La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2010 | FRANCE | N°08-10297

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 mars 2010, 08-10297


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'en 1997 le département du Var a fait réaliser un carrefour giratoire sur une parcelle cadastrée G 3172 que la commune d'Hyères (la commune) lui avait cédée gratuitement après l'avoir classée dans le domaine public par délibération du 29 septembre 1989 ; que Mme X... a revendiqué la propriété de cette parcelle et a assigné la commune en réparation de son préjudice en invoquant une voie de fait ; que la commune a appelé le département du Var en garantie ; que ceux-ci ont soulevé l'in

compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Sur le premier moyen...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'en 1997 le département du Var a fait réaliser un carrefour giratoire sur une parcelle cadastrée G 3172 que la commune d'Hyères (la commune) lui avait cédée gratuitement après l'avoir classée dans le domaine public par délibération du 29 septembre 1989 ; que Mme X... a revendiqué la propriété de cette parcelle et a assigné la commune en réparation de son préjudice en invoquant une voie de fait ; que la commune a appelé le département du Var en garantie ; que ceux-ci ont soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que la commune fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 septembre 2007) d'avoir déclaré bien fondées les demandes de Mme X... dirigées contre elle sur le fondement de la voie de fait et de l'avoir condamnée à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu qu'ayant retenu que le classement dans le domaine public de la parcelle litigieuse avait eu lieu le 1er avril 1992 sans qu'aucune procédure d'expropriation ne soit intervenue, alors que la famille X... continuait de se comporter comme propriétaire de ce terrain donné à bail à ferme depuis janvier 1981 et n'avait donc jamais perdu son droit de propriété, la cour d'appel a pu en déduire que le classement dans le domaine public, consécutif à l'appropriation de la parcelle par la commune, constituait une voie de fait ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux dernières branches, et le second moyen, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Hyères aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Hyères à payer à Mme X... et au département du Var la somme de 2 000 euros, chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la commune de Hyères

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré bien fondées les demandes de Mademoiselle X... dirigées contre la Commune de HYÈRES sur le fondement de la voie de fait et d'AVOIR condamné la Commune de HYÈRES à payer à Mademoiselle X... la somme de 200.000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE la famille X... a possédé la parcelle 369 (qui a été divisée ensuite en deux parcelles numérotées 3171 et 3172) et la parcelle 390 ; que la parcelle revendiquée par l'appelante, cadastrée 3172, se trouvait incluse avec trois autres parcelles, dans un « îlot » triangulaire, délimité par le CD 97, le CC 37 et une troisième petite voie sans numéro, longeant le quartier du POUSSET ; que prévoyant d'utiliser cet îlot pour y aménager un carrefour giratoire, la commune a engagé une procédure de classement dans le domaine public communal de ce carrefour en juillet 1989 et la parcelle 3172 a été classée dans le domaine public communal par délibération du 29 septembre 1989 ; que seule une superficie de 227 m² a été prélevée sur les parcelles 369 et 390 (lettre du 16/11/1971) ; que le 1er décembre 1975, à l'issue de divers démarches entre Monsieur Marcel X... et la Commune, la Direction Départementale de l'Equipement adressait à Monsieur X... deux chèques de 2.031,50 F et 5.062,50 F « représentant les montants des indemnités d'acquisition de vos parcelles cadastrées G 369 et G 390 acquises pour l'aménagement du projet mentionné en objet » ; que ces sommes correspondaient à la valeur de 227 m² du terrain ; qu'ainsi, les 65 m² qui ont été pris sur la parcelle 369 avant division, correspondaient à la parcelle 3171 et le reliquat, soit la parcelle 3172 est restée propriété de Monsieur X..., un courrier de la commune datant de 1970 contenant la reconnaissance formelle du droit de propriété de la famille X... sur les parcelles 369 et 390 ; que la Famille X... a revendiqué la propriété de cette parcelle 3172 dès la procédure d'expropriation, puisque l'ordonnance d'expropriation du 9 mai 1973 en fait mention ; qu'elle justifie d'ailleurs de son droit de propriété sur les parcelles 369 et 390 depuis 1865 (actes de donation, baux à ferme etc.) ; que par ailleurs, la publication à la Conservation des Hypothèques mentionne bien l'expropriation de la parcelle G 369 « après division de G 369 en G 371 (vendue) et G 3172 » ; que le classement dans le domaine public de G 3172 est intervenu le 1/04/1992 sans qu'aucune procédure d'expropriation ne soit intervenue dans l'intervalle, alors que la Famille X... continuait de se comporter comme propriétaire de ce terrain, donné à bail à ferme depuis janvier 1981 ; qu'elle n'a donc jamais perdu son droit de propriété ; que le classement dans le domaine public constitue donc une voie de fait de la commune et de la commune seule, puisque les travaux entrepris par le Conseil Général ont été engagés postérieurement et sur la foi des documents erronés communiqués par la commune (matrices cadastrales et mentions figurant à la Conservation des Hypothèques) ; qu'en conséquence, la Cour déclare recevable et bien fondée, la demande de dommages et intérêts de Mademoiselle X... dirigée contre la Commune de HYERES, déboute Mademoiselle X... de ses demandes dirigées contre le Département du VAR et déboute la Commune de HYÈRES de ses demandes tendant à être relevée et garantie de toute condamnation mise à sa charge ; que l'expert judiciaire, Monsieur Y..., a évalué le terrain concerné par le présent litige à la somme de 200.000 € ; que les éléments retenus par l'expert sont pertinents et la Cour condamne la commune à verser cette somme à Mademoiselle X..., avec les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

1) ALORS QUE la voie de fait se définit comme un acte manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir conféré à l'Administration par la loi, portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique fondamentale ; qu'en affirmant que la Commune de HYÈRES avait commis une voie de fait en classant la parcelle G 3172 dans le domaine public, quand cette décision, qui avait seulement pour objet de classer cette parcelle sans avoir pour effet d'en attribuer la propriété à la Commune, se rattachait aux pouvoirs conférés à cette collectivité publique, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;

2) ALORS QUE, en toute hypothèse, la voie de fait se définit comme un acte manifestement insusceptible d'être rattaché à un pouvoir conféré à l'Administration par la loi, portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique fondamentale ; qu'en affirmant que la Commune de HYÈRES avait commis une voie de fait en classant la parcelle G 3172 dans le domaine public, sans qu'aucune procédure d'expropriation ne soit préalablement intervenue, tandis que la famille X... continuait à se comporter comme propriétaire de ce terrain, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de la Commune de HYÈRES déposées le 31 mai 2007, spéc. p. 5, § 5 et s.), si la Commune de HYÈRES ne pouvait se prévaloir d'éléments de nature à établir son droit de propriété sur la parcelle litigieuse, la difficulté de trancher cette question ayant au demeurant justifié la désignation d'un expert et ayant expliqué l'attitude de Madame X... qui n'avait émis aucune protestation à l'occasion de l'enquête menée dans le cadre de la procédure de classement ni après que la délibération du conseil municipal du 29 septembre 1989, régulièrement publiée, de telle sorte que la décision de classement litigieuse avait été prise dans l'exercice des pouvoirs du conseil municipal de classer les biens dont la commune est propriétaire dans son domaine public et que cette décision n'était pas manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir de l'Administration, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790 ;

3) ALORS QUE seule l'exécution matérielle d'un acte grossièrement irrégulier est susceptible de caractériser l'atteinte au droit de propriété constitutive d'une voie de fait ; qu'en affirmant que la Commune de HYÈRES avait commis une voie de fait en classant la parcelle G 3172 dans le domaine public, bien qu'elle ait seulement constaté que la collectivité territoriale avait classé la parcelle litigieuse dans son domaine public, sans établir que cette décision ait été suivie d'un fait matériel de prise de possession exécuté par la Commune, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté l'appel en garantie de la Commune de HYÈRES à l'encontre du Département du VAR ;

AUX MOTIFS QUE la famille X... a possédé la parcelle 369 (qui a été divisée ensuite en deux parcelles numérotées 3171 et 3172) et la parcelle 390 ; que la parcelle revendiquée par l'appelante, cadastrée 3172, se trouvait incluse avec trois autres parcelles, dans un « îlot » triangulaire, délimité par le CD 97, le CC 37 et une troisième petite voie sans numéro, longeant le quartier du POUSSET ; que prévoyant d'utiliser cet îlot pour y aménager un carrefour giratoire, la commune a engagé une procédure de classement dans le domaine public communal de ce carrefour en juillet 1989 et la parcelle 3172 a été classée dans le domaine public communal par délibération du 29 septembre 1989 ; que seule une superficie de 227 m² a été prélevée sur les parcelles 369 et 390 (lettre du 16/11/1971) ; que le 1er décembre 1975, à l'issue de divers démarches entre Monsieur Marcel X... et la Commune, la Direction Départementale de l'Equipement adressait à Monsieur X... deux chèques de 2.031,50 F et 5.062,50 F « représentant les montants des indemnités d'acquisition de vos parcelles cadastrées G 369 et G 390 acquises pour l'aménagement du projet mentionné en objet » ; que ces sommes correspondaient à la valeur de 227 m² du terrain ; qu'ainsi, les 65 m² qui ont été pris sur la parcelle 369 avant division, correspondaient à la parcelle 3171 et le reliquat, soit la parcelle 3172 est restée propriété de Monsieur X..., un courrier de la commune datant de 1970 contenant la reconnaissance formelle du droit de propriété de la famille X... sur les parcelles 369 et 390 ; que la Famille X... a revendiqué la propriété de cette parcelle 3172 dès la procédure d'expropriation, puisque l'ordonnance d'expropriation du 9 mai 1973 en fait mention ; qu'elle justifie d'ailleurs de son droit de propriété sur les parcelles 369 et 390 depuis 1865 (actes de donation, baux à ferme etc.) ; que par ailleurs, la publication à la Conservation des Hypothèques mentionne bien l'expropriation de la parcelle G 369 « après division de G 369 en G 371 (vendue) et G 3172 » ; que le classement dans le domaine public de G 3172 est intervenu le 1/04/1992 sans qu'aucune procédure d'expropriation ne soit intervenue dans l'intervalle, alors que la Famille X... continuait de se comporter comme propriétaire de ce terrain, donné à bail à ferme depuis janvier 1981 ; qu'elle n'a donc jamais perdu son droit de propriété ; que le classement dans le domaine public constitue donc une voie de fait de la commune et de la commune seule, puisque les travaux entrepris par le Conseil Général ont été engagés postérieurement et sur la foi des documents erronés communiqués par la commune (matrices cadastrales et mentions figurant à la Conservation des Hypothèques) ; qu'en conséquence, la Cour déclare recevable et bien fondée, la demande de dommages et intérêts de Mademoiselle X... dirigée contre la Commune de HYERES, déboute Mademoiselle X... de ses demandes dirigées contre le Département du VAR et déboute la Commune de HYÈRES de ses demandes tendant à être relevée et garantie de toute condamnation mise à sa charge ; que l'expert judiciaire, Monsieur Y..., a évalué le terrain concerné par le présent litige à la somme de 200.000 € ; que les éléments retenus par l'expert sont pertinents et la Cour condamne la commune à verser cette somme à Mademoiselle X..., avec les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

1) ALORS QUE la voie de fait suppose un acte matériel d'exécution ; qu'en jugeant que le Département du VAR n'était pas l'auteur de la voie de fait qu'elle avait retenue aux motifs qu'elle résultait du classement par la Commune de HYÈRES de la parcelle G 3172 dans le domaine public, quand les parties admettaient toutes que la réalisation des travaux dont se plaignait Madame X... était le fait du Département, ce qui établissait que le seul acte matériel d'exécution susceptible de caractériser une voie de fait était imputable au Département, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;

2) ALORS QUE la voie de fait suppose un acte matériel d'exécution ; qu'en jugeant que le Département du VAR n'avait commis aucune voie de fait sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de la Commune de HYÈRES déposées le 31 mai 2007, p. 7, pénultième § et s.) s'il n'avait pas, à tout le moins, concouru à sa réalisation en procédant à des travaux sur une parcelle dont il savait que la propriété était contestée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-10297
Date de la décision : 17/03/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 25 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 mar. 2010, pourvoi n°08-10297


Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.10297
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award