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09/03/2010 | FRANCE | N°08-21080

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 mars 2010, 08-21080


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Maurice X... est décédé le 20 mars 1996, laissant pour lui succéder sa veuve, Mme Marie-José Y..., leur fils, Jean-Loïc, et une fille, Monique, issue d'une précédente union ; que Mme Marie-José X... et M. Jean-Loïc X... ont été définitivement condamnés pour recel de succession par un arrêt du 20 juin 2003 qui a attribué les biens recélés à Mme Monique X... ; qu'après réintégration de ces biens dans l'actif successoral, l'administration fiscale a notifié de

s redressements à Mme Marie-José X... et M. Jean-Loïc X..., au titre des droits...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Maurice X... est décédé le 20 mars 1996, laissant pour lui succéder sa veuve, Mme Marie-José Y..., leur fils, Jean-Loïc, et une fille, Monique, issue d'une précédente union ; que Mme Marie-José X... et M. Jean-Loïc X... ont été définitivement condamnés pour recel de succession par un arrêt du 20 juin 2003 qui a attribué les biens recélés à Mme Monique X... ; qu'après réintégration de ces biens dans l'actif successoral, l'administration fiscale a notifié des redressements à Mme Marie-José X... et M. Jean-Loïc X..., au titre des droits de mutation par décès, et les a mis en recouvrement ; qu'après rejet de leurs réclamations, Mme Marie-José X... et M. Jean-Loïc X... ont assigné l'administration fiscale en décharge des droits réclamés sur les biens recélés ;

Sur le moyen unique en ce qu'il concerne M. Jean-Loïc X... :

Attendu que M. Jean-Loïc X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 870 du code civil «les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend» ; que l'article 883 du code civil dans sa version applicable à l'espèce énonce que «chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision. Il n'est pas distingué selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement» ; qu'aux termes de l'article 792 du code civil dans sa version applicable à l'espèce «les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés» ; qu'enfin aux termes de l'article 777 du code général des impôts «les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit» ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les biens recelés font partie de la succession mais sont attribuées aux héritiers non coupables de recel en sorte qu'ils doivent être compris exclusivement dans la part de ces derniers pour le calcul des droits de mutation par décès ; qu'en jugeant néanmoins que l'héritier receleur serait également redevable personnellement desdits droits pour la part qui aurait dû lui revenir sur les biens recelés s'il n'en avait pas été privé par l'effet de la sanction civile du recel la cour d'appel a violé ensemble les articles susvisés ;

Mais attendu que l'arrêt constate que l'avis de mise en recouvrement a été rendu exécutoire à l'encontre de M. Jean-Loïc X... solidaire avec sa cohéritière Mme Monique X... ; qu'ayant retenu que, s'il revient aux héritiers de payer, chacun pour leur part, les droits de succession, l'article 1709 du code général des impôts confère à l'administration fiscale une action solidaire contre chaque héritier pour qu'il règle l'ensemble de ces droits, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il n'y a pas lieu à dégrèvement au profit de M. Jean-Loïc X... ; que le moyen, qui est inopérant, ne peut être accueilli ;

Mais sur le moyen unique en ce qu'il concerne Mme Marie-José X... :

Vu les articles 792 dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi du 23 juin 2006, 870 et 883 du code civil et 777 du code général des impôts ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les biens recélés font partie de la succession mais sont attribués aux héritiers non receleurs en sorte qu'ils doivent être compris exclusivement dans la part de ces derniers pour le calcul des droits de mutation par décès ;

Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Marie-José X..., l'arrêt retient qu'il est conforme aux règles civiles de la liquidation successorale que l'administration fiscale réintègre les valeurs recélées dans l'actif taxable pour calculer les droits dus par chacun des héritiers et que les auteurs du recel ne sont pas dispensés du paiement des droits de succession sur la part qui aurait dû leur revenir s'ils n'en avaient pas été privés par l'effet de la sanction civile du recel ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est formé par M. Jean-Loïc X... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions concernant Mme Marie-José Y..., veuve X..., sauf en ce qu'il prend acte de ce que l'administration fiscale précise que les dégrèvements des pénalités de l'article 1729 du code général des impôts prononcés d'office ont mis fin à tout litige sur les majorations mises en recouvrement, l'arrêt rendu le 27 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. X... et le directeur général des finances publiques aux dépens, chacun pour moitié ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour Mme Y... veuve X... et M. Jean-Loic X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Monsieur Jean Loïc X... et Madame Marie Josée X... en annulation des décisions du 24 août 2004 ayant rejeté leur demande en décharge des compléments de droits d'enregistrement auxquels ils ont été assujettis du fait de la réintégration dans la succession de Monsieur Maurice X... d'avoirs suisses ;

AUX MOTIFS QU'« il sera rappelé que les consorts X... ont accepté les redressements notifiés qui ont arrêté le montant total des droits dus, compte tenu d'une liquidation de la succession intégrant les avoirs recelés omis dans la déclaration de succession, et ce, alors que la Cour d'appel de Paris était saisie de l'appel du jugement ayant retenu à leur encontre un recel d'actifs successoraux ; que contrairement à ce qu'ils allèguent il s'agissait d'une acceptation sans réserve et il n'était nullement mentionné qu'ils acceptaient seulement l'assiette des droits de succession laquelle aurait été diminuée par rapport à un précédent redressement de 2002 ; que, par ailleurs, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 juin 2003 ayant confirmé l'existence du recel ne constitue par réellement un fait nouveau au regard du calcul des droits litigieux ; que dès lors, l'administration fiscale fait à bon droit valoir qu'il appartient aux consorts X... de démontrer le caractère exagéré de l'imposition en cause, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du Livre des procédures fiscales ; que l'administration fiscale a chiffré les droits dus par Marie José X... à 272.712 euros, et pour chacun des deux enfants du défunt à 150.157 euros de droits, outre 87.842 euros d'intérêts de retard (soit au total, pour Jean Loïc X... solidaire avec sa demi soeur, 300.314 euros de droits et 175.684 euros de retard), en tenant compte des avoirs recelés ; que les consorts X... prétendent n'être redevables d'aucun droit sur ces avoirs, soutenant que seule leur bénéficiaire, à laquelle ils ont été définitivement attribués, peut en être redevable ; or, qu'aux termes de l'article 792 ancien du Code civil les héritiers qui auraient recelé des effets d'une succession demeurent héritiers purs et simples, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets recelés ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la déclaration de succession n'incluait pas les avoirs suisses recelés et il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 juin 2003, confirmatif sur ce point, que les opérations de compte liquidation partage de la succession de Maurice X... ont été ordonnées, et que Marie José et Jean Loïc X... seront privés de tout droit sur les biens recelés attribués à Monique X... ; que même si dans les faits l'attribution, dont il devra être tenu compte dans les opérations de partage, s'est matériellement concrétisée, il ne peut être prétendu qu'il existe un partage ou un acte équipollent au partage alors que la succession n'est pas liquidée, et qu'aucune déclaration complémentaire n'a été régularisée ; qu'en réalité, les consorts X... s'avèrent simplement privés de toute part sur les avoirs recelés, omis de la déclaration de succession, mais ne sont pas dispensés de payer leur part dans les dettes de la succession proportionnellement à la part de l'actif qu'ils perdent ; que les déchéances qui atteignent les héritiers coupables de recel ne modifient en rien l'incidence du passif héréditaire et aucune déduction ne doit être faite en raison de la réduction de l'émolument qu'entraîne pour les coupables de l'application de l'article 792 susvisé, étant observé que les droits de mutation sont à ranger dans les charges de la succession résultant directement du décès et son assimilées aux dettes du défunt, quoique nées après décès ; que même si normalement les cohéritiers entre eux ne contribuent aux dettes que dans la proportion de ce qu'ils prennent, les auteurs du recel sont tenus de payer le passif de la succession dans la proportion de leurs droits dans cette succession avant la réduction résultant du recel ; qu'il s'agit de la simple application de la sanction civile du recel, et non d'une sanction fiscale, étant observé que contrairement à ce que prétendent les consorts X... l'acceptation pure et simple de la succession imposée à un héritier receleur peut le cas échéant l'obliger à payer de ses deniers personnels un passif excédant l'actif, sa contribution au passif n'étant pas modifiée. Il est donc conforme aux règles civiles de la liquidation successorale que l'administration fiscale réintègre les valeurs recélées dans l'actif taxable pour calculer les droits dus par chacun des héritiers, étant observé que s'il revient aux héritiers de payer chacun pour leur part les droits de succession, l'article 1709 du Code général des impôts confère à l'administration une action solidaire pour recouvrer les droits de succession contre l'un d'eux pour qu'il règle l'ensemble des droits, ce qui justifie que les droits et intérêts de retard dus par les deux enfants du défunt soient réclamés à l'un d'eux seulement (Jean Loïc X...) ; que les consorts X..., auteur du recel, ne sauraient donc être exonérés du « passif correspondant aux biens recelés, c'est-à-dire aux droits de mutation » ainsi qu'ils le prétendent dans leurs écritures. Certes l'impôt frappe distinctement les parts revenant à chaque héritier mais en l'absence de partage, le montant total des dettes est déduit de l'actif brut pour calculer la part nette revenant normalement à chaque ayant droit permettant le calcul des droits de mutation conformément à l'article 777 du Code général des impôts ; que le CRIDON rappelle le 2 juillet 2001 que les valeurs qui dépendent d'une succession et qui sont recelées sont soumises au droit de mutation par décès et qu'une jurisprudence très ancienne précise que la part dont l'héritier receleur est privé rentre dans la masse commune ; que si cet avis indique que la déchéance entraîne donc forcément des droits complémentaires pour les héritiers non déchus, il n'exclut nullement que la réintégration de biens omis entraînera également des droits complémentaires pour les héritiers déchus ; qu'en réalité si les héritiers non déchus doivent acquitter des droits tenant compte de l'actif rectifié, les héritiers déchus ne sont pas dispensés de ces droits pour la part des droits qui aurait dû leur revenir sur les biens recelés s'ils n'en avaient pas été privés par l'effet de la sanction civile du recel ; que l'arrêt du 10 juin 2003 relève que Monique X... depuis qu'elle est en possession de tous documents sur les avoirs suisse pouvait faire, à partir de cette date, les démarches nécessaires pour faire acquitter les droits dus (après avoir rappelé que les droits éludés étaient de 150.157 euros) et le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation le 8 novembre 2005 ; que, pour autant, il ne peut être déduit de cette décision que Monique X... est seule redevable des impositions afférentes aux biens réintégrés à l'actif successoral alors que la Cour n'était pas saisie de cette question et qu'elle a simplement considéré que la victime du recel ne devait pas supporter les conséquence du non paiement des droits de mutation par décès tant qu'elle n'avait pas les moyens d'y pallier ; que la décision rendue tend ainsi simplement à exclure de la masse commune passive les pénalités, ainsi que partie des intérêts de retard, comme exclusivement imputables aux agissements des receleurs ; qu'en définitive, les consorts X... ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que les rappels d'impôts réclamés, en droits ou intérêts de retard, après réintégration à l'actif héréditaire des effets recelés, présentent un caractère exagéré » ;

ALORS QU'aux termes de l'article 870 du Code civil « les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend » ; que l'article 883 du Code civil dans sa version applicable à l'espèce énonce que « chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus sur licitation, et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. Il en est de même des biens qui lui sont advenus par tout autre acte ayant pour effet de faire cesser l'indivision. Il n'est pas distingué selon que l'acte fait cesser l'indivision en tout ou partie, à l'égard de certains biens ou de certains héritiers seulement » ; qu'aux termes de l'article 792 du Code civil dans sa version applicable à l'espèce « les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession sont déchus de la faculté d'y renoncer : ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés » ; qu'enfin aux termes de l'article 777 du Code général des impôts « les droits de mutation à titre gratuit sont fixés aux taux indiqués dans les tableaux ci-après, pour la part nette revenant à chaque ayant droit » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les biens recelés font partie de la succession mais sont attribuées aux héritiers non coupables de recel en sorte qu'ils doivent être compris exclusivement dans la part de ces derniers pour le calcul des droits de mutation par décès ; qu'en jugeant néanmoins que l'héritier receleur serait également redevable personnellement desdits droits pour la part qui aurait dû lui revenir sur les biens recelés s'il n'en avait pas été privé par l'effet de la sanction civile du recel la Cour a violé ensemble les articles susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-21080
Date de la décision : 09/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre gratuit - Succession - Recel - Conséquences civiles et fiscales

Il résulte de la combinaison des articles 792, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi du 23 juin 2006, 870 et 883 du code civil et 777 du code général des impôts que les biens recélés font partie de la succession mais sont attribués aux héritiers non receleurs en sorte qu'ils doivent être compris exclusivement dans la part de ces derniers pour le calcul des droits de mutation par décès


Références :

Sur le numéro 1 : article 1709 du code général des impôts
Sur le numéro 2 : articles 792, dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à la loi du 23 juin 2006, 870 et 883 du code civil

article 777 du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2008

Sur le n° 1 : Dans le même sens que :1re Civ., 14 février 1984, pourvoi n° 82-16526, Bull. 1984, I, n° 61 (rejet) ;Com., 31 mars 1984, pourvoi n° 02-10578, Bull. 2004, IV, n° 68 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 mar. 2010, pourvoi n°08-21080, Bull. civ. 2010, IV, n° 49
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 49

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Batut
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.21080
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