LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique qui est recevable :
Attend que Chantal X... est décédée le 26 janvier 1996, en laissant pour lui succéder M. Y..., son second époux séparé de biens, et Mme Corinne Z..., sa fille née d'un premier mariage ; que, le 12 novembre 1996, M. A..., notaire, a établi une convention par laquelle, en l'absence de dispositions de dernières volontés émanant de Chantal X..., M. Y... et Mme Z... donnaient force exécutoire d'abord à un legs verbal consenti par la défunte à son second époux et portant sur l'usufruit d'un bien immobilier situé à Grigny, puis à un acte de partage par lequel M. Y... se voyait attribuer l'immeuble moyennant le paiement d'une soulte à Mme Z..., et enfin à deux conventions par lesquelles M. Y... et Mme Z... partageaient des liquidités et du mobilier ; que, le 6 avril 2001, Mme Z..., invoquant la découverte d'un testament rédigé le 2 novembre 1990 par sa mère et déposé en l'étude de M. B..., notaire, a assigné M. Y... aux fins d'annulation des conventions ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 9 octobre 2008), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 20 septembre 2006, n° 04-16. 911), d'avoir annulé l'acte de notoriété, la convention de legs verbal et l'acte de partage établis le 12 novembre 1996, alors, selon le moyen, qu'il incombe au demandeur en nullité de rapporter la preuve d'une erreur sur la cause ; que pour retenir l'existence d'une erreur sur la cause dont aurait été victime Mme Z..., qui aurait résulté de son ignorance, à la date de la signature de la convention d'exécution de legs verbal du 12 novembre 1996, d'un testament antérieur qui lui aurait bénéficié, la cour d'appel a énoncé qu'il appartenait à M. Y... de rapporter la preuve de la connaissance par Mme Z... de ce testament, preuve qui n'était pas établie en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et ce faisant, a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement relevé, par motifs propres et adoptés, que l'acte de notoriété indiquait expressément que la défunte n'avait laissé aucune disposition de dernières volontés et que cette mention avait été reprise par le notaire tant dans l'acte reconnaissant l'existence du legs verbal que dans l'acte de partage, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu que, Mme Z... ignorant l'existence du testament litigieux, le partage avait été fait sur des fausses bases constituant une erreur sur la cause et que M. Y... ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la connaissance par Mme Z... de l'existence de ce testament ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et le condamne à payer à Mme Z... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR annulé l'acte de notoriété du 12 novembre 1996, la convention de legs verbal du 12 novembre 1996 et l'acte de partage établi le 12 novembre 1996 ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant que Madame Chantal X... a rédigé un testament en date du 2 novembre 1990 par lequel elle privait son époux, Joël Y..., de l'usufruit sur les biens immobiliers dont elle était propriétaire et de ceux qui pourraient lui revenir ultérieurement à titre gratuit, laissant par contre à son époux l'usufruit sur les biens meubles et immeubles acquis à titre onéreux postérieurement au 2 novembre 1990 ; Madame Z... conteste expressément avoir eu connaissance du testament avant la conclusion des conventions du 12 novembre 1996 ; qu'il incombe à M. Y..., compte tenu de la teneur de ces conventions, de rapporter la preuve de cette connaissance ; que M. Y... soutient que c'est lui qui a fait état devant Madame Z... et Maître A... du testament établi par les époux conjointement devant Maître B..., et que Madame Z... a été informée de son contenu tant lors du premier rendez-vous en l'étude notariale que par un courrier du 18 mars 1996 ; que M. Y... ne fournit aucun élément de preuve se rapportant à ce qui a pu se passer lors d'un premier rendez-vous chez le notaire ; que sa seule allégation est insuffisante alors que l'intimée fait valoir avec vraisemblance que s'il lui avait été donné connaissance du testament, le notaire en aurait conservé une trace ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces produites que par lettre du 13 mars 1996 Maître B... a informé son confrère, Maître A..., du contenu du testament, et que par lettre du 18 mars 1996 Maître A... a transmis à M. Y... la copie du courrier de Maître B... en lui précisant que le fichier des dernières volontés ne révélait pas d'autre disposition ; que M. Y... se prévaut d'une mention manuscrite émanant de Maître A... figurant sur ledit courrier ainsi libellée " copie à Catherine Z... " ; que cette seule mention manuscrite, même de la main de Me A... ainsi que celui-ci l'a attesté le 22 août 2007, ne peut suffire à établir que Madame Z... a effectivement eu connaissance du testament dès lors qu'il n'est justifié ni de l'envoi d'une copie de la lettre à l'intimée ni de sa réception par cette dernière ; qu'aucun des autres documents produits par M. Y... et émanant de Maître A... ne saurait apporter la preuve qui lui incombe ; que le courrier du 17 octobre 1996 par lequel Me A... adresse à Madame Z... les différents projets d'actes qu'il a établis montre, certes, que la destinataire a eu le temps d'examiner les actes qu'elle allait signer le 12 novembre suivant, mais qu'il n'en résulte pas pour autant que Madame Z... a eu connaissance préalable du testament écrit par sa mère le 2 novembre 1990 ; qu'il en est de même du compte rendu fait par Maître A... de la réunion tenue entre les parties le 23 octobre 1996, aucune allusion au testament ne pouvant y être trouvée ; que M. Y... produit encore une lettre adressée par Maître A... à Madame Z... le 22 novembre 1996 à laquelle sont joints les deux conventions signées, un reçu de chèque, une attestation immobilière et la " copie du testament de votre mère que vous voudrez bien me retourner après avoir apposé avec un stylo de couleur bleue sur cette copie la mention que j'ai oublié de vous faire inscrire " ; que cette lettre a une portée limitée ; que si elle est propre à établir que le testament a été envoyé à Madame Z... dix jours après la signature des conventions litigieuses, la seule allusion à une " mention que j'ai oublié de vous faire inscrire ", mention obscure et non explicitée à ce jour, ne peut démontrer la connaissance qu'aurait eu Madame Z... du testament avant la signature des conventions du 12 novembre 1996 et le choix délibéré qu'elle aurait fait de ne pas s'en prévaloir ; Sur la demande de nullité des conventions signées le 12 novembre 1996 ; que pour solliciter la nullité du partage Madame Z... invoque l'erreur sur la cause au sens de l'article 1131 du Code civil ; que l'article 1131 stipule que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ; qu'en application de cet article, l'erreur sur la cause d'un partage peut emporter la nullité de celui-ci lorsqu'elle détruit son équilibre et son fondement ; que la cause du partage n'est pas la volonté des copartageants de sortir de l'indivision mais celle d'obtenir une répartition des biens conforme à leurs droits ; que les premiers juges ont retenu à bon droit que la cause du partage se trouve altérée chaque fois que les allotissements ne sont pas la représentation fidèle des droits de chacun et que tel est le cas pour une succession partagée dans l'ignorance d'un testament, l'erreur portant sur la quotité des droits et sur la cause même du partage ; que compte tenu des termes du testament établi par Madame X..., M. Y... ne pouvait prétendre à aucun droit sur l'immeuble de Grigny lequel appartenait en propre à la défunte ; que, pourtant, l'acte de partage attribue à M. Y... des droits au titre de l'usufruit sur l'immeuble de Grigny à hauteur de 240. 000 F ; que la convention de partage a été signée par Madame Z... sous la fausse croyance de l'existence au profit de M. Y... d'un usufruit légal dont celui-ci avait 1990 ; que l'erreur alléguée par Mme Z... porte sur la quotité de ses droits et la cause même du partage ; que M. Y... ne peut valablement soutenir qu'en attestant elle-même (dans une autre convention du même jour) de l'existence d'un legs verbal " maintes fois réitéré " par sa mère, Madame Z... a mis à néant le testament de 1990 qui, selon lui, s'est trouvé implicitement révoqué par ce legs ; que la renonciation invoquée ne pouvait être claire et réelle qu'à la condition que Madame Z... ait été informée des dispositions testamentaires du 2 novembre 1990 ; que M. Y... allègue vainement que si la mention de la renonciation de Madame Z... au testament n'apparaît pas, ce serait parce que l'intimée a fait part de son consentement à quatre reprises en signant les conventions établies par Maître A... et afin d'éviter toute difficulté avec l'administration fiscale ; que Madame Z... ne pouvait utilement renoncer à ses droits par la convention sous seing privé du 12 novembre 1996 puisqu'il n'est pas établi qu'elle avait connaissance de l'existence d'un testament relatant la volonté expresse de sa mère, testament non révoqué jusqu'au décès » ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE « l'article 1131 du Code civil énonce que l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ; que l'erreur sur la cause du partage peut entraîner la nullité de celui-ci lorsqu'elle détruit son équilibre et son fondement ; qu'en effet, le but du partage est d'obtenir une répartition des biens conforme aux droits des héritiers, chacun devant recevoir un lot correspondant à la quote-part qu'il possède dans la masse à partager ; qu'ainsi, la cause du partage qui est d'attribuer à chacun des copartageants des biens d'une valeur égale à ses droits dans la masse se trouve altérée chaque fois que les allotissements ne sont pas la représentation fidèle des droits de chacun ; que tel est le cas pour une succession partagée dans l'ignorance d'un testament, l'erreur portant sur la quotité des droits et sur la cause même du partage. Attendu que tel est le cas en l'espèce ; qu'en effet, dans l'acte de notoriété établi le 12 novembre 1996 par Maître A..., notaire, celui-ci relevant que Madame Chantal X... décédée le 26 janvier 1996 à Pierre C... laissait pour lui succéder Monsieur Joël Y... son époux et Mademoiselle Corinne Z... sa fille, indiquait expressément que la défunte n'avait laissé aucune disposition de dernières volontés et précisait qu'il avait interrogé le fichier des dernières volontés et ce alors même qu'il avait écrit le 18 mars 1996 à Monsieur Joël Y... pour l'informer de l'existence d'un testament déposé par Madame Chantal X... chez Maître D... Notaire à Vallon Pont d'Arc ; que cette même mention de l'absence de dispositions de dernières volontés a été reprise par Maître A... d'une part dans la convention conclue le 12 novembre 1996 entre Monsieur Joël Y... et Mademoiselle Corinne Z... aux termes de laquelle était reconnue l'existence d'un legs verbal au profit de Monsieur Joël Y... et portant sur l'usufruit de l'immeuble sis à Grigny et d'autre part dans l'acte de partage établi le même jour et aux termes duquel Monsieur Joël Y... se voyait attribuer en pleine propriété l'immeuble sis à Grigny moyennant le paiement à Mademoiselle Corinne Z... d'une soulte de 54. 881, 65 € ; qu'aux termes du testament établi le 2 novembre 1990, Madame Chantal X... a légué à son mari l'usufruit de tous ses biens meubles ou immeubles à l'exception de ceux dont elle se trouvait alors propriétaire ou de ceux qui pourraient lui revenir par donation ou succession lesquels ne seraient soumis à cet usufruit et reviendraient en pleine propriété à ses héritiers ; dès lors, qu'en vertu de ce testament et par application des dispositions de l'article 767 du Code civil, lequel prévoit notamment que le conjoint survivant non divorcé qui ne succède pas à la pleine propriété a un droit d'usufruit de un quart si le défunt laisse un ou plusieurs enfants légitimes, étant précisé qu'il ne pourra exercer son droit que sur les biens dont le prédécédé n'aura pas disposé ni par actes entre vifs ni par actes testamentaires, Monsieur Joël Y... ne pouvait plus prétendre à aucun droit sur l'immeuble de Grigny, pas même à l'usufruit légal étant précisé qu'il n'est pas contesté que celui-ci appartenait en propre à Madame Chantal X... qui l'ayant acquis avec son premier époux en 1974 avait ensuite de son divorce racheté les droits de ce dernier sur cet immeuble en 1985. Attendu dès lors, que le partage a été fait sur des bases fausses constituant une erreur sur la cause ; en outre, que le seul courrier faisant état de l'existence et du contenu du testament adressé le mars 1996 à Monsieur Joël Y... et portant en bas la mention manuscrite " copie à Catherine Z... " ne saurait suffire à établir avec certitude que celle-ci a eu connaissance à l'époque des opérations de partage dudit testament, rien n'établissant qui a apposé ladite mention ni quand celle-ci a été portée ; qu'en outre, Maître A... qui indiquait le 26 avril 2000 que Mademoiselle Corinne Z... avait fait choix de ne pas appliquer le testament n'a pu communiquer copie du courrier qu'il lui aurait adressé l'informant des dispositions de dernières volontés adoptées par sa mère ; en tout état de cause, qu'eu égard à l'existence du testament, il appartenait au notaire pour en écarter l'application, de recueillir la renonciation expresse de Mademoiselle Corinne Z... à son bénéfice ; que tel n'a pas été le cas ; que dès lors, le testament est demeuré valable et que le partage établi sans en tenir compte doit être considéré comme ne respectant ni l'équilibre ni le fondement du partage de sorte que l'erreur alléguée par Mademoiselle Corinne Z... portant sur la quotité de ses droits et la cause même du partage est de nature à entraîner la nullité de celui-ci ; qu'elle sera prononcée, de même que celle de l'acte de notoriété établi ; qu'il devra être tenu compte dans les opérations de partage du fait que Monsieur Joël Y... a récupéré la totalité des liquidités soit la somme de 18. 028, 38 €, à charge pour lui de régler le passif s'élevant à la somme de 21. 873, 82 € comme il en a été convenu entre les parties par acte du 12 novembre 1996 ; en outre, qu'il appartiendra à Monsieur Joël Y... de faire état dans le cadre des opérations de partage d'éventuelles récompenses dont il entend faire état, étant relevé que les factures dont il fait état ont été établies au nom de Monsieur et Madame Y... ; que la convention de legs verbal conclue le 12 novembre 1996 entre Mademoiselle Corinne Z... et Monsieur Joël Y... au profit de ce dernier a été établie sur le postulat de l'absence de dernières volontés de la défunte alors même que celle-ci avait rédigé un testament le 2 novembre 1990, lequel exprimait une volonté contraire puisque loin de reconnaître un usufruit de son conjoint sur l'immeuble sis à Grigny qu'elle possédait, elle a entendu donner la pleine propriété de celui-ci à sa fille unique ; qu'il apparaît fondamental de souligner que madame Chantal X... n'a jamais révoqué ce testament et ce alors même qu'atteinte d'une grave maladie, elle se savait condamnée ; dès lors qu'il doit être considéré que lors de la reconnaissance de l'existence du legs verbal, le consentement de Mademoiselle Corinne Z... était altéré d'une part par son absence de connaissance de l'existence du testament et d'autre part, par le fait qu'elle traversait alors une période de trouble, ce dont attestent Madame Sophie E..., Madame Florence F..., le Docteur Véronique I... qui indique que du décès de sa mère à fin 1998, Mademoiselle Corinne Z... n'était plus en pleine possession de ses moyens et le Docteur Danièle H..., psychiatre, qui rapporte qu'en février 1998, Mademoiselle Corinne Z... demeurait dans un état de deuil pathologique et dans une sorte d'indifférence face à certains éléments de la réalité ; que cette convention de legs verbal sera également annulée » ;
ALORS QU'il incombe au demandeur en nullité de rapporter la preuve d'une erreur sur la cause ; que pour retenir l'existence d'une erreur sur la cause dont aurait été victime Madame Z..., qui aurait résulté de son ignorance, à la date de la signature de la convention d'exécution de legs verbal du 12 novembre 1996, d'un testament antérieur qui lui aurait bénéficié, la Cour d'appel a énoncé qu'il appartenait à Monsieur Y... de rapporter la preuve de la connaissance par Madame Z... de ce testament, preuve qui n'était pas établie en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et ce faisant, a violé l'article 1315 du Code civil.