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25/11/2009 | FRANCE | N°09-82971

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 novembre 2009, 09-82971


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Serge,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de POITIERS, en date du 12 mars 2009, qui a prononcé sur un aménagement de peine ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-26-1 du code pénal, 591 et 593, 707, 712-6, 723-7, 723-15 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de ba

se légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant refusé de f...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Serge,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de POITIERS, en date du 12 mars 2009, qui a prononcé sur un aménagement de peine ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 3 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-26-1 du code pénal, 591 et 593, 707, 712-6, 723-7, 723-15 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant refusé de faire bénéficier Serge X..., très lourdement handicapé, d'une mesure d'aménagement de la peine d'un an d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre, sous la forme d'un placement sous surveillance électronique ;
"aux motifs que le tribunal, par des motifs précis et circonstanciés que la cour fait siens, a justement rejeté l'aménagement sollicité ; qu'en effet, il nie les faits pour lesquels il a été condamné définitivement par le tribunal correctionnel de Meaux, décision contre laquelle il n'a du reste pas interjeté appel ; qu'un tel positionnement n'est pas de nature à engager une réflexion sur lui-même pour éviter le renouvellement des faits ; que les conditions d'octroi d'un aménagement de peine ne sont pas réunies ; que le handicap présenté par Serge X... est il incompatible avec la détention ? que Serge X... réside à Grues en Vendée depuis juillet 2005 dans un pavillon dont il est propriétaire, qu'il est divorcé et vit actuellement seul ; qu'il est invalide, suite à l'amputation des deux avant-bras en 1997, consécutif à un accident du travail ; que deux prothèses myo-électriques ont été mises en place ; qu'il bénéficie de l'assistance de l'ADMR pour les besoins de sa vie quotidienne et d'une assistance tierce personne ; qu'il est autonome dans ses déplacements ; qu'il conduit une voiture aménagée sans permis ; que l'expertise médicale réalisée par le docteur Y... mentionne que si Serge X... a besoin d'aide pour prendre sa douche, préparer ses repas, s'habiller, se déshabiller et faire ses besoins naturels, il n'est pas atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital ; que l'expert a indiqué que son état de santé ne paraît pas durablement incompatible avec une détention au centre pénitentiaire de Fresnes ; que l'expertise psychiatrique réalisée par le docteur Z... relève que l'intéressé nie en bloc les faits pour lesquels il a été condamné ; qu'il en impute la commission à certains membres de sa famille, dont la fille de son ex-épouse ; qu'il est exempt de toute psychopathologie et ne dépend d'aucun soin ; que l'expert précise que le sujet ne présente pas d'état dangereux d'ordre psychiatrique, qu'il a réagi à la sanction pénale comme à une injustice et n'a subi aucune évolution ; que l'expert ne relève aucune contre-indication d'ordre psychiatrique à une éventuelle détention, le sujet devant seulement être assisté dans les quelques gestes qu'il ne peut accomplir ; qu'il n'y a, dès lors, aucune contre-indication médicale à une détention à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes ; qu'au demeurant, il n'est pas démontré que les conditions d'exécution des peines dans cet établissement pénitentiaire aient pour effet de soumettre le détenu handicapé à des traitements inhumains ou dégradants susceptibles, notamment, de provoquer de graves souffrances mentales ; qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris ;
"et aux motifs adopté que, bien que Serge X... ait reconnu lors du dernier débat contradictoire, avoir commis des attentats sexuels sur Christina A... ainsi que sur Sylvie B..., il n'en a pas moins continué à imputer les faits commis sur Emilie et Jérémy C... à d'autres membres de sa famille ; qu'un tel positionnement, non seulement traduit l'absence de volonté de Serge X... de réfléchir sérieusement à sa responsabilité et d'entreprendre une évolution susceptible de prévenir la récidive, mais en outre est de nature à choquer les victimes et leurs proches si un aménagement est accordé, étant rappelé que ces dernières ont été particulièrement traumatisées par les infractions, au vu notamment de la tentative de suicide faite par Emilie C... avant de révéler les faits ; que, par conséquent, en l'absence de contre-indication médicale à une détention à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, il n'y aura pas lieu à aménagement ;
"1) alors que, si la mesure de suspension de peine prévue à l'article 720-1-1 du code de procédure pénale suppose que le condamné soit atteint d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état soit durablement incompatible avec le maintien en détention, ces conditions ne sont pas requises pour le placement du condamné sous surveillance électronique qui ne constitue pas une suspension de peine mais une modalité d'exécution de celle-ci ; qu'en l'espèce, la chambre de l'application des peines, saisie d'une demande d'aménagement de la peine d'emprisonnement ferme prononcée à l'encontre de Serge X..., sous le régime du placement sous surveillance électronique, s'est explicitement fondée, pour la rejeter, sur une expertise médicale établissant que son pronostic vital n'était pas engagé et que son état de santé n'était pas durablement incompatible avec la détention ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, relevant de l'application de la seule mesure de suspension de peine pour raison médicale, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
"2) alors qu'il ne résulte pas des articles 131-26-1 du code pénal et 723-7 du code de procédure pénale que la reconnaissance des faits par la personne condamnée soit une condition nécessaire à l'exécution de sa peine sous forme de placement sous surveillance électronique ; qu'en faisant néanmoins de l'absence de reconnaissance des faits par Serge X... un motif de refus de l'aménagement de sa peine d'emprisonnement ferme en placement sous surveillance électronique, les magistrats de l'application des peines ont ajouté à la loi une condition non prévue par celle-ci et violé les textes susvisés ;
"3) alors qu'il résulte de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme que nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, susceptibles, notamment, de provoquer de graves souffrances mentales ; qu'atteint nécessairement le seuil de gravité prohibé par ce texte, la soumission à un emprisonnement d'un an au centre pénitentiaire de Fresnes, d'un condamné lourdement handicapé, amputé des deux bras, ne pouvant en aucun cas subvenir à ses besoins quotidiens sans une assistance permanente (repas, habillement, soins, besoins naturels) ; qu'en s'abstenant non seulement de prendre en considération le caractère exceptionnellement lourd du handicap du condamné, mais encore de rechercher si le centre pénitentiaire de Fresnes, construit en 1898 et connu pour sa vétusté, présentait des garanties suffisantes d'adaptation des conditions d'incarcération à la situation particulière de ce très lourd handicap, la chambre de l'application des peines n'a pas légalement justifié sa décision et méconnu l'interdiction conventionnelle des traitements inhumains ou dégradants ;
"4) alors que toute contradiction de motifs équivaut à une insuffisance de motifs ; qu'après avoir expressément constaté que Serge X... était invalide suite à l'amputation de ses deux avant-bras en 1997, consécutif à un accident du travail, qu'il bénéficiait de l'assistance de l'ADMR pour les besoins de sa vie quotidienne et de l'assistance d'une tierce personne pour prendre sa douche, préparer ses repas, s'habiller, se déshabiller et faire ses besoins naturels, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, affirmer qu'il n'était pas démontré que les conditions d'exécution de sa peine au centre pénitentiaire de Fresnes auraient pour effet de le soumettre à des traitements inhumains ou dégradants ; que la gravité et la lourdeur du handicap de Serge X..., ainsi constatés, étant indubitablement exclusifs du caractère humain de son incarcération, a fortiori au centre pénitentiaire de Fresnes, dénoncé par le rapport annuel de la cour des comptes de 2008 pour ses graves carences en termes sanitaires, la chambre de l'application des peines s'est abstenue de tirer les conséquences légales de ses propres constatations, entachant de ce fait sa décision d'une contradiction de motifs ;
"5) alors que le délai de près de trois ans écoulé entre la jugement définitif du tribunal correctionnel de Meaux, en date du 20 juin 2006, condamnant Serge X... à une peine d'emprisonnement de deux ans dont un avec sursis, et le refus de l'exécution de la peine ainsi prononcée sous le régime du placement sous surveillance électronique par la décision attaquée, sans qu'aucune circonstance particulière ne puisse le justifier, n'est pas un délai raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et méconnaît les exigences de l'article 707 du code de procédure pénale" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer le jugement disant n'y avoir lieu à accorder à Serge X..., condamné le 20 juin 2006 à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et à cinq ans de suivi socio-judiciaire, un aménagement de peine en application des dispositions de l'article 723-15 du code de procédure pénale et écarter sa demande de placement sous surveillance électronique fondée sur le fait, qu'en raison de son handicap physique, son incarcération constituerait un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'arrêt se borne à reproduire les termes et les conclusions de l'expertise médicale et de l'expertise psychiatrique ordonnées par le juge de l'application des peines ;
Que les juges retiennent qu'il résulte du premier rapport d'expertise que Serge X... a subi une amputation des deux avant -bras à la suite d'un accident du travail survenu en 1997 et, qu'appareillé de deux prothèses myo-électriques, il bénéficie d'une assistance pour les besoins de la vie quotidienne ; qu'ils ajoutent que, selon les conclusions de l'expert, le condamné n'est atteint ni d'une pathologie engageant son pronostic vital ni d'un état de santé durablement incompatible avec une détention "au centre pénitentiaire de Fresnes" ;
Que les juges retiennent, par ailleurs, qu'il résulte de l'expertise psychiatrique que Serge X... "nie en bloc les faits pour lesquels il a été condamné" et qu'il est exempt de toute psychopathologie ; qu'ils ajoutent que l'expert ne relève aucune contre-indication d'ordre psychiatrique à une éventuelle détention à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, le sujet devant seulement être assisté pour quelques gestes de la vie courante ;
Que la chambre de l'application des peines en déduit qu'il n'est pas démontré que les conditions d'exécution des peines dans cet établissement pénitentiaire aient pour effet de soumettre le condamné à des traitements inhumains ou dégradants, en provoquant, notamment, de graves souffrances mentales ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs inopérants s'agissant des dénégations formulées par Serge X..., en tenant pour acquis, par des motifs contradictoires, que le condamné pourrait être incarcéré à l'établissement public de santé national de Fresnes tout en constatant que, selon les experts, son état ne nécessitait aucun traitement médical, et sans rechercher si, compte tenu de son handicap, il ne serait pas exposé, en raison des conditions effectives de détention dans un autre établissement pénitentiaire, à une détresse ou à une épreuve qui excéderait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention, la chambre de l'application des peines n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Poitiers, en date du 12 mars 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme Chanet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Pometan conseiller rapporteur, Mme Ponroy conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-82971
Date de la décision : 25/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES - Cour d'appel - Chambre de l'application des peines - Placement sous surveillance électronique - Bénéfice - Refus du juge de l'application des peines - Article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme - Arrêt - Motivation - Nécessité - Portée

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 3 - Peines - Exécution - Peine privative de liberté - Placement sous surveillance électronique - Bénéfice - Refus du juge de l'application des peines - Arrêt - Motivation - Nécessité - Portée

La chambre de l'application des peines saisie d'une demande d'aménagement de peine d'un condamné en liberté qui invoque, à l'appui de sa demande, l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, en soutenant que le handicap dont il est atteint est incompatible avec son incarcération, est tenue, en application de ce texte, de rechercher si les conditions effectives de détention ne l'exposeraient pas à une détresse ou à une épreuve excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. Ne justifie pas sa décision, au regard de ce texte, la chambre de l'application des peines qui, après avoir retenu que le handicap dont le condamné est atteint nécessite une assistance pour les besoins de la vie quotidienne, se borne à énoncer, par des motifs contradictoires et insuffisants, d'une part que, selon les experts désignés, cet état ne nécessite aucun traitement médical et, d'autre part, que, selon ces mêmes experts, cet état n'est pas incompatible avec une incarcération à l'établissement public de santé de Fresnes, et en déduit qu'il n'est pas démontré que les conditions d'exécution des peines dans cet établissement pénitentiaire aient pour effet de soumettre cette personne à des traitements inhumains ou dégradants en provoquant, notamment, de graves souffrances mentales


Références :

articles 593 et 723-15 du code de procédure pénale

article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme

Décision attaquée : Chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Poitiers, 12 mars 2009

Sur l'application de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux conditions de détention, à rapprocher :CEDH, 24 octobre 2006, V... c. France, requête n° 6253/03


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 nov. 2009, pourvoi n°09-82971, Bull. crim. criminel 2009, n° 197
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2009, n° 197

Composition du Tribunal
Président : Mme Chanet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: M. Pometan
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:09.82971
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