LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 260 du code civil ;
Attendu que, pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ;
Attendu que pour confirmer la condamnation de l'époux à verser à sa femme une prestation compensatoire d'un certain montant, l'arrêt retient que la prestation s'appréciera, non à la date de l'arrêt, mais à la date du jugement rendu le 24 juillet 2007, le prononcé du divorce aux torts exclusifs de M. X... n'étant pas remis en cause, celui ci n'ayant pas formé un appel incident de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle devait se placer à la date à partir de laquelle M. X... ne pouvait plus former appel incident sur le divorce prononcé à ses torts exclusifs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. X... à verser à Mme Y..., à titre de prestation compensatoire, un capital de 50 000 euros et donné acte à Mme Y... que la prestation compensatoire pourrait être réglée au besoin et pour partie sur la liquidation de la communauté, l'arrêt rendu le 2 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat aux conseils pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire et condamné Monsieur Jean-Pierre X... à payer à Madame Monique Y... épouse X... une prestation compensatoire d'un montant limité à la somme de 50.000 euros,
AUX MOTIFS QUE « dans son acte d'appel du 23 octobre 2007, Madame Y... limite son appel « à toutes les dispositions du jugement sauf en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts du mari » ; qu'il s'en déduit que la prestation compensatoire s'appréciera, non à la date de l'arrêt mais à la date du jugement rendu le 24 juillet 2007, le prononcé du divorce aux torts exclusifs de Monsieur X... n'étant pas remis en cause, celui-ci n'ayant pas formé appel incident de ce chef, pour conclure lui-même, dans le sens de l'appelante au constat de ce que le divorce est désormais définitif»,
ALORS QUE la décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée et que c'est à cette date que doit s'apprécier la prestation compensatoire ; qu'en retenant que la prestation compensatoire devait s'apprécier, non à la date de l'arrêt mais à la date du jugement rendu le 24 juillet 2007 cependant que ce jugement ne devenait définitif qu'à la date à partir de laquelle Monsieur X... ne pouvait plus former un appel incident quant au prononcé du divorce à ses torts exclusifs, à savoir à la date de l'ordonnance de clôture, la Cour d'appel a violé l'article 260 du Code civil,
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire et condamné Monsieur Jean-Pierre X... à payer à Madame Monique Y... épouse X... une prestation compensatoire d'un montant limité à la somme de 50.000 euros,
AUX MOTIFS QUE « pour statuer sur le droit à prestation compensatoire et en fixer éventuellement le montant l'article 271 du Code civil fixe comme critères : l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, les qualifications et situations professionnelles de chacun au regard du marché du travail, les conséquences des choix professionnelles faits par l'un des époux pendant le temps de la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer, le patrimoine des époux, estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, les droits existants et prévisibles, les situations respectives en matière de retraite ; que le dossier est soumis à l'actuelle loi sur le divorce, l'assignation ayant été lancée après le 1er janvier 2005 ; que Madame Y... âgée de 65 ans au jour du prononcé du divorce en juillet 2007 a demandé une prestation compensatoire en capital ; que devant la Cour elle réitère cette demande à hauteur de 216.000 euros, selon les modalités d'exécution particulière mais sans référence à un autre mode de prestation compensatoire possible compte tenu de son âge, qui aurait été une rente viagère prévue à titre exceptionnel à l'article 276 du code civil ; que sa demande est donc formée de façon classique sur les articles 271 à 274 du code civil ; qu'avant de se pencher sur les modalités du règlement de la prestation compensatoire, il doit en être fixé le montant ; que le juge aux affaires familiales lui a accordé un capital de 50.000 euros insuffisant à ses yeux et excessif à ceux de Monsieur X... qui par appel incident de ce chef offre un capital de 15.000 euros ; que le principe même de la disparité est donc admis par les parties elles-mêmes et qu'il a été reconnu par le juge aux affaires familiales, seul le problème du montant devant être réexaminé ; qu'il doit être rappelé l'âge des époux au jour du divorce (65 ans pour elle et 64 ans pour lui) et le nombre des années de mariage soit 40 ans avec l'observation que leur séparation de fait remonte à avril 2000 soit 7 ans avant le jugement ; que les deux enfants du couple, majeurs et indépendants ne pèsent plus sur la vie matérielle de leurs parents ; que le juge aux affaires familiales a pris en compte des demandes et offres qui sont identiques à celles formées devant la Cour d'appel ; qu'au titre des ressources respectives, Madame Y..., retraitée, ancienne adjointe administrative principal de la fonction publique percevait en 2007 une pension de 1,139 euros par mois ; qu'elle avait en outre un revenu foncier (38 euros par mois en 2006) et une indemnité d'occupation versée par son mari en avance de la part de celui-ci de 258 euros par mois pour le bien immobilier occupé par lui à Charenton ; que le juge aux affaires familiales a relevé qu'elle avait été 4 ans en disponibilité pour suivre son mari en déplacement et avait travaillé 7 ans à temps partiel pour s'occuper des enfants de telle sorte que cela avait eu une incidence sur sa pension de retraite d'un montant modeste mais que pour autant elle n'établissait pas avoir sacrifié une carrière personnelle pour la famille alors qu'elle était dans l'administration et avait toute latitude pour progresser et obtenir un meilleur salaire ; que la Cour observe que si on peut admettre la contrainte qui a poussé l'épouse à suivre 4 ans son mari, les 7 années de travail temporaire relèvent d'un choix personnel de confort qui n'est pas critiquable mais dont elle ne peut déplorer les incidences ; que Monsieur X..., retraité, percevait en 2005 une pension de 2.904 euros par mois et des revenus fonciers égaux à ceux de son épouse (chiffre de 2006) ; que le patrimoine commun comprenait 3 biens immobiliers évalués 473.500 euros par l'épouse et 555.000 euros par le mari ; que le solde de l'emprunt sur appartement de Veneux les Sablons n'était plus que de 10.000 euros et qu'au jour de l'arrêt ce prêt est donc fini et se trouve soldé ou quasiment ; que Monsieur X... fait remarquer à juste titre que la demande de sa femme de 216.000 euros correspond à peu près à la moitié de leur actif net de communauté et aurait donc pour but de le priver de tout le fruit de leur activité professionnelle au sein de l'union ; qu'il est indéniable qu'à ce jour la pension de retraite du mari est près du triple de celle de l'épouse ; que l'essentiel de la disparité résultant pour Madame Y... de la rupture du mariage résulte de cette différence de près de 2.000 euros par mois entre les époux et que le juge aux affaires familiales n'a donc ni sous estimé nu sur estimé le capital devant revenir à l'épouse au titre de la prestation compensatoire ; que son jugement sera confirmé de ce chef ; qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'envisager le règlement de la prestation compensatoire sous forme d'une attribution de propriété de l'ancien domicile conjugal, non plus que de l'usufruit du bien ; qu'il appartient à l'épouse de demander au notaire liquidateur une attribution du bien revendiqué dans le lot qui lui sera attribué à l'issue des opérations de partage moyennant les soultes à déterminer ultérieurement»,
ALORS QUE la liste des éléments énumérés à l'article 271 du Code civil dont il est tenu compte dans la détermination des besoins et des ressources des époux n'est pas limitative et la situation de concubinage des époux peut constituer un élément d'évaluation de la prestation compensatoire ; qu'en se bornant à relever que Monsieur X... percevait une pension mensuelle de 2.904 euros et des revenus fonciers égaux à ceux de son épouse, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions de Madame Y..., l'incidence que pouvait avoir sa situation de concubinage sur ses charges et ressources et en conséquence sur l'appréciation de la disparité que la rupture du mariage était susceptible de créer dans la vie respective des époux, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 271 du code civil.