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12/01/2010 | FRANCE | N°09-80679

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 janvier 2010, 09-80679


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Paul, partie civile,
- LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES
OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre David Y...du chef d'homicide et blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande

et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean-Paul X..., pris de la ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Paul, partie civile,
- LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES
OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, partie intervenante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre David Y...du chef d'homicide et blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Jean-Paul X..., pris de la violation des articles 1383 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que la cour d'appel a écarté la demande d'indemnisation du chef de la perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle et fixé le montant de la réparation du préjudice corporel subi par Jean-Paul X... à la somme de 36 354, 85 euros ;

" aux motifs que, pour les préjudices patrimoniaux permanents et la perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté cette demande d'indemnisation faute de démonstration d'une perte de rémunération à venir consécutive aux séquelles de l'accident ; qu'en effet, il est apparu, lors des opérations d'expertise, que l'arrêt de l'activité d'artisan plâtrier résulte du décès de Jacqueline X... qui gérait cette activité de son mari ; que l'appelant n'apporte pas d'éléments d'appréciation de nature à remettre en cause cette décision ; que, pour les préjudices extra-patrimoniaux temporaires et le déficit fonctionnel temporaire, il y a lieu de réformer le jugement déféré sur le quantum de l'indemnisation de ce poste de préjudice et d'allouer à ce titre à la victime, une somme de 7 683, 33 euros au titre des quatorze mois avant consolidation de ses blessures, sur la base des propositions de la compagnie d'assurances qui apparaissent satisfactoires ; que le surplus de la demande est rejetée comme étant non fondée ; que, pour les préjudices extra-patrimoniaux permanents et le déficit fonctionnel permanent, l'expert judiciaire a évalué à 15 % ce poste de préjudice en tenant compte des conséquences psychologiques de l'accident et de la perte de son épouse pour la victime, ce qui est contesté par la MAIF au vu des conclusions de son expert qui retient un taux de 6 % ; qu'au vu des conclusions de l'expert judiciaire et des autres éléments médicaux produits aux débats, il y a lieu de fixer à 15 % ce poste de préjudice compte tenu du retentissement psychologique caractérisé par les troubles de l'humeur résistant aux différentes thérapeutiques et prise en charge psychotérapiques engagées ; qu'il convient, compte tenu de l'âge de la victime, du taux de 15 %, et des autres éléments de la cause, d'allouer par réformation du jugement déféré, une somme de 18 000 euros en réparation de ce poste de préjudice corporel ; que le régime social des indépendants des Alpes-RSI des Alpes-justifie d'une créance définitive au titre de la pension d'invalidité servie d'un montant de 13 641, 80 euros ; que le solde revenant à Jean-Paul X... s'établit donc à la somme de 4 358, 20 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; que, pour les souffrances endurées, l'expert judiciaire a fixé à 3, 5 / 7 ce poste de préjudice que l'expert de la compagnie d'assurance a évalué à 3 / 7 ; qu'il y a lieu de tenir compte du polytraumatisme subi par la victime, des soins d'ostéopathie et du traitement médical qu'elle a dû subir ; qu'il y a lieu d'allouer, à ce titre, une somme de 4 000 euros par réformation du jugement déféré sur ce point, cette somme de 4 000 euros constituant l'exacte réparation de ce poste de préjudice, avec rejet du surplus de la demande comme étant non fondé ; que, pour le préjudice esthétique, l'expert judiciaire retient 1, 5 / 7 pour le préjudice esthétique au titre du ptôsis de la paupière supérieure gauche ; que bien que l'expert de la compagnie d'assurance ne le mentionne pas, il y a lieu d'entériner le rapport d'expertise judiciaire sur ce point et de confirmer le jugement en ce qu'il alloue la somme de 1 100 euros à ce titre, montant qui répare exactement le préjudice subi ; que, pour le préjudice d'agrément, le tribunal a exactement réparé par l'allocation de la somme de 1 000 euros les conséquences de l'accident sur les activités de loisir précédemment exercées par Jean-Paul X... ; que le jugement est confirmé sur ce point ;

" 1°) alors que, si les juges apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, il en est différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; que Jean-Paul X... rappelait dans ses conclusions que, selon l'expert, l'accident dont il a été victime a provoqué un syndrome dépressif réactionnel ne lui ayant pas permis de reprendre son activité d'artisan plâtrier ; qu'en rejetant sa demande d'indemnisation au titre de la perte des gains professionnels futurs aux seuls motifs que Jacqueline X... gérait l'activité de son mari, tout en refusant de faire droit à la demande d'expertise comptable aux fins d'évaluer son préjudice professionnel, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants ne permettant pas de s'assurer qu'elle a assuré une réparation sans perte ni profit pour aucune des parties ;

" 2°) alors que, en évaluant le préjudice fonctionnel temporaire subi par Jean-Paul X... à la somme de 7 683, 33 euros aux motifs que les propositions de compagnie d'assurance apparaissent satisfactoires, sans s'en expliquer davantage, lorsque la partie civile sollicitait une somme de 8 400 euros à titre de réparation de ce préjudice en faisant valoir les circonstances de l'accident, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants ne permettant pas de s'assurer qu'elle a assuré une réparation sans perte ni profit pour aucune des parties ;

" 3°) alors que, en évaluant le préjudice d'agrément subi par Jean-Paul X... à la somme de 1 000 euros, sans répondre aux conclusions développées par la partie civile qui, au rappel de ce que l'expert avait constaté que la victime n'avait repris ni le vélo, ni la pêche, ni les randonnées en raison de son importante fatigabilité, évaluait le préjudice subi à 2 000 euros, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants ne permettant pas de s'assurer qu'elle a assuré une réparation sans perte ni profit pour aucune des parties " ;

Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'appelée à statuer sur les conséquences dommageables d'un accident de la circulation, dont David Y..., reconnu coupable d'homicide et blessures involontaires, avait été déclaré tenu à réparation intégrale, la juridiction du second degré était saisie de conclusions de Jean-Paul X... tendant à la réparation des pertes de rémunération à venir consécutives aux séquelles de ses blessures ;

Attendu que, pour refuser toute indemnisation de ce chef, la cour d'appel retient qu'il est apparu lors des opérations d'expertise que l'arrêt de son activité d'artisan plâtrier résulte du décès, dans le même accident, de Jacqueline X... qui " gérait " cette activité de son mari ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'intéressé faisait valoir dans ses conclusions que, selon l'expert, l'accident dont il avait été victime avait provoqué un syndrome dépressif réactionnel ne lui ayant pas permis de reprendre son activité d'artisan plâtrier qui se confondait avec le fonds dont son épouse institutrice assurait seulement la gestion, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen unique de cassation proposé pour Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, pris de violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'adéquation de la réparation au préjudice ;

" en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la somme de 152 006, 38 euros l'indemnisation du préjudice économique de Jean-Paul X... du fait du décès de son épouse ;

" aux motifs que le préjudice économique de Jean-Paul X..., victime par ricochet du décès de son épouse, doit être calculé en se plaçant au jour du décès et en comparant la part de consommation de l'époux survivant dans les revenus du ménage avant le décès pour ses propres revenus, avec capitalisation de la différence qui se dégage ainsi ; que s'agissant du barème à utiliser, la cour retiendra celui publié dans La Gazette du Palais, (numéro du 7 au 9 novembre 2004), observation étant faite que ce barème est fondé sur les tables d'espérance de vie les plus récentes publiées par l'INSEE, reprend une différenciation par sexe, recourt à un taux d'intérêt de 3, 2 % qui reste par prudence supérieur au taux de l'intérêt légal ; que le salaire annuel du couple s'établissait au jour de l'accident à la somme de 33 079 euros selon l'avis d'imposition produit aux débats pour l'année 2003 ; qu'il y a lieu de déduire la part consacrée à l'entretien personnel de la victime directe, soit 30 % s'établissant à 9 923 euros, ce qui laisse une somme de 23 156 euros ; que le préjudice économique annuel après déduction du salaire de Jean-Paul X... et de la pension de réversion qu'il perçoit, ressortant ensemble à 13 630 euros, laisse un préjudice économique annuel de 9 526 euros à capitaliser par le prix de l'euro de rente de 15 957 euros (en application du barème choisi), le coefficient, soit un total de 152 006, 38 euros (arrêt attaqué, p. 11, al. 1 et 2) ;

" 1°) alors que doit être censuré pour contradiction de motifs, l'arrêt qui fonde sa décision sur une constatation qu'il déclare puiser dans un élément de preuve et qui est contredite par les termes de ce document ; qu'il ressort de l'avis d'imposition des époux X... pour l'année 2003 versé aux débats que le salaire annuel de l'épouse s'élevait, avant abattement, à la somme de 27 038 euros et que les bénéfices industriels et commerciaux de l'époux était, avant abattement, de 40 250 euros, soit un revenu annuel total pour le couple de 67 288 euros ; qu'en retenant que cet avis d'imposition faisait apparaître un salaire annuel total de 33 079 euros, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

" 2°) alors qu'en tout état de cause, la perte de gain prise en considération pour l'évaluation du préjudice économique de l'époux de la victime décédée doit tenir compte de ce que gagnait le ménage sans déduction des abattements appliqués forfaitairement par l'administration fiscale ; qu'en se fondant sur le revenu imposable calculé par l'administration des impôts après abattements forfaitaires pratiqués par elle, pour retenir que les revenus du ménage s'élevaient à la somme de 33 079 euros, et non pas sur le revenu déclaré par les époux X..., la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

" 3°) alors qu'en toute hypothèse, il résulte, d'une part, de l'avis d'imposition des époux X... que les revenus de Jean-Paul X..., après abattement, s'élèvent pour l'année 2003 à la somme annuelle de 13 475 euros et, d'autre part, des conclusions de première instance de Jean-Paul X... que sa pension de réversion s'élève à la somme annuelle de 12 345 euros, en sorte que les revenus propres de Jean-Paul X... s'élèvent à une somme totale de 25 820 euros, supérieure à sa part de consommation dans les revenus du ménage avant le décès d'un montant de 23 156 euros ; qu'en retenant, pour fixer à 9 526 euros le préjudice économique annuel de Jean-Paul X... à capitaliser, que son salaire et sa pension de réversion ressort ent ensemble à 13 630 euros, sans préciser d'où elle déduisait ce montant global, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que si les juges du fond apprécient souverainement le montant du préjudice subi par la victime d'une infraction ou ses ayants droit, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ;

Attendu que, pour évaluer le préjudice économique résultant pour Jean-Paul X... du décès de son épouse Jacqueline X..., la cour d'appel retient comme bases de calcul la somme de 33 079 euros au titre des revenus annuels totaux du ménage avant l'accident et celle de 13 630 euros au titre des revenus résiduels de l'époux survivant ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la première de ces sommes tient compte des abattements fiscaux appliqués à l'imposition des revenus annuels du ménage et sans mieux s'expliquer sur l'origine de la seconde, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est, derechef, encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 12 novembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-80679
Date de la décision : 12/01/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 12 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jan. 2010, pourvoi n°09-80679


Composition du Tribunal
Président : M. Blondet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.80679
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