LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par actes des 1er et 7 juillet 2005, Mme Martine X... a assigné MM. et Mmes Y..., Z... et A..., et la compagnie CNP assurances pour voir prononcer, sur le fondement de l'article 901 du code civil, la nullité d'un testament authentique établi le 27 mai 2003 par son père, Armand X..., décédé le 27 septembre 2004, au bénéfice de M. et Mme Y..., de M. et Mme A... et de Mme Z... ; que Mme Martine X... a également demandé, sur le fondement de l'article 489 du code civil, la nullité de lettres établies par son père, les 2 juin 2003 et 10 janvier 2004, modifiant l'identité du bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit auprès de la compagnie CNP assurances par l'épouse d'Armand X..., initialement au profit de ce dernier, et à défaut à celui de ses enfants et descendants, et désignant comme bénéficiaires d'abord MM. Y..., A... et Z..., puis, en dernier lieu, le seul M. Z... ; que, par un jugement du 9 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Périgueux a prononcé la nullité du testament du 27 mai 2003 et des courriers des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que Mme Martine X... fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 16 septembre 2008) de l'avoir déboutée de l'action qu'elle avait formée afin de voir annuler le testament du 27 mai 2003 ;
Attendu qu'ayant relevé, d'une part, que les mentions du testament, écrit de la main du notaire, en présence de deux témoins, sous la dictée du testateur auquel il avait été lu et qui avait déclaré le bien comprendre et qu'il exprimait ses volontés, révélaient la cohérence de la pensée du testateur, d'autre part, que les constatations du notaire et des témoins n'étaient pas contrebattues par les certificats médicaux produits, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement estimé qu'il n'était pas établi l'insanité d'esprit d'Armand X... à la date du testament ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé, qui est recevable :
Attendu que Mme Martine X... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de voir annuler les deux courriers des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 portant changement de la désignation des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie souscrite par sa mère ;
Attendu qu'ayant retenu que les actes des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 ne contenaient en eux-mêmes la preuve d'aucun trouble mental, qu'ils avaient été établis antérieurement au placement sous sauvegarde de justice d'Armand X... le 23 mars 2004, et qu'il n'était pas justifié de l'introduction, avant le décès de ce dernier, d'aucune action aux fins d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle, la cour d'appel a décidé à bon droit, sans avoir commis la dénaturation alléguée, que les actes litigieux ne remplissaient pas les conditions pour être attaqués ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer d'une part, à M. et Mme Y... la somme de 1 500 euros et d'autre part, à la CNP assurances la somme 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme X... de l'action qu'elle avait formée afin de voir annuler le testament du 27 mai 2003 ;
AUX MOTIFS QUE suivant les dispositions de l'article 901 du Code Civil dans sa rédaction antérieure au 23 juin 2006 applicable en la cause pour faire un testament, il faut être sain d'esprit ; qu'en fait, suivant les mentions du testament authentique, par le notaire Patrick de B... assisté des témoins Gérard C... et Chantal D..., le testament a été écrit de la main du notaire sous la dictée du testateur auquel il a été lu et qui a déclaré le bien comprendre et reconnaît qu'il exprime ses volontés ; que le testament portant legs d'avoirs, d'automobile et de mobilier et répartition entre les époux Y... (50%), les époux A... (25%) et Nicole Z... (25%) révèle la cohérence de la pensée du testateur ; que le placement sous sauvegarde de justice intervenu le 23 mars 2004 n'établit pas une insanité d'esprit à la date du testament (27 mai 2003) puisque d'une part ce placement est très postérieur à l'acte authentique et que d'autre part la sauvegarde de justice n'est pas un régime d'incapacité mais au contraire de capacité assistée ; qu'en l'état des constatations du notaire et des témoins qui font preuve de la capacité intellectuelle du testateur et qui ne sont pas contrebattues par les certificats médicaux produits dont aucun n'établit une insanité d'esprit à la date du testament, c'est à tort que le Tribunal a prononcé la nullité du testament ;
1. ALORS QUE le testament est nul pour insanité d'esprit lorsque le testateur se trouve dans un état habituel de démence ou de faiblesse mentale à l'époque où le testament a été rédigé, sauf au bénéficiaire de la libéralité à établir que le rédacteur du testament était dans un intervalle de lucidité au moment de la confection de l'acte ; que le Tribunal a retenu, sans être contredit à cet égard par la juridiction du second degré, que M. X... présentait des troubles mentaux à type de confusion et de manque de cohérence le rendant difficilement capable de gérer ses affaires, depuis le mois d'avril 2003, ce qui a justifié son placement sous sauvegarde de justice, le 23 mars 2004, et que les gratifiés ne rapportaient pas la preuve que M. X... ait testé en leur faveur, pendant un intervalle de lucidité, tandis qu'il se trouvait déjà dans un état de confusion mentale ; qu'en imposant cependant à Mme X... de rapporter la preuve de l'insanité d'esprit, au jour du testament par la production de certificats médicaux, après avoir affirmé que les constatations du notaire et des témoins établissent la capacité intellectuelle du testateur, sans mieux s'en expliquer, quand il appartenait aux bénéficiaires de la libéralité de rapporter la preuve que M. X... était exceptionnellement dans un intervalle de lucidité au moment de la confection de l'acte, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 901 et 1315 du Code civil ;
2. ALORS QUE Mme X... rappelait dans ses conclusions, ainsi qu'en avait déjà décidé le Tribunal de grande instance de Périgueux, que différents médecins avaient constaté que son père, M. X..., présentait des troubles mentaux à type de confusion et de manque de cohérence le rendant difficilement capable de gérer ses affaires, depuis son hospitalisation en avril 2003, et qu'ils lui avaient conseillé de le placer en maison de retraite, pour le soustraire à l'influence de nouveaux amis bien intentionnés (conclusions, p. 3 et 4) ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. X... se trouvait dans un état habituel de démence ou de faiblesse mentale depuis le 1er avril 2003, avant que le testament ne soit rédigé, ce qui laissait présumer son inaptitude à rédiger un acte valable et mettait à la charge des gratifiés la charge de rapporter la preuve qu'il se fut trouvé lors de la rédaction de cet acte, dans un intervalle lucide, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 901 et 1315 du Code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Martine X... de la demande qu'elle avait formée afin de voir annuler les deux courriers des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 portant changement de la désignation des bénéficiaires du contrat d'assurance-vie souscrite par son père ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article 489-1 du Code Civil, énumèrent les conditions d'ouverture d'une action en annulation des actes autres que la donation ou testament ; qu'en fait, l'acte du 2 juin 2003 par lequel Armand X... désigne comme bénéficiaire d'un contrat ‘‘Poste Avenir'', Pierre Y..., Jean Michel A... et Robert Z... et l'acte du 10 janvier 2004 par lequel il désigne Robert Z... ne contiennent en eux-mêmes la preuve d'aucun trouble mental ; que ces actes des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 ont été établis antérieurement au placement sous sauvegarde de justice en date du 23 mars 2004 ; qu'enfin, il n'est justifié de l'introduction avant le décès d'aucune action aux fins d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle du testateur ; que les actes des 2 juin 2003 et 10 janvier 2004 dont la sincérité est établie par la comparaison des signatures avec celle de l'acte authentique, même si ces signatures sont dégradées, ne remplissent pas les conditions d'ouverture de l'action pour être attaqués, c'est à tort que le Tribunal en a ordonné l'annulation ;
1. ALORS QU'il résulte de l'article 489-1, 3° du Code civil qu'après sa mort, les actes faits par un individu, autres que la donation entre vifs ou le testament, peuvent être attaqués pour insanité d'esprit lorsqu'une action avait été introduite avant le décès aux fins de faire ouvrir la tutelle ou la curatelle ; que, pour l'application de ce texte, il suffit qu'une action en ouverture d'une mesure de protection ait été introduite avant le décès de la personne concernée ; qu'il résulte du bordereau de productions de pièces que Mme X... a versé aux débats l'ordonnance du 23 mars 2004 par laquelle le juge d'instance de Nontron a placé son père sous sauvegarde de justice, pour la durée de l'instance ; qu'en décidant qu'il n'est pas justifié de l'introduction avant le décès d'aucune action aux fins d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle du testateur, bien que l'ordonnance du 23 mars 2004 ait démontré qu'une mesure de protection ait été sollicitée en faveur de M. X..., la Cour d'appel a violé l'article 489-3° du Code civil ;
2. ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis de l'ordonnance du 23 mars 2004 que le juge d'instance de Nontron a placé sous sauvegarde de justice son père, pour la durée de l'instance ; qu'en décidant qu'il n'est pas justifié de l'introduction avant le décès d'aucune action aux fins d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle du testateur, bien que l'ordonnance du 23 mars 2004 ait démontré qu'une mesure de protection ait été sollicité en faveur de M. X..., la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'ordonnance précitée ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du Code civil ;
3. ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce invoquée par une partie, qui figurait au bordereau des pièces annexées à ses dernières conclusions et dont la communication n'avait pas été contestée, sans inviter les parties à s'en expliquer ; qu'il résulte du bordereau de production de pièces que Mme X... a versé aux débats l'ordonnance du 23 mars 2004 par laquelle le juge d'instance de Nontron a placé son père sous sauvegarde de justice, pour la durée de l'instance, ce dont il résulte qu'une mesure de protection avait été sollicitée en faveur de M. X... ; qu'en relevant de sa propre initiative qu'il n'est pas justifié de l'introduction avant le décès d'aucune action aux fins d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle du testateur, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.