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03/02/2010 | FRANCE | N°08-19293

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 février 2010, 08-19293


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le peintre Arman, décédé en 2005, avait remis en 2000, à M. X..., sept tableaux placés sur les murs du restaurant que celui-ci venait d'ouvrir à New York ; qu'à la fermeture de l'établissement en 2006, celui-ci a ramené les tableaux en France et les a confiés à la société Camard et associés en vue d'une vente aux enchères ; que par ordonnance sur requête du 7 juin 2007, le juge de l'exécution a autorisé Mme Y..., veuve du peintre et son exécuteur testamentaire, à pratiquer à titre co

nservatoire, la saisie-revendication des sept oeuvres identifiées entre l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le peintre Arman, décédé en 2005, avait remis en 2000, à M. X..., sept tableaux placés sur les murs du restaurant que celui-ci venait d'ouvrir à New York ; qu'à la fermeture de l'établissement en 2006, celui-ci a ramené les tableaux en France et les a confiés à la société Camard et associés en vue d'une vente aux enchères ; que par ordonnance sur requête du 7 juin 2007, le juge de l'exécution a autorisé Mme Y..., veuve du peintre et son exécuteur testamentaire, à pratiquer à titre conservatoire, la saisie-revendication des sept oeuvres identifiées entre les mains de la société Camard et associés ; que par jugement du 5 décembre 2007, le juge de l'exécution a rétracté son ordonnance du 7 juin 2007, et ordonné à Mme Y... de procéder à la mainlevée immédiate de la saisie-revendication pratiquée le 8 juin 2007 :
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 19 juin 2008) d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête l'ayant autorisée à procéder à la saisie contestée, de lui avoir ordonné de procéder, sous astreinte, à la mainlevée de la saisie-revendication pratiquée le 8 juin 2007, entre les mains de la société de vente volontaire de meubles aux enchères publiques Camard et associés, et de l'avoir condamnée à payer à la société Camard et associés une somme de 10 000 euros toutes causes de préjudice confondues, alors, selon le moyen, qu'en statuant ainsi par application de la loi française, sans rechercher, comme l'y invitait Mme Y... dans ses conclusions (signifiées le 13 mai 2008, p. 26), si le point de savoir si les oeuvres litigieuses avaient fait l'objet d'un don manuel d'Arman à Alain X... ne relevait pas de la loi américaine, laquelle ne connaît pas la même présomption de propriété que celle attachée à la possession d'un meuble par la loi française, et fait au contraire peser sur celui qui se prévaut du don la charge de prouver l'existence et la validité de cette libéralité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil ;
Mais attendu que la loi française est seule applicable aux droits réels dont sont l'objet des biens mobiliers situés en France ; qu'ayant constaté que M. X... avait rapporté les oeuvres en France en janvier 2007, où elles se trouvaient lorsque Mme Y... les a revendiquées, c'est à bon droit que la cour d'appel a fait application de la présomption édictée à l'article 2279 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à relever que l'apparence montrait que les oeuvres d'Arman étaient dans le restaurant d'Alain X... à New York depuis l'année 2000, sans rechercher si la possession des oeuvres par M. X..., au jour du prétendu don manuel, n'était pas précaire et équivoque, et si le restaurateur s'était comporté en propriétaire des oeuvres litigieuses dans des circonstances qui n'étaient pas de nature à faire douter de cette qualité, quand notamment M. Z... attestait qu'il savait que le dépôt des oeuvres chez le restaurateur avait été fait compte tenu des relations amicales qui le liaient à l'artiste et que c'était à raison de cet échange de bons procédés qu'il avait obtenu des facilités pour dîner aisément dans le restaurant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 2279 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les oeuvres de Arman étaient dans le restaurant de M. X... à New York depuis 2000, qu'il les avait rapportées en France en janvier 2007 et que Mme Y..., n'avait pas réclamé la restitution des tableaux après le décès de son mari en 2005, la cour d'appel a pu en déduire que la possession n'était pas équivoque ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et la condamne à payer la somme de 2 000 euros, d'une part, à la société Camard et associés et, d'autre part, à M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour Mme Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête ayant autorisé Madame Y... à procéder à la saisie contestée, D'AVOIR ordonné à Madame Y... de procéder à la mainlevée de la saisie-revendication pratiquée le 8 juin 2007, entre les mains de la société de vente volontaire de meubles aux enchères publiques CAMARD ET ASSOCIES, dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1. 000 € par jour de retard pendant deux mois, et D'AVOIR condamné Madame Y... à payer à la société CAMARD ET ASSOCIES une somme de 10. 000 € toutes causes de préjudice confondues ;
AUX MOTIFS QU'« il est constant que la validité d'une mesure conservatoire pratiquée en France est régie par les textes du droit français applicables ; que Corice Y... soutient que les sept oeuvres d'ARMAN revendiquées n'ont été que déposées chez Alain X... pour décorer son restaurant, qu'elle a qualité, en tant qu'exécutrice testamentaire de son époux décédé et fidéicommissaire du « trust » institué par celui-ci, auquel il a cédé ses biens et droits mobiliers et immobiliers, pour les revendiquer au nom du « trust » ; qu'Alain X... soutient que les oeuvres lui ont été données par l'artiste lui-même, par don manuel ; que l'apparence montre que les oeuvres d'ARMAN étaient dans le restaurant d'Alain X... à NEW YORK depuis l'année 2000 ; qu'il les a rapportées en FRANCE en janvier 2007, après qu'il a fermé cet établissement ; que Corice Y... depuis qu'elle se dit investie des qualités lui permettant d'agir pour la sauvegarde des oeuvres d'ARMAN, après son décès en 2005, n'a pas réclamé la restitution de ces oeuvres dont elle connaissait la présence dans l'établissement d'Alain X... ; qu'en application de la présomption de l'article 2279 du code civil, Corice Y... n'apparaît pas fondée à revendiquer la propriété de ces oeuvres pour la succession ou la fiducie ; que, pour combattre cette présomption, Corice Y..., qui doit rapporter la preuve de l'absence de don manuel, soutient qu'un homme avisé comme Alain X... n'aurait jamais pu recevoir ces oeuvres sans s'assurer par un écrit qu'elles lui appartenaient désormais ; mais qu'à l'inverse, un artiste comme ARMAN, que son épouse dit soucieux de la diffusion de son oeuvre et de sa valeur économique, ne pouvait déposer chez un ami des oeuvres sans garder la preuve écrite de ce dépôt, preuve que Corice Y... ne rapporte pas ; qu'elle produit un document non daté, qu'elle qualifie de lettre, qui serait de la main d'ARMAN, adressée à Alain X..., selon lequel celui-ci lui « doit » la somme de « 350. 000 US » dollars pour les sept panneaux litigieux ; mais que ce document dont l'origine n'est pas expliquée, ne peut être considéré comme une facture, et le serait-il, il n'a jamais été présenté à Alain X... pour paiement ou simple reprise par l'artiste de son vivant ; que les mentions qu'il porte ne suffisent pas à caractériser le simple dépôt chez Alain X... ; qu'enfin, un seul témoignage, celui de Monsieur Z..., ne peut suffire à contredire la présomption de titre d'Alain X..., d'autant que celui-ci produit lui-même un témoignage qui rapporte l'intention libérale d'ARMAN dans la réalisation des oeuvres pour le restaurant » (arrêt pp. 3 et 4) ;
ALORS QU'en statuant ainsi par application de la loi française, sans rechercher, comme l'y invitait Madame Y... dans ses conclusions (signifiées le 13 mai 2008, p. 26), si le point de savoir si les oeuvres litigieuses avaient fait l'objet d'un don manuel d'ARMAN à Alain X... ne relevait pas de la loi américaine, laquelle ne connaît pas la même présomption de propriété que celle attachée à la possession d'un meuble par la loi française, et fait au contraire peser sur celui qui se prévaut du don la charge de prouver l'existence et la validité de cette libéralité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rétracté l'ordonnance sur requête ayant autorisé Madame Y... à procéder à la saisie contestée, D'AVOIR ordonné à Madame Y... de procéder à la mainlevée de la saisie-revendication pratiquée le 8 juin 2007, entre les mains de la société de vente volontaire de meubles aux enchères publiques CAMARD ET ASSOCIES, dans les 15 jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1. 000 € par jour de retard pendant deux mois, et D'AVOIR condamné Madame Y... à payer à la société CAMARD ET ASSOCIES une somme de 10. 000 € toutes causes de préjudice confondues ;
AUX MOTIFS QUE « Corice Y... soutient que les sept oeuvres d'ARMAN revendiquées n'ont été que déposées chez Alain X... pour décorer son restaurant, qu'elle a qualité, en tant qu'exécutrice testamentaire de son époux décédé et fidéicommissaire du « trust » institué par celui-ci, auquel il a cédé ses biens et droits mobiliers et immobiliers, pour les revendiquer au nom du « trust » ; qu'Alain X... soutient que les oeuvres lui ont été données par l'artiste lui-même, par don manuel ; que l'apparence montre que les oeuvres d'ARMAN étaient dans le restaurant d'Alain X... à NEW YORK depuis l'année 2000 ; qu'il les a rapportées en FRANCE en janvier 2007, après qu'il a fermé cet établissement ; que Corice Y... depuis qu'elle se dit investie des qualités lui permettant d'agir pour la sauvegarde des oeuvres d'ARMAN, après son décès en 2005, n'a pas réclamé la restitution de ces oeuvres dont elle connaissait la présence dans l'établissement d'Alain X... ; qu'en application de la présomption de l'article 2279 du code civil, Corice Y... n'apparaît pas fondée à revendiquer la propriété de ces oeuvres pour la succession ou la fiducie ; que, pour combattre cette présomption, Corice Y..., qui doit rapporter la preuve de l'absence de don manuel, soutient qu'un homme avisé comme Alain X... n'aurait jamais pu recevoir ces oeuvres sans s'assurer par un écrit qu'elles lui appartenaient désormais ; mais qu'à l'inverse, un artiste comme ARMAN, que son épouse dit soucieux de la diffusion de son oeuvre et de sa valeur économique, ne pouvait déposer chez un ami des oeuvres sans garder la preuve écrite de ce dépôt, preuve que Corice Y... ne rapporte pas ; qu'elle produit un document non daté, qu'elle qualifie de lettre, qui serait de la main d'ARMAN, adressée à Alain X..., selon lequel celui-ci lui « doit » la somme de « 350. 000 US » dollars pour les sept panneaux litigieux ; mais que ce document dont l'origine n'est pas expliquée, ne peut être considéré comme une facture, et le serait-il, il n'a jamais été présenté à Alain X... pour paiement ou simple reprise par l'artiste de son vivant ; que les mentions qu'il porte ne suffisent pas à caractériser le simple dépôt chez Alain X... ; qu'enfin, un seul témoignage, celui de Monsieur Z..., ne peut suffire à contredire la présomption de titre d'Alain X..., d'autant que celui-ci produit lui-même un témoignage qui rapporte l'intention libérale d'ARMAN dans la réalisation des oeuvres pour le restaurant » (arrêt pp. 3 et 4) ;
ALORS QU'en se bornant à relever que l'apparence montrait que les oeuvres d'ARMAN étaient dans le restaurant d'Alain X... à New York depuis l'année 2000, sans rechercher si la possession des oeuvres par Monsieur X..., au jour du prétendu don manuel, n'était pas précaire et équivoque, et si le restaurateur s'était comporté en propriétaire des oeuvres litigieuses dans des circonstances qui n'étaient pas de nature à faire douter de cette qualité, quand notamment Monsieur Z... attestait qu'il savait que le dépôt des oeuvres chez le restaurateur avait été fait compte tenu des relations amicales qui le liait à l'artiste et que c'était à raison de cet échange de bons procédés qu'il avait obtenu des facilités pour dîner aisément dans le restaurant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 2279 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 08-19293
Date de la décision : 03/02/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Loi de la situation des biens - Domaine d'application - Droits réels relatifs à des biens mobiliers situés en France - Effet

POSSESSION - Biens mobiliers situés en France - Loi applicable - Détermination

C'est à bon droit qu'une cour d'appel fait application de la présomption édictée à l'article 2279 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 à des oeuvres rapportées en France en janvier 2007 et revendiquées alors qu'elles s'y trouvaient, la loi française étant seule applicable aux droits réels dont sont l'objet des biens mobiliers situés en France


Références :

article 2279 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 2008

Sur l'application de la loi française aux droits réels dont sont l'objet les biens mobiliers situés en France, dans le même sens que :1re Civ., 8 juillet 1969, pourvoi n° 67-12467, Bull. 1969, I, n° 268 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 fév. 2010, pourvoi n°08-19293, Bull. civ. 2010, I, n° 28
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 28

Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Legoux
Rapporteur ?: Mme Monéger
Avocat(s) : Me Blanc, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.19293
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