LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'Eric X... est décédé le 2 octobre 1999, sans héritier réservataire, en l'état d'un testament olographe en date du 25 mai 1997 instituant pour légataires universels M. Bernard Y... et Mme Florence Z..., son épouse, lesquels ont été envoyés en possession de leur legs par ordonnance du 10 décembre 1999 ; que, se prévalant de quatre testaments olographes qui auraient été établis à son profit entre 1986 et 1993, Mme A... a, par acte du 29 mars 2004, fait assigner les époux Y... en rétractation de cette ordonnance puis en nullité du testament en sollicitant, notamment, la vérification d'écriture de ce document ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
Attendu que la vérification d'écriture doit être effectuée au vu de l'original de l'acte contesté ;
Attendu que pour débouter Mme A... de sa demande tendant à la production de l'original du testament, l'arrêt retient que cette demande aurait pour effet de retarder encore l'issue de la procédure alors que le document produit est parfaitement lisible et ne présente aucune anomalie susceptible d'en mettre en doute l'authenticité ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la production du testament en original, n'y avoir lieu à expertise et déclaré valable le testament écrit par Eric X... le 25 mai 1997 au profit des époux Y..., l'arrêt rendu le 12 février 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. et Mme Y... à payer à la SCP Thouin-Palat et Boucard la somme de 2 500 euros, rejette la demande M. B... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour Mme A...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Camille A... de sa demande tendant à ce que la vérification d'écriture du testament ne se fasse qu'après la production en original dudit document ;
AUX MOTIFS QUE : « Madame A... sollicite la production de l'original du testament ainsi qu'une vérification d'écriture aux fins de déterminer si Eric X... a bien écrit de sa main le testament dont se prévalent les époux Y... ; que la copie du testament olographe remise par Maître B... et versée au dossier ne présente aucune anomalie apparente et est parfaitement lisible ; qu'elle est totalement écrite de la même main, signée et datée, sans aucune rature, du 25 mai 1997, que cet acte est rédigé de la façon suivante « je soussigné X... Eric désigne comme mes héritiers et exécuteurs testamentaires Maître Bernard Y... et Madame le Professeur C...- D... ; le patrimoine se répartit ainsi : 1 / un appartement + 1 parking..., les titres de propriété sont chez les successeurs de Maître E... et F...,... 2 / un studio et parking... (titre de propriété chez M. Y...) 3 / un lot de tapisseries anciennes et meubles du XVIIIème en possession de l'occupante de mon studio, Madame Camille A..., dont la possession pourra être confirmée par M. Louis G... à... Puy de Dôme, et par Mme Carmen H..., l'ancienne femme de ménage de mes parents. Ce testament en date du 25 mai 1997 annule toute autre disposition testamentaire antérieure. Fait à Paris, le 25 mai 1999 » ; qu'aux termes de l'article 287 du nouveau code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ; que l'article 288 dispose qu'il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tout document à lui comparer ; que le juge peut retenir tous documents utiles, provenant de l'une des parties, qu'ils aient été ou non émis à l'occasion de l'acte litigieux ; que la décision déférée a fait une très minutieuse analyse des documents versés aux débats, le testament contesté et les pièces de comparaison soit les quatre précédents testaments rédigés par Eric X... au profit de Camille A... constatant, en présence d'une écriture totalement similaire dans son aspect général, que d'une part la même formulation y est retrouvée en ce qui concerne les paragraphes et les numérotations 1 / 2 / 3 /, que les e et les g, tout particulièrement dans la signature, ne comportent aucune différence plus marquée que celle existant entre les lettres des testament précédents, qu'il en est de même avec les chiffres 9, 4 et 7 ; que la comparaison de ce testament avec les autres écrits versés aux débats (pièces n° 8, 9, 10, 14, 15, 17 ….) démontrent une parfaite similitude d'écriture ne permettant pas de mettre en doute l'authenticité de celui-ci, sans qu'il ne soit utile de recourir à une mesure d'instruction qui n'est jamais de droit et à laquelle il peut être passé outre en application des articles 146 et 147 du nouveau code de procédure civile ; qu'au-delà de la forme, les mentions contenues dans le testament ne sont pas de nature à faire naître des doutes sur son auteur réel, ainsi que le soutient, Camille A..., l'adresse exacte du parking joint à l'appartement de la ... important peu, l'intention du testateur étant de léguer cet appartement avec son parking et la précision des coordonnées des notaires détenteurs des titres mentionnés à l'acte ne faisant que confirmer cette intention manifeste ; que de même, les précisions apportées sur le lot de tapisseries anciennes et les meubles XVIIIème légués aux époux Y... ne font que conforter la volonté du testateur, dont les relations avec Camille A... s'étaient dégradées, ce qu'elle ne conteste pas, qu'en effet, il voulait récupérer ce mobilier et lui contestait la qualité de locataire ainsi qu'il en est justifié par la procédure en résolution de bail et expulsion intentée contre elle en 1997 ; que la décision déférée a fait une exacte application des textes légaux et une juste analyse des faits en considérant que les nombreux documents versés aux débats établissent la preuve, sans qu'il n'y ait lieu à ordonner une mesure d'instruction, qu'Eric X... a bien rédigé lui-même, de sa main, en entier, daté et signé le testament du 25 mai 1997 ; que la demande tendant à la production de l'original du testament aurait pour effet de retarder encore l'issue de la procédure alors que le document produit est parfaitement lisible et ne présente aucune anomalie susceptible d'en mettre en doute l'authenticité ; que le versement au dossier de la petite enveloppe blanche évoquée par Maître B... dans ses écritures du 3 octobre 2007, demandée par l'appelante, n'est d'aucun intérêt dans le débat ; que la décision sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à production de l'original du testament et rejeté la demande d'expertise en écriture ; que cet acte a, selon les termes de l'acte authentique du testament et de dépôt en date du 3 décembre 1999 dressé par Maître B..., été confié du vivant de son auteur à l'étude, rédigé sur une feuille de papier blanc, comprenant 22 lignes d'écritures en sus de la signature et de la date ; que le 17 août 2007, Camille A... faisait déposer par son avoué au greffe de la cour d'appel de Riom une déclaration d'inscription de faux portant formellement sur l'indication selon laquelle ce testament aurait été confié par le de cujus de son vivant à l'étude du notaire ; que toutefois, les circonstances relatives au dépôt du testament chez le notaire, sont sans influence sur la recherche de l'authenticité de l'écriture et des mentions portées dès lors qu'il n'est pas allégué que le notaire ait assisté à la rédaction du testament ; que la déclaration d'inscription de faux est sans incidence sur la validité du testament et se trouve dépourvue d'intérêt dans le présent litige » ;
ALORS QUE : la vérification d'écriture doit être faite au vu de l'original ; qu'en retenant que l'original du testament, dont la production était réclamée, n'était pas nécessaire à la vérification de l'authenticité dudit document, la cour d'appel a violé les articles 287 et suivants du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Camille A... de sa demande en annulation du testament litigieux ;
AUX MOTIFS QUE ; « il appartient à Madame A... de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit d'Eric X... lorsqu'il a rédigé son testament, soit le 27 mai 1997 ; qu'il n'est pas contesté que celui connaissait depuis l'âge de 20 ans des difficultés de santé consécutives à son alcoolisme chronique résultant de relations familiales conflictuelles anciennes, qu'il est justifié qu'il a été hospitalisé à deux reprises en 1995 et 1996 sans pour autant qu'il l'ait été de façon continue de 1996 jusqu'à son décès ainsi que le soutient l'appelante ; que les très nombreuses attestations produites par les époux Y... établissent que son intelligence n'était pas altérée, que jusqu'à son décès il a conservé des activités universitaires à la faculté où il enseignait l'anglais de façon satisfaisante selon le doyen honoraire de cette faculté ; que son entourage social et amical, qui le côtoyait régulièrement, notamment lors de périodes de vacances chez Monsieur et Madame Y..., atteste de façon unanime de ses qualités intellectuelles intactes jusqu'en 1999, de sa grande culture et de ses capacités d'écoute et de compréhension et de raisonnement dont ils n'ont jamais constaté la moindre altération ; qu'il résulte de ces documents qu'il avait trouvé auprès du couple Y... une autre famille, qui l'accueillait chaleureusement alors qu'il était tout seul, ses relations s'étant fortement dégradées dès 1996 ainsi qu'il en est justifié ; que celle-ci ne verse aux débats aucun document de nature à mettre en doute le contenu de ces attestations, l'hospitalisation d'Eric X... à l'hôpital Salpêtrière à Paris du 30 mars au 7 avril 1999 ne faisant que confirmer le contexte d'éthylisme ancien et chronique qui n'est pas contesté pour autant qu'ait pu être envisagé de mettre en place un régime de protection ; que l'appelante ne verse au dossier aucun document permettant de considérer qu'au-delà de l'année 1996 elle ait pu conserver des relations privilégiées avec lui ; qu'ainsi, l'évolution des relations entretenues par Eric X... avec Camille A..., puis avec la famille Y..., ne peut qu'amener à considérer que le testament qu'il a rédigé en 1997 était conforme à sa volonté éclairée ; que rien ne justifie d'ordonner la production du dossier d'Eric X... à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière qui ne ferait que confirmer les troubles éthyliques non contestés rencontrés par ce dernier » ;
ALORS QUE : il appartient à celui qui l'allègue de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit du testateur ; que celle-ci peut être prouvée au moyen de la production de certificats médicaux, en dépit du secret médical ; que, pour rétablir l'égalité des armes entre les plaideurs, il appartient aux juges du fond d'ordonner la production de tout document susceptible de les éclairer sur l'état du testateur ; qu'en refusant au cas présent d'ordonner la production du dossier médical de Monsieur X... à l'époque de la rédaction du testament, au motif inopérant que celui-ci ne ferait que confirmer les troubles éthyliques de ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 901 du Code civil et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.