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15/12/2009 | FRANCE | N°08-13419

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 décembre 2009, 08-13419


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 novembre 2007), que la société Europe aéro service, dite EAS, a été mise en redressement judiciaire, le 17 mai 1991, M. Z... étant désigné en qualité d'administrateur, et M. X... en qualité de représentant des créanciers ; que le tribunal, par jugement du 27 décembre 1991, a arrêté un plan de cession au profit de la société nouvelle EAS (SNEAS), avec faculté de substitution de tous tiers acquéreurs et désigné M. Z...,

commissaire à l'exécution du plan, une période de location-gérance étant prévue ; ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 novembre 2007), que la société Europe aéro service, dite EAS, a été mise en redressement judiciaire, le 17 mai 1991, M. Z... étant désigné en qualité d'administrateur, et M. X... en qualité de représentant des créanciers ; que le tribunal, par jugement du 27 décembre 1991, a arrêté un plan de cession au profit de la société nouvelle EAS (SNEAS), avec faculté de substitution de tous tiers acquéreurs et désigné M. Z..., commissaire à l'exécution du plan, une période de location-gérance étant prévue ; que par jugement du 8 janvier 1993, le tribunal saisi par M. Z..., ès qualités, a, sur le fondement de la faculté de substitution, autorisé le commissaire à l'exécution du plan à céder, à la société Coges, les créances, valeurs de placement, et disponibilités, à la société Alter Bail aviation, des aéronefs et à la SNEAS, l'ensemble des autres actifs ; qu'en 1998, le Trésor public a établi un certificat de créance au titre du report en arrière des déficits de la société EAS et a adressé une certaine somme à M. Z..., ès qualités, lequel l'a reversée en partie à M. X..., liquidateur de la société SNEAS devenue la société EAS Europe Airlines, mise en redressement puis liquidation judiciaires en 1995 ; que M. Y..., soutenant que la créance de report en arrière des déficits de la société EAS faisait partie de l'actif cédé à la société Coges et invoquant sa qualité de cessionnaire de cette créance par suite de diverses cessions ultérieures, a assigné M. X..., ès qualités, en paiement de la somme reçue par lui ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen :

1° / que la cession de l'ensemble des actifs d'une entreprise, ordonnée en application des articles 81 et suivants de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, lorsqu'elle est précédée d'une période de location-gérance accordée au repreneur, emporte nécessairement transfert à son profit de la totalité des créances, quels qu'en soient la nature ou le débiteur, que le cédant détient au moment de l'entrée en jouissance du repreneur ainsi que, a fortiori, celles qui ont pu naître au cours de la période de location-gérance jusqu'à la date de réalisation effective de la cession des actifs ; qu'en l'espèce, le jugement du tribunal de commerce du 27 décembre 1991 arrêtant le plan de cession de la société EAS prévoyait que l'offre portait sur la totalité des actifs de la société, et, particulièrement, sur " les comptes de trésorerie, les valeurs de placement et les créances sur tiers, tels qu'ils résultent des relevés de compte à la date d'entrée en jouissance du repreneur " ; que cette dernière stipulation n'avait ni pour objet ni pour effet d'exclure du périmètre de reprise certaines créances eu égard à leur nature ou au moment de leur naissance, mais était destinée au contraire à l'élargir au maximum afin d'y inclure toutes les créances pouvant apparaître entre la date du jugement et celle d'entrée en jouissance du repreneur, évidemment sans préjudice de l'inéluctable reprise des créances appelées à naître au cours de la période de location gérance jusqu'à la date de réalisation effective de la cession des actifs, ce que précisait au demeurant ledit jugement en prévoyant que le repreneur " entend également être subrogé dans tous les droits et recours actuellement entrepris ou à entreprendre par la société dont l'actif est cédé à l'encontre de tous tiers " ; qu'il en résulte que la créance de carry-back litigieuse, dont la cour constate qu'elle concernait l'année 1989, était nécessairement comprise dans le plan de cession ; qu'en estimant que l'inclusion de cette créance dans le périmètre dudit plan était subordonnée à la condition qu'elle ait été expressément visée dans un relevé de compte ou tout autre document, condition que le jugement arrêtant le plan de cession ne prévoyait pas, la cour d'appel a méconnu la chose jugée par cette décision, ensemble le jugement du 8 janvier 1993 qui en était l'application, en violation des articles 1134 et 1351 du code civil, 64 de la loi du 25 janvier 1985 précitée ;

2° / que si M. X... contestait le principe de la cessibilité d'une créance de carry-back pour s'opposer à sa demande, il n'a jamais contesté que le plan de cession visait toutes les créances, sans distinction selon leur nature ou leur date de naissance, en sorte que la cour d'appel qui relève d'office le moyen tiré de ce que la créance en cause n'aurait pas été expressément mentionnée dans un document ou un relevé de compte établi à la date d'entrée en jouissance du repreneur, a méconnu l'objet et les limites du litige et violé les articles 4, 5 et 7 du code de procédure civile ;

3° / qu'en relevant ce moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour a violé les articles 12 et 16 du code de procédure civile ;

4° / qu'il résulte de l'article 85 de la loi du 25 janvier 1985 précitée, que le plan de cession ordonnant la cession des actifs d'une entreprise obéit à des règles propres édictées par une loi d'ordre public en vue du maintien au moins partiel de l'activité et des emplois y attachés ; que ces règles, qui s'imposent à tous tiers comme à l'administration fiscale, sont exclusives de l'application des règles ordinaires du droit de la vente qui auraient pour effet de compromettre l'équilibre du plan de cession, y compris les règles prévoyant l'inaliénabilité des biens ou droits inclus dans le plan ; que dès lors, en considérant comme nulle et de nul effet la cession d'une créance née du report en arrière de déficits ordonnée par un jugement arrêtant le plan de cession des actifs d'une entreprise en redressement judiciaire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 85 de la loi du 25 janvier 1985 précitée ;

5° / que les dispositions de l'article 220 quinquiès du code général des impôts ont pour seul objet et pour seul effet de rendre inopposable à l'Administration fiscale la cession de la créance née du report en arrière de déficits, lorsqu'elle intervient hors des cas expressément autorisés par lesdites dispositions ; que dès lors, en considérant comme nulle et de nul effet la cession d'une telle créance ordonnée par un jugement arrêtant le plan de cession des actifs d'une entreprise en redressement judiciaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 220 quinquiès du code précité ;

Mais attendu qu'ayant énoncé qu'aux termes de l'article 220 quinquiès du code général des impôts, la créance de report en arrière des déficits est inaliénable et incessible, l'arrêt retient à bon droit que cette créance ne pouvait pas faire partie de l'actif cédé ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants en ses trois premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. X..., ès qualités la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Francis Y... de sa demande dirigée contre Maître Pierre-Jean X..., tendant à faire constater que Monsieur Francis Y... est créancier de la liquidation de la SA EAS EUROPE AIRLINES à hauteur de 350. 632, 74 €,

AUX MOTIFS, D'UNE PART, QUE « l'offre de reprise, formée par la SNEAS, connue par la Cour uniquement par le jugement arrêtant le plan de cession du 27 décembre 1991, mentionne la reprise des comptes de trésorerie, des valeurs de placement, et des créances sur tiers, tels qu'ils résultent des relevés de compte à la date d'entrée en jouissance du repreneur. Le jugement du 8 décembre 1993, qui autorise leur cession à la société COGES, se limite à viser les créances, valeur de placement et disponibilités, mais il est pris en application du jugement d'arrêté de plan, et ne vise en réalité qu'à tenir compte de la substitution de cessionnaire. … qu'il n'est pas possible de connaître, si la créance faisait partie de l'actif cédé, par la simple lecture de ces jugements, dès lors que la Cour ne dispose d'aucun autre document, détaillant ces actifs visés par l'offre, et notamment leur mention dans les comptes de la société » ;.

ET AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QU'« en tout état de cause, … une créance de carry back, est inaliénable et incessible, aux termes de l'article L 220 quinquies du Code général des impôts. Cette disposition n'a pas à être interprétée par la Cour, comme le demande Francis Y..., selon lequel, elle ne trouve pas à s'appliquer dans le cas présent, dès lors qu'elle a pour but d'éviter que le cessionnaire ne compense avec ses propres impôts, ce qui n'est pas le cas. Il s'ensuit que la créance ne pouvait donc faire partie de l'actif cédé. D'ailleurs, le Trésor a effectué le versement au commissaire à l'exécution du plan de la société EAS, dans l'actif de laquelle elle était restée » ;

ALORS, D'UNE PART ET EN PREMIER LIEU, QUE, la cession de l'ensemble des actifs d'une entreprise, ordonnée en application des articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 198 5 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, lorsqu'elle est précédée d'une période de location-gérance accordée au repreneur, emporte nécessairement transfert à son profit de la totalité des créances, quels qu'en soient la nature ou le débiteur, que le cédant détient au moment de l'entrée en jouissance du repreneur ainsi que, a fortiori, celles qui ont pu naître au cours de la période de location-gérance jusqu'à la date de réalisation effective de la cession des actifs ; Qu'en l'espèce, le jugement du Tribunal de commerce de PERPIGNAN du 27 décembre 1991 arrêtant le plan de cession de la société EAS prévoyait que l'offre portait sur la totalité des actifs de la société, et, particulièrement, sur « les comptes de trésorerie, les valeurs de placement et les créances sur tiers, tels qu'ils résultent des relevés de compte à la date d'entrée en jouissance du repreneur » ; que cette dernière stipulation n'avait ni pour objet ni pour effet d'exclure du périmètre de reprise certaines créances eu égard à leur nature ou au moment de leur naissance, mais était destinée au contraire à l'élargir au maximum afin d'y inclure toutes les créances pouvant apparaître entre la date du jugement et celle d'entrée en jouissance du repreneur, évidemment sans préjudice de l'inéluctable reprise des créances appelées à naître au cours de la période de location-gérance jusqu'à la date de réalisation effective de la cession des actifs, ce que précisait au demeurant ledit jugement en prévoyant que le repreneur « entend également être subrogé dans tous les droits et recours actuellement entrepris ou à entreprendre par la société dont l'actif est cédé à l'encontre de tous tiers » ; Qu'il en résulte que la créance de carry-back litigieuse, dont la Cour constate qu'elle concernait l'année 1989, était nécessairement comprise dans le plan de cession ; qu'en estimant que l'inclusion de cette créance dans le périmètre dudit plan était subordonnée à la condition qu'elle ait été expressément visée dans un relevé de compte ou tout autre document, condition que le jugement arrêtant le plan de cession ne prévoyait pas, la Cour d'Appel a méconnu la chose jugée par cette décision, ensemble le jugement du 8 janvier 1993 qui en était l'application, en violation des articles 1134 et 1351 du Code civil, 64 de la loi du 25 janvier 1985 précitée ;

ALORS, EN SECOND LIEU, QUE, si Maître X... contestait le principe de la cessibilité d'une créance de carry-back pour s'opposer à la demande de Monsieur Y..., il n'a jamais contesté que le plan de cession visait toutes les créances, sans distinction selon leur nature ou leur date de naissance, en sorte que la Cour d'Appel qui relève d'office le moyen tiré de ce que la créance en cause n'aurait pas été expressément mentionnée dans un document ou un relevé de compte établi à la date d'entrée en jouissance du repreneur, a méconnu l'objet et les limites du litige et violé les articles 4, 5 et 7 du Code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QU'en relevant ce moyen d'office sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la Cour a violé les articles 12 et 16 du Code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN QUATRIEME LIEU, QU'il résulte de l'article 85 de la loi du 25 janvier 1985 précitée, que le plan de cession ordonnant la cession des actifs d'une entreprise obéit à des règles propres édictées par une loi d'ordre public en vue du maintien au moins partiel de l'activité et des emplois y attachés ; que ces règles, qui s'imposent à tous tiers comme à l'Administration fiscale, sont exclusives de l'application des règles ordinaires du droit de la vente qui auraient pour effet de compromettre l'équilibre du plan de cession, y compris les règles prévoyant l'inaliénabilité des biens ou droits inclus dans le plan ; que dès lors, en considérant comme nulle et de nul effet la cession d'une créance née du report en arrière de déficits ordonnée par un jugement arrêtant le plan de cession des actifs d'une entreprise en redressement judiciaire, la Cour d'Appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article 85 de la loi du 25 janvier 1985 précitée ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE les dispositions de l'article 220 quinquies du Code général des impôts ont pour seul objet et pour seul effet de rendre inopposable à l'Administration fiscale la cession de la créance née du report en arrière de déficits, lorsqu'elle intervient hors des cas expressément autorisés par lesdites dispositions ; que dès lors, en considérant comme nulle et de nul effet la cession d'une telle créance ordonnée par un jugement arrêtant le plan de cession des actifs d'une entreprise en redressement judiciaire, la Cour d'Appel de MONTPELLIER a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 220 quinquies du Code précité.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 08-13419
Date de la décision : 15/12/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement judiciaire - Plan - Plan de cession - Réalisation - Cession d'une créance de report en arrière des déficits - Possibilité (non)

Une créance de report en arrière des déficits, inaliénable et incessible selon les dispositions de l'article 220 quinquies du code général des impôts, ne peut pas faire partie de l'actif cédé dans le cadre d'un plan de cession


Références :

Cour d'appel de Montpellier, 20 novembre 2007, 06/2703
article 220 quinquies du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 20 novembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 déc. 2009, pourvoi n°08-13419, Bull. civ. 2009, IV, n° 165
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, IV, n° 165

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Orsini
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.13419
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