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25/03/2010 | FRANCE | N°09-12294

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mars 2010, 09-12294


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que par acte établi le 16 mai 2000 par M. X..., huissier de justice, les consorts Y..., Z... et A... ont consenti un bail commercial pour l'exploitation d'une teinturerie aux époux B..., assistés au cours des négociations par M. C..., professionnel du secteur d'activité concerné ; que simultanément, les époux B... ont fondé l'EURL Cambrai-Wash dont les statuts ont été déposés le 19 juin suivant ; qu'en 2003, après ouverture d'une procédure d

e liquidation judiciaire à l'égard de cette société, l'huissier de jus...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que par acte établi le 16 mai 2000 par M. X..., huissier de justice, les consorts Y..., Z... et A... ont consenti un bail commercial pour l'exploitation d'une teinturerie aux époux B..., assistés au cours des négociations par M. C..., professionnel du secteur d'activité concerné ; que simultanément, les époux B... ont fondé l'EURL Cambrai-Wash dont les statuts ont été déposés le 19 juin suivant ; qu'en 2003, après ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de cette société, l'huissier de justice, invité par le liquidateur à déclarer la créance de loyers de ses mandants, a cherché à en obtenir le recouvrement auprès des époux B..., lesquels ont alors engagé une action pour obtenir l'annulation du bail en l'absence de mention précisant qu'ils agissaient pour le compte de leur société en formation, le remboursement des loyers dont ils s'étaient acquittés personnellement et la condamnation de l'huissier de justice à leur payer des dommages-intérêts ;
Attendu que les époux B... reprochent à l'arrêt attaqué (Douai, 18 décembre 2008) de les avoir déboutés de leur demande indemnitaire, alors, selon le moyen :
1° / que l'huissier rédacteur d'acte est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques de leurs engagements ; qu'il incombe en particulier au rédacteur d'un bail commercial d'attirer l'attention de la partie, créant une nouvelle activité, sur le mode d'exercice envisagé, individuel ou sous forme sociale, et, dans ce dernier cas, sur les conditions légales d'une reprise du bail souscrit pour le compte d'une société en formation de sorte qu'en déniant l'existence d'un tel devoir de conseil à la charge de M. X..., huissier de justice rédacteur du bail litigieux, la cour d'appel a méconnu l'article 1147 du code civil ;
2° / que l'huissier rédacteur d'acte est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes ; qu'il n'est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d'un conseiller personnel au côté du client si bien qu'en retenant, pour statuer ainsi, que les époux B... étaient assistés dans leur négociation par M. C..., qu'ils se sont gardés de faire appeler à la cause, mais sur qui reposait naturellement un devoir de conseil, à parts égales avec le rédacteur du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1147 ;
Mais attendu que le devoir de conseil auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque, dans ce dernier cas, le praticien du droit en a été informé ; que si le professionnel doit veiller, dans ses activités de conseil et de rédaction d'actes, à réunir les justificatifs nécessaires à son intervention, il n'est, en revanche, pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à la véracité des renseignements donnés ; qu'ayant souverainement relevé que ni les époux B..., ni leur mandataire n'avaient appelé l'attention du rédacteur de l'acte litigieux sur le fait que les signataires du bail avaient entendu agir, non en leur nom personnel, mais pour le compte d'une société en formation destinée à reprendre leurs engagements, la cour d'appel a pu en déduire que l'huissier instrumentaire n'avait commis aucune faute ; que par ce seul motif l'arrêt est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme B... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. et Mme B....
Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame B... de leur action en responsabilité à l'encontre de Maître X..., huissier de justice, rédacteur du bail litigieux,
AUX MOTIFS QUE " pour échapper aux conséquences du bail litigieux, et vu l'article L. 210-6 du Code de commerce, les époux B... doivent apporter la preuve que la société au nom de laquelle ils prétendent avoir signé le bail était en formation, que la société a implicitement ou explicitement repris les engagements antérieurs de ses fondateurs, enfin que les preneurs aient, de manière explicite, fait apparaître qu'ils agissaient pour une personne morale future ;
Toutes ces conditions font défaut en l'espèce, pour les motifs qu'a énoncé le premier juge et en raison de ce que la personne morale n'a vu le jour juridiquement que plusieurs semaines après les prémisses du bail et sa signature elle-même ; de ce que l'EURL a certes payé les loyers, mais pas tous – puisque précisément, les époux B... réclament la répétition de certains d'entre eux – et qu'aucun document ne démontre la volonté propre de la personne morale de reprendre les engagements de ses fondateurs ; que l'intermédiaire (dénommé C...) mandaté par les époux B... n'a jamais adressé au rédacteur de l'acte Me X... un quelconque avis d'avoir à mentionner la société en formation, même s'il témoigne naturellement maintenant en faveur de ses mandants.
Dès lors les époux B... ont été et son demeurés seuls locataires des mandants de Me X... ; qu'ils ne peuvent d'avantage invoquer l'absence de cause à leur engagement, pour la raison que le premier juge a parfaitement énoncée une motivation que la cour reprend sans changement ;
En revanche, le premier juge ne pouvait sans contradiction, à la fois relever que les conditions de l'article L 210-6 n'étaient pas réunies en raison en raison de l'opacité des intentions des preneurs, et développer comme il l'a fait le thème de ces " intentions " puis affirmer que Me X... est responsable pour défaut de conseil ;
Au contraire, le devoir de conseil du rédacteur d'acte ne peut aller jusqu'à proposer aux signataires de contracter sous une forme sociale plutôt que comme personnes physiques, ou à plus forte raison de pressentir à certains signes que ces contractant s ont probablement l'intention profonde de s'engager pour le compte d'une autre personne, morale en l'occurrence ;
Par surcroît, il faut observer que les époux B... étaient assistés dans leur négociation par le Sieur C..., mentionnée précédemment, qu'ils se sont gardés de faire appeler à la cause, mais sur qui reposait naturellement un devoir de conseil, à parts égales avec le rédacteur du contrat ;
En somme, les époux B... ne peuvent triompher sur aucune des fondements qu'ils invoquent pour se dégager de la convention ou pour compenser leur dette avec une créance de dommages et intérêts "
ALORS D'UNE PART QUE l'huissier rédacteur d'acte est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques de leurs engagements ; qu'il incombe en particulier au rédacteur d'un bail commercial d'attirer l'attention de la partie, créant une nouvelle activité, sur le mode d'exercice envisagée, individuel ou sous forme sociale, et, dans ce dernier cas, sur les conditions légales d'une reprise du bail souscrit pour le compte d'une société en formation de sorte qu'en déniant l'existence d'un tel devoir de conseil à la charge de Maître X..., huissier de justice rédacteur du bail litigieux, la Cour d'appel a méconnu l'article 1147 du Code civil,
ALORS D'AUTRE PART QUE l'huissier rédacteur d'acte est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes ; qu'il n'est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d'un conseiller personnel au côté du client si bien qu'en retenant, pour statuer ainsi, que les époux B... étaient assistés dans leur négociation par Monsieur C..., qu'ils se sont gardés de faire appeler à la cause, mais sur qui reposait naturellement un devoir de conseil, à parts égales avec le rédacteur du contrat, la Cour d'appel a violé l'article 1147.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-12294
Date de la décision : 25/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Responsabilité - Rédaction d'actes - Obligation de conseil - Exigences particulières des parties - Déclarations d'ordre factuel - Vérification - Condition

Le devoir de conseil auquel est tenu le rédacteur d'actes s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties et de leurs exigences particulières lorsque, dans ce dernier cas, le praticien du droit en a été informé. Si le professionnel doit veiller, dans ses activités de conseil et de rédaction d'actes, à réunir les justificatifs nécessaires à son intervention, il n'est, en revanche, pas tenu de vérifier les déclarations d'ordre factuel faites par les parties en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons quant à la véracité des renseignements donnés. En conséquence, n'est pas en faute le professionnel qui établit un acte sans indiquer que l'une des parties entendait agir, non en son nom personnel, mais pour le compte d'une société en formation destinée à reprendre ses engagements, dès lors qu'aucune information ne lui a été donnée sur ce point


Références :

article 1147 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 décembre 2008

Sur la non-obligation pour le notaire rédacteur d'actes de vérifier les déclarations d'ordre factuel en l'absence d'éléments de nature à faire douter de leur véracité, dans le même sens que :1re Civ., 8 janvier 2009, pourvoi n° 07-18780, Bull. 2009, I, n° 1 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 mar. 2010, pourvoi n°09-12294, Bull. civ. 2010, I, n° 72
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 72

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Domingo
Rapporteur ?: M. Jessel
Avocat(s) : SCP Peignot et Garreau, SCP Tiffreau et Corlay

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.12294
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