LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi dirigé contre la société Allianz, venant aux droits de la société AGF :
Vu les articles 612 du code de procédure civile et 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Attendu que l'arrêt attaqué a été signifié, par la société AGF à Mme X..., le 5 décembre 2007 ; que celle-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 11 mars 2008 en vue de former un pourvoi ; que cette demande ayant été présentée à une date où l'arrêt était devenu irrévocable, le pourvoi, formé le 13 mars 2009, est irrecevable en ce qu'il est dirigé contre la société AGF aux droits de laquelle vient la société Allianz ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu qu'ayant jugé que des fautes avaient été commises lors de l'accouchement de Mme X... et que ces fautes étaient à l'origine du préjudice subi par l'enfant Ryad Y..., le tribunal administratif de Toulouse a par jugement du 21 janvier 1993, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel, condamné le centre hospitalier de Saint-Gaudens à verser à Mme X..., en sa qualité de tutrice de son fils Ryad Y..., une rente annuelle de 140 000 francs, dont les trois-quarts réparaient l'atteinte à l'intégrité physique, jusqu'à ce que l'enfant ait 16 ans et a dit que les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (la CPAM) pour l'entretien et l'éducation du jeune Ryad en centre de rééducation devront s'imputer sur la fraction de la rente qui réparait l'atteinte à l'intégrité physique et s'élevant aux trois-quarts du montant de cette rente ; que le préjudice définitif de Ryad Y... a été liquidé par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mai 2002 ; que Mme X..., ès qualités, a assigné la CPAM en remboursement du quart de la rente devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens ;
Attendu que, pour déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître du litige, l'arrêt attaqué retient que la demande de remboursement formée par Mme X... contre la CPAM trouve son origine dans des décisions rendues par le tribunal administratif de Toulouse et que cette demande suscite une difficulté d'interprétation des décisions prises par la juridiction administrative qu'il appartenait à cette juridiction de trancher, nonobstant le fait que la CPAM, qui était partie aux instances engagées devant le tribunal administratif, soit un organisme de droit privé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître d'un litige opposant deux personnes de droit privé à propos d'une somme d'argent perçue par l'une d'elle en exécution de la décision d'une juridiction administrative et dont l'autre demandait le remboursement, sauf, éventuellement, à poser une question préjudicielle en interprétation de cette décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
Déclare le pourvoi irrecevable en ce qu'il est dirigé contre la société Allianz venant aux droits de la société AGF ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 novembre 2007, entre Mme X... et la CPAM de la Haute-Garonne, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la CPAM de la Haute-Garonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la CPAM de la Haute-Garonne à verser la somme de 2 500 euros à la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Il est fait grief à la Cour d'Appel de s'être déclarée incompétente, au profit du juge administratif, pour statuer sur la demande de remboursement formée par Madame Maghnia X... à l'encontre de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne ;
AUX MOTIFS QUE, il est incontestable que la demande de remboursement formée par Madame X... contre la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne trouve son origine dans des décisions rendues par le tribunal administratif de Toulouse qu'elle vise expressément dans ses écritures ; que Madame X... fonde plus précisément ses prétentions sur les dispositions du jugement en date du 21 janvier 1993, en soutenant que les prélèvements faits dans la limite des trois quarts de la rente fixée par cette décision ne pouvaient avoir qu'un caractère provisionnel en attendant la liquidation du préjudice global, mais ne pouvaient venir en déduction de l'indemnité allouée à Ryad ; qu'elle instaure en outre une discussion sur la nature des débours de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne retenus sur partie de cette rente, et prétend que cet organisme social dénature les termes du dispositif du jugement précité ; qu'elle se réfère enfin au contenu du jugement rendu le 18 avril 2002 par la juridiction administrative pour liquider le préjudice de Ryad ; qu'il s'en suit que la demande de remboursement présentée par Madame X... suscite une difficulté d'interprétation des décisions prises par la juridiction administrative qu'il appartient à cette juridiction de trancher, nonobstant le fait que Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne, qui était partie aux instances engagées devant le tribunal administratif, soit un organisme de droit privé ;
ALORS QUE le litige opposant deux personnes de droit privé à propos d'une somme d'argent perçue par l'une d'elles et dont l'autre demandait le remboursement entre ses mains, relève des juridictions de l'ordre judiciaire, peu important que celle-ci ait invoqué à l'appui de sa demande les termes d'un jugement du Tribunal administratif sur l'interprétation duquel les parties étaient opposées, ce qui ne pouvait que donner lieu, éventuellement, à une question préjudicielle ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a méconnu le principe de la séparation des deux ordres de juridiction, et a ainsi violé l'article 13 de la loi des 16 - 24 août 1790, ainsi que le décret du 16 fructidor an III.