LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 septembre 2008, rôle n° 06/19833), que la société Royal Mougins Golf, maître de l'ouvrage, et la société Eurofrance Développement (société Eurofrance), maître de l'ouvrage délégué, ont, sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de M. X... architecte, confié, par marché à forfait du 9 août 1989, à la société Entreprise JB Benedetti (société Benedetti), devenue la société Holpar, la réalisation d'un terrain de golf, dont la conception avait été assurée, selon contrat du 12 juillet 1989, par le Cabinet de droit américain Von Hagge Design Associates (Cabinet Von Hagge) ; qu'après achèvement des travaux, la société Benedetti a infructueusement sollicité le paiement du solde du marché de base ; que d'autres difficultés sont survenues entre les parties, la société Eurofrance soutenant que la quantité et la qualité de la terre fournie et épandue par la société Benedetti ne correspondaient pas aux factures, et la société Benedetti alléguant qu'elle devait être indemnisée des conséquences financières du bouleversement de l'économie du contrat résultant de l'exécution des travaux supplémentaires ; que la société Eurofrance a, au contradictoire de la société Benedetti, obtenu, par ordonnance de référé du 21 novembre 1996, la désignation d'un expert, M. Y..., qui a déposé son rapport le 10 décembre 2000 ; qu'arguant de désordres affectant le terrain de golf, les sociétés Royal Mougins Golf et Eurofrance ont assigné le 17 avril 2001 en référé expertise les architectes et l'entrepreneur ; que, parallèlement, des instances ont été introduites, la première, en août 1994, par la société Benedetti, en paiement du solde de ses travaux, objet du marché de base, l'affaire ayant été renvoyée, après cassation, devant la cour d'appel de Nîmes, qui, par un arrêt du 17 janvier 2007, a invité les parties " à présenter leurs observations sur le principe d'une médiation destinée à trouver une solution globale sur l'ensemble des litiges nés de la construction du golf", et, la seconde, le11 mars 2002 (RG n°02/1058), par la société Royal Mougins Golf demandant à la société Benedetti et aux architectes la réparation des désordres et l'indemnisation de ses préjudices économiques et d'exploitation ainsi que de la surfacturation relative à la qualité et à la quantité de la terre livrée ; qu'enfin, la société Benedetti a, également, assigné (RG n°03/3985) en indemnisation des conséquences financières résultant du bouleversement dans l'économie du contrat du fait des travaux supplémentaires les sociétés Royal Mougins Golf et Eurofrance, qui ont formé un recours en garantie contre les architectes ;
Attendu que pour homologuer le rapport d'expertise judiciaire et condamner en conséquence la société Royal Mougins Golf, in solidum avec la société Eurofrance, à payer à la société Bendetti une somme de 1 777 480,84 € toutes taxes comprises, l'arrêt retient que le rapport d'expertise réalisé par M. Y... au contradictoire de la société Eurofrance, maître d'ouvrage délégué, dont le gérant était M. Z..., également gérant de la société Royal Mougins Golf, a parfaitement retenu l'existence de surcoûts liés à la masse des travaux et de l'allongement de la durée du chantier, et également parfaitement évalué, sans aucune critique sérieuse de la société Royal Mougins Golf dans le cours de l'expertise, l'incidence des conséquences financières résultant du bouleversement dans l'économie du contrat du fait des travaux supplémentaires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Royal Mougins Golf, qui avait expressément soutenu que les opérations d'expertise lui étaient inopposables, n'avait été ni appelée ni représentée, en tant que partie, à ces opérations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il homologue le rapport de l'expert Y... du chef de sa mission sur les conséquences financières découlant du bouleversement de l'économie du contrat et en ce qu'il condamne la société Royal Mougins Golf, in solidum avec la société Eurofrance, à payer à la société Benedetti la somme de 1 777 480,84 € TTC, à actualiser en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction à compter du mois de novembre 2000 date du rapport d'expertise judiciaire jusqu'au jour du présent arrêt, l'arrêt rendu le 4 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Royal Mougins Golf.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR écarté des débats les conclusions déposées le 19 mai 2008 et D'AVOIR ainsi condamné la société Royal Mougins Golf à payer à la société Benedetti la somme de 1 777 480,84 euros TTC au titre au titre de travaux supplémentaires ;
AUX MOTIFS QU'en signifiant la veille de l'ordonnance de clôture, ses dernières conclusions demandant, pour la première fois, le sursis à statuer en l'état d'une procédure de médiation mise en place depuis le 17 janvier 2008 dans une autre instance, la SARL Royal Mougins Golf n'a pas ainsi permis aux autres parties d'y répliquer ; qu'afin d'assurer le principe de la contradiction, ces conclusions seront en conséquence écartées des débats sans qu'il y ait lieu à révocation de l'ordonnance de clôture ; que les conclusions de la SAS Benedetti du 23 mai 2008 seront déclarées d'office irrecevables ; qu'il sera statué au vu des dernières conclusions du 27 mars 2007 de la société Royal Mougins Golf et de celles de la SAS Benedetti du 20 septembre 2007 ;
ALORS QUE le juge ne peut écarter des débats des conclusions déposées avant l'ordonnance de clôture, sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché le respect de la contradiction ; qu'en déclarant irrecevables les conclusions déposées par la société Mougins Golf le 19 mai 2008, sans préciser les circonstances particulières qui auraient empêché de respecter le principe de la contradiction, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 15, 16 et 783 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR homologué le rapport d'expertise et condamné la société Royal Mougins Golf à payer à la société Benedetti la somme de 1 777 480,84 euros TTC au titre au titre de travaux supplémentaires ;
AUX MOTIFS, PROPRES ET ADOPTES, QUE l'expert judiciaire a clairement explicité et chiffré le montant des travaux supplémentaires ; que l'observation sur l'incompétence de l'expert effectuée par la société Mougins Golf n'est pas justifiée, celui-ci s'étant adjoint un sapiteur, et est de surcroît largement tardive, car il lui appartenait de faire valoir son point de vue au cours de l'expertise qui a duré deux ans ; que le rapport d'expertise judiciaire réalisé par Monsieur Y... au contradictoire de la société Eurofrance maître de l'ouvrage délégué dont le gérant était Monsieur Berg également de la société Royal Mougins Golf a parfaitement retenu l'existence de surcoûts liés à la masse des travaux exécutés et de l'allongement de la durée d'exécution du chantier ;
ET AUX MOTIFS QUE la société Royal Mougins Golf soutient que la société Benedetti ne peut obtenir par application de la théorie du bouleversement des conditions d'exécution du chantier une deuxième fois le paiement de travaux déjà réglés dans le coût global et définitif du chantier pour un total de 38 029 660 francs ; que le rapport d'expertise judiciaire réalisé par Monsieur Y... au contradictoire de la société Eurofrance maître d'ouvrage délégué dont le gérant était Monsieur Berg également gérant de la société Royal Mougins Golf a parfaitement retenu l'existence de surcoûts liés à la masse des travaux exécutés et de l'allongement de la durée du chantier ; que le rapport d'expertise fait état de l'existence de modifications et travaux supplémentaires, objets de 78 factures, représentant un pourcentage de 44,76% de plus par rapport au marché initial et qui ont entraîné un allongement de six mois du délai d'exécution et bouleversé ainsi l'économie du marché ; que l'expert a parfaitement évalué, sans aucune critique sérieuse de la société Royal Mougins Golf dans le cours de l'expertise, à la somme totale de 1 777 480,84 euros l'incidence de ce bouleversement dans l'économie du contrat du fait des travaux supplémentaires au titre de la mise en place de la terre et des terrassements supplémentaires, conséquences de la nécessité avérée en cours de chantier, de procéder à la livraison de terre extérieure et de l'allongement de 300 mètres de la piste pour voiturettes et de surcoût d'exploitation du personnel et du matériel pendant six mois supplémentaires par rapport à la durée initiale du chantier de 12 mois et enfin de la nécessité découlant de réaliser des études complémentaires ; que l'ensemble de ces travaux ainsi que les frais engendrés découlant du bouleversement de l'économie du marché n'ont pas, contrairement à ce que soutient la société Royal Mougins Golf, été réglés à la société Benedetti au titre des travaux supplémentaires, objets de commandes distinctes ;
ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait se fonder sur l'absence de critique émise par la société Royal Mougins golf au cours des opérations expertises auxquelles l'arrêt constate qu'elle n'était pas partie ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENCORE, QUE la date d'achèvement du chantier correspond à la date de la réception des travaux par le maître de l'ouvrage ; que pour arbitrer à six mois la durée supplémentaire du chantier, l'expert judiciaire a retenu que les travaux avaient été achevés non le 4 août 1992, date à laquelle la réception est intervenue, mais le 7 janvier 1993, date à laquelle la société Benedetti a notifié au maître d'ouvrage la levée des réserves émises lors de la réception ; qu'en homologuant néanmoins le rapport d'expertise qui se référait à une date de fin de chantier erronée, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du Code civil ;
ALORS, DE SURCROIT, QUE dans une lettre datée du 17 août 1992, la société Benedetti indiquait à la société Royal Mougins Golf que « nous avons le plaisir de vous confirmer par la présente, que les travaux de construction du parcours ont été achevés le 4 août 1992 » ; qu'en homologuant le rapport d'expertise qui a retenu que le chantier avait été achevé le 7 janvier 1993, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette correspondance en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE les travaux exécutés postérieurement à la réception de l'ouvrage pour lever les réserves émises par le maître de l'ouvrage relèvent de la garantie de parfait achèvement ; qu'en incluant la durée des travaux destinés à lever les réserves émises par la société Royal Mougins Golf dans le surcoût d'exploitation qui aurait été engendré par la réalisation de travaux supplémentaires, la Cour d'appel a violé l'article 1792-6 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la société Royal Mougins Golf versait aux débats et visait dans ses conclusions des factures qui établissaient que les travaux supplémentaires relatifs à l'allongement du parcours et à la mise en place de terres extérieures au site avait intégralement été réglés sur la base de devis établis par l'entrepreneur et acceptés par le maître de l'ouvrage ; qu'en s'abstenant d'analyser, même de façon sommaire, les factures fournies par la société Royal Mougins, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeter sa demande d'appel en garantie dirigée contre le cabinet d'Architecte Von Hagge et de Monsieur X... ;
AUX MOTIFS, PROPRES ET ADOPTES, QUE par exploit en date du 11 mars 2002, les sociétés Royal Mougins Golf et Eurofrance ont assigné toutes les parties devant le Tribunal de grande instance de Grasse aux fins de les voir condamner conjointement et solidairement à la réparation des préjudices économiques et d'exploitation découlant des prétendus désordres dont serait affecté le Golf de Mougins ; que Monsieur le juge de la mise en état a rejeté la demande de jonction au motif que si les procédures introduites concernaient bien le même chantier, leur objet était différent ; que la procédure engagée par la société Benedetti concernait les conséquences financières découlant du bouleversement dans l'exécution du marché ; que la procédure engagée par la société Royal Mougins Golf reposait sur les articles 1792,1134 et 1147 du Code civil est était relative à des prétendues malfaçons du terrain de golf ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de jonction formée par la société Royal Mougins golf, les deux instances pendantes enrôlées respectivement sous les numéros 02/01508 et 03/03985 ayant des objets différents ; que la société Royal Mougins golf a formé des demandes reconventionnelles mettant également en cause les architectes ; que ces prétentions constituent la reprise mot pour mot de son assignation du 11 mars 2002 enrôlée sous le n° 02/1508 ; qu'il y a donc pas lieu de déclarer cette demande irrecevable au visa de l'article 100 du Nouveau Code de procédure civile en renvoyant la société Royal Mougins Golf à suivre son assignation du 11 mars 2002, antérieure à la présente demande reconventionnelle ;
ALORS QUE la société Royal Golf Mougins soutenait dans ses conclusions d'appel que le Cabinet d'architectes Von Hagge et Monsieur Didier X..., maîtres d'oeuvre, avaient manqué à leur devoir de conseil de sorte qu'ils devaient garantir le maître de l'ouvrage des condamnations qui seraient mises à sa charge ; qu'en s'abstenant totalement de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'exception de litispendance suppose qu'il y ait une stricte identité de cause et d'objet de la demande ; qu'en soulevant une exception de litispendance relative à la demande en garantie formée par la société Royal Mougins Golf à l'encontre des architectes bien qu'elle relevât expressément que les deux instances, diligentées respectivement par les sociétés Benedetti et Royal Mougins Golf, avaient des objets différents, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 100 du Code de procédure civile.