LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X...Vincent,
- Y...Stéphane,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, en date du 17 décembre 2008, qui, pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, les a condamnés chacun à 1 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs, et le mémoire en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la publication, le 26 mai 2004, d'un article la mettant en cause en sa qualité d'institutrice, Frédérique Z...a porté plainte et s'est constituée partie civile les 13 et 27 juillet 2004 des chefs d'outrage, dénonciation calomnieuse, atteinte à la vie privée et diffamation publique envers un fonctionnaire public ; que, le 21 février 2005, le procureur de la République a requis qu'il ne soit pas informé de ce dernier chef en raison de la prescription de l'action publique ; que le juge d'instruction s'est abstenu de statuer sur ces réquisitions tout en continuant à informer sur l'ensemble des faits dénoncés ; qu'à l'issue de l'information, sur réquisitions conformes du ministère public, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de Vincent X... et de Stéphane Y...devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers un fonctionnaire public, non-lieu ayant été prononcé sur les autres chefs de la plainte ; que, sur appel de la partie civile, la chambre de l'instruction a ordonné le renvoi des intéressés également pour atteinte à la vie privée ; que le tribunal, après avoir écarté les exceptions de nullité de la procédure et de prescription, a relaxé les prévenus du chef d'atteinte à la vie privée et les a déclarés coupables de diffamation publique envers un fonctionnaire public ; que, statuant sur les appels de toutes les parties, les juges du second degré ont confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 31, 35, 47, 50, 55 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 1382 code civil, des articles 51, 80, 86, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant rejeté les exceptions de nullité et de prescription, ayant déclaré Stéphane Y...et Vincent X... coupables de diffamation envers un fonctionnaire public, les ayant condamnés, chacun, à une amende de 1 000 euros et les ayant condamnés, solidairement, à payer à Frédérique Z...la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que, le 13 juillet 2004, Frédérique Z...déposait plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Catherine B...des chefs d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et de dénonciation calomnieuse, à l'encontre de Vincent X..., directeur de publication du journal Oise Hebdo des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et complicité de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique, à l'encontre de Stéphane Y..., journaliste à Oise Hebdo, des chefs de diffamation envers un dépositaire de l'autorité publique et contre X des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée ; que cette plainte était complétée par une seconde plainte avec constitution de partie civile datée du 27 juillet 2004 ; que, par ordonnance du 25 janvier 2005, était fixée la consignation qui était versée entre les mains du régisseur du tribunal de grande instance de Beauvais le 14 février 2005 ; que l'ordonnance de soit-communiqué intervenait le 17 février 2005 ; que, par réquisitoire introductif du 21 février 2005, le procureur de la République requérait que soit constatée par le juge d'instruction la prescription de l'action publique, qu'intervienne un non-lieu à informer du chef de diffamation, et requérait instruction sur les deux qualifications d'outrages à personne dépositaire de l'autorité publique et dénonciation calomnieuse contre Catherine B...et du chef d'atteinte à l'intimité de la vie privée contre X ; que, si la prescription n'est pas acquise du fait de la suspension de la prescription de la date du dépôt de la plainte à celle du versement de la consignation, quel que soit le délai mis par le juge pour ordonner la consignation, demeure posé le problème de l'interruption de la prescription par les deux plaintes successives des 13 et 27 juillet 2004 ; que l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que les actions en diffamation se prescrivent après trois mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite ; que cette prescription n'est pas interrompue par une plainte non conforme aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 et il appartient à la juridiction saisie d'apprécier cette conformité de l'acte initial de saisine ; que la plainte initiale du 13 juillet 2004, complétée par la plainte du 27 juillet 2004, ne comporte que le visa de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, mais ce visa global n'entache pas de nullité ces plaintes avec constitution de partie civile dès lors que les faits incriminés contiennent uniquement la critique d'actes liés aux fonctions du plaignant ; que ces plaintes comportent par ailleurs une articulation des faits visés et leur qualification, de sorte que les prévenus ne pouvaient avoir aucun doute sur la nature du délit et ont pu préparer utilement leur défense ; que l'exception de nullité soulevée par Stéphane Y...et Vincent X... sera en conséquence rejetée ;
" 1° / alors qu'en l'état de réquisitions du ministère public tendant à un refus d'informer en raison de la prescription des faits, la plainte avec constitution de partie civile ne met en mouvement l'action publique que, si le juge saisi de cette plainte passe outre par une ordonnance motivée ; que les demandeurs faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que la plainte avec constitution de partie civile n'avait pu mettre en mouvement l'action publique en l'absence d'une ordonnance motivée du juge d'instruction décidant de passer outre les réquisitions de non-informer ; qu'en entrant en voie de condamnation contre les demandeurs alors qu'en l'état du réquisitoire de non-informer et du défaut d'ordonnance motivée de passer outre, l'action publique du chef du délit de diffamation n'avait pas été régulièrement mise en mouvement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° / alors que si le juge d'instruction, régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, a le devoir d'instruire quelles que soient les réquisitions du ministère public, il ne peut toutefois, s'il est saisi d'un réquisitoire de refus d'informer en raison de la prescription, passer outre, sans statuer par une ordonnance motivée ; que les demandeurs faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que le juge d'instruction avait passé outre le réquisitoire introductif de refus d'informer du chef de diffamation, en raison de la prescription de l'action publique, sans rendre une ordonnance motivée, en sorte que les actes de l'instruction n'avaient pu interrompre la prescription ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme cela lui était demandé, si la prescription du délit de diffamation n'était pas acquise, à défaut d'une ordonnance motivée justifiant la saisine régulière du juge d'instruction de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés " ;
Attendu que, devant les juges du fond, Vincent X... et Stéphane Y...ont soutenu que le juge d'instruction avait, en méconnaissance des dispositions de l'article 86 du Code de procédure pénale, poursuivi l'information sans avoir répondu, par une ordonnance motivée, aux réquisitions de non-informer prises par le procureur de la République de sorte que, les actes accomplis par celui-ci n'ayant pu interrompre la prescription de l'action publique, celle-ci était acquise ;
Attendu qu'en cet état, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel ait écarté cette argumentation, par les motifs repris au moyen, dès lors que la méconnaissance des dispositions légales précitées étant constitutive d'une nullité qu'il appartenait aux parties de soulever avant la clôture de l'information, elle aurait dû déclarer cette exception irrecevable ;
Qu'en effet, selon les articles 179, alinéa 6, et 385, alinéa 4, du code de procédure pénale, lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure ; qu'il n'en est autrement en matière de presse que lorsqu'est invoquée la méconnaissance des prescriptions de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 29, 31, 35, 47, 50, 55 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 1382 code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant rejeté les exceptions de nullité et de prescription, ayant déclaré Stéphane Y...et Vincent X... coupables de diffamation envers un fonctionnaire public, les ayant condamnés, chacun, à une amende de 1 000 euros et les ayant condamnés, solidairement, à payer à Frédérique Z...la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs propres que, vu des éléments du dossier, la Cour s'appropriant l'exposé des faits tels que relatés par les premiers juges, estime que ceux-ci, par des motifs pertinents qu'elle adopte, a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause et de la règle de droit pour entrer en voie de condamnation ; que la décision déférée sera confirmée tant sur la culpabilité que sur la peine ;
" et aux motifs adoptés que Frédérique Z..., institutrice en CM1 à l'école Ferdinand D...au moment des faits, avait fait l'objet d'une pétition le 15 avril 2004 de la part des parents d'élèves qui se plaignaient de son comportement à l'égard des enfants notamment de faits de violences verbales et physiques ; que Mme E..., faisant fonction de directrice, avait organisé une réunion à l'école avec les parents pour en parler ; que Stéphane Y..., journaliste à Oise Hebdo, s'était présenté à la réunion mais avait été invité par l'inspectrice d'académie à sortir, avant que les débats ne commencent ; que, c'est dans ce contexte que Stéphane Y...et Vincent X... ont écrit et publié l'article incriminé du 22 mai 2006 ; qu'or, il est constant que Frédérique Z...n'a pas démissionné ; qu'elle a accepté un changement de poste proposé par l'Académie qui souhaitait apaiser les esprits ; que Vincent X..., directeur de la publication qui décide de la Une avec les journalistes n'a pas contesté ce fait, ni lors de la première comparution devant le juge d'instruction ni au cours de l'audience, en précisant que le terme de démission était « moins dur » que le terme mutation dans la mesure où « la démission était choisie et non la mutation » ; que ces explications ont été reprises par Stéphane Y...lors de l'audience ; que Frédérique Z...n'a donc pas été contrainte de démissionner contrairement au titre de l'article de Oise Hebdo ; que ledit article faisant référence à des actes répréhensibles qu'auraient commis Frédérique Z..., il laissait croire que l'inspection d'académie avait mis fin à sa carrière d'institutrice du fait d'un comportement d'une particulière gravité qui était incompatible avec ses fonctions, ce qui s'est révélé inexact ; que les propos tenus par Oise Hebdo de « contrainte à la démission » dans le contexte des faits relatés dans le corps de l'article, sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Frédérique Z...; que l'offre de preuve signifiée par les prévenus le 30 août 2006, ne démontre pas la vérité du fait allégué dans la mesure où il a été établi que Frédérique Z...n'avait pas été contrainte de démissionner mais avait été mutée avec son accord, ce qui a été reconnu par les prévenus qui ont employé le terme de démission à la place de mutation suivant une appréciation personnelle qui ne correspondait pas à la réalité de la situation ; que l'article incriminé dans un encart intitulé « discrétion demandée » a mentionné « une affaire concernant l'école publique, mettant en danger les enfants de la classe de CM1 de I'école Ferdinand D...» ; qu'il en ressort que Frédérique Z...aurait eu un comportement à l'égard des enfants qui les mettrait en danger, infraction pénalement répréhensible et susceptible de sanctions pénales particulièrement graves ; qu'une telle affirmation stigmatisant les agissements de Frédérique Z...est de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que l'offre de preuve signifiée par les prévenus le 30 août 2006, ne démontre pas la vérité des faits allégués, soit la mise en danger des enfants ; qu'en effet, elle s'appuie sur des témoignages de parents qui notamment font état d'un coup de règle ou d'une gifle que Frédérique Z...a d'ailleurs reconnu avoir donné et regretté, sans que ces faits aient donné lieu à des plaintes des parents et à des poursuites pénales ; qu'aucun certificat médical n'est versé aux débats qui démontreraient que les enfants aient été victimes de coups et blessures qui les auraient mis en danger ; que sur l'exception de bonne foi invoquée par Vincent X... et Stéphane Y..., il convient de relever que s'il était légitime pour Oise Hebdo d'informer ses lecteurs sur le conflit qui opposait certains parents d'élèves de l'école Ferdinand D...à Frédérique Z..., les termes employées sont dénués de prudence et de modération ; qu'en effet, l'article de presse incriminé parle « d'agressions » et de « coups » donnés aux enfants par Frédérique Z..., de « pressions psychologiques » à leur encontre et encore de « démission forcée » du fait de ses agissements ; que Stéphane Y...ne démontre pas avoir effectué une enquête sérieuse notamment en essayant d'obtenir le témoignage de Frédérique Z...; que les faits relatés s'appuient uniquement sur les témoignages des enfants ainsi que le reconnaît Stéphane Y...tant lors de l'interrogatoire de première comparution devant le juge d'instruction que lors de la confrontation ; qu'il a soutenu que ses appels téléphoniques en direction de Frédérique Z...étaient restés sans réponse « le téléphone sonnant dans le vide » alors que dans le procès verbal de confrontation, il reconnaissait avoir eu sa messagerie mais ne pas avoir laissé de message car « en général on ne rappelle jamais » ; que Vincent X... et Stéphane Y...ne démontrent pas avoir agi de bonne foi ; qu'en conséquence, Stéphane Y..., journaliste et auteur de l'article incriminé, et Vincent X..., directeur de la publication, sont déclarés coupables du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public et sont condamnés chacun à une peine d'amende de 1 000 euros » ;
" 1° / alors que ne dépasse pas les limites admissibles de la liberté d'expression dans la critique des dysfonctionnement du service public de l'enseignement, l'article de presse traitant d'un sujet d'intérêt général d'une importance particulière au niveau local et stigmatisant le comportement violant d'une institutrice envers les enfants qui lui ont été confiés ; qu'en rejetant le fait justificatif de bonne foi alors que l'article incriminé, qui stigmatisait le comportement d'une institutrice en proie à des accès de violence verbale et physique envers ses élèves, traitait d'un sujet d'intérêt général et ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2° / alors que la liberté d'expression ne saurait, sans se révéler discriminatoire, trouver comme limite admissible du droit d'information du public et du droit de libre critique le seul débât d'intérêt général d'une importance nationale ou internationale à l'exclusion du débat d'intérêt local ; qu'en écartant l'exception de bonne foi alors que le débat d'intérêt général, fut-il d'une importance particulière au seul niveau local, justifiait l'article incriminé qui ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d'expression, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 31, 35, 47, 50, 55 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 1382 code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé le jugement ayant rejeté les exceptions de nullité et de prescription, ayant déclaré Stéphane Y...et X... coupables de diffamation envers un fonctionnaire public, les ayant condamnés, chacun, à une amende de 1 000 euros et les ayant condamnés, solidairement, à payer à Frédérique Z...la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs propres que, vu des éléments du dossier, la cour s'appropriant l'exposé des faits tels que relatés par les premiers juges, estime que ceux-ci, par des motifs pertinents qu'elle adopte, a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause et de la règle de droit pour entrer en voie de condamnation ; que la décision déférée sera confirmée tant sur la culpabilité que sur la peine ;
" et aux motifs adoptés que Frédérique Z..., institutrice en CM1 à l'école Ferdinand D...au moment des faits, avait fait l'objet d'une pétition le 15 avril 2004 de la part des parents d'élèves qui se plaignaient de son comportement à l'égard des enfants notamment de faits de violences verbales et physiques ; que Mme E..., faisant fonction de directrice, avait organisé une réunion à l'école avec les parents pour en parler ; que Stéphane Y..., journaliste à Oise Hebdo, s'était présenté à la réunion mais avait été invité par l'inspectrice d'académie à sortir, avant que les débats ne commencent ; que c'est dans ce contexte que Stéphane Y...et Vincent X... ont écrit et publié l'article incriminé du 22 mai 2006 ; qu'or, il est constant que Frédérique Z...n'a pas démissionné ; qu'elle a accepté un changement de poste proposé par l'académie qui souhaitait apaiser les esprits ; que Vincent X..., directeur de la publication qui décide de la Une avec les journalistes n'a pas contesté ce fait, ni lors de la première comparution devant le juge d'instruction ni au cours de l'audience, en précisant que le terme de démission était « moins dur » que le terme mutation dans la mesure où « la démission était choisie et non la mutation » ; que ces explications ont été reprises par Stéphane Y...lors de l'audience ; que Frédérique Z...n'a donc pas été contrainte de démissionner contrairement au titre de l'article de Oise Hebdo ; que ledit article faisant référence à des actes répréhensibles qu'auraient commis Frédérique Z..., il laissait croire que l'Inspection d'Académie avait mis fin à sa carrière d'institutrice du fait d'un comportement d'une particulière gravité qui était incompatible avec ses fonctions, ce qui s'est révélé inexact ; que les propos tenus par Oise Hebdo de « contrainte à la démission » dans le contexte des faits relatés dans le corps de l'article, sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Frédérique Z...; que l'offre de preuve signifiée par les prévenus le 30 août 2006, ne démontre pas la vérité du fait allégué dans la mesure où il a été établi que Frédérique Z...n'avait pas été contrainte de démissionner mais avait été mutée avec son accord, ce qui a été reconnu par les prévenus qui ont employé le terme de démission à la place de mutation suivant une appréciation personnelle qui ne correspondait pas à la réalité de la situation ; que l'article incriminé dans un encart intitulé « discrétion demandée » a mentionné « une affaire concernant l'école publique, mettant en danger les enfants de la classe de CM1 de I'école Ferdinand D...» ; qu'il en ressort que Frédérique Z...aurait eu un comportement à l'égard des enfants qui les mettrait en danger, infraction pénalement répréhensible et susceptible de sanctions pénales particulièrement graves ; qu'une telle affirmation stigmatisant les agissements de Frédérique Z...est de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ; que l'offre de preuve signifiée par les prévenus le 30 août 2006, ne démontre pas la vérité des faits allégués, soit la mise en danger des enfants ; qu'en effet, elle s'appuie sur des témoignages de parents qui notamment font état d'un coup de règle ou d'une gifle que Frédérique Z...a d'ailleurs reconnu avoir donné et regretté, sans que ces faits aient donné lieu à des plaintes des parents et à des poursuites pénales ; qu'aucun certificat médical n'est versé aux débats qui démontreraient que les enfants aient été victimes de coups et blessures qui les auraient mis en danger ; que, sur l'exception de bonne foi invoquée par Vincent X... et Stéphane Y..., il convient de relever que s'il était légitime pour Oise Hebdo d'informer ses lecteurs sur le conflit qui opposait certains parents d'élèves de l'école Ferdinand D...à Frédérique Z..., les termes employées sont dénués de prudence et de modération ; qu'en effet, l'article de presse incriminé parle « d'agressions » et de « coups » donnés aux enfants par Frédérique Z..., de « pressions psychologiques » à leur encontre et encore de « démission forcée » du fait de ses agissements ; que Stéphane Y...ne démontre pas avoir effectué une enquête sérieuse notamment en essayant d'obtenir le témoignage de Frédérique Z...; que les faits relatés s'appuient uniquement sur les témoignages des enfants ainsi que le reconnaît Stéphane Y...tant lors de l'interrogatoire de première comparution devant le juge d'instruction que lors de la confrontation ; qu'il a soutenu que ses appels téléphoniques en direction de Frédérique Z...étaient restés sans réponse « le téléphone sonnant dans le vide » alors que dans le procès verbal de confrontation, il reconnaissait avoir eu sa messagerie mais ne pas avoir laissé de message car « en général on ne rappelle jamais » ; que Vincent X... et Stéphane Y...ne démontrent pas avoir agi de bonne foi ; qu'en conséquence, Stéphane Y..., journaliste et auteur de l'article incriminé, et Vincent X..., directeur de la publication, sont déclarés coupables du délit de diffamation publique envers un fonctionnaire public et sont condamnés chacun à une peine d'amende de 1 000 euros » ;
" 1° / alors que la vérité des imputations constitue un fait justificatif qui doit conduire à la relaxe des prévenus ; que Vincent X... et Frédérique Z...faisaient valoir, en cause d'appel, que la preuve de la vérité de la mise en danger des enfants était rapportée par la pétition de neuf pages établie par les parents d'élèves de la classe de CM1 de l'école Ferdinand D...relatant l'immense détresse de leurs enfants, par des attestations ou procès-verbal qui confirment la réalité des faits publiés et par les aveux circonstanciés de Frédérique Z...; qu'en écartant l'exception de vérité des faits au motif inopérant qu'aucun certificat médical n'avait été versé aux débats pour démontrer que les enfants avaient été « victimes de coups et blessures » tout en constatant que l'existence des violences verbales et physiques était établie par les témoignages des parents et les aveux circonstanciés de Frédérique Z..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;
" 2° / alors que tout jugement doit comporter des motifs propres à justifier sa décision ; que les juges ont relevé qu'au moment des faits Frédérique Z...avait fait l'objet d'une pétition de la part des parents d'élèves qui se plaignaient de son comportement à l'égard des enfants notamment de faits de violences verbales et physiques ; que les juges ont estimé que l'offre de preuve signifiée ne démontrait pas la vérité des faits allégués soit la mise en danger des enfants, infraction pénalement répréhensible et susceptible de sanctions pénales particulièrement graves : qu'en s'arrêtant, pour rejeter l'exception de vérité invoquée, à la seule acception pénale de l'expression « mise en danger » sans rechercher si les enfants d'une classe de CM1 n'avaient pas été exposés à un risque de troubles psychologiques du fait des violences avérées de leur institutrice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 3° / alors que la bonne foi peut résulter des éléments de preuve produits au soutien de l'exception de vérité ; que les exposants faisaient état d'un courrier du 8 juillet 2004 de l'inspection académique au rectorat d'Amiens, indiquant dans un « langage administratif feutré » que « j'ai reçu Frédérique Z...accompagnée par le SNUIPP, l'ai assurée de mon aide, et j'ai fait en sorte que pour cette fin d'année et pour l'année scolaire prochaine Frédérique Z...exerce ses fonctions dans une autre école » ; que les juges ont relevé que les demandeurs avaient soutenu que l'emploi du terme « démission » exprimait une certaine prudence et mesure dans l'expression dès lors que ce terme était moins dur que celui de « mutation » dans la mesure où « la démission est choisie et non la mutation » ; qu'en affirmant que l'emploi de l'expression « démission forcée » était dénuée de prudence et de modération sans s'expliquer sur les raisons du choix de ces termes avancées par les demandeurs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 4° / alors que la bonne foi des prévenus est exclusive de toute diffamation ; qu'en affirmant que les termes « agressions », « coups » et « pressions psychologiques » dont la réalité avait été démontrée, étaient des termes dénués de prudence et de modération, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 5° / alors qu'en écartant l'exception de bonne foi au motif que l'enquête n'aurait pas été sérieuse dans la mesure où, puisque si Stéphane Y...avait obtenu le témoignage de plusieurs enfants il n'aurait pas essayé d'obtenir le témoignage de Frédérique Z...tout en constatant que Stéphane Y...avait cherché en vain et à plusieurs reprises à contacter Frédérique Z...par téléphone mais avait seulement omis de lui laisser un message sur sa messagerie téléphonique sachant, d'expérience, que les personnes ne rappellent jamais, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 31, 35, 50, 55 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 1382 code civil, des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a confirmé les dispositions civiles du jugement rendu le 18 mars 2008 par le tribunal correctionnel de Beauvais ayant condamné Stéphane Y...et X..., solidairement, à payer à Frédérique Z...la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs implicitement adoptés qu'il convient de déclarer recevable la constitution de partie civile de Frédérique Z...; que celle-ci produit aux débats de nombreuses attestations notamment de son médecin psychiatre desquelles il ressort que Frédérique Z...a été atteinte d'une grave dépression à la suite de la parution de l'article de Oise Hebdo du fait des conséquences que les propos tenus à son encontre pourrait avoir sur sa vie personnelle et professionnelle ; qu'elle a été en congé de longue maladie et n'a pu reprendre ses activités en milieu scolaire ; qu'en conséquence, il convient de fixer à la somme de 5 000 euros la réparation du préjudice moral qu'elle a subi et condamner solidairement Stéphane Y...et Vincent X... à lui payer la dite somme ;
" alors que tout jugement doit répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont les juges du fond sont régulièrement saisis par les parties ; que les demandeurs faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que les documents versés aux débats montraient clairement que Frédérique Z...souffrait d'une dépression avant l'article paru dans l'Oise Hebdo, dépression qui expliquait sans doute en partie les mauvais traitements qu'elle a reconnus devant le juge d'instruction ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ses dispositions civiles aux motifs adoptés que Frédérique Z...avait été atteinte d'une grave dépression à la suite de la parution de l'article de l'Oise Hebdo du fait des conséquences que les propos tenus à son encontre pourraient avoir sur sa vie personnelle et professionnelle sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel des demanderus faisant valoir qu'il résultait des pièces de la procédure que celle-ci souffrait déjà d'une dépression lors de la parution de l'article de presse incriminé, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, et l'examen des pièces de la procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, d'une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, d'autre part, retenu à bon droit que la preuve de la vérité des faits diffamatoires n'était pas parfaite et corrélative aux diverses imputations et, enfin, caractérisé les circonstances particulières sur lesquelles elle s'est fondée pour écarter le bénéfice de la bonne foi, justifiant ainsil l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 1 500 euros la somme globale que Vincent X... et Stéphane Y...devront payer à Frédérique Z...au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;