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18/05/2010 | FRANCE | N°09-65072

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 mai 2010, 09-65072


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur le fondement de la marque française "Next", déposée le 1er septembre 1988, enregistrée sous le n° 1.486.272 et renouvelée le 17 juillet 1998 pour désigner les produits du tabac, articles pour fumeurs, allumettes, cigares et cigarettes, la société Philip Morris produits a agi en déchéance des droits détenus par la société Next Retail sur les marques "Next", enregistrées en 1982 et 1985 pour désigner des vêtement, bottes, chaussures et pantoufles ; que cette d

ernière a objecté le défaut d'intérêt à agir du demandeur et réclamé, à t...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur le fondement de la marque française "Next", déposée le 1er septembre 1988, enregistrée sous le n° 1.486.272 et renouvelée le 17 juillet 1998 pour désigner les produits du tabac, articles pour fumeurs, allumettes, cigares et cigarettes, la société Philip Morris produits a agi en déchéance des droits détenus par la société Next Retail sur les marques "Next", enregistrées en 1982 et 1985 pour désigner des vêtement, bottes, chaussures et pantoufles ; que cette dernière a objecté le défaut d'intérêt à agir du demandeur et réclamé, à titre reconventionnel, l'annulation de la marque de la société Philip Morris, au motif que son enregistrement pour désigner des produits soumis à la législation sur le tabagisme menaçait l'exploitation de ses propres marques ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour déclarer la société Philip Morris irrecevable en son action, l'arrêt retient qu'en raison de l'effet ricochet résultant de l'application de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, qui proscrit toute propagande ou publicité indirecte d'un produit ou d'un article autre que le tabac, le dépôt de la marque "Next" par la société Philip Morris pour désigner le tabac et les produits du tabac, paralyse nécessairement l'usage par la société Next Retail de ses marques antérieures, dès lors que cette dernière ne peut plus paisiblement exercer son droit de propriété sur le signe Next, le dépôt litigieux la privant de la jouissance et de l'efficacité de ses signes distinctifs ; qu'il en déduit que, peu important l'absence d'exploitation par la société Philip Morris de la marque déposée, son seul dépôt constitue une faute portant atteinte aux droits antérieurs de la société Next Retail, qui disposait de titres de propriété industrielle existant indépendamment de leur usage ; que l'arrêt relève encore que la société Philip Morris ne saurait soutenir qu'elle poursuit légitimement la déchéance des droits antérieurs de la société Next Retail, quand, en toute connaissance de la réglementation interdisant toute publicité indirecte en faveur du tabac, elle a procédé au dépôt incriminé et, sachant qu'elle ne pouvait pas exploiter le signe "Next" en raison des marques enregistrées en d'autres classes par la société Next Retail, elle a voulu prendre date en vue d'une exploitation ultérieure ; que l'arrêt en déduit que la société Philip Morris ne peut ainsi méconnaître, d'une part, que ce dépôt a été fait en violation des droits antérieurs de tiers, la disponibilité du signe litigieux dépendant de l'éventuel prononcé de la déchéance de ces droits et, d'autre part, que ledit dépôt constituait une antériorité fictive de nature, par l'effet de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, à constituer une marque de barrage faisant obstacle à la libre exploitation du signe et à son usage paisible par tous déposants ultérieurs, quelle que soit la classe de produits ou services concernée ; qu'il en conclut que l'action en déchéance, qui traduit un objectif manifestement contraire à l'ordre public, caractérise un dévoiement de la procédure prévue à l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le demandeur en déchéance de droits de marque justifie d'un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l'utilisation du signe dans le cadre de son activité économique, l'atteinte portée au signe antérieur ne relevant que de l'examen au fond des conditions d'usage de ce dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour prononcer l'annulation de la marque enregistrée au bénéfice de la société Philip Morris, l'arrêt retient qu'il résulte de ces motifs précédents que le dépôt fautif de cette marque, indépendamment de toute exploitation, interdit à la société Next Retail l'exercice utile et paisible de son droit de propriété industrielle de sorte qu'il constitue une atteinte à ses droits antérieurs au sens des dispositions de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'existence d'une marque qui n'aurait pas fait l'objet d'un usage sérieux depuis un délai ininterrompu de cinq ans ne peut fonder la nullité d'une marque enregistrée postérieurement, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la marque première avait fait l'objet d'un usage sérieux et, le cas échéant, s'il existait de justes motifs d'inexploitation, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Next Retail limited aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la société Philip Morris Products
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société PHILIP MORRIS PRODUCTS irrecevable à agir en déchéance des marques Next n° 1.218.144 et 1.333.131 dont est titulaire la société NEXT RETAIL, faute d'intérêt ;
Aux motifs que, « aux termes de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans jutes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans. La déchéance peut être demandée par toute personne intéressée ; que cet article reprend ainsi la règle générale posée par l'article 31 du Code de procédure civile, aux termes duquel le demandeur doit justifier d'un intérêt légitime au succès de sa prétention ; que, si l'intérêt à agir, qui doit être examiné au jour de la demande en déchéance, s'apprécie le plus souvent au regard de l'activité économique exercée, il ne lui est pas nécessairement lié, pas plus qu'il n'est subordonné à la validité d'une marque antérieure, le tiers devant seulement démontrer que son action est inspirée d'un intérêt légitime ; qu'il convient de la sorte d'apprécier l'intérêt légitime de la société PHILIP MORRIS PRODUCTS à solliciter la déchéance des droits antérieurs de la société NEXT RETAIL LIMITED sur le signe litigieux Next, au regard de la législation relative à la lutte contre le tabagisme ; que, selon les dispositions de l'article 3 de la loi Veil du 9 juillet 1976, la propagande ou la publicité en faveur d'un objet ou d'un produit autre que le tabac ou les produits du tabac ne doit pas, soit par son vocabulaire ou son graphisme, soit par son mode de présentation ou tout autre procédé, constituer une propagande ou publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac ou des produits du tabac ; que l'article 4 de ce texte dispose qu'il ne peut être fait d'offre, de remise ou de distribution, à titre gratuit ou non, d'objets d'usage ou de consommation courants, autres que les objets servant directement à la consommation du tabac ou des produits du tabac, s'ils portent le nom, la marque ou l'emblème publicitaire d'un produit du tabac ou le nom d'un producteur, fabricant ou commerçant de tabac ou de produits du tabac ; que, selon les dispositions de l'article 2 de la loi Evin du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme, toute propagande ou publicité en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac ou un produit du tabac lorsque, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac ; que la loi Evin a été soumise au Conseil constitutionnel, lequel dans une décision du 8 janvier 1991 a considéré que le droit de propriété d'une marque régulièrement déposée n'est pas affecté dans son existence par les dispositions de l'article 3 de la loi, que la prohibition de la publicité et de la propagande en faveur du tabac est susceptible d'affecter dans son exercice le droit de propriété d'une marque concernant le tabac ou les produits du tabac, que ces dispositions trouvent cependant leur fondement dans le principe constitutionnel de protection de la santé publique, qu'il en résulte que la limitation apportée par l'article 3 à certaines modalités d'exercice du droit de propriété n'est pas contraire à la constitution ; qu'il est ainsi acquis aux débats que le droit de propriété d'une marque « tabac » régulièrement déposée n'est pas affecté dans son existence mais que l'exercice de ce droit en est affecté pour des exigences de protection de la santé publique ; que tant l'article 4 de la loi du 19 juillet 1976 que les dispositions de la loi du 10 janvier 1991, aujourd'hui codifiées aux articles L. 3511-3 et suivants du Code de la santé publique, prohibent toute propagande ou publicité indirecte d'un produit ou d'un article autre que le tabac lorsque par l'utilisation d'une marque elle rappelle le tabac ou un produit du tabac ; que, en l'espèce, la société NEXT RETAIL LIMITED a déposé la marque Next dans les classes 3, 5, 14, 18, 24 et 25, antérieurement au dépôt du signe identique par la société OHILIP MORRIS PRODUCTS désignant les produits du tabac ; que la société PHILIP MORRIS PRODUCTS, qui ne dément pas avoir eu connaissance de l'enregistrement de ces marques, soutient avoir déposé ce signe identique à titre conservatoire ; que, cependant, en raison de l'effet ricochet résultant de l'application de la législation précitée relative à la lutte contre le tabagisme qui proscrit toute propagande ou publicité indirecte d'un produit ou d'un article autre que le tabac, le dépôt de la marque Next le 1er septembre 1988 par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS, désignant le tabac et les produits du tabac, paralyse nécessairement l'usage par la société NEXT RETAIL LIMITED de ses marques antérieures déposées les 11 octobre 1982 et 2 décembre 1985 dès lors que cette dernière ne peut plus paisiblement exercer son droit de propriété sur le signe Next, le dépôt litigieux la privant de la jouissance et de l'efficacité de ses signes distinctifs ; que, par voie de conséquence, peu important l'absence d'exploitation par la société PHILP MORRIS PRODUCTS de la marque déposée, le seul dépôt de la marque litigieuse constitue une faute portant atteinte aux droits antérieurs de la société NEXT RETAIL LIMITED qui disposait de titres de propriété industrielle existant indépendamment de leur usage ; que, dans ces circonstances, force est de constater que la société PHILIP MORRIS PRODUCTS ne démontre pas que son action en déchéance est inspirée par un intérêt légitime ; qu'en effet, cette société ne saurait soutenir poursuivre légitimement la déchéance des droits antérieurs de la société NEXT RETAIL LIMITED alors qu'en toute connaissance de la réglementation d'ordre public en vigueur interdisant toute publicité indirecte en faveur du tabac, elle a procédé au dépôt incriminé et que, sachant qu'elle ne pouvait pas exploiter le signe Next en raison des marques enregistrées en d'autres classes par la société NEXT RETAIL LIMITED, elle a voulu néanmoins, en déposant la marque Next pour désigner le tabac et les produits du tabac, prendre date en vue d'une exploitation ultérieure ; qu'elle ne peut ainsi méconnaître, d'une part, que ce dépôt a été fait en violation des droits antérieurs de tiers, que la disponibilité du signe litigieux dépendait de l'éventuel prononcé de la déchéance de ces droits et, d'autre part, que ledit dépôt constituait une antériorité fictive de nature, par l'effet de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, à constituer une marque de barrage faisant obstacle à la libre exploitation du signe et à son usage paisible par tous déposants ultérieurs, quelle que soit la classe de produits ou services concernée ; que, par voie de conséquence, l'action en déchéance diligentée par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS, qui traduit un objectif manifestement contraire à l'ordre public, caractérise un dévoiement de la procédure prévue à l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'il s'ensuit que la société PHILIP MORRIS PRODUCTS ne justifiant pas d'un intérêt légitime à poursuivre la déchéance des droits de la société NEXT RETAIL LIMITED, son action doit être déclarée irrecevable » ;
1/ Alors que, d'une part, l'intérêt à agir en déchéance de droits sur une marque inexploitée doit être apprécié au regard de la finalité de l'action, qui est d'obtenir la disponibilité d'un signe juridiquement réservé sans être pratiquement utilisé dans le but, pour le demandeur, de pouvoir l'employer ; que cet intérêt est légitime lorsque le demandeur attend de la déchéance du droit sur le signe antérieurement enregistré de pouvoir l'utiliser licitement dans le cadre de son activité économique, spécialement pour désigner le tabac ou des produits du tabac compte tenu des contraintes de la législation relative à la lutte contre le tabagisme ; qu'en décidant que l'action en déchéance exercée par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS poursuivait un objectif contraire à l'ordre public pour en déduire que celle-ci ne justifiait pas d'un intérêt légitime et déclarer son action irrecevable, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 31 du Code de procédure civile ;
2/ Alors que, d'autre part, dès lors que la marque inexploitée empêche le demandeur à l'action en déchéance de commercialiser en France les produits désignés à l'enregistrement, compte tenu des contraintes de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, et constitue ainsi une entrave à son activité, celui-ci a un intérêt légitime à agir en déchéance de la marque inexploitée, peu importe que, ayant déposé le signe litigieux dans la perspective de l'utiliser une fois le signe rendu disponible, ce dépôt porte atteinte aux droits antérieurs du défendeur qui n'exploite pas la marque ; qu'en retenant que le seul dépôt du signe litigieux, portant nécessairement atteinte aux droits antérieurs de la société NEXT RETAIL, constituait une faute et que l'action de la société PHILIP MORRIS PRODUCTS n'était pas dans ces conditions inspirée par un intérêt légitime, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 31 du Code de procédure civile ;
3/ Alors que, de plus, par l'effet de l'application de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, seule une utilisation effective de la marque pour désigner le tabac ou les produits du tabac est de nature à compromettre l'exercice de droits antérieurs sur le même signe ; qu'il n'y a pas de faute, privant d'intérêt légitime le demandeur à l'action en déchéance, à déposer un signe comme marque avec l'intention de ne pas l'exploiter tant qu'il ne sera pas disponible tout en agissant, pour le rendre disponible, en déchéance des droits antérieurs sur la marque qui n'est pas utilisée ; qu'en jugeant cependant que le dépôt de marque litigieux paralysait nécessairement, par l'effet de la législation de lutte contre le tabagisme, l'usage du signe antérieurement déposé, pour décider qu'il présentait un caractère fautif privant d'intérêt légitime à agir le demandeur à l'action en déchéance, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique ;
4/ Alors que enfin, le demandeur à l'action en déchéance a un intérêt légitime à agir dès l'instant où le défaut d'usage sérieux de la marque n'est pas de son fait, mais uniquement de celui du titulaire de la marque ; qu'il ne peut y avoir de faute du fabricant de tabac, de nature à le priver d'un intérêt légitime à agir, du seul fait d'avoir déposé le même signe comme marque, sans l'utiliser lui-même, en l'absence de toute incidence de ce dépôt sur le défaut d'exploitation de la marque dont il est demandé de tirer les conséquences ; qu'en déclarant le dépôt de marque litigieux fautif, eu égard à l'effet de la législation de lutte contre le tabagisme, quand le défaut d'usage sérieux de la marque dont le demandeur poursuivait la déchéance n'était pas imputable au dépôt réalisé par celui-ci dans l'attente de la disponibilité du signe, la Cour d'appel a violé l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de la marque Next n° 1.486.272 déposée par la société PHILIP MORRIS RETAIL ;
Aux motifs que, « il résulte de ce qui précède que le dépôt fautif de la marque Next par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS, indépendamment de toute exploitation de ce signe, interdit à la société NEXT RETAIL LIMITED l'exercice utile et paisible de son droit de propriété industrielle de sorte qu'il constitue une atteinte à ses droits antérieurs au sens des dispositions de l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle ; que, par voie de conséquence, faisant droit à cette demande en nullité, il n'y a pas lieu d'examiner celle subsidiaire tendant à la déchéance des droits de la société PHILIP MORRIS PRODUCTS » ;
1/ Alors que, d'une part, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation emportera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif ayant prononcé la nullité de la marque Next déposée par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS ;
2/ Alors que, d'autre part, les autorités compétentes appelées à appliquer et à interpréter le droit national pertinent sont tenues de le faire à la lumière du texte et de la finalité de la directive CE n° 89/104 du 21 décembre 1988 pour atteindre le résultat visé par celle-ci ; qu'il appartient en particulier au juge national d'interpréter l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui interdit l'adoption comme marque d'un signe portant atteinte à une marque antérieure, à la lumière de l'article 11 de cette directive, lequel dispose que « la nullité d'une marque ne peut être prononcée en raison de l'existence d'une marque antérieure en conflit qui ne satisfait pas aux conditions d'usage énoncées à l'article 10 paragraphes 1, 2 et 3 ou, selon le cas, à l'article 10 paragraphe 4 » ; qu'ainsi, l'existence d'une marque n'ayant pas fait l'objet d'un usage sérieux depuis un délai ininterrompu de cinq ans ne pouvant fonder la nullité de la marque enregistrée postérieurement, la Cour d'appel, en prononçant la nullité de la marque Next déposée par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS, a violé l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle tel qu'il doit être interprété à la lumière de l'article 11 de la directive CE n° 89/104 du 21 décembre 1988 ;
3/ Alors que enfin, le Conseil constitutionnel a posé en règle, dans une décision n° 90-283 du 8 janvier 1991, que le droit de propriété d'une marque déposée concernant le tabac ou les produits du tabac n'est pas affecté dans son existence par les dispositions de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1991, la prohibition de la publicité et de la propagande en faveur du tabac n'étant susceptible d'affecter ce droit de propriété que dans son exercice ; qu'en déclarant nulle la marque déposée par la société PHILIP MORRIS PRODUCTS parce qu'elle affectait nécessairement les droits de la société NEXT RETAIL sur la marque antérieurement enregistrée par l'effet de l'application de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, quand cette marque n'était pas exploitée et que le dépôt du signe pour désigner le tabac et les produits du tabac avait été effectué uniquement à titre conservatoire, sans utilisation de celui-ci et dans l'attente de son éventuelle disponibilité, ce dont il résulte une atteinte excessive et disproportionnée au droit de propriété du déposant, la Cour d'appel a violé les articles L. 712-1 et L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article L. 3511-4 du Code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-65072
Date de la décision : 18/05/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Eléments constitutifs - Exclusion - Signe portant atteinte à des droits antérieurs - Atteinte à une marque antérieurement enregistrée - Conditions - Marque ayant fait l'objet d'un usage sérieux ou justes motifs de son inexploitation

L'existence d'une marque n'ayant pas fait l'objet d'un usage sérieux depuis un délai ininterrompu de cinq ans ne pouvant fonder la nullité d'une marque enregistrée postérieurement, ne donne pas de base légale à sa décision d'annuler la marque seconde la cour d'appel qui s'abstient de rechercher si la marque première avait fait l'objet d'un usage sérieux et, le cas échéant, s'il existait de justes motifs d'inexploitation


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle
Sur le numéro 2 : article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2008

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Com., 7 juin 2006, pourvoi n° 04-16908, Bull. 2006, IV, n° 138 (2) (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 mai. 2010, pourvoi n°09-65072, Bull. civ. 2010, IV, n° 92
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 92

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Sémériva
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65072
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