LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 3 novembre 2008), que Mme X..., engagée le 23 avril 1996 par la Mutualité française union des Pyrénées-Atlantiques (Mutualité 64), et en dernier lieu directrice du secteur dentaire, a été licenciée pour faute grave le 10 juin 2004 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire le licenciement régulier alors, selon le moyen :
1°/ que comme l'avait énoncé le premier juge, la convention collective de la mutualité prévoyait que la décision de licenciement était prise par le président ; que la cour d'appel ne pouvait prétendre opposer à la salariée, qui tenait de ce texte une garantie, un prétendu nouveau «règlement intérieur de fonctionnement», sans même constater que cette «nouvelle mouture» avait été soumise aux représentants du personnel et qu'elle avait été notifiée à l'intéressée ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1321-4 du code du travail et de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que la lettre de licenciement adressée à la salariée ne comportait aucune mention d'un avis du président de la Mutualité 64 ; que la cour d'appel ne pouvait retenir que cet avis avait été donné, en se fondant uniquement sur une copie de la lettre de licenciement, présentée par l'employeur lui-même ; que la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 1315 du code civil et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que la lettre de licenciement, telle qu'adressée au salarié, fixe les termes des débats ; que la cour d'appel ne pouvait se fonder sur une copie de ladite lettre, sur laquelle figurait une mention qui ne se trouvait pas sur l'original, pour énoncer que la procédure avait été régulière ; que la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la salariée n'a pas soutenu devant la cour d'appel que la nouvelle rédaction du règlement intérieur n'avait pas été soumise à l'avis des représentants du personnel et portée à sa connaissance ;
Attendu, ensuite, que sous couvert du grief non fondé de violation de l'adage "nul ne peut se constituer de preuve à lui-même", inapplicable à la preuve de ce fait juridique que constitue l'existence d'un avis du président de l'association donné préalablement au licenciement, et des textes visés à la deuxième branche, le moyen remet en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis ;
Attendu, enfin, que la lettre de licenciement ne fixe les limites du litige qu'en ce qui concerne les motifs qu'elle énonce ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche pour être nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen, que la cour d'appel s'est fondée expressément sur un document établi par l'employeur lui-même ; que cette attitude caractérise objectivement un manquement à l'obligation d'accorder à la salariée un procès équitable devant un juge impartial ; que la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que la règle "nul ne peut se constituer une preuve à soi-même" ;
Mais attendu que, la cour d'appel ne s'étant pas fondée exclusivement sur le document du 20 octobre 2004 intitulé "attestation de la Mutualité 64" pour estimer établi le fait, reproché au salarié, d'avoir favorisé la société dirigée par son concubin au détriment d'un autre fournisseur et des intérêts de l'employeur, le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me de Nervo, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... par la Mutualité 64 était régulier
AUX MOTIFS QUE la nouvelle mouture du règlement intérieur de fonctionnement de différents services de la Mutualité 64 déposé au conseil de prud'hommes de Bayonne le 1er août 2002, stipulait que «les sanctions sont prises par le directeur de la Muutalité 64, après avis pour la sanction suprême du président de la Mutualité 64» ; qu'il ressortait de l'exemplaire de la lettre de licenciement détenu par l'employeur que l'avis demandé au président de la Mutualité 64 par le directeur recevait l'accord du président de la Mutualité 64, le 10 juin 2004 ; que, en l'absence de preuve d'un faux du président de la Mutualité, qui ne déniait pas sa signature, le défaut de tout formalisme n'interdisait pas à ce dernier de donner son avis, au sens de l'article précité, le jour même, sur l'exemplaire du courrier adressé à la salariée par le directeur informé de la mesure de licenciement ;
1) ALORS QUE, comme l'avait énoncé le premier juge, la convention collective de la mutualité prévoyait que la décision de licenciement était prise par le président ; que la Cour d'appel ne pouvait prétendre opposer à la salariée, qui tenait de ce texte une garantie, un prétendu nouveau «règlement intérieur de fonctionnement», sans même constater que cette «nouvelle mouture» avait été soumise aux représentants du personnel et qu'elle avait été notifiée à l'intéressée ; qu'elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1321-4 du code du travail et de l'article 1134 du code civil ;
2)ALORS QUE nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que la lettre de licenciement adressée à la salariée (production) ne comportait aucune mention d'un avis du président de la Mutualité 64 ; que la Cour d'appel ne pouvait retenir que cet avis avait été donné, en se fondant uniquement sur une copie de la lettre de licenciement, présentée par l'employeur lui-même ; que la Cour d'appel a violé, ensemble, l'article 1315 du code civil et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
3) ALORS QUE la lettre de licenciement, telle qu'adressée au salarié, fixe les termes des débats ; que la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur une copie de ladite lettre, sur laquelle figurait une mention qui ne se trouvait pas sur l'original, pour énoncer que la procédure avait été régulière ; que la Cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était fondé sur une faute grave commise par la salariée qui faussait le libre jeu de la concurrence au profit de la société codirigée par son concubin
AUX MOTIFS QUE l'enregistrement effectué à l'insu de la salariée devait être écarté, étant un moyen de preuve illicite ; que par lettre en date du 13 mai 2004, le gérant de la société Défi Dent marquait son étonnement de ne pas être retenu pour aucun des marchés en cours ; qu'il était fournisseur de la Mutualité 64 depuis 15 ans ; que la Mutualité 64 avait alors diligenté une enquête ; que ses responsables se disaient satisfaits des prestations de la société Défi dent ; que cette société pouvait néanmoins être écartée d'un appel d'offres ; que par lettre en date du 6 octobre 2004, le cogérant de la société Bab Dentaire disait détenir des documents transmis à son coassocié par Madame X... ; que selon une attestation de la Mutualité 64 en date du 20 octobre 2004, ces documents étaient les conditions commerciales de divers concurrents ; que cette transmission faussait la concurrence au détriment de la Mutualité 64 ; que qu'il suffisait, pour s'en persuader, de relever que, pour le fournisseur de 8 turbocides, Bab Dentaire avait établi une offre à 3100 euros, finalement ramenée à 2800 euros, soit moins que ses concurrents ; que l'ensemble de ces présomptions graves, précises et concordantes confirmaient la réalité du manquement reproché à la salariée, rendant impossible le maintien du lien contractuel pendant la durée du préavis, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs du licenciement ;
ALORS QUE, pour la seconde fois dans la même affaire, la Cour d'appel s'est fondée expressément sur un document établi par l'employeur lui-même (attestation du 20 octobre 2004, établie par la Mutualité 64) ; que cette attitude caractérise objectivement un manquement à l'obligation d'accorder à la salariée un procès équitable devant un juge impartial ; que la Cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ainsi que la règle «nul ne peut se constituer une preuve à soi-même».