LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la SCP Z...- C... du désistement de son pourvoi sauf en ce qu'il est dirigé contre MM. X... et Y... ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, suivant actes reçus les 24 mars 1998 et 6 novembre 2000 par M. Z..., notaire associé au sein de la SCP Z...- C..., Chantal
A...
, représentée par un clerc du notaire instrumentaire en vertu de deux procurations mentionnant sa profession de serveuse, a vendu respectivement à M. Y... et à M. X... ses droits indivis sur divers immeubles provenant de la succession de ses parents ; que M. B..., ès qualités de liquidateur judiciaire de Chantal A... qui, inscrite au registre du commerce, avait exercé une activité de vente ambulante de petite restauration et avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ouverte par un jugement du 19 août 1997 et convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 novembre 1997, a, en application de l'article L. 622-9 du code de commerce, poursuivi l'inopposabilité des ventes à l'encontre des acquéreurs qui ont appelé en garantie les consorts A..., héritiers de Chantal A..., décédée, et la SCP Z...- C... ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Chambéry, 29 mai 2007) a notamment condamné la SCP Z...- C... à garantir MM. X... et Y... de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
Attendu que la SCP Z...- C... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen :
1° / que le notaire qui reçoit un acte de vente rapportant les déclarations erronées d'une partie ne saurait voir sa responsabilité engagée que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité des informations reçues ; qu'en jugeant que le notaire avait commis une faute en ne vérifiant pas si Mme A..., propriétaire indivis de biens dont il instrumentait la vente, qui avait déclaré exercer la profession de serveuse, n'avait pas néanmoins la qualité de commerçante et ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, tout en relevant par ailleurs que le notaire ne disposait d'aucun indice lui permettant de soupçonner l'exercice d'une activité commerciale, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1382 du code civil ;
2° / que les parties à l'instance, née à la suite de l'appel en garantie formé par MM. X... et Y... contre le notaire, affirmaient que Mme A... avait sciemment tu le fait qu'elle était soumise à une procédure collective au moment des ventes ; qu'en affirmant néanmoins que les termes des procurations, signées par Mme A..., dans lesquelles la mandante déclarait qu'il n'existait de son chef aucun obstacle ni aucune restriction d'ordre légal ou contractuel à la libre disposition des biens vendus, ne permettaient pas à celle-ci, à la supposer de bonne foi, de prendre conscience qu'elle devait déclarer la procédure collective dont elle faisait l'objet, quand la formule employée par le notaire était sans incidence dès lors que Mme A... avait sciemment tu la procédure collective dont elle faisait l'objet, la cour d'appel aurait violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3° / que le mandataire est en droit de se fier aux déclarations de son mandant, en l'absence de circonstances objectives de nature à le faire douter de la véracité des informations reçues ; qu'en jugeant que le clerc de notaire, qui avait reçu les procurations de Mme A..., avait commis une faute, engageant la responsabilité du notaire, employeur, en ne vérifiant pas si sa mandante, qui avait déclaré exercer la profession de serveuse, n'avait pas néanmoins la qualité de commerçante et ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, tout en relevant par ailleurs qu'il n'existait aucun indice permettant de soupçonner l'exercice d'une activité commerciale, la cour d'appel n'aurait pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant derechef l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que, si le notaire, recevant un acte en l'état de déclarations erronées d'une partie quant aux faits rapportés, engage sa responsabilité seulement s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est, en revanche, tenu, en cas de représentation de cette partie par un mandataire, de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale aisément accessible, les déclarations faites en son nom et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse ; qu'ayant constaté que Chantal A... avait été représentée à l'acte litigieux par un clerc de l'office, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il incombait au notaire de vérifier les déclarations qui lui étaient faites relatives à la capacité de disposer de cette dernière, de sorte que, faute d'avoir procédé à la consultation du BODACC, qui lui eût révélé l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la venderesse avant la réception de l'acte, il avait engagé sa responsabilité à l'égard des parties au dit acte ; que, par ces seuls motifs, elle a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Z...- C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Z...- C... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la SCP Z...- C....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCP Z... – C... à garantir Messieurs X... et Y... de toutes les condamnations en principal, frais et intérêts prononcées à leur encontre ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le notaire chargé de la rédaction d'un acte doit s'assurer de la validité et de l'efficacité dudit acte ; qu'il a l'obligation, conformément à l'article 5 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, de vérifier l'identité, l'état et le domicile des parties à l'acte, ce qui inclut l'obligation de s'assurer de la capacité de chacune d'entre elles à contracter ; qu'il n'est toutefois tenu que d'une obligation de moyen et une faute doit être caractérisée à son encontre ; que s'il est acquis que Madame A... a déclaré exercer la profession de serveuse et qu'il n'existait aucun indice de ce qu'elle exerçait une activité commerciale, il convient cependant de relever que Madame A... n'était pas présente à l'acte, qu'elle avait signé une procuration sous seings privés le 12 décembre 1997 en vue de la première vente et le 25 octobre 2000 en vue de la seconde, procuration aux termes desquelles elle souscrivait à la déclaration selon laquelle il n'existait « de son chef aucun obstacle, ni aucune restriction d'ordre légal ou contractuel à la libre disposition des biens vendus », formule qui ne lui permettait pas, à la supposer de bonne foi, de prendre conscience qu'elle devait déclarer la procédure collective dont elle faisait l'objet ; que dès lors, ne pouvant, du fait de la procuration, procéder à des investigations verbales sur sa capacité, il appartenait au notaire de faire les diligences nécessaires pour vérifier si elle avait la qualité de commerçante et si elle ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, ce nonobstant l'absence d'indices lui permettant de soupçonner l'exercice d'une activité commerciale ; qu'il est constant que les procédures collectives dont Madame A... a fait l'objet ont été publiées au BODAC le 20 novembre 1997 pour le redressement judiciaire et le 12 décembre 1997 pour la liquidation judiciaire, soit antérieurement à la signature de l'acte litigieux ; que l'interrogation du BODACC dont les données sont accessibles par télématique concomitamment avec la publication papier depuis un arrêté du premier ministre en date du 17 mai 1984, par Minitel fait apparaître que la recherche par l'adresse de Madame A... permettait d'obtenir toutes les informations nécessaires à cet égard, ces informations étant publiées antérieurement à la signature des actes de vente litigieux ; qu'ainsi est établi, de la part du notaire, un manque de diligence à l'origine du préjudice des acquéreurs ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le notaire chargé de la rédaction d'un acte doit s'assurer de la validité et de l'efficacité dudit acte ; qu'il a l'obligation réglementaire conformément à l'article 5 du décret n° 71-941 du 26 / 11 / 1971 relatif aux actes établis par les notaires, de vérifier l'identité, l'état et le domicile des parties à l'acte, et partant de s'assurer de la capacité de contracter de chacune d'entre elles ; que dès lors un notaire doit vérifier qu'il n'existe aucune incapacité civile ou commerciale, et aucun jugement de procédure collective dessaisissant le débiteur de ses biens ; qu'or, Gilbert X... et Raphaël Y... établissent en produisant deux avis du BODAC en date des 20 / 11 / 1997 et 24 / 12 / 1997 que Chantal A... a été avant la première de ces dates placée en redressement judiciaire et avant la seconde de ces dates mise en liquidation judiciaire ; que le notaire pouvait donc vérifier la capacité de Chantal A..., étant précisé que le BODAC est un bulletin d'annonces légales destiné notamment à informer les tiers de décisions prises à l'égard de commerçants ou de sociétés commerciales ; qu'en ne le faisant pas et en se basant uniquement sur les déclarations de Chantal A... l'officier public a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle ; qu'au surplus, Chantal A... avait donné mandat au clerc de notaire de la représenter pour la signature de l'acte authentique, ce qui aurait dû amener le mandataire à vérifier le pouvoir et la capacité du mandant ; qu'en ne le faisant pas, le mandataire a commis une faute, dont doit répondre le notaire employeur du mandataire ; que la SCP Z... – C... sera dès lors tenue de garantir les acquéreurs pour toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
1°) ALORS QUE le notaire qui reçoit un acte de vente rapportant les déclarations erronées d'une partie ne saurait voir sa responsabilité engagée que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de la véracité des informations reçues ; qu'en jugeant que le notaire avait commis une faute en ne vérifiant pas si Chantal A..., propriétaire indivis de biens dont il instrumentait la vente, qui avait déclaré exercer la profession de serveuse, n'avait pas néanmoins la qualité de commerçante et ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, tout en relevant par ailleurs que le notaire ne disposait d'aucun indice lui permettant de soupçonner l'exercice d'une activité commerciale, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QUE les parties à l'instance, née à la suite de l'appel en garantie formé par Messieurs X... et Y... contre le notaire, affirmaient que Chantal A... avait sciemment tu le fait qu'elle était soumise à une procédure collective au moment des ventes (conclusions d'appel de Messieurs X... et Y..., en date du 11 septembre 2006, p. 10, al. 3 ; conclusions d'appel de la SCP Z... et C..., en date du 20 mars 2007, p. 6, al. 6) ; qu'en affirmant néanmoins que les termes des procurations, signées par Chantal A..., dans lesquelles la mandante déclarait qu'il n'existait de son chef aucun obstacle ni aucune restriction d'ordre légal ou contractuel à la libre disposition des biens vendus, ne permettaient pas à celle-ci, à la supposer de bonne foi, de prendre conscience qu'elle devait déclarer la procédure collective dont elle faisait l'objet, quand la formule employée par le notaire était sans incidence dès lors que Chantal A... avait sciemment tu la procédure collective dont elle faisait l'objet, la Cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le mandataire est en droit de se fier aux déclarations de son mandant, en l'absence de circonstances objectives de nature à le faire douter de la véracité des informations reçues ; qu'en jugeant que le clerc de notaire, qui avait reçu les procurations de Chantal A..., avait commis une faute, engageant la responsabilité du notaire, employeur, en ne vérifiant pas si sa mandante, qui avait déclaré exercer la profession de serveuse, n'avait pas néanmoins la qualité de commerçante et ne faisait pas l'objet d'une procédure collective, tout en relevant par ailleurs qu'il n'existait aucun indice permettant de soupçonner l'exercice d'une activité commerciale, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi derechef l'article 1382 du Code civil.