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17/02/2010 | FRANCE | N°09-10474

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 février 2010, 09-10474


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 novembre 2008) que le 21 septembre 2004, M. Alain X... et Mme X... (consorts X...), se sont engagés à vendre à MM. Jean-Pierre et Raymond Y..., cinq parcelles de terres agricoles, sous réserve du droit de préemption de la SAFER ou de M. Dominique Z..., fermier exploitant les terres depuis 1989 ; que le 29 novembre 2004, le notaire instrumentaire a informé M. Jean-Pierre Y... de l'intention de M. Dominique Z... d'exercer son droit de préemption et de subroger dans ses

droits son fils M. Julien Z... ; que par acte authentique du...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 13 novembre 2008) que le 21 septembre 2004, M. Alain X... et Mme X... (consorts X...), se sont engagés à vendre à MM. Jean-Pierre et Raymond Y..., cinq parcelles de terres agricoles, sous réserve du droit de préemption de la SAFER ou de M. Dominique Z..., fermier exploitant les terres depuis 1989 ; que le 29 novembre 2004, le notaire instrumentaire a informé M. Jean-Pierre Y... de l'intention de M. Dominique Z... d'exercer son droit de préemption et de subroger dans ses droits son fils M. Julien Z... ; que par acte authentique du 18 mars 2005, les consorts X... ont vendu les parcelles en cause à M. Julien Z... ; que MM. Jean-Pierre et Raymond Y..., ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de cette vente et en réparation du préjudice subi ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni des écritures des parties, ni de l'arrêt que MM. Y... aient soutenu que la déclaration de préemption du preneur devait être faite au bailleur, et non au notaire chargé d'instrumenter ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a retenu à bon droit que l'article L. 412-8 du code rural ne faisait pas obligation au notaire chargé d'instrumenter d'aviser la personne qui se proposait d'acquérir de l'exercice du droit de préemption du preneur ;
D'où il suit que pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 412-5 du code rural ;
Attendu que bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente ; qu'il peut exercer personnellement ce droit, soit pour exploiter lui-même, soit pour faire assurer l'exploitation du fonds par son conjoint participant à l'exploitation ou par un descendant si ce conjoint ou descendant a exercé la profession agricole pendant trois ans au moins ou est titulaire d'un diplôme d'enseignement agricole ; qu'il peut aussi subroger dans l'exercice de ce droit son conjoint participant à l'exploitation ou un descendant majeur ou mineur émancipé qui remplissent les conditions prévues à l'alinéa précédent ;
Attendu que pour rejeter la demande en annulation de la vente, l'arrêt, après avoir constaté que M. Julien Z... n'établissait pas qu'il remplissait les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle visées aux articles L. 331-2 et L. 331-5, qu'il versait aux débats les appels de cotisations qui lui avaient été adressés par la Mutualité sociale agricole des Hautes-Pyrénées en 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005, que ces pièces ne suffisaient pas à établir sa qualité d'exploitant agricole, retient que cette situation ne permet pas, en l'absence de texte applicable, de prononcer la nullité de la vente intervenue entre les consorts X... et M. Julien Z..., qu'en effet, l'action en nullité ne peut être intentée, sauf en cas de collusion entre preneur et vendeur, ce qui n'est pas soutenu en l'espèce, que par le preneur, au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non exécution des obligations dont le bailleur est tenu ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'est nulle la vente conclue au bénéfice de celui qui a exercé un droit de préemption dont il n'était pas titulaire et que l'action en nullité peut être exercée par l'acquéreur évincé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;
Condamne, ensemble, les consorts Z... et X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, les consorts Z... et X... à payer aux consorts Y... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils pour les consorts Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... de leur demande tendant au prononcé de la nullité de la déclaration de préemption et par conséquent de leur demande tenant au prononcé de la nullité de la vente intervenue le 18 mars 2005 entre les consorts X... et Monsieur Julien Z... ;
AUX MOTIFS QUE par acte sous seing privé du 21 septembre 2004, Monsieur Alain X... et Madame Madeleine B..., veuve X..., ont vendu à Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... les parcelles figurant au cadastre de la Commune de LUC (95) lieudit « La Grave » sous les références suivantes : Section A numéro 117, 118, 141, 142, 143 pour une surface totale de 1 ha 16 a et 49 ca, pour un prix de 7. 622, 45 € ; que cet acte devait être réitéré en la forme authentique au plus tard le 30 novembre 2004 ; que par lettre du 29 novembre 2004, Maître C..., notaire à TOURNAY, a fait connaître à Monsieur Jean-Pierre Y... que Monsieur Dominique Z..., fermier des parcelles objet de la vente lui avait fait part le 26 novembre 2004, de son intention de préempter lesdites parcelles ce qui empêchait la vente que Monsieur Alain X... et Madame Madeleine B..., veuve X..., envisageait de réaliser ; que Monsieur Raymond Y..., pourtant partie au sous seing privé du 21 septembre 2004 n'a pas été informé de l'exercice du droit de préemption du fermier ; que les appelants soutiennent que le droit de préemption exercé par Monsieur Dominique Z... au profit de son fils Julien n'est pas opposable à Monsieur Raymond Y... ; que cependant, l'article L. 412-8 du Code rural ne fait nullement obligation au notaire chargé d'instrumenter d'aviser la personne qui se propose d'acquérir de l'exercice du droit de préemption du preneur ; que Monsieur Jean-Pierre Y... reconnaît en tout état de cause avoir reçu l'information ; que ledit article institue un délai de deux mois dans lequel celui qui exerce le droit de préemption doit réaliser l'acte de vente authentique, ce délai courant à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur ; que ce texte précise que passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet ; qu'il convient de relever que Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... n'ont pas mis Monsieur Julien Z... en demeure de réaliser la vente avant le 26 janvier 2005 ; que le droit de préemption de Monsieur Julien Z... n'encourt donc pas la nullité ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le preneur doit faire connaître sa décision de préempter par lettre recommandée ou par acte d'huissier ; que dans leurs conclusions d'appel (signifiées le 10 septembre 2008, p. 7 § 7), Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... faisaient valoir que la déclaration de préemption de Monsieur Dominique Z... était nulle dès lors qu'il n'était pas « justifié par les consorts Z... que ceux-ci aient adressé par lettre recommandée au Notaire leur intention d'exercer le droit de préemption » ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE la déclaration de préemption du preneur doit être faite au bailleur, et non au notaire chargé d'instrumenter ; qu'en constatant que c'est Maître C..., notaire, qui avait été le destinataire du courrier de Monsieur Z... exprimant son intention de préempter (arrêt attaqué, p. 8 § 4), sans en déduire la nullité de cette déclaration de préemption, la cour d'appel a violé l'article L. 412-8, alinéa 3, du Code rural ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; que passé ce délai, sa déclaration de préemption est nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet ; qu'en estimant (arrêt attaqué, p. 8 § 7) qu'aucune règle ne prévoyait une information de l'acquéreur évincé quant à l'existence d'une déclaration de préemption, cependant que cette information est indispensable dans la mesure où elle conditionne la procédure de mise en demeure faite au preneur d'avoir à régulariser l'acte authentique de vente dans les deux mois de la déclaration de préemption, la cour d'appel a violé l'article L. 412-8 du Code rural ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE tous les coacquéreurs évincés doivent être informés de l'existence de la déclaration de préemption, de manière à pouvoir le cas échéant mettre en demeure le preneur de régulariser l'acte authentique de vente ; qu'en estimant que l'information donnée à Monsieur Jean-Pierre Y... suffisait à régulariser la procédure, cependant qu'elle constatait que Monsieur Raymond Y..., co-acquéreur évincé, n'avait pas été informé de l'exercice du droit de préemption du fermier (arrêt attaqué p. 8 § 5 et 7), la cour d'appel a violé l'article L. 412-8 du Code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... de leur demande tendant au prononcé de la nullité de la déclaration de préemption et par conséquent de leur demande tenant au prononcé de la nullité de la vente intervenue le 18 mars 2005 entre les consorts X... et Monsieur Julien Z... ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... soutiennent que Monsieur Julien Z..., ne remplissant pas les conditions prescrites par l'article L. 412-5 du Code rural, ne bénéficiait pas du droit de préemption et ne pouvait donc en faire usage ; qu'ils produisent devant la cour un extrait K bis du Registre du commerce et des sociétés de TARBES en date du 3 septembre 2008, qui fait état de la constitution le 29 octobre 2002 de la SARL Z... sise à LUC (65), gérée par Monsieur Julien Z..., ayant pour objet « la production, la commercialisation, l'abattage d'animaux en sous-traitante par les abattoirs agréés et l'activité de négoce de viande de porc en gros et demi-gros exercée à partir des locaux desdits abattoirs agréés » ; que l'article L. 412-5 dispose, en son alinéa 4, que le bénéficiaire du droit de préemption ou le descendant au profit duquel le preneur a exercé son droit de préemption devra exploiter personnellement le fonds objet de la préemption aux conditions fixées aux articles L. 411-59 et L. 412-12 ; que Monsieur Jean-Pierre Y... et Monsieur Raymond Y... produisent un procès-verbal de constat dressé le 2 novembre 2005 à leur requête par Maître D..., huissier de justice à TARBES, qui a relevé la présence sur la parcelle 117 d'une moissonneuse en action et sur la parcelle 143 d'un tracteur ramassant les pieds de maïs ; que les opérateurs de ces engins ont déclaré à l'huissier qu'ils moissonnaient pour le compte de Madame Annie E... les terres des Z... ; que Monsieur Julien Z... se contente de répondre que ce simple constat isolé ne permet pas de démontrer qu'il n'exploite pas personnellement ses terres ; que c'est au bénéficiaire du droit de préemption d'établir qu'il satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l'article L. 411-59 ; que Monsieur Julien Z... ne démontre pas qu'il participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ; qu'il ne justifie pas de la possession du cheptel et du matériel nécessaire ou, à défaut, des moyens de les acquérir ; qu'il n'établit pas qu'il remplit les conditions de capacité et d'expérience professionnelle visées aux articles L. 331-2 et L. 331-5 ; que Monsieur Julien Z... verse aux débats les appels de cotisations qui lui ont été adressés par la Mutualité Sociale Agricole des Hautes-Pyrénées en 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005 ; que ces pièces ne suffisent pas à établir sa qualité d'exploitant agricole ; qu'il ressort au surplus des relevés de propriété produits par les appelants que ni Monsieur Dominique Z..., ni Monsieur Julien Z..., son fils, ne disposent de la surface minimale d'installation fixée à 18 hectares ; que Monsieur Dominique Z... a fait usage du droit de préemption au profit de son fils Monsieur Julien Z... ; que celui-ci doit avoir exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploiter par lui-même le fonds mis en vente ; que cependant, ce dernier ne remplit pas les obligations mentionnées aux articles L. 411-58 à L. 411-63 et L. 411-67 ; que cette situation ne permet pas, en l'absence de texte applicable, de prononcer la nullité de la vente intervenue entre les consorts X... et Monsieur Julien Z... ; qu'en effet, l'action en nullité ne peut être intentée, sauf en cas de collusion entre preneur et vendeur, ce qui n'est pas soutenu en l'espèce, que par le preneur, au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de la non exécution des obligations dont le bailleur est tenu ;
ALORS QUE l'irrégularité d'une déclaration de préemption est rétroactive et que le titulaire du droit de préemption, en conséquence de cette irrégularité, est censé avoir renoncé à préempter ; qu'il en résulte que la vente conclue au bénéfice de celui qui a exercé un droit de préemption dont il n'était pas titulaire est nulle ; que l'action en nullité peut être exercée par l'acquéreur évincé ; qu'en constatant que Monsieur Julien Z... ne remplissait pas les conditions lui permettant d'exercer le droit de préemption prévu par les articles L. 412-1 et suivants du Code rural (arrêt attaqué, p. 9), puis en refusant d'annuler la vente consentie au profit de celui-ci au motif qu'aucun texte ne permettait de prononcer une telle annulation, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1176 du Code civil, ensemble l'article L. 412-5 du Code rural.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-10474
Date de la décision : 17/02/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

VENTE - Nullité - Action en nullité - Immeuble - Action consécutive à l'exercice du droit de préemption par une personne qui n'en était pas titulaire - Intérêt à agir - Acquéreur évincé

BAIL RURAL - Bail à ferme - Préemption - Bénéficiaire - Conditions requises - Défaut - Sanction - Détermination - Portée

Est nulle la vente conclue au bénéfice de celui qui a exercé un droit de préemption dont il n'était pas titulaire et l'action en nullité peut être exercée par l'acquéreur évincé


Références :

article L. 412-5 du code rural

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 13 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 fév. 2010, pourvoi n°09-10474, Bull. civ. 2010, III, n° 49
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, III, n° 49

Composition du Tribunal
Président : M. Philippot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur)
Avocat général : M. Bruntz
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.10474
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