtant la machine, le dommage a pu être circonscrit, en dehors de l'alternateur, au seul transformateur mais aurait pu porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens de l'établissement hospitalier où était installé le générateur, peu important à cet égard que la société Leroy Somer n'ait pas su que son alternateur devait équiper ce générateur, affirmation d'ailleurs contredite par la facture de livraison qu'elle produit ; que par ailleurs, l'expertise certes non contradictoire par suite du retrait de son propre expert, mais largement soumise à l'examen critique de la société Leroy Somer, établit que l'alternateur fourni par cette société était affecté, dès sa mise en place, d'un vice consistant dans une section trop faible des conducteurs ayant provoqué une température trop élevée des câbles et entraîné la fragilisation et la rupture, avec le temps, des torons extérieurs de certains câbles et l'augmentation consécutive de la température des câbles de la phase 2 jusqu'à atteindre la fusion du cuivre, la rupture du câble phase 1 et l'inflammation de tous les matériaux combustibles environnants ; qu'ainsi, la société Dalkia et son assureur, apportent-ils la preuve qui leur incombe d'un vice affectant l'alternateur fourni par la société Leroy Somer, de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, celle-ci, en refusant en son temps, une mesure d'expertise judiciaire, qu'elle consière désormais elle-même comme irréalisable, n'apportant pas la preuve des causes étrangères qu'elle invoque, telles que la défaillance ou la dégradation des plots anti- vibrations, ou que l'insuffisance de maintenance de l'entreprise Dalkia, et encore moins du lien entre ces défaillances et la survenance du sinistre ; que rien n'établit en effet que les plots de vibrations aient été endommagés antérieurement au sinistre et que les vibrations aient occasionné une surchauffe ou que, dans le cadre des opérations de maintenance, la société Dalkia ait dû être alertée par la rupture des torons extérieurs, la société Leroy Somer se bornant à invoquer l'accessibilité du dispositif, sans en rapporter la preuve ; que le jugement qui a retenu la responsabilité de la société Leroy Somer pour manquement à son obligation de sécurité doit être confirmé sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres causes de responsabilité invoquées par la société Dalkia et la société Ace Europe,
1) ALORS QUE l'obligation de sécurité qui pèse sur tout vendeur professionnel ne couvre pas les dommages causés aux objets destinés à un usage professionnel et utilisés par la victime pour son usage professionnel ; qu'en condamnant la société Leroy Somer à réparer les dommages purement matériels affectant le groupe électrogène commandé par l'hôpital neuro-cardiologique de Lyon pour les besoins de son activité professionnelle, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1603 du code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985,
2) ALORS QUE seul est réparable, au titre de la garantie des produits défectueux, le dommage causé à une chose autre que le produit défectueux lui-même ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Wartsila avait vendu au centre hospitalier de Lyon un groupe électrogène et que le dommage subi avait «pu être circonscrit, en dehors de l'alternateur, au seul transformateur» du groupe électrogène, ce dont il résultait que le bien pour lequel il était demandé réparation ne constituait pas un bien distinct du produit défectueux ; qu'en condamnant néanmoins la société Leroy, sur le fondement de son obligation de sécurité, à réparer le dommage subi par le centre hospitalier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les dispositions de l'article 1603 du code civil, interprétées à la lumière de la directive du 25 juillet 1985.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Moteurs Leroy Somer à payer à la société Dalkia France la somme de 320.143,03 euros et à la compagnie Ace Europe la somme de 229.107,00 euros,
AUX MOTIFS QUE la société Leroy Somer, fabricant d'alternateurs, ne peut opposer à l'hôpital, aux droits duquel sont subrogées les sociétés Dalkia et Ace Europe ses conditions générales de vente qui limiteraient, selon elle, sa garantie au remboursement du seul transformateur et des plots endommagés, alors qu'elle ne produit aucune pièce justifiant de la connaissance qu'aurait eue l'hôpital neuro-cardiologique de ces limitations de garantie des vices, et surtout que cet établissement hospitalier n'est pas un professionnel en la matière ; que le jugement qui a condamné la société Leroy Somer à verser à la société Dalkia et à la compagnie Ace Europe les sommes respectives de 320.143,03 euros à titre de dommages intérêts et de 229.107 euros en remboursement des sommes versées au titre du sinistre, doit être confirmé, aucune contestation n'étant opposée sur les différents postes réclamés sur la base des évaluations effectuées par le cabinet d'expertise Crawford,
1) ALORS QUE le fabricant de la chose vendue est en droit d'opposer au sous-acquéreur exerçant une action contractuelle, tous les moyens de défense qu'il pouvait opposer à son propre cocontractant et donc toutes clauses de limitation de garantie stipulées dans le contrat de vente ; qu'en décidant que la société Leroy Somer ne peut opposer aux sociétés Dalkia France et Ace Europe, subrogées dans les droits du centre hospitalier de Lyon, la clause limitative de responsabilité stipulée dans le contrat de vente conclu avec son cocontractant, la société Wartsila, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil,
2) ALORS, en tout état de cause, QUE ne peut être considéré comme un simple consommateur celui qui conclut un contrat en rapport direct avec son activité professionnelle ; qu'en affirmant, pour dire que les conditions générales de vente lui étaient inopposables, que le centre hospitalier de Lyon devait être considéré comme un acheteur profane, après avoir constaté que l'acquisition du groupe électrogène était en rapport direct avec son activité hospitalière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-11744
Date de la décision : 26/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

VENTE - Vendeur - Responsabilité - Fabricant - Responsabilité à l'égard des parties subrogées dans les droits du sous-acquéreur - Action contractuelle - Effets - Moyens de défense opposables à son propre cocontractant - Opposabilité

Le fabricant de l'alternateur est en droit d'opposer à la personne chargée de la maintenance du groupe électrogène et à son assureur qui ont réparé les dommages matériels et qui, subrogés dans les droits du sous-acquéreur, en demandent réparation en exerçant une action de nature contractuelle, tous les moyens de défense qu'il pouvait invoquer à l'encontre de son propre cocontractant et notamment ses conditions générales de vente qui limiteraient sa garantie


Références :

Sur le numéro 1 : Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985

article 1603 du code civil
Sur le numéro 2 : article 1134 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 07 décembre 2006

Cf : CJCE, 4 juin 2009, Moteurs Leroy Somer c/ Dalkia France et a., affaire n° C-285/08, point n° 28


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 2010, pourvoi n°07-11744, Bull. civ. 2010, IV, n° 100
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 100

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Potocki
Avocat(s) : SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:07.11744
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