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15/12/2009 | FRANCE | N°08-21906

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 2009, 08-21906


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble le principe de proportionnalité ;
Attendu que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion, même unique, ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le

s dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec o...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ensemble le principe de proportionnalité ;
Attendu que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion, même unique, ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ; que toutefois, si le montant de la condamnation prononcée relève de l'appréciation souveraine des juges du fond dés lors qu'il n'excède pas l'insuffisance d'actif, il importe, lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, sont retenues, que chacune d'entre elles soit légalement justifiée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 27 avril 1998 la Société européenne de réhabilitation et de construction de bâtiment (la société SERC) dont M. X... était le dirigeant, a été mise en redressement judiciaire ; que par jugement du 22 avril 2005, le tribunal a prononcé la résolution du plan de continuation et la liquidation judiciaire de la société SERC, M. Y... étant nommé liquidateur ; que ce dernier a assigné M. X... en paiement des dettes sociales ;
Attendu que pour condamner M. X... à supporter les dettes sociales à concurrence de 60 000 euros, l'arrêt relève qu'il résulte de l'examen des créances au 20 septembre 2005 que les premiers impayés de la société SERC datent de décembre 2001 et mars 2003 auprès de la caisse PROBTP, qu'au mois de mai 2004 sont dues les créances Le Holloce pour 13 467,55 euros puis en octobre 2004 celle de l'URSSAF pour 25 629 euros, qu'au jour du jugement d'ouverture, le fonds de commerce était grevé de deux inscriptions du Trésor public, la première du 10 février 2005 pour 29 103,95 euros et la deuxième du 9 mars suivant pour 5 624,31 euros ; que l'arrêt relève encore que dès le mois de mai 2004, la société SERC n'était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et que M. X..., en s'abstenant de déclarer dans le délai légal l'état de cessation des paiements de la société dont il était gérant, a commis une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif constatée puisqu'une partie du passif notamment privilégié a été constituée après cette date ;
Attendu qu'en se déterminant par des motifs impropres à caractériser, en l'absence de précisions sur l'actif disponible, l'état de cessation des paiements en mai 2004, lequel constituait la condition nécessaire pour retenir à l'encontre du dirigeant la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements, la cour d'appel, qui a pris cette faute en considération, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. Y..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Maître Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SERC la somme de 60.000 € sur le fondement des dispositions de l'article L.624-3 de l'ancien Code de commerce ;
AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article L.624-3 de l'ancien Code de commerce applicables en l'espèce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non ou par certains d'entre eux ; que si, en l'espèce, seules les dettes nées postérieurement au jugement homologuant le plan de redressement judiciaire (en date du 8 avril 1999) peuvent être prises en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif, l'adoption d'un plan de redressement remettant la société in bonis ne dispense pas son dirigeant de respecter ses obligations et notamment celle de déclarer la cessation des paiements de la société dans le délai légal ; que le montant du passif déclaré s'élève à 176.264,53 € dont 109.439,53 € à titre privilégié ; que l'actif recouvré s'élève à 26.397,08 € ; qu'en effet, pour répondre à l'argumentation de Monsieur X... qui soutient que les procédures de recouvrement n'auraient pas été mises en oeuvre, Maître Y... précise que les dossiers qui lui ont été remis par Monsieur X... concernaient cinq chantiers, qu'il a donc pu recouvrer les sommes de 26.397,08 € pour trois d'entre eux, que pour les deux autres, soit il n'est pas justifié d'une commande ou de l'acceptation de travaux supplémentaires (créance modique de 1.358,77 €), soit il n'existe aucun devis ou bon de commande ; que dans ces conditions, il est incontestable qu'il existe bien une insuffisance d'actif, condition nécessaire à l'application des dispositions susvisées ; que celle-ci est de l'ordre de 150.000 € ; qu'il résulte de l'examen des créances au 20 septembre 2005 que les premiers impayés de la société SERC datent de décembre 2001 et mars 2003 auprès de la caisse PROBTP ; qu'au mois de mai 2004 sont dues les créances LE HOLLOCE pour 13.467,55 € puis en octobre 2004 6 celle de l'URSSAF pour 25.629 € ; qu'au jour du jugement d'ouverture, le fonds de commerce était grevé de deux inscriptions du Trésor Public, la première du 10 février 2005 pour 29.103,95 € et la deuxième du 9 mars suivant pour 5.624,31 € ; qu'il s'évince de ce qui précède que pour le moins, dès mai 2004 la société SERC n'était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que Monsieur X... en s'abstenant de déclarer dans le délai légal l'état de cessation des paiements de la société dont il était le gérant a commis une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif constatée puisqu'une partie du passif notamment privilégié a été constitué après cette date ; que Monsieur X... soutient que le grief de défaut de comptabilité doit être écarté, qu'il a personnellement mis à disposition de Maître Y... le grand livre et la balance de fin d'exercice, les différents journaux ou livres et la comptabilité salariale ; que cette affirmation est cependant contredite par Maître Y... et les éléments que celui-ci verse aux débats ; qu'en effet, s'il reconnaît que Monsieur X... s'est régulièrement présenté à son étude, Maître Y... souligne que l'ensemble des factures clients et fournisseurs fait défaut ainsi que les dossiers afférents aux caisses sociales et fiscales ce qui ne permet pas de vérifier que la comptabilité produite a été régulièrement tenue ; que les différents courriers de la SARL ARVAULT, expert comptable de la société SERC, à cette même société (4 juillet 2005) ou à Maître Y... (24 novembre 2005) établissent de plus que le grand livre général et les livres auxiliaires ont été établis sans reprise des soldes des exercices précédents, qu'ils sont difficilement exploitables et ne sont pas conformes à la réglementation en vigueur, que seul un projet de bilan 2004 a pu ainsi être établi ; qu'il appartenait à Monsieur X... en sa qualité de dirigeant de droit de la société SERC de veiller à ce que les obligations légales en matière de comptabilité soient respectées ; que cette faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actif constatée dès lors qu'en l'absence d'une comptabilité régulière, Monsieur X... n'a pu s'apercevoir en temps réel que l'activité de la société était déficitaire ; que la société SERC exerçait son activité dans les murs qui lui étaient loués par la SCI CHANTPUITS dont Monsieur X... est à la fois gérant et associé ; que selon Monsieur X... qui n'a cependant pas produit au passif au nom de la SCI pour les loyers impayés, le loyer n'était plus réglé depuis la quasi-totalité de l'année 2003 ; que c'est donc grâce à l'aide de la SCI que Monsieur X... a pu maintenir l'activité de la SARL SERC, puisque cette absence de paiement du loyer permettait à cette dernière de bénéficier d'une économie de trésorerie ; que le passif serait donc supérieur à celui effectivement déclaré et révèle au surplus un mode de gestion critiquable s'apparentant à un véritable expédient ; qu'enfin, il faut noter que dans l'année qui a précédé le jugement de liquidation, Monsieur X... a continué à percevoir sa rémunération pour un montant total brut de 22.823,35 € soit en moyenne 1.900 €/mois ; que dans ces conditions, il peut valablement être reproché à Monsieur X... d'avoir poursuivi l'exploitation déficitaire de la société SERC dans son intérêt personnel ; que les premiers juges ont donc à juste titre relevé que Monsieur X... avait maintenu fautivement l'exploitation déficitaire de la société SERC ce qui avait ainsi généré un nouveau passif important contribuant à l'insuffisance d'actif ; que cependant, compte tenu de la gravité des fautes retenues à l'encontre de Monsieur X... et de leurs conséquences, il convient d'infirmer la décision entreprise et de condamner ce dernier à payer 60.000 € à Maître Y..., ès qualités, sur le fondement des dispositions de l'article 624-3 du Code de commerce (arrêt attaqué, pp. 4-5-6) ;
ALORS, d'une part, QUE l'action en comblement de passif suppose que la preuve soit rapportée d'une insuffisance d'actif ; qu'en considérant que le montant du passif déclaré s'élevait à 176.264,53 € et que l'actif recouvré s'élevait à 26.397,08 €, au vu des seuls tableaux établis par Maître Y..., ès qualités, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel une partie ne peut se constituer une preuve à elle-même et a violé l'article 1353 du Code civil ;
ALORS, d'autre part, QUE lorsqu'une nouvelle procédure collective est ouverte par résolution du plan de continuation de l'entreprise pour inexécution des engagements financiers, aucune condamnation du dirigeant à supporter une partie du passif ne peut être fondée sur l'omission de faire dans le délai de quinze jours la déclaration d'état de cessation des paiements ; qu'en se bornant à énoncer que l'adoption d'un plan de redressement remettant la société in bonis ne dispensait pas son dirigeant de son obligation de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal sans rechercher si la liquidation judiciaire de la société SERC n'avait pas été prononcée par résolution du plan de continuation de cette société en raison de l'impossibilité où elle s'était trouvée d'exécuter les engagements financiers de ce plan, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.624-3 ancien du Code de commerce ;
ALORS, de troisième part, QUE pour reprocher à Monsieur X... d'avoir commis une faute de gestion en s'abstenant de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal, la cour d'appel a considéré que, dès le mois de mai 2004, la société SERC ne pouvait plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en statuant de la sorte sans déterminer le montant de l'actif disponible à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.621-1 et L.624-3 anciens du Code de commerce ;
ALORS, de quatrième part, QUE le succès de l'action en comblement de passif suppose l'existence d'une faute de gestion du dirigeant social ; qu'en imputant à Monsieur X... le fait d'avoir consciemment poursuivi l'exploitation déficitaire de la société SERC dans un intérêt personnel, tout en relevant que Monsieur X... n'avait pas veillé à la tenue d'une comptabilité régulière, de sorte qu'il « n'a pu s'apercevoir en temps réel que l'activité de la société était déficitaire », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction qui la prive de motifs en violation de l'article 455 du Code de Procédure civile ;
ALORS, de cinquième part, QU'en imputant à Monsieur X... des insuffisances en matière de comptabilité tout en relevant que la tenue de la comptabilité de l'entreprise était confiée au cabinet ARVAULT, expert comptable de la société SERC, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les insuffisances qu'elle retenait n'étaient pas uniquement le fait de l'expert comptable, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.624-3 ancien du Code de commerce ;
ALORS, de sixième part, QUE seule une faute commise dans l'administration et la gestion de l'entreprise faisant l'objet de la procédure collective peut justifier la condamnation de son dirigeant à supporter tout ou partie des dettes de cette entreprise ; qu'en estimant que Monsieur X... avait fait bénéficier la société SERC d'une économie de trésorerie artificielle en s'abstenant, en sa qualité de gérant et associé de la SCI CHANTEPUITS, de réclamer le paiement des loyers dont la société SERC était redevable, quand la décision de la SCI CHANTEPUITS de ne pas entreprendre le recouvrement des loyers dus par la société SERC durant l'année 2003 ne pouvait justifier la condamnation de Monsieur X... dans le cadre d'une action en comblement de passif concernant la société SERC, la cour d'appel s'est déterminée par une motivation inopérante et a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.624-3 ancien du Code de commerce ;
ALORS, enfin, QUE dans ses conclusions d'appel (signifiées le 10 septembre 2007, p. 4 § 7), Monsieur X... faisait valoir qu'il n'avait pas perçu de salaire durant la période considérée ; qu'en affirmant que Monsieur X... avait poursuivi sciemment une exploitation déficitaire de la société SERC aux fins de percevoir sa rémunération de dirigeant social, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-21906
Date de la décision : 15/12/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Conditions - Faute de gestion - Pluralité de fautes - Justification légale de chacune d'elles - Nécessité

Lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion, même unique, ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux ; toutefois, si le montant de la condamnation prononcée relève de l'appréciation souveraine des juges du fond dès lors qu'il n'excède pas l'insuffisance d'actif, il importe, lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, sont retenues, que chacune d'entre elles soit légalement justifiée. Prive en conséquence sa décision de base légale au regard des articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et du principe de proportionnalité, une cour d'appel qui, pour condamner un dirigeant à supporter les dettes sociales, retient parmi plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, l'omission de faire dans le délai légal la déclaration de la cessation des paiements, par des motifs impropres à caractériser, en l'absence de précisions sur l'actif disponible, l'état de cessation des paiements, lequel constituait la condition nécessaire pour retenir à l'encontre du dirigeant la déclaration tardive de l'état de cessation des paiements


Références :

articles L. 621-1 et L. 624-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005

principe de proportionnalité

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 2009, pourvoi n°08-21906, Bull. civ. 2009, IV, n° 166
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 166

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Espel
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Le Griel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.21906
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