LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 622-22 et L. 622-23 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 18 décembre 2001, la société Unicuir a été mise en redressement judiciaire, M. X... étant désigné administrateur avec mission d'assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion ; que, le 6 février 2003, la société Unicuir a été mise en demeure par la Caisse nationale Organic Recouvrement, aux droits de laquelle vient la Caisse nationale du régime social des indépendants (la Caisse), de payer la contribution sociale de solidarité restant due au titre de l'année 2002 ; que le plan de continuation de la société Unicuir a été arrêté le 19 septembre 2003 ; qu'une contrainte a été notifiée le 23 janvier 2004 à la société Unicuir qui a fait opposition ;
Attendu que pour annuler la contrainte, l'arrêt, après avoir constaté que la mise en demeure avait été notifiée à la seule société Unicuir alors en période d'observation, retient que si la mise en demeure, à la différence de la contrainte, n'est pas de nature contentieuse, elle s'analyse en un acte de procédure qui n'est pas détachable de la contrainte dont elle conditionne la validité, qu'étant souligné qu'il n'est pas établi ni même allégué que le débiteur aurait été autorisé à recevoir seul les actes de procédure, fussent-ils de nature pré-contentieuse, la réception de la mise en demeure ne constituait pas, eu égard aux conséquences qu'elle emportait, un acte de gestion courante au sens de l'article L. 621-23 du code de commerce que la société débitrice pouvait valablement effectuer seule, que la mise en demeure devait être portée à la connaissance de l'administrateur ayant reçu mission d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion et que, n'ayant pas été précédée d'une mise en demeure valablement notifiée, la contrainte devait être annulée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la caisse n'était pas tenue de notifier à l'administrateur chargé d'assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion la mise en demeure préalable qui, à la différence de la contrainte qui lui fait éventuellement suite, n'est pas de nature contentieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche du 8 décembre 2005 ;
Condamne la société Unicuir aux dépens de cassation et aux dépens exposés devant la cour d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse nationale du régime social des indépendants ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la Caisse nationale du régime social des indépendants.
IL EST FAIT GRIEF à l 'arrêt attaqué d'avoir annulé la contrainte émise le 15 janvier 2004 par la Caisse RSI et notifiée le 23 janvier 2004, après envoi d'une mise en demeure le 6 février 2003, à la société UNICUIR pour avoir paiement de la somme de 84 822 € correspondant à la contribution sociale de solidarité de l'année 2002 et aux majorations de retard
AUX MOTIFS QU'en application des articles L.244-3 alinéa 1e r, L.244-7 et L.244-11 du Code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, la mise en demeure, invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation, constitue le préalable obligatoire des procédures de paiement des cotisations sociales, qu'elle interrompt la prescription extinctive des cotisations ainsi que des majorations et pénalités de retard, qu'elle est la condition préalable de l'action civile en recouvrement forcé ainsi que de l'action publique et fixe le point de départ de leurs prescriptions respectives ; que si, à la différence de la contrainte, elle n'est pas de nature contentieuse et n'a pas à être délivrée selon les règles du Code de procédure civile, en ce qu'elle constitue le préalable obligatoire du recouvrement forcé de la dette sociale dont elle n'est pas détachable, la mise en demeure s'analyse en un acte de procédure qui n'est pas détachable de la contrainte dont elle conditionne la validité ; qu'en l'espèce, après que la société UNICUIR avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 18 décembre 2001 désignant Maître X... en qualité d'administrateur avec mission d'assistance telle que prévue par l'article L.621-22 2° du Code de commerce, la période d'observation ayant été successivement prolongée jusqu'au 3 juillet 2003, la caisse avait notifié à la société UNICUIR seule, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 février 2003, de régler la somme totale de 84 822 € correspondant à la contribution sociale de solidarité pour l'année 2002 assise sur le chiffre d'affaires réalisé par la société au cours de l'année 2001 ; qu'étant soul igné qu'il n'est ni établi ni même allégué que le débiteur aurait été autorisé à recevoir seul les actes de procédures, fussent-ils de nature précontentieuse, eu égard aux conséquences qu'elle emportait, la réception de cette mise en demeure ne constituait pas un acte de gestion courante au sens de l'article L.621-23 du Code de commerce que la société débitrice pouvait valablement effectuer seule ; que cette mise en demeure devait par conséquent être portée à la connaissance de l'administrateur ayant reçu mission d'assister le débiteur dans tous les actes de gestion ; qu'ainsi, n'ayant pas été précédée d'une mise en demeure valablement notifiée, la contrainte devait être annulée
ALORS QUE, D'UNE PART, la mise en demeure préalable adressé e par un organisme social n'est pas de nature contentieuse et emporte tous ses effets par l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception à l'adresse du débiteur, cette réception constituant pour le débiteur placé en redressement judiciaire un acte de gestion courante qu'il peut valablement effectuer seul en application de l'article L.621-23 du Code du Commerce ; et qu'en annulant la mise en demeure valablement adressée à la société UNICUIR le 6 février 2003, au cours de la période d'observation du redressement judiciaire, au motif qu'elle n'avait pas été également notifiée à l'administrateur chargé d'assister le débiteur, la cour d'appel a violé les articles L.244-2, R.244-1 du Code de la sécurité sociale et L.621-22 2° et L.621-23 du Code du commerce
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, à supposer même que la mise en demeure adressée à la société UNICUIR le 6 février 2003, alors en état de redressement judiciaire, eût dû être notifiée également à l'administrateur judiciaire chargé de la mission d'assistance prévue par l'article L.621-22 2° du Code du commerce, sa réception par le débiteur seul ne pouvait être frappée de nullité mais seulement d'inopposabilité à la procédure collective et emportait tous ses effets entre les parties ; et qu'en annulant la mise en demeure, et la contrainte subséquente notifiée à la société UNICUIR le 23 janvier 2004, postérieurement au jugement du 19 septembre 2003 arrêtant le plan de redressement par voie de continuation d'entreprise, alors que la société était redevenue in bonis , la cour d'appel a violé les articles L.244-2, R.244-1, R.133-3 1° du Code de la sécurité sociale et faussement appliqué les articles L.621-22-2° et L.621-23 du Code du commerce.