LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- CLITORAID INC, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 18 février 2009, qui, dans la procédure suivie contre Marie-Odile X..., épouse Y..., du chef de refus d'insertion d'une réponse, a déclaré son action irrecevable ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi du 29 juillet 1881, 5 de la loi du 1er juillet 1901, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'organisation Clitoraid Inc irrecevable en son action ;
"aux motifs qu'il résulte des pièces de la procédure que Clitoraid Inc qui n'a pas d'établissement, n'a pas fait de déclaration préalable à la préfecture ; que, s'il est vrai que Clitoraid Inc produit un affidavit selon lequel un droit de réponse serait reconnu dans l'Etat du Nevada à une association de droit français non déclarée aux Etats-Unis, il demeure qu'en France, toute personne morale, qui se prétend victime d'une infraction et est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction pénale ne peut exercer ce droit que dans les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale qui requiert qu'une association remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi du 1er juillet 2001 ; que toute association, qu'elle soit française ou étrangère, doit se soumettre à ces formalités pour obtenir la capacité d'ester en justice ; qu'aucune discrimination au sens des textes conventionnels invoqués par la partie civile ne peut donc être relevée ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement sur l'irrecevabilité de l'action de la partie civile ;
"1°) alors que, conformément aux dispositions des articles 6 § 1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial et si elle se prétend victime d'une infraction, doit être habilitée à se constituer partie civile devant une juridiction française, même si elle n'a pas d'établissement en France et n'a donc pas effectué de déclaration préalable à la préfecture du département où est situé son principal établissement, au sens de l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ; qu'en refusant à Clitoraid Inc tout droit à se constituer partie civile devant une juridiction pénale parce qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale et 5 de la loi du 1er juillet 1901, n'ayant pas accompli les formalités prévues par ce dernier texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés et spécialement les dispositions des articles 6 § 1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
"2°) alors que ni l'article 2 du code de procédure pénale ni l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ne font obstacle au droit fondamental de toute personne lésée par une infraction commise en France d'agir en justice pour la défense de ses intérêts et de toute personne morale, quels que soient sa nationalité et le lieu d'exercice de son activité, d'avoir accès aux tribunaux français et ne subordonne pas l'exercice de ce droit à l'accomplissement d'une formalité, qui n'a de sens que si ladite personne morale a un établissement en France, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés et a faussement interprété la loi interne" ;
Vu les articles 6 § 1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que, selon les dispositions combinées des textes précités, toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ;
Attendu que, pour déclarer Clitoraid Inc, organisation de droit étranger ayant son siège au Nevada, irrecevable en son action, l'arrêt retient que toute personne morale qui se prétend victime d'une infraction, et est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction pénale, ne peut exercer ce droit que dans les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale, qui requiert qu'une association remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, et que toute association, qu'elle soit française ou étrangère, doit se soumettre à ces formalités pour obtenir la capacité d'ester en justice ; que les juges relèvent, qu'en l'espèce, Clitoraid Inc, qui n'a pas d'établissement en France, n'a pas fait de déclaration à la préfecture ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, et alors que toute personne morale étrangère, qui se prétend victime d'une infraction, est habilitée à se constituer partie civile, devant une juridiction française, dans les conditions prévues par l'article 2 du code de procédure pénale, même si elle n'a pas d'établissement en France, et n'a pas fait de déclaration préalable à la préfecture, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 18 février 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Monfort conseiller rapporteur, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Lucazeau ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;