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24/03/2010 | FRANCE | N°08-45146

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 mars 2010, 08-45146


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 octobre 2008), que M. X... a été engagé le 6 mai 1985 en qualité d'agent technique commercial par la société Sandvick, devenue Innodec, au sein de laquelle il occupait, en dernier lieu, le poste de directeur du département formes et découpes, du suivi et du développement de la clientèle à Limoges, l'un des neuf sites de la société, répartis sur l'ensemble du territoire national ; qu'il a été licencié pour motif économique le 22

février 2007 ;

Attendu que la société Innodec fait grief à l'arrêt de dire ce...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 13 octobre 2008), que M. X... a été engagé le 6 mai 1985 en qualité d'agent technique commercial par la société Sandvick, devenue Innodec, au sein de laquelle il occupait, en dernier lieu, le poste de directeur du département formes et découpes, du suivi et du développement de la clientèle à Limoges, l'un des neuf sites de la société, répartis sur l'ensemble du territoire national ; qu'il a été licencié pour motif économique le 22 février 2007 ;

Attendu que la société Innodec fait grief à l'arrêt de dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que les menaces sur la compétitivité invoquées s'apprécient au niveau de l'entreprise ou du groupe et non de l'établissement dans lequel travaille le salarié dont le poste est supprimé ; qu'après avoir considéré comme établie la dégradation, depuis l'année 2002, des résultats de l'entreprise dont faisait état l'employeur, la cour d'appel, qui a dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif inopérant que le salarié avait obtenu de meilleurs résultats dans le département formes et découpes dont il avait la responsabilité que ceux des autres sites de la société, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que la société Innodec, qui contestait l'argumentation du salarié consistant à mettre en avant ses résultats personnels comparés à ceux de l'entreprise pour l'année 2006, faisait valoir que l'augmentation du chiffre d'affaires global de 0,7 % citée par le salarié correspondait aux deux secteurs d'activité de la société dont l'un, celui des outils mécaniques de découpe (ODD), était en fort déclin et l'autre, celui des formes de découpe (FDD) dans lequel opérait M. X... à Limoges, avait progressé de 4 % pour l'ensemble de la société, de sorte qu'en réalité l'augmentation de 3 % de l'activité gérée par M. X... était inférieure à celle des autres secteurs commerciaux de la forme de découpe ; qu'en ne répondant pas à ce chef des écritures de l'employeur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la dégradation des résultats d'une entreprise depuis plusieurs années imposant la mise en place d'une réorganisation permettant de sauvegarder sa compétitivité constitue une cause économique que l'employeur peut invoquer pour justifier une réorganisation impliquant la suppression de l'emploi d'un salarié, quand bien même le début de cette dégradation serait antérieur à l'affectation du salarié au poste concerné par la mesure de suppression ; qu'en retenant que la société Innodec ne pouvait invoquer la dégradation de ses résultats dès lors que celle-ci remontait à l'année 2002 et que M. X... avait été nommé au poste de directeur du département FDD de Limoges en septembre 2004, la cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif inopérant, sans rechercher si au début de l'année 2007, la persistance de la détérioration des résultats de la société qui atteignaient pour l'année 2006 un solde négatif et sa perte de rentabilité ne menaçaient pas la compétitivité de l'entreprise et, par là-même, n'avaient pas rendu nécessaires les mesures de réorganisation, notamment de l'activité commerciale, qui avaient conduit au licenciement de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que s'il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué, il ne lui appartient pas, en revanche, de substituer son appréciation des mérites des modalités de réorganisation de l'entreprise décidées par l'employeur à celle de ce dernier ; que la société Innodec soutenait que la décision de réorganisation du département FDD de Limoges s'inscrivait dans le prolongement des mesures entamées dès 2005 sur l'ensemble des autres sites de production de l'entreprise visant à renforcer l'activité commerciale par la constitution d'une force de vente autonome distincte des activités techniques, mesures stratégiques qu'elle estimait nécessaire d'étendre au secteur géré par M. X... qui restait le seul à occuper un poste où il continuait de cumuler des fonctions techniques et commerciales ; qu'en affirmant, pour dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, que la nouvelle stratégie commerciale étant un échec, le cumul antérieur des fonctions techniques et commerciales se justifiait, ce qui ne permettait pas de penser que la suppression du poste de M. X... était une décision économique judicieuse, la cour d'appel, qui a substitué son appréciation à celle de l'employeur, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

5°/ que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la reprise des taches accomplies par le salarié par d'autres salariés de l'entreprise entre qui elles sont réparties, est une suppression d'emploi ; qu'il était constant que M. X... qui, en sa qualité de directeur du département formes de découpes, assurait à la fois des responsabilités techniques et commerciales n'avait pas été remplacé dans les fonctions qui étaient les siennes ce dont il résultait que la suppression de son poste était effective ; qu'en se fondant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, sur le fait que la suppression du département dirigé par M. X... n'était pas démontrée, la cour d'appel a statué par un motif inopérant en violant l'article du code du travail ;

6°/ que la cour d'appel qui, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., a énoncé qu'aucun élément n'était développé explicitant ce qui avait conduit l'employeur à supprimer le poste de M. X... a dénaturé les conclusions de la société, qui indiquait clairement que le poste occupé par le salarié avait été supprimé parce qu'il était l'unique poste dont le titulaire continuait de cumuler les fonctions techniques de production et les fonctions commerciales depuis la mise en place de la nouvelle stratégie commerciale, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

7°/ que l'article L. 122-14.2, devenu l'article L. 1232-6, du code du travail n'oblige pas à préciser dans la lettre de licenciement les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, l'employeur étant seulement tenu de les indiquer au salarié à sa demande écrite ; qu'en affirmant que le fait que la lettre de licenciement soit muette sur les critères qui ont conduit au choix du licenciement de M. X... était un motif légitime pour invalider le licenciement de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

8°/ que la consultation des représentants du personnel n'est requise, en cas de licenciement individuel pour motif économique, que pour la détermination des critères de l'ordre des licenciements ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir consulté les «instances paritaires» de l'entreprise et de ne pas apporter de précision quant aux critères d'ordre des licenciements sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. X... n'était pas le seul dans l'entreprise à occuper un poste de directeur technique et commercial d'un département FDD, ce dont il résultait qu'étant le seul salarié de sa catégorie, il n'y avait pas lieu d'établir son égard un ordre des licenciements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-6 du code du travail ;

9°/ qu'en tout état de cause, l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais ouvre seulement droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ; qu'en se fondant, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., sur le fait que les critères de l'ordre des licenciements n'avaient pas été précisés, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-6 du code du travail ;

10°/ que la société Innodec faisait valoir que la proposition de révision de son contrat de travail remise à M. X... comme à tous les cadres responsables de sites producteurs de formes de découpes au cours d'une réunion tenue avec la direction le 28 décembre 2006 n'était qu'un simple projet d'avenant aux contrats de travail des intéressés que ces derniers étaient invités à examiner, que d'ailleurs le salarié avait, selon ses propres conclusions d'appel, refusé dans la première quinzaine du mois de janvier 2007, et qui avait été ensuite abandonné par la direction pour l'ensemble du personnel concerné ; qu'en se bornant, sans s' expliquer sur ce point, à déclarer que «les règles légales de licenciement» n'auraient pas été respectées parce que M X... avait reçu une convocation à un entretien préalable avant d'avoir eu le temps de répondre à une précédente proposition de modification de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;

11°/ que dans le cadre de son obligation de reclassement dans l'entreprise, l'employeur peut proposer au salarié concerné par une mesure de licenciement des postes de nature différente et de catégorie inférieure à celui qu'il occupait précédemment dès lors qu'il n'existe pas d'emploi disponible de même catégorie ; qu'en déduisant la méconnaissance par la société Innodec de son obligation de reclassement de ce qu'il avait été seulement proposé à M. X... deux emplois d'une technicité et d'une rémunération inférieures à son poste antérieur sans rechercher si les postes proposés au salarié ne constituaient pas les seuls disponibles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-2 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des faits et des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'employeur, qui avait fait à M. X..., directeur de département, deux propositions de reclassement, l'une à un poste d'ouvrier monteur, l'autre à un poste d'ingénieur d'affaires pour un salaire correspondant à la moitié de son salaire antérieur, n'avait pas effectué de recherches sur les autres sites de l'entreprise, ni dans les autres sociétés relevant du même groupe, ce dont elle a pu déduire qu'il n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Innodec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Innodec à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Innodec

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur X... avait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société INNODEC à verser à ce titre au salarié la somme de 150 000 euros de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat, fait état d'un résultat déficitaire pour l'exercice 2006, dû à la faiblesse de la progression du chiffre d'affaires, qui n'est pas suffisante pour absorber l'évolution des charges fixes dont les frais de personnel constituent le poste le plus important ; qu'est ensuite invoquée la constante érosion de la rentabilité d'exploitation de la société (803 K euros en 2002, 479 K euros en 2003, 483 K euros en 2004, 94 K euros en 2005 et moins 290 K euros en 2006) ce qui a pour conséquence d'obérer fortement sa capacité d'autofinancement et constitue un obstacle majeur à ses indispensables besoins d'investissements productifs, malgré la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale avec recrutement d'une force de vente spécifique et dissociation des fonctions commerciales et techniques, ce qui n'a pas eu les résultats escomptés et, pour assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, il a été décidé de réorganiser le département formes de découpe (FDD) de LIMOGES et d'envisager la suppression du poste de directeur du département FDD qu'Alain X... occupe depuis le 1er septembre 2004 ; que la lettre de rupture mentionne ensuite de manière très détaillée deux propositions de reclassement à un poste d'ouvrier monteur et l'autre d'ingénieur d'affaires, vocable flatteur qui recouvre en réalité un salaire amputé de moitié ; que la Cour constate donc, comme l'a fait le Conseil, que l'employeur, qui n'a pas cherché un poste sur les autres sites de l'entreprise à part le poste d'ouvrier à CHOLET, n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; que par ailleurs, aux termes mêmes de la lettre de rupture, il apparaît que la dégradation des résultats remonte à l'exercice 2002, qu'elle est donc bien antérieure à la nomination de l'intéressé, le 1er septembre 2004, au poste de directeur du département FDD ; que ces chiffres ne pouvaient être évoqués à l'appui d'un licenciement intervenu dans un délai aussi bref, alors que Monsieur X..., seul salarié à être licencié alors qu'il n'était pas le seul directeur FDD dans l'entreprise et que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été précisés, a eu de meilleurs résultats dans son département que dans les autres sites de la société et que la suppression du département qu'il dirigeait n'est même pas démontrée ; qu'il ressort de ce qui précède que le licenciement est dépourvu de motif économique réel et sérieux et qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré, qui a ainsi statué et a alloué à Alain X... une indemnisation à ce titre, dont il convient de porter le montant à 150 000 euros en fonction du préjudice important subi par le salarié ; que la décision critiquée sera donc réformée sur ce quantum ;

ET AUX AUTRES MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE l'on constate que l'affectation à LIMOGES de Monsieur X... au double poste technique et commercial qui le chargeait de suivre le service des formes qui lui était confié n'a pas été un échec en soi, mais que la dégradation de la rentabilité s'est faite après la mise en place d'une structure commerciale en parallèle des responsabilités de ce dernier ; que la direction ne précise pas à quelle date et selon quelles modalités elle a dissocié les fonctions, si même elle les a dissociées un jour ; qu'il reste que le contrat de Monsieur X... n'a pas été modifié en ce sens ; que la stratégie commerciale étant un échec, celle-ci ne peut pas lui être imputée ; que cela renforce même l'idée que le cumul des fonctions se justifiait, ce qui ne permet pas de penser de façon inéluctable que la suppression du poste de Monsieur X... était une décision économique judicieuse ; que l'entreprise est particulièrement taisante sur cette surprenante gestion de son personnel ; que la lettre de licenciement est totalement muette sur les critères qui ont conduit au choix du licenciement de Monsieur X..., ce qui est un motif légitime au regard de la jurisprudence pour invalider le licenciement ; que de plus, les règles légales de licenciement n'ont pas été respectées, Monsieur X... ayant reçu une convocation à entretien préalable avant même d'avoir eu le temps de répondre à une précédente proposition de révision de son contrat de travail ; qu'il n'y a pas eu de consultation des instances paritaires de l'entreprise et non plus de référence aux critères de licenciement eu égard à l'ancienneté dans le poste par rapport à la nouvelle équipe commerciale, comme le prévoit le code du travail dans son article L.432-1 ; que les reclassements et propositions de reclassement sont de pure forme et n'ont pas fait l'objet d'une véritable recherche par l'employeur dans l'ensemble du groupe et d'abord à des postes similaires avant de proposer à Monsieur X... un poste de monteur, puis un poste d'ingénieur commercial complètement fallacieux ; que cette façon de procéder prouve que l'employeur n'a pas satisfait à ses obligations ; que les éléments économiques invoqués sont insuffisants pour caractériser une situation justifiant un licenciement et de plus aucun élément n'est développé explicitant ce qui a conduit l'employeur à supprimer le poste de Monsieur X... ; que les chiffres repris dans la lettre de licenciement, dont l'entreprise se sert pour justifier la mesure de licenciement, se réfèrent à la rentabilité d'exploitation globalisée sur toutes les entreprises et ne sont guère explicites au titre des années 2002, 2003 et 2004, en tout cas une telle situation n'a pas modifié les projets d'organisation de l'entreprise puisque Monsieur X... a été changé d'affectation en 2004 ; que ce changement d'affectation et les fonctions qui lui ont été confiées en 2004 ne permettent pas l'évocation de tels chiffres pour un licenciement prononcé dans un délai aussi bref et sans avancer des résultats personnels de Monsieur X..., seul concerné par ce licenciement économique, alors qu'à l'examen de la situation de l'établissement dont Monsieur X... avait la responsabilité le chiffre d'affaire a augmenté de 3 % alors que le chiffre d'affaires de l'ensemble des établissements n'a augmenté que de 0,7 % ; que la productivité dans son secteur a augmenté de 20 % ; que le chiffre d'affaire du département formes et découpes de Limoges sous son autorité a augmenté de 8 % ; que la part commerciale d'INNODEC sur son secteur est de 35 % alors que pour l'ensemble du groupe, elle est de 20 % ; que tout ce qui est évoqué précédemment permet de dire que le licenciement est abusif, que les règles légales n'ont pas été respectées en la matière et que la nécessité du licenciement pour motif économique n'est pas prouvée ; qu'en conséquence, le licenciement économique doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS D'UNE PART QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que les menaces sur la compétitivité invoquées s'apprécient au niveau de l'entreprise ou du groupe et non de l'établissement dans lequel travaille le salarié dont le poste est supprimé ; qu'après avoir considéré comme établie la dégradation, depuis l'année 2002, des résultats de l'entreprise dont faisait état l'employeur, la Cour d'appel, qui a dit le licenciement de Monsieur X... dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif inopérant que le salarié avait obtenu de meilleurs résultats dans le département formes et découpes dont il avait la responsabilité que ceux des autres sites de la société, a violé l'article L ;1233-3, ancien article L.321-1 du Code du travail ;

ALORS D'AUTRE PART, ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la société INNODEC, qui contestait l'argumentation du salarié consistant à mettre en avant ses résultats personnels comparés à ceux de l'entreprise pour l'année 2006, faisait valoir que l'augmentation du chiffre d'affaires global de 0,7 % citée par le salarié correspondait aux deux secteurs d'activité de la société dont l'un, celui des outils mécaniques de découpe (ODD), était en fort déclin et l'autre, celui des formes de découpe (FDD) dans lequel opérait Monsieur X... à LIMOGES, avait progressé de 4 % pour l'ensemble de la société, de sorte qu'en réalité l'augmentation de 3 % de l'activité gérée par Monsieur X... était inférieure à celle des autres secteurs commerciaux de la Forme de Découpe ; qu'en ne répondant pas à ce chef des écritures de l'employeur, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE la dégradation des résultats d'une entreprise depuis plusieurs années imposant la mise en place d'une réorganisation permettant de sauvegarder sa compétitivité constitue une cause économique que l'employeur peut invoquer pour justifier une réorganisation impliquant la suppression de l'emploi d'un salarié, quand bien même le début de cette dégradation serait antérieur à l'affectation du salarié au poste concerné par la mesure de suppression ; qu'en retenant que la société INNODEC ne pouvait invoquer la dégradation de ses résultats dès lors que celle-ci remontait à l'année 2002 et que Monsieur X... avait été nommé au poste de directeur du département FDD de LIMOGES en septembre 2004, la Cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif inopérant, sans rechercher si au début de l'année 2007, la persistance de la détérioration des résultats de la société qui atteignaient pour l'année 2006 un solde négatif et sa perte de rentabilité ne menaçaient pas la compétitivité de l'entreprise et, par là-même, n'avaient pas rendu nécessaires les mesures de réorganisation, notamment de l'activité commerciale, qui avaient conduit au licenciement de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1233-3, ancien article L.321-1, du Code du travail ;

ALORS DE QUATRIEME PART QUE s'il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux du motif économique invoqué, il ne lui appartient pas, en revanche, de substituer son appréciation des mérites des modalités de réorganisation de l'entreprise décidées par l'employeur à celle de ce dernier ; que la société INNODEC soutenait que la décision de réorganisation du département FDD de LIMOGES s'inscrivait dans le prolongement des mesures entamées dès 2005 sur l'ensemble des autres sites de production de l'entreprise visant à renforcer l'activité commerciale par la constitution d'une force de vente autonome distincte des activités techniques, mesures stratégiques qu'elle estimait nécessaire d'étendre au secteur géré par Monsieur X... qui restait le seul à occuper un poste où il continuait de cumuler des fonctions techniques et commerciales ; qu'en affirmant, pour dire le licenciement de Monsieur X... sans cause réelle et sérieuse, que la nouvelle stratégie commerciale étant un échec, le cumul antérieur des fonctions techniques et commerciales se justifiait, ce qui ne permettait pas de penser que la suppression du poste de Monsieur X... était une décision économique judicieuse, la Cour d'appel, qui a substitué son appréciation à celle de l'employeur, a violé l'article L.1233-3 , ancien article L. 321-1, du Code du travail ;

ALORS DE CINQUIEME PART QUE la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la reprise des taches accomplies par le salarié par d'autres salariés de l'entreprise entre qui elles sont réparties, est une suppression d'emploi ; qu'il était constant que Monsieur X... qui, en sa qualité de directeur du département Formes de Découpes, assurait à la fois des responsabilités techniques et commerciales n'avait pas été remplacé dans les fonctions qui étaient les siennes ce dont il résultait que la suppression de son poste était effective ; qu'en se fondant, pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, sur le fait que la suppression du département dirigé par Monsieur X... n'était pas démontrée, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant en violant l'article L.1233-3, ancien article L.321-1, du Code du travail ;

ALORS DE SIXIEME PART QUE la Cour d'appel qui, pour déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X..., a énoncé qu'aucun élément n'était développé explicitant ce qui avait conduit l'employeur à supprimer le poste de Monsieur X... a dénaturé les conclusions de la société exposante, qui indiquait clairement que le poste occupé par le salarié avait été supprimé parce qu'il était l'unique poste dont le titulaire continuait de cumuler les fonctions techniques de production et les fonctions commerciales depuis la mise en place de la nouvelle stratégie commerciale, violant ainsi l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS DE SEPTIEME PART QUE l'article L.122-14.2, devenu l'article L.1232-6, du Code du travail n'oblige pas à préciser dans la lettre de licenciement les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, l'employeur étant seulement tenu de les indiquer au salarié à sa demande écrite ; qu'en affirmant que le fait que la lettre de licenciement soit muette sur les critères qui ont conduit au choix du licenciement de Monsieur X... était un motif légitime pour invalider le licenciement de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ;

ALORS DE HUITIEME PART QUE la consultation des représentants du personnel n'est requise, en cas de licenciement individuel pour motif économique, que pour la détermination des critères de l'ordre des licenciements ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir consulté les «instances paritaires» de l'entreprise et de ne pas apporter de précision quant aux critères d'ordre des licenciements sans rechercher, comme elle y était invitée, si Monsieur X... n'était pas le seul dans l'entreprise à occuper un poste de directeur technique et commercial d'un département FDD, ce dont il résultait qu'étant le seul salarié de sa catégorie, il n'y avait pas lieu d'établir son égard un ordre des licenciements, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2323-6 , ancien article L.321-1-1, du Code du travail ;

ALORS DE NEUVIEME PART, et en tout état de cause, QUE l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse mais ouvre seulement droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ; qu'en se fondant, pour dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur X..., sur le fait que les critères de l'ordre des licenciements n'avaient pas été précisés, la Cour d'appel a violé l'article L.2323-6 , ancien article L.432-1, du Code du travail ;

ALORS DE DIXIEME PART QUE la société INNODEC faisait valoir que la proposition de révision de son contrat de travail remise à Monsieur X... comme à tous les cadres responsables de sites producteurs de formes de découpes au cours d'une réunion tenue avec la direction le 28 décembre 2006 n'était qu'un simple projet d'avenant aux contrats de travail des intéressés que ces derniers étaient invités à examiner, que d'ailleurs le salarié avait, selon ses propres conclusions d'appel, refusé dans la première quinzaine du mois de janvier 2007, et qui avait été ensuite abandonné par la direction pour l'ensemble du personnel concerné ; qu'en se bornant, sans s' expliquer sur ce point, à déclarer que «les règles légales de licenciement» n'auraient pas été respectées parce que Monsieur X... avait reçu une convocation à un entretien préalable avant d'avoir eu le temps de répondre à une précédente proposition de modification de son contrat de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 , ancien article L.321-1, du Code du travail ;

ET ALORS ENFIN QUE dans le cadre de son obligation de reclassement dans l'entreprise, l'employeur peut proposer au salarié concerné par une mesure de licenciement des postes de nature différente et de catégorie inférieure à celui qu'il occupait précédemment dès lors qu'il n'existe pas d'emploi disponible de même catégorie ; qu'en déduisant la méconnaissance par la société INNODEC de son obligation de reclassement de ce qu'il avait été seulement proposé à Monsieur X... deux emplois d'une technicité et d'une rémunération inférieures à son poste antérieur sans rechercher si les postes proposés au salarié ne constituaient pas les seuls disponibles, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-3 et L. 1235-2 , anciens articles L.321-1 et L.122-14.3, du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-45146
Date de la décision : 24/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 13 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 mar. 2010, pourvoi n°08-45146


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.45146
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