LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, ensemble l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 et le principe de la réparation intégrale ;
Attendu, selon ces textes, que la pension militaire d'invalidité indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, s'il existe ; que les recours des organismes tiers payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des postes de préjudices à caractère personnel, et que, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que lorsque la décision d'attribution de la rente est définitive, la condition tenant au versement préalable et effectif de la prestation est remplie, tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 novembre 2001, M. X..., officier de la Marine nationale, a été blessé dans un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société Axa assurances (l'assureur) ; que M. X... a assigné M. Y... et l'assureur en indemnisation devant le tribunal de grande instance, en présence de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et l'agent judiciaire du Trésor, tiers payeurs ;
Attendu que pour limiter le recours subrogatoire de l'Etat à une certaine somme, l'arrêt retient, concernant l'incidence professionnelle, que la perte de gains professionnels futurs de M. X... s'élève à la somme de 115 292,37 euros sans qu'on puisse retenir, à la lecture de la fiche sur la pension militaire d'invalidité produite par l'Etat français, que cette pension compense une perte de revenus, alors que l'Etat français demande qu'elle soit imputée, en raison de sa nature, sur le déficit fonctionnel permanent de la victime et que la fiche sur la pension militaire d'invalidité établit qu'elle répare un préjudice personnel ; que les arrérages échus de la rente s'élèvent à 2 146,88 euros et le capital représentatif à 16 015,42 euros ; que l'Etat français justifie que cette prestation d'invalidité, selon le code des pensions militaires, correspond exclusivement à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique et non à la compensation d'une perte de revenus de sorte que la cour d'appel admet, conformément à l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, que les arrérages échus de cette pension s'imputent sur le déficit fonctionnel permanent ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé le jugement sur le montant des sommes allouées à M. X... et à l'Etat français et condamné M. Y... et l'assureur à leur payer diverses sommes, l'arrêt rendu le 28 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Axa France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Axa France ; la condamne à payer au Trésor public la somme de 2 300 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour l'agent judiciaire du Trésor
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité la condamnation de M. Y... et la compagnie Axa France au profit de l'Agent judiciaire du Trésor à la somme de 33.184,46 euros en remboursement de ses débours ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'incidence professionnelle définitive les premiers juges ont écarté la demande de M. X... ; qu'en cause d'appel M. X... reprend ses demandes correspondant à sa perte de salaire (43.682,01 euros), à sa perte d'indemnité de vivres journalières (7.051,96 euros), à sa perte de primes (27.878,40 euros), tandis que les intimés contestent être redevables d'un préjudice professionnel indemnisable en l'absence de perte de revenus et du caractère aléatoire de la possibilité d'effectuer des périodes de réserves à partir de 40 ans ;
Que force est de constater que M. Franck X... officier marinier premier maître guetteur sémaphoriste a été déclaré suite à l'accident dont il a été victime inapte à l'exercice de cette fonction en raison des séquelles physiques subies lui interdisant embarquement ou effort physique de sorte qu'il n'est pas contestable que M. X... a perdu la chance, du fait de son inaptitude, d'être employé comme réserviste (120 jours par an) entre 40 et 60 ans dans sa spécialité très recherchée de guetteur sémaphoriste ;
Que M. X... a été affecté dans un poste administratif au Ministère de la Défense ce qui a entrainé une diminution des primes auxquelles il aurait pu prétendre et une diminution de son traitement ; qu'il convient par conséquent de déterminer son préjudice professionnel résultant de cette perte de chance avérée compte tenu de la spécialité recherchée des fonctions de guetteur sémaphoriste comme suit :
• perte de l'indemnité supplémentaire pour charges militaires justifiées (week-end – jours fériés) à 60% des pertes de revenus subies : 16 x 33,39 x 16 jours x 22 = 11.753,26 x 60 % = 7.051,96 euros• perte de solde pendant 120 jours justifiée : 1.967,67 euros (solde d'un guetteur sémaphoriste) – 1.136,95 euros (traitement d'adjoint administratif) = 830,72 euros x 120 j = 3.322,88 euros x 22 ans = 73.103,36 euros x 60% = 43.862,01 euros• perte d'indemnité de vivres journalières justifiée : 3,52 x 5 = 17,60 euros x 120 jours = 2.112 euros x 22 ans = 46.464 euros x 60% = 27.878,40 euros ;
que la perte de gains professionnels futurs de M. X... s'élève donc à la somme de 115.292,37 euros sans que la Cour ne puisse retenir à la lecture de la fiche sur la pension militaire d'invalidité produite par l'Etat français que la pension militaire d'invalidité compense une perte de revenus, alors que l'Etat français demande que cette pension soit imputée, en raison de sa nature, sur le déficit fonctionnel permanent de la victime et que la fiche sur la pension militaire d'invalidité établit qu'elle répare un préjudice personnel ;
Sur le déficit fonctionnel permanent 8%
Que compte tenu de l'âge de la victime au jour de la consolidation (39 ans) et du taux applicable la somme de 10.500 euros allouée par les premiers juges constitue une juste indemnisation des séquelles de M. X... ;Que M. X... bénéficie d'une pension d'invalidité au taux de 10% évaluée à 43.146,19 euros :Arrérages du 26 mars au 25 mars 2007 = 2.146,88 euros,Capital : 16.015,42 eurosQue l'Etat français justifie que cette prestation d'invalidité selon le Code des pensions militaires correspond exclusivement à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique et non à la compensation d'une perte de revenus de sorte que la Cour admet conformément à l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 que les arrérages échus de cette pension s'imputent sur le déficit fonctionnel permanent ;Qu'il revient à M. X... sur le poste déficit fonctionnel permanent la somme de 8.355,12 euros (10.500 euros – 2.144,88 euros) ;
ALORS QUE D'UNE PART la pension militaire d'invalidité servie à l'agent victime d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, en application des articles L 2 et L 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ;
De sorte qu'en excluant tout recours subrogatoire de l'Etat, tiers payeur, au titre de la PMI, sur le montant de l'indemnité allouée en réparation de l'incidence professionnelle définitive, la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 1382 du Code civil et les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006 ;
ALORS QUE D'AUTRE PART si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ;
d'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait que l'Etat versait à la victime une pension militaire d'invalidité renouvelée à titre définitif le 26 mars 2005 laquelle indemnisait le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ne pouvait limiter le recours de l'Etat aux seuls arrérages échus faisant ainsi bénéficier la victime d'une double réparation en violation de l'article 1382 du Code civil, ensemble des articles 31 alinéa 3 de la loi du 5 juillet 1985 et 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;