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08/04/2010 | FRANCE | N°09-12824

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 avril 2010, 09-12824


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, titulaire d'une créance à l'encontre de la société Express auto transactions en vertu d'une ordonnance de référé qu'elle avait fait signifier, le 9 janvier 2004, à sa débitrice par la SCP Ochoa-Payerne-Trojani, huissiers de justice, la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon en a, par lettre du 5 juillet 2004, confié le recouvrement à la SCP d'huissiers de justice qui a accepté le mandat le 7 juillet 2004 ; que celle-ci a, par une lettre du 9 septembre 2004, informé

sa mandante de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, titulaire d'une créance à l'encontre de la société Express auto transactions en vertu d'une ordonnance de référé qu'elle avait fait signifier, le 9 janvier 2004, à sa débitrice par la SCP Ochoa-Payerne-Trojani, huissiers de justice, la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon en a, par lettre du 5 juillet 2004, confié le recouvrement à la SCP d'huissiers de justice qui a accepté le mandat le 7 juillet 2004 ; que celle-ci a, par une lettre du 9 septembre 2004, informé sa mandante de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Express auto transactions par un jugement du 15 juin 2004, publié au BODACC le 8 juillet 2004 et dont la SCP d'huissiers de justice avait eu connaissance le 13 juillet 2004 ; qu'ayant vainement sollicité le relevé de la forclusion pour la production de sa créance, dont le délai avait expiré le 8 septembre 2004, la Caisse d'épargne et de prévoyance, reprochant à la SCP Ochoa-Payerne-Trojani, devenue Ochoa-Trojani-Auger, de l'avoir avisée tardivement de la liquidation judiciaire de sa débitrice et de l'avoir ainsi empêchée de produire utilement sa créance, l'a assignée en réparation de son préjudice, en y incluant, pour la première fois devant la cour d'appel, les frais afférents à la procédure de relevé de forclusion ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la SCP Ochoa-Trojani-Auger reproche à l'arrêt attaqué d'avoir reçu la Caisse d'épargne et de prévoyance en sa demande additionnelle, et de l'avoir condamnée à payer à celle-ci les sommes de 5 507,56 euros relative à la procédure en relevé de forclusion et de 62,06 euros relative au procès-verbal de saisie-vente dressé le 8 septembre 2004, alors, selon le moyen, que constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d'appel, la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande soumise aux premiers juges, et qui n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celle-ci ; que la Caisse d'épargne avait saisi le tribunal de grande instance de Bobigny pour demander réparation d'une perte de chance d'obtenir paiement d'une créance, en reprochant à la SCP un manquement dans l'exécution d'une mission de recouvrement forcé ; que la Caisse d'épargne avait formé, devant la cour d'appel, une nouvelle demande tendant à obtenir le remboursement de frais générés par une procédure infructueuse de relevé de forclusion ; que cette demande avait ainsi un objet différent de celle formée en première instance, tendait à d'autres fins et ne pouvait être regardée comme en étant le complément ; qu'en jugeant néanmoins cette demande nouvelle recevable, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant énoncé que la demande de la Caisse d'épargne ne faisait qu'ajouter une demande complémentaire à celles soumises aux premiers juges, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'accueillir la demande, présentée pour la première fois devant elle, en indemnisation des frais afférents à la procédure de relevé de forclusion, qui, comme la demande originaire, tendait à la réparation des conséquences dommageables de la faute imputée à la SCP d'huissiers de justice et qui en constituait le complément ;
Mais, sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu les articles 1991 et 1992 du code civil ;
Attendu que pour prononcer un partage de responsabilité par moitié, après avoir retenu la faute, non contestée, commise par la SCP d'huissiers de justice, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que la Caisse d'épargne, en sa qualité de créancier institutionnel, n'a pas satisfait à son obligation de surveillance des annonces légales et a ainsi commis une faute qui a concouru à la réalisation de son préjudice ;
Attendu, qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir retenu que la SCP d'huissiers de justice avait omis d'informer en temps utile la Caisse d'épargne de la procédure collective, dont l'huissier de justice connaissait l'ouverture à l'égard de la débitrice, et avait ainsi empêché la créancière, déchargée, quelles que soient ses compétences personnelles, de son obligation de surveiller la situation de son débiteur, de produire sa créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon avait commis une faute ayant concouru à la réalisation de son préjudice, a dit que la responsabilité sera partagée par moitié entre les parties et a condamné la SCP Ochoa-Payerne-Trojani, devenue la SCP Ochoa-Trojani-Auger, à payer à la Caisse, compte tenu du partage de responsabilité, la somme de 34 266,04 euros, l'arrêt rendu le 16 décembre 2008 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCP Ochoa -Trojani-Auger aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Ochoa -Trojani-Auger ; la condamne à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc-Roussillon la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit au pourvoi principal par Me Foussard, avocat aux conseils pour la Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a décidé que le dommage invoqué par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON, imputable à la Caisse à concurrence de moitié, ne pouvait être mis à la charge de la SCP OCHOA - PAYERNE - TROJANI, huissier de justice, qu'à concurrence de moitié, puis décidé que le préjudice, s'analysant en une perte de chance, devait être limité à 25 % du montant de la créance et condamné par suite la SCP OCHOA -PAYERNE - TROJANI (aujourd'hui SCP OCHOA - TROJANI - AUGER) au paiement d'une somme principale de 34.266,04 € au titre du préjudice subi ;
AUX MOTIFS propres QU'« étant observé que la SCP OCHOA ne conteste pas avoir commis une faute engageant sa responsabilité, c'est à la suite de motifs pertinemment retenus, motifs que la Cour fait siens, que les premiers juges ont également démontré l'existence de la faute de la CAISSE D'EPARGNE concourant à la réalisation de son préjudice en ce que, créancier institutionnel, elle n'a pas satisfait à son obligation de surveillance des annonces légales du domicile de la Société EXPRESS AUTO TRANSACTIONS, sa débitrice ; que, pour ces motifs, l'intégralité de l'argumentation développée par l'appelante devient inopérante et qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé un parage de responsabilité par moitié (…) » (arrêt, p. 5, § 2 et 3) ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE « la SCP OCHOA - PAYERNE -TROJANI ne discute pas qu'elle a été informée, dans le cadre de l'exécution de son mandat, de la procédure collective prononcée à l'encontre de la Société EXPRESS AUTO TRANSACTIONS par l'extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés dont elle a obtenu la délivrance le 8 juillet 2004 et qu'elle n'a informé la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON de l'existence de cette procédure que par courrier adressé le 9 septembre 2004, soit après l'expiration du délai légal de déclaration des créances ; que dès lors, la SCP OCHOA - PAYERNE - TROJANI, en n'informant pas en temps utile la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON de l'existence de la procédure collective à l'encontre de la Société EXPRESS AUTO TRANSACTIONS, a commis une faute engageant sa responsabilité, ce que celle-ci reconnaît d'ailleurs expressément dans ses écritures ; qu'il ressort des termes de l'ordonnance du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la Société EXPRESS AUTO TRANSACTIONS du 9 novembre 2004, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 1er juillet 2005, que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON avait, en sa qualité de créancier institutionnel, l'obligation de surveiller les annonces légales du domicile de sa débitrice ;qu'en omettant de satisfaire à cette obligation, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC-ROUSSILLON a également commis une faute qui a concouru à la réalisation de son préjudice ; que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de prononcé un partage de responsabilité par moitié entre les parties (…) » (jugement, p. 4, dernier § et p. 5, § 1 à 4) ;

ALORS QUE s'il appartient au banquier, d'une manière générale, de surveiller la situation de son débiteur et de vérifier notamment le point de savoir s'il fait l'objet ou non d'une procédure collective, en revanche, dès lors que le banquier a donné mandat à un huissier de justice de recouvrer les sommes dues, en vertu du titre exécutoire qu'il lui a remis, il appartient à l'huissier de justice de vérifier la situation du débiteur, et notamment de s'assurer de l'existence éventuelle d'une procédure collective, tant que son mandat n'a pas été mené à son terme ; qu'étant assuré que l'huissier de justice procède aux vérifications nécessaires et lui en rend compte dans le cadre de son obligation d'information et de conseil, le banquier peut légitimement considérer qu'il est déchargé de cette tâche durant la période correspondant à l'exécution par l'huissier de justice de son mandat, étant rappelé que la vérification de la situation du débiteur est le préalable nécessaire aux actes relevant de l'exécution forcée, puisqu'elle conditionne la légalité de ces actes ; qu'en décidant le contraire pour considérer que, nonobstant le mandat donné à l'huissier de justice, la banque devait vérifier la situation du débiteur, notamment au regard des procédures collectives, et retenir que la moitié du dommage devait être laissée à la charge de la banque, les juges du fond ont violé les articles 1991 et 1992 du Code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux conseils pour la SCP Ochoa -Trojani-Auger
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR reçu la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON en sa demande additionnelle, et condamné la SCP OCHOA-PAYERNE-TROJANI à lui payer les sommes de 5.507,56 € relative à la procédure en relevé de forclusion et 62,06 € relative au procès-verbal de saisie-vente dressé le 8 septembre 2004,
AUX MOTIFS QUE « (…) s'agissant de l'irrecevabilité de la demande additionnelle de la CAISSE D'EPARGNE, si, aux termes de l'article 564 du Code civil, les parties ne peuvent soumettre de prétentions nouvelles en appel, d'une part, l'article 365 du même Code indique que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, d'autre part, l'article 566 du même Code précise que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;« que dès lors, la demande de la CAISSE D'EPARGNE ne faisant qu'ajouter une demande complémentaire à celles soumises aux premiers juges, doit être déclarée recevable et bien fondée au regard des justificatifs versés aux débats (…) »,

ALORS QUE constitue une demande nouvelle, irrecevable devant la cour d'appel, la prétention qui ne tend pas aux mêmes fins que la demande soumise aux premiers juges, et qui n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celle-ci ; que la CAISSE D'EPARGNE avait saisi le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY pour demander réparation d'une perte de chance d'obtenir paiement d'une créance, en reprochant à l'exposante un manquement dans l'exécution d'une mission de recouvrement forcé (cf. les conclusions de 1ère instance de la CAISSE D'EPARGNE, production n° 3) ; que la CAISSE D'EPARGNE avait formé, devant la Cour d'appel, une nouvelle demande tendant à obtenir le remboursement de frais générés par une procédure infructueuse de relevé de forclusion (cf. les conclusions d'appel de la CAISSE D'EPARGNE, production n° 2) ; que cette demande avait ainsi un objet différent de celle formée en première instance, tendait à d'autres fins et ne pouvait être regardée comme en étant le complément ; qu'en jugeant néanmoins cette demande nouvelle recevable, la Cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-12824
Date de la décision : 08/04/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Mandat - Recouvrement de créance - Obligations - Surveillance de la situation du débiteur - Portée

Le créancier qui investit un huissier de justice du mandat de recouvrer sa créance se trouve déchargé, quelles que soient ses compétences personnelles, de son obligation de surveiller la situation de son débiteur. Viole les dispositions des articles 1991 et 1992 du code civil la cour d'appel qui prononce un partage de responsabilité par moitié, après avoir retenu la faute, non contestée, commise par la SCP d'huissiers de justice qui avait omis d'informer une caisse d'épargne de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du débiteur de celle-ci, en énonçant que ladite caisse d'épargne, en sa qualité de créancier institutionnel, n'a pas satisfait à son obligation de surveillance des annonces légales et a ainsi commis une faute qui a concouru à la réalisation de son préjudice


Références :

articles 1991 et 1992 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2008

Sur le fait que l'huissier de justice accomplit seul sa mission, à rapprocher :2e Civ., 21 novembre 2002, pourvoi n° 00-20953, Bull. 2002, II, n° 269 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 avr. 2010, pourvoi n°09-12824, Bull. civ. 2010, I, n° 85
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 85

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Rapporteur ?: M. Gallet
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Tiffreau et Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.12824
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