LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mai 2008), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ. 8 mars 2007, pourvoi n° 05-19. 966), qu'à l'occasion d'un litige opposant M. X... et la SCI La Pauvetta (la SCI) à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la banque), un tribunal de grande instance a ordonné une mesure d'expertise qu'il a confiée à M. Y... ; que l'arrêt qui avait accueilli la demande de récusation de l'expert formée par la banque ayant été cassé, la copie de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi a été adressée le 12 avril 2007 à la banque qui, par conclusions du 7 avril 2008, a demandé la récusation de l'expert ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme tardifs les nouveaux moyens de récusation de l'expert alors, selon le moyen, que la règle qu'énonce le dernier alinéa 2 de l'article 234 du code de procédure civile, et qui prévoit que les causes de récusation doivent être invoquées dès qu'elles se révèlent, n'est sanctionnée ni par la déchéance du droit de se prévaloir d'une cause de récusation, ni par l'irrecevabilité de la demande de récusation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 234, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Mais attendu que la violation de la règle énoncée par l'alinéa 2 de l'article 234 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir qui, selon l'article 124 du même code, doit être accueillie alors même que l'irrecevabilité ne résulte d'aucne disposition expresse ;
Et attendu qu'après avoir relevé que la banque avait demandé tardivement la récusation de l'expert, la cour d'appel a exactement retenu que la demande était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte-d'Azur aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte-d'Azur et de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Capron, avocat aux Conseils pour la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence Côte-d'Azur
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR déclaré irrecevables comme tardifs les nouveaux moyens de récusation que la Crcam Provence Côte d'Azur a invoqués contre l'expert Pierre-Édouard Y..., et D'AVOIR, en conséquence, débouté la première de la demande de récusation qu'elle formait contre le second ;
AUX MOTIFS QUE, « selon l'article 234 du code de procédure civile, les techniciens peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges ; que la demande doit être faite dès la révélalation de la cause de récusation » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 9e alinéa) ; que, « fondé sur le fait que M. Y... était précédemment intervenu en qualité de sapiteur dans la même affaire, le moyen initial de récusation n'est pas recevable, l'acte technique incriminé n'entrant pas dans les causes de récusation énumérées par l'article 341 du code précité » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 1er alinéa) ; que, « respectivement fondées sur le fait, d'une part, qu'une instance pénale, où la banque est partie jointe au ministère public, l'oppose à l'expert, témoin assisté, et, d'autre part, que cet expert a fait montre d'inimitié et de partialité à son endroit, les moyens subsidiaires de récusation articulés devant la cour de céans, et fondés sur des éléments distincts de ceux qui avaient été soumis au premier juge, ne le sont pas davantage » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e alinéa) ; qu'« en effet, la cause de récusation fondée sur l'existence d'une instance pénale en cours d'instruction préparatoire était connue depuis le 27 octobre 2005, jour du dépôt au secrétariat-greffe du magistrat instructeur doyen de la plainte avec constitution de partie civile et celle fondée à présent sur l'inimitié et la partialité, tirée de l'emploi par l'expert critiqué de types de calculs systématiquement et volontairement défavorables à la banque, lui était connue dès le 2 février 2005, date de la remise du rapport qu'elle avait commandé à MM. André Z... et Philippe A... (p. 12 de ses écritures), mais qu'elle n'a, en méconnaissance des dispositions de l'article 234 susvisé, invoqué ces moyens de récusation pour la première fois que dans ses uniques écritures du 7 avril 2008, alors, pourtant, que la copie de la déclaration de saisine lui a été adressée par le soins du greffe de la cour le 12 avril 2007, qu'elle a été sommée le 20 septembre 2007 (dépôt au greffe le 24) par la partie adverse (M. X... et la sci La Pauvetta) d'avoir à conclure, et que la même partie lui a à nouveau infructueusement fait même sommation le 30 octobre 2007 (dépôt au greffe le 2 novembre) et le 31 janvier 2008 (dépôt au greffe le 4 février) » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e alinéa) ; que, « quant aux griefs de partialité initialement invoqués devant le premier juge, celui-ci y a répondu avec pertinence et précision par des motifs que la cour adopte » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 4e alinéa) ; que « les causes de récusation invoquées étant irrecevables pour partie et mal fondées pour le surplus, la décision de désignation de M. Pierre-Édouard Y... en qualité d'expert sera confirmée, la cour observant au surplus pour la moralité des débats, d'une part, que sortir des règles légales de récusation aboutirait à entraver la liberté du juge dans le choix de l'expert, fondement de son indépendance et source structurelle d'équité du procès, et, d'autre part, que le raisonnement technique de l'expert, lequel doit l'expliciter, est soumis au contrôle du juge, autre source d'équité du procès » (cf. arrêt attaqué, p. 6, 5e alinéa) ;
ALORS QUE la règle qu'énonce le dernier alinéa 2 de l'article 234 du code de procédure civile, et qui prévoit que les causes de récusation doivent être invoquées dès qu'elles se révèlent, n'est sanctionnée ni par la déchéance du droit de se prévaloir d'une cause de récusation, ni par l'irrecevabilité de la demande récusation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 234, alinéa 2, du code de procédure civile.