LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 novembre 2008), que M. X..., employé depuis le 1er août 1984 par la société Coopérative agricole les vignerons de Saint-Jean de la Blaquière, en dernier lieu directeur de cette coopérative, a été licencié pour faute grave le 4 août 2004 pour méconnaissance de la réglementation communautaire et irrégularités ;
Attendu que la société coopérative devenue société Coopérative agricole les vignerons de Saint-Félix-Saint-Jean fait grief à l'arrêt infirmatif de la condamner à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et diverses indemnités, alors selon le moyen :
1° / que sont réputées avoir été régulièrement communiquées et produites aux débats les pièces annoncées dans les conclusions et les bordereaux de pièces des parties et qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation ; qu'en l'espèce, pour établir que le directeur était l'auteur ou l'initiateur de l'enrichissement de la récolte non conforme aux règles communautaires, la coopérative avait régulièrement communiqué et versé aux débats, outre une attestation de Mme Y... témoignant expressément avoir opéré des manipulations illicites sur ordre de M. X..., une demande de prélèvement de récolte signée par M. X... ainsi qu'un inventaire cuverie établissant que M. X... avait sollicité lui-même une demande d'agrément d'une cuve déjà agréée mais relogée dans une autre cuve, une attestation de M. Z... témoignant que lors d'une rencontre et d'une explication avec M. X... le 19 juillet 2004, celui-ci n'avait pas contesté les faits qui lui étaient reprochés, un courrier électronique de Mme A... transmis à M. X... en mai 2004 se plaignant de résultats d'analyse ayant révélé une méconnaissance de la législation européenne, une télécopie de Mme Y... adressée à M. X... le 1er octobre 2003 stigmatisant l'intervention directe de celui-ci dans la gestion de la cave et un courrier de M. Z... du 27 août 2004 reprochant à M. X... d'avoir intégralement vidé le disque dur de l'ordinateur dont le salarié se servait à titre professionnel et dont l'employeur déduisait une volonté de masquer les irrégularités qu'il avait commises ; qu'en affirmant que l'attestation de Mme Y... accusant expressément son supérieur hiérarchique n'était « étayée par aucun autre élément », la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2° / que la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que les juges du fond doivent examiner tous les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'aux termes de la lettre de licenciement du 4 août 2004, la société les Vignerons de Saint-Jean de la Blaquière reprochait à son directeur, outre d'avoir effectué un enrichissement au titre de la récolte 2003 non conforme aux prescriptions de la réglementation communautaire, d'avoir, par sa négligence, permis des erreurs dans la tenue du cahier d'enrichissement s'agissant des volumes en moûts concentrés rectifiés utilisés ainsi que le stockage irrégulier du moût concentré rectifié dans deux cuves à vins ; qu'en se bornant à relever que l'employeur n'établissait pas que l'enrichissement reproché au salarié lui était imputable, sans à aucun moment examiner les deux autres griefs qui lui étaient reprochés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 (anciens L. 122-14-2, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9) du code du travail ;
3° / que le directeur de cave répond des irrégularités commises par ses subordonnés et qu'il n'a pu ignorer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que M. X..., investi des responsabilités les plus larges en matière économique, financière et administrative, était le supérieur hiérarchique de Mme Y..., chef de cave, d'une part, que des opérations et manipulations irrégulières ayant abouti à une violation de la réglementation européenne avaient été opérées par son chef de cave d'autre part ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que Mme Y... aurait agi sur instructions de M. X..., sans rechercher si la nature et l'ampleur des irrégularités constatées ne révélaient pas que M. X... ne pouvait les avoir ignorées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 (anciens L. 122-14-2, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9) du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a examiné l'ensemble des motifs énoncés dans la lettre de licenciement et était tenue de n'en prendre en considération aucun autre, a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans méconnaître l'objet du litige, estimé que la preuve de l'imputabilité au salarié des faits qui lui étaient reprochés n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Coopérative agricole les vignerons de Saint-Félix-Saint-Jean aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Coopérative agricole les vignerons de Saint-Félix-Saint-Jean à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la Coopérative agricole les vignerons de Saint-Félix-Saint-Jean
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit non fondé le licenciement pour faute grave de Philippe X... et condamné en conséquence SCA Les Vignerons de Saint Jean de la Blaquière à lui payer les sommes de 14. 310, 96 euros à titre d'indemnités de préavis, 1. 431, 09 euros au titre des congés payés afférents, 26. 236, 75 euros à titre d'indemnité de licenciement, 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à délivrer à monsieur X... une attestation ASSEDIC et un certificat de travail rectifiés, dans les 15 jours suivant le notification du présent arrêt ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel et à payer à monsieur X... la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve ; qu'en l'occurrence il est reproché à monsieur X..., dans la lettre de licenciement fixant les limites du litige, d'avoir enrichi dans des conditions non conformes à la réglementation communautaire, les vins issus de la récolte 2003, ce dont il est résulté une perte financière de 9701, 74 euros pour la cave résultant d'un retrait partiel de l'aide à l'enrichissement notifié par l'ONIVINS ; il est également fait état d'erreurs commises sur le cahier d'enrichissement quant aux volumes de moûts concentrés rectifiés (MCR) utilisés et de la présence illicite dans deux cuves de tels produits ; que certes en sa qualité de directeur de cave, monsieur X... était investi de responsabilités très larges en matière économique, financière et administrative ; ainsi pour la campagne 2003-2004, i la fait l'acquisition en exécution d'une décision prise le 13 août 2003 par le conseil d'administration, de 184, 15 hl de moûts concentrés rectifié destinés à l'enrichissement des vins par augmentation du titre alcoométrique ; qu'alors que le cahier d'enrichissement mentionnait l'utilisation de la totalité des 184, 15 hl de MCR achetés en début de campagne et qu'aucun stock antérieur n'avait été porté sur le registrer de détention, la société coopératives SCA Les Vignerons de Saint Jean de la Blaquière s'est aperçue après réception du courrier de l'ONIVINS en date du 13 juillet 2004 l'informant d'un non respect de la réglementation en raison d'une augmentation du titre alcoométrique supérieure à 2° d'une partie de la production, qu'une quantité de 70 hl de MCR se trouvait stockée dans deux cuves et que des erreurs avaient été commises dans la tenue du cahier de manipulation ; que monsieur X... ne conteste pas avoir effectué lui-même le 10 septembre 2003 la première opération d'enrichissement par la mise en oeuvre de 13, 5 hl de MCR, mentionnée sur le cahier d'enrichissement ; qu'en revanche, les autres opérations effectuées entre le 30 septembre et le 24 octobre 2003 l'ont été par le chef de cave, madame Y..., dont les attributions définies à son contrat de travail, consistaient précisément à assurer toutes les activités liées à la production telles que la vinification, la surveillance des vins, les assemblages, les collages, les filtrations et tous les traitements physiques ou chimiques sur le vin ; que ces opérations sont celles là mêmes que la société coopérative « les vignerons de Saint Jean de la Blaquière » qualifie d'irrégulières au motif qu'elles correspondent à des enrichissements virtuels pratiqués par le chef de cave sur les instructions de monsieur X... qui était son supérieur hiérarchique ; que dans l'attestation de madame Y..., produite aux débats, celle-ci affirme notamment : « (…) Le MCR acheté n'a pas été utilisé en totalité. Il restait 70 hl. Cependant Philippe X... ne voulait absolument pas perdre le bénéfice de la totalité de la prime d'enrichissement de l'ONIVINS (c'est de la trésorerie qui rentre pour les viticulteurs dixit Philippe X...). Il a donc exigé et m'a demandé que l'on enrichisse virtuellement d'autres cuves ; La totalité du volume de MCR acheté serait donc virtuellement utilisé. Il voulait que l'on cache le MCR non utilisé dans une grosse cuve remplie de vin. Je n'ai pas voulu faire ça car oenologiquement parlant c'est complètement illogique et contraire à l'éthique. Ces 70 hl de MCR sont donc restés dans une cuve de la cave et ont fait partie de tous les inventaires cuverie tout au long de l'année. M. Philippe X... était informé chaque mois de l'état des stocks de la cave. Je n'avais jamais fait de telles opérations auparavant. J'ai donc tant bien que mal essayé comme il me le demandait de faire des calculs virtuels pour masquer les opérations irrégulières. N'ayant pas connaissance de la législation limitant le surenchérissement à 2 degrés d'alcool, mes calculs fictifs ont abouti dans certains cas à un enrichissement supérieur à 2 degrés d'alcool. Monsieur Philippe X... aurait dû vérifier ces calculs avant d'envoyer le dossier à l'ONIVINS. Je ne sais pas s'il l'a fait (…) » ; que les accusations de madame Y..., imputant à monsieur X... la responsabilité de ces opérations d'enrichissement irrégulières, ne sont cependant étayées par aucun autre élément, l'existence d'un lien hiérarchique ne permettant pas de déduire qu'elle ait agi sur les instructions de celui-ci, alors que la responsabilité du processus de vinification lui incombait ; qu'elle n'a d'ailleurs, dans le passé, jamais attiré l'attention du conseil d'administration de la cave sur d'éventuelles irrégularités commises par son directeur ; que le fait que celui-ci ait adressé tardivement, le 23 juillet 2004, un rappel à l'ordre au chef de cave relatant notamment le surenchérissement de plusieurs cuves de vin, alors que le conseil d'administration de la cave venait de prendre la décision, le 20 juillet 2004, d'engager une procédure de licenciement à son encontre et qu'il se trouvait en arrêt de travail pour maladie, ne peut être interprété comme une tentative de sa part de « couvrir » ses propres agissements ; qu'il n'est donc pas établi que les opérations d'enrichissement irrégulières effectuées sur les vins de la récolte 2003, dans le but de percevoir l'aide correspondante aux 184, 15 hl de MCR achetés en début de campagne, lui sont directement imputables ; que son licenciement pour faute grave doit dès lors être considéré comme non fondé, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ; que lors de la rupture de son contrat, monsieur X... comptait 20 ans d'ancienneté dans une entreprise employant moins de 11 salariés, était âgé de 50 ans et percevait un salaire brut mensuel de 2. 385, 16 euros ; que son contrat de travail fixe à 6 mois le délai de préavis en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'une ou l'autre des parties (article13) ; quant à l'indemnité due en cas de licenciement pour motif personnel, elle correspond à un tiers de mois de salaire par année de un à six ans d'ancienneté, à un demi mois de salaire par année de sept à douze ans d'ancienneté et à un mois de salaire par année à partir de 13 ans d'ancienneté (article 14) ; il est donc bien fondé à prétendre au paiement des sommes de 14. 310, 96 euros (brut) à titre d'indemnité de préavis et 1431, 09 euros (bruts) au titre des congés payés afférents ; le montant de l'indemnité de licenciement lui revenant s'élève pour sa part à la somme de (2385, 16 x 1 / 3 x 6) + (2385, 16 x ½ x 6) + (2385, 16 x 8) = 26. 236, 75 euros ; que compte tenu de son âge, de son ancienneté, de son niveau de rémunération et de son aptitude à retrouver un emploi en raison de sa formation et de son expérience professionnelle, il doit lui être alloué la somme de 50. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail ;
1. – ALORS QUE sont réputées avoir été régulièrement communiquées et produites aux débats les pièces annoncées dans les conclusions et les bordereaux de pièces des parties et qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation ; qu'en l'espèce, pour établir que monsieur X... était l'auteur ou l'initiateur de l'enrichissement de la récolte non conforme aux règles communautaires, la coopérative avait régulièrement communiqué et versé aux débats, outre une attestation de madame Y... témoignant expressément avoir opéré des manipulations illicites sur ordre de monsieur X..., une demande de prélèvement de récolte signée par monsieur X... ainsi qu'un inventaire cuverie (cf. prod. 10 et 11 ; cf. concl. d'appel p. 15 et bordereau de pièces n° 24 à 26) établissant que monsieur X... avait sollicité lui-même une demande d'agrément d'une cuve déjà agréée mais relogée dans une autre cuve, une attestation de monsieur Z... (cf. prod. 12 ; cf. concl. d'appel p. 4 et bordereau de pièces n° 33) témoignant que lors d'une rencontre et d'une explication avec monsieur X... le juillet 2004, celui-ci n'avait pas contesté les faits qui lui étaient reprochés, un courrier électronique de madame A... transmis à monsieur X... en mai 2004 (cf. prod. n° 14 ; cf. concl. d'appel p. 15 et bordereau de pièces n° 22) se plaignant de résultats d'analyse ayant révélé une méconnaissance de la législation européenne, une télécopie de madame Y... adressée à monsieur X... le 1er octobre 2003 stigmatisant l'intervention directe de celui-ci dans la gestion de la cave (cf. prod. 15 et bordereau de pièces n° 20) et un courrier de monsieur Z... du 27 août 2004 (cf. prod. 16 ; cf. conclusions d'appel p. 16 et bordereau de pièces n° 3) reprochant à monsieur X... d'avoir intégralement vidé le disque dur de l'ordinateur dont le salarié se servait à titre professionnel et dont l'employeur déduisait une volonté de masquer les irrégularités qu'il avait commises ; qu'en affirmant que l'attestation de madame Y... accusant expressément son supérieur hiérarchique n'était « étayée par aucun autre élément », la Cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2. – ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige et que les juges du fond doivent examiner tous les griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; qu'aux termes de la lettre de licenciement du 4 août 2004, la SCA Les Vignerons de Saint Jean de la Blaquière reprochait à monsieur X..., outre d'avoir effectué un enrichissement au titre de la récolte 2003 non conforme aux prescriptions de la réglementation communautaire, d'avoir, par sa négligence, permis des erreurs dans la tenue du cahier d'enrichissement s'agissant des volumes en moûts concentrés rectifiés utilisés ainsi que le stockage irrégulier du moût concentré rectifié dans deux cuves à vins ; qu'en se bornant à relever que l'employeur n'établissait pas que l'enrichissement reproché au salarié lui était imputable, sans à aucun moment examiner les deux autres griefs qui lui étaient reprochés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 (anciens L. 122-14-2, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9) du Code du travail ;
3. – ALORS QUE le directeur de cave répond des irrégularités commises par ses subordonnés et qu'il n'a pu ignorer ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que monsieur X..., investi des responsabilités les plus larges en matière économique, financière et administrative, était le supérieur hiérarchique de madame Y..., chef de cave, d'une part, que des opérations et manipulations irrégulières ayant abouti à une violation de la réglementation européenne avaient été opérées par son chef de cave d'autre part ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que madame Y... aurait agi sur instructions de monsieur X..., sans rechercher si la nature et l'ampleur des irrégularités constatées ne révélaient pas que monsieur X... ne pouvait les avoir ignorées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 (anciens L. 122-14-2, L. 122-14-3, L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9) du code du travail ;