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07/05/2010 | FRANCE | N°08-16071

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 mai 2010, 08-16071


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a assigné, le 24 novembre 2006, devant le tribunal de grande instance de son domicile en France, la société belge Duchesne, en paiement de la somme de 30 000 euros équivalente au gain dont l'envoi lui avait été annoncé par cette société, ainsi qu'à celle de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait du refus des gains promis ;
Attendu que la société Duchesne fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant su

r contredit, (Riom, 9 avril 2008) d'avoir jugé le tribunal de grande instance d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a assigné, le 24 novembre 2006, devant le tribunal de grande instance de son domicile en France, la société belge Duchesne, en paiement de la somme de 30 000 euros équivalente au gain dont l'envoi lui avait été annoncé par cette société, ainsi qu'à celle de 10 000 euros au titre de dommages-intérêts en raison du préjudice subi du fait du refus des gains promis ;
Attendu que la société Duchesne fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur contredit, (Riom, 9 avril 2008) d'avoir jugé le tribunal de grande instance de Montluçon compétent pour statuer sur la demande formée par Mme X... à son encontre alors selon le moyen, que l'organisation d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa et qui oblige par ce fait purement volontaire l'organisateur à délivrer le lot, est un quasi-contrat ; que la qualification de quasi-contrat, qui suppose l'absence d'acte juridique et seulement celle d'un fait juridique, est exclusive de celle de contrat ; que les options de compétence territoriale ouvertes au demandeur par les articles 15 et 16 du règlement CEE 44/2001 du 22 décembre 2000, qui sont d'interprétation stricte, ne s'appliquent pas aux actions fondées sur un quasi-contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel qui avait relevé que le gain réclamé relevait d'un jeu dans lequel l'aléa n'était pas mis en évidence, a violé les articles 2, 15 et 16 du règlement CE 44/2001 ensemble l'article 1371 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait du dossier que Mme X... avait commandé des marchandises proposées par la société Duchesne en envoyant un bon de commande et en respectant scrupuleusement les conditions fixées par l'expéditeur, que la commande avait été traitée le 10 janvier 2003 par la société qui avait ainsi manifesté l'acceptation de la proposition, la cour d'appel en a justement déduit que Mme X..., en sa qualité de consommateur, pouvait saisir le tribunal de son domicile en application des articles 15 et 16 du Règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ; que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société D. Duchesne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société D. Duchesne
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé le tribunal de grande instance de Montluçon compétent pour statuer sur la demande formée par Mme X... à l'encontre de la société D. Duchesne ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces du dossier que Martine X..., de nationalité française et domiciliée en France, a assigné le 24 novembre 2006 en justice la SA D. Duchesne, sise à Nivelles en Belgique. sur le fondement d'une succession de promesses non tenues de gains par correspondance; que l'élément d'extranéité tenant à la nationalité du défendeur à l'acte introductif d'instance caractérise un litige international ;QUE le règlement n 44/2001, du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, est entré en vigueur depuis le 1er mars 2002 en France et en Belgique ; QU'en vertu de I'article 66 de ce règlement, ses dispositions sont applicables aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur ; QU'en vertu de l'article 2 dudit règlement, le litige ressortit bien à la compétence générale des tribunaux d'un Etat membre de la Communauté européenne ; QUE ledit règlement prévoit, aux articles 5 à 21, et plus spécialement en matière contractuelle aux articles 5 el 13, des règles de compétences spéciales dérogatoires il la compétence générale de principe du Tribunal du lieu du domicile du défendeur édictée dans son article 2 ; QUE les notions employées par ledit règlement relatif à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, notamment celles figurant aux articles 5 paragraphes 1 et 3, et 13, doivent être interprétés de façon autonome en se référant principalement au système et aux objectifs du dit règlement, en vue d'assurer l'application uniforme de celui-ci dans tous les États contractants ; QU'il convient à cet égard de se référer à la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui se prononce dans le cadre de sa mission d'interprétation uniforme des règles communautaires ; QUE le règlement n° 44/2001 reprend à l'article 5 paragraphe 1 et 3, sans modification substantielle mais simplement en apportant avec quelques rajouts, des présomptions notamment en présence de contrats de vente et de prestations de service, ainsi qu'à l'article 15 les dispositions du modèle que lui a fourni de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; QU'il convient pour leur interprétation de s'aligner, lorsque les règles sont identiques, sur les solutions élaborées sous l'empire de la convention par la Cour de justice des Communautés européennes ainsi que par la Cour de cassation ; QUE la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, notamment l'arrêt du 11 juillet 2002 invoqué par Martine X... est transposable en l'espèce dans la mesure où il s'agit de déterminer si les règles de compétence énoncées par le règlement n° 44/2001 doivent être interprétées en ce sens que l'action juridictionnelle par laquelle un consommateur vise à faire condamner, dans l'Etat membre de la communauté européenne dans lequel domicilié et en appIication de la législation de cet Etat, une société de vente par correspondance, établie dans un autre État membre, à la remise d'un gain, lorsque celle-ci lui avait adressé personnellement un envoi de nature à donner l'impression qu'un prix lui sera attribué à la condition qu'il commande des marchandises et que ce consommateur passe effectivement une telle commande dans l'Etat de son domicile sans cependant obtenir le versement dudit gain, est de nature contractuelle au sens de l'article 15 dudit règlement ou de l'article 5 § 1 ou de nature délictuelle ou quasi-délictuelle au sens de l'article 5 § 3 du même règlement ou bien d'une autre nature ; QU'il ressort du dossier que, en premier lieu, Martine X... a commandé des marchandises proposées par la SA D. Duchesne pour son usage personnel, sans que cette opération présente un lien quelconque avec son activité professionnelle ; QU'en deuxième lieu, Martine X... et la SA D. Duchesne sont incontestablement liées par un rapport de nature contractuelle dès lors que Martine X... a commandé en envoyant son bon de commande le 16 décembre 2002 et en respectant scrupuleusement les conditions fixées par l'expéditeur; que la commande des marchandises offertes par la SA D. Duchesne a été traitée le 10 janvier 2003, cette société manifestant ainsi son acceptation de la proposition, y compris toutes les conditions afférentes à celle-ci, qu'elle lui avait personnellement adressée ; QU'au surplus cet accord de volonté a donné naissance à des obligations réciproques et interdépendantes dans le cadre d'un contrat qui est une vente par correspondance d'objets mobiliers corporels commandés par la consommatrice sur la base d'une proposition faite et moyennant un prix stipulé par la vendeuse ; QU'en troisième lieu, d'une part, la SA D. Duchesne s'est adressée à Martine X... dans l'Etat membre du domicile de cette dernière en lui envoyant plusieurs courriers personnalisés, auxquels étaient joints un catalogue de vente et un bon de commande, en vue de l'amener à contracter sur la base de ces propositions et des conditions y afférentes et, d'autre part, â la suite de ces envois, Martine X... a effectué dans cet Etat les démarches nécessaires à la conclusions du contrat en procédant à la commande exigée par cette société et en expédiant à celle-ci le bon de commande et la "carte de confirmation GAGNANTE du chèque bancaire" ; QU'ainsi au vu des pièces communiquées il s'avère, que, d'une part. le droit d'action de Martine X... est intimement lié au contrat conclu entre les parties, dans la mesure ou. dans une situation telle que celle au principal, la correspondance que la SA D. Duchesne a envoyée à cette consommatrice établit un rapport indissociable entre la promesse de gain et la commande de marchandises, cette dernière étant présentée par la vendeuse comme constituant le préalable exigé pour l'octroi du gain promis, précisément dans le but d'amener la consommatrice à contracter ; QUE, d'autre part cette dernière a conclu le contrat d'achat essentiellement, voire exclusivement, en raison de la proposition de la vendeuse comportant une promesse de gain d'une valeur largement supérieure au montant de la commande et la consommatrice a par ailleurs, satisfait à toutes les conditions stipulées par le professionnel, acceptant ainsi la proposition de celui-ci dans son ensemble ; QUE toutes les conditions de l'article 15 du règlement 44/2001 sont remplies l'action par laquelle Martine X... revendique en justice à l'encontre de la SA D. Duchesne la remise de prix gagnés en apparence constitue une action qui doit être intentée devant la même juridiction que celle qui est compétente pour connaître du contrat conclu par ladite consommatrice. L'action présente avec ce contrat des liens à ce point étroits qu'elle en est indissociable ; QUE l'action juridictionnelle est relative à un contrat conclu par un consommateur au sens de l'article 15 dudit règlement ; QUE ladite action juridictionnelle intentée par Martine X... peut être, en application de l'article 16 dudit règlement, portée, soit devant les tribunaux de l'Etat membre sur le territoire duquel elle est domiciliée. soit devant les tribunaux de l'Etat membre où est domiciliée la SA D. Duchesne ; QUE par suite, le tribunal du lieu du domicile du consommateur était compétent soit en l'espèce le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est inclus Huriel (03), à savoir le tribunal de grande instance de Montluçon ; QU'il convient, en infirmant l'ordonnance déférée de déclarer le tribunal de grande instance de Montluçon territorialement compétent ;
ALORS QUE l'organisation d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence à première lecture l'existence d'un aléa et qui oblige par ce fait purement volontaire l'organisateur à délivrer le lot, est un quasi-contrat ; que la qualification de quasi-contrat, qui suppose l'absence d'acte juridique et seulement celle d'un fait juridique, est exclusive de celle de contrat ; que les options de compétence territoriale ouvertes au demandeur par les articles 15 et 16 du règlement CEE 44/2001 du 22 décembre 2000, qui sont d'interprétation stricte, ne s'appliquent pas aux actions fondées sur un quasi-contrat ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel qui avait relevé que le gain réclamé relevait d'un jeu dans lequel l'aléa n'était pas mis en évidence, a violé les articles 2, 15 et 16 du règlement CE 44/2001 ensemble l'article 1371 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-16071
Date de la décision : 07/05/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Articles 15 et 16 - Compétence en matière de contrat conclu par un consommateur - Tribunal du lieu du domicile du consommateur - Applications diverses

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Compétence territoriale en matière de contrat conclu par un consommateur - Articles 15 et 16 - Tribunal du lieu du domicile du consommateur PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Loteries publicitaires - Participant - Consommateur - Réclamation d'un gain annoncé - Action en justice - Compétence - Compétence territoriale - Détermination JEUX DE HASARD - Loterie - Loteries publicitaires - Participant - Réclamation d'un gain annoncé - Action en justice - Action en tant que consommateur - Portée

L'arrêt qui relève que celui qui effectue une commande auprès d'une société belge de vente par correspondance qui lui avait adressé des documents publicitaires lui annonçant un gain, en déduit à bon droit qu'il peut agir en sa qualité de consommateur devant le tribunal de son domicile en application des articles 15 et 16 du Règlement (CE) n° 44/2001 (Bruxelles I) pour l'obtention des sommes d'argent apparemment gagnées par lui


Références :

articles 15 et 16 du Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I)

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 09 avril 2008

Sur la compétence territoriale en matière de loteries publicitaires, à rapprocher :CJCE, 14 mai 2009, Renate Ilsinger c/ Martin Dreschers, affaire n° C-180-6


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 mai. 2010, pourvoi n°08-16071, Bull. civ. 2010, I, n° 108
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 108

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.16071
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