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24/11/2009 | FRANCE | N°08-44377;08-44378

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 novembre 2009, 08-44377 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois B 08 44. 377 et C 08 44. 378 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... engagée le 14 mai 1998 par la société distribution Casino France et M. X... engagé le 15 mars 1999 occupant tous deux, en dernière date, un poste de manager commercial ont été licenciés pour faute grave respectivement les 14 octobre 2004 et 2 novembre 2004 ;
Sur le premier moyen et le troisième moyen propre au pourvoi de Mme X... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier

moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi et...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois B 08 44. 377 et C 08 44. 378 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X... engagée le 14 mai 1998 par la société distribution Casino France et M. X... engagé le 15 mars 1999 occupant tous deux, en dernière date, un poste de manager commercial ont été licenciés pour faute grave respectivement les 14 octobre 2004 et 2 novembre 2004 ;
Sur le premier moyen et le troisième moyen propre au pourvoi de Mme X... :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi et par voie de conséquence sur le troisième moyen propre au pourvoi de Mme X... ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail ;
Attendu que la convention de forfait détermine une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale, et que même si le principe en est posé par la convention collective ou un accord d'entreprise, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ;
Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes, la cour d'appel a retenu qu'ils n'avaient pas établi de décomptes d'heures supplémentaires conformes à un accord d'entreprise prévoyant pour le personnel d'encadrement une rémunération sur une base forfaitaire comprenant les majorations pour heures supplémentaires ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait sans rechercher s'il existait un accord particulier conclu entre les parties sur ce point, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont rejeté les demandes formulées au titre des heures supplémentaires, les arrêts rendus le 1er juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Distribution Casino France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Distribution Casino France à payer aux consorts X... la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° B 08 44. 377 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Anthony X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « les faits de harcèlement moral sont imputés par le salarié à Monsieur Y... son supérieur hiérarchique, responsable du magasin Géant espace Anjou ; que le harcèlement moral résulte d'agissements répétés qui ont pour objet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte au droit et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, le salarié a la charge d'établir des faits présumant l'existence du harcèlement allégué ; qu'Anthony X... verse aux débats des attestations de membre de sa famille (père et beau père), étrangères au fonctionnement de la société, qui relatent les dires du bénéficiaire de l'attestation, les attestations des collègues sont imprécises, vagues, elles ne rapportent pas de faits précis, circonstanciés et répétés, de nature à constituer un harcèlement moral (attestation E..., F...) ; qu'en revanche, l'employeur verse aux débats de nombreuses attestations relatant l'excellence des rapports de Monsieur Y... avec ses subordonnés, une des attestations, celle de Madame Z... Cathy, fait état que les époux X... lui auraient fait part qu'ils ne se plaisaient pas dans la grande distribution ; que Renaud A..., ayant partagé le même bureau que celui d'Anthony X..., le décrit comme ne supportant pas les remarques ou réflexion sur son travail, la tenue de ses rayons, et fait état que toutes les tâches qui lui étaient demandées, même les plus courantes, étaient sujet de polémique ; qu'il affirme qu'Anthony X... décrivait son travail de façon négative, et ne cachait pas son souhait d'être licencié ; que le Comité d'Hygiène et de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) réuni à la demande de la société, après la dénonciation faite contre le supérieur hiérarchique, a fait part qu'il n'avait jamais été informé par les époux X... de faits de harcèlement moral, de même le médecin du travail n'a jamais été contacté par les époux X... pour la dénonciation, ou à tout le moins, la relation de cette situation prétendue ; que le certificat médical produit, et relatant un état anxio dépressif, n'a aucun caractère probant, le médecin reprenant avec mesure les dires de son patient ; qu'il résulte de l'ensemble des faits et des témoignages, qu'Anthony X... n'a pas subi de harcèlement moral, mais a vécu une situation de déprime due à sa désaffection pour le secteur de la grande distribution dans un secteur nécessairement concurrentiel ; que le jugement sera confirmé de ce chef … ; que la dénonciation d'agissements de son supérieur hiérarchique, que le salarié a ressenti comme étant un harcèlement, ne peut constituer une faute, dès lors qu'il est établi que ce dernier était suivi médicalement pour des troubles anxio dépressifs et qu'il vivait mal la pression exercée par la direction dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise, mais nécessairement concurrentielle ; que de même, la demande en paiement d'heures supplémentaires requérait une réponse appropriée au salarié, et ne peut constituer un agissement fautif ; que le salarié n'a commis aucun abus de son droit d'expression » ;
ALORS 1°) QUE le juge ne peut débouter le salarié de sa demande tendant à la reconnaissance d'un harcèlement moral sans tenir compte de l'ensemble des éléments avancés par le salarié pour justifier sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que le salarié avait « vécu une situation de déprime due à sa désaffection pour le secteur de la grande distribution » (arrêt, p. 5, al. 8), qu'il était suivi médicalement pour des troubles anxio dépressifs imputables au fait qu'il « vivait mal la pression exercée par la direction » (arrêt, p. 6, al. 8), qu'il n'avait pas été répondu à ses demandes d'heures supplémentaires, et qu'il avait été victime d'une atteinte à sa liberté d'expression par la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire injustifiée (arrêt, p. 6, al. 8 et 9), ne pouvait écarter l'existence d'un harcèlement moral au seul motif tiré de l'insuffisance des témoignages versés aux débats, sans rechercher comme l'y invitaient ses propres constatations, si le dégoût du salarié pour son travail et sa situation de profond mal-être n'étaient pas imputables aux agissements de son employeur et si l'ensemble de ces agissements ne participaient pas de la situation de harcèlement moral dénoncée par le salarié ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49), L. 1154-1 (anc. L. 122-52) et L. 4121-1 (anc. L. 230-2) du code du travail ;
ALORS 2°) QUE si la marche normale de l'entreprise dans un secteur concurrentiel est susceptible de générer par nature un certain stress, sans pour autant que celui-ci dégénère en harcèlement moral, il en va différemment lorsque la pression dont se plaint le salarié de la part de sa direction est la cause de troubles anxio-dépressifs ; qu'en l'espèce, prive de plus fort sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49), L. 1154-1 (anc. L. 122-52) et L. 4121-1 (anc. L. 230-2) du code du travail, la Cour d'appel qui, ayant constaté que le salarié était suivi médicalement pour des troubles anxio dépressifs en relation avec la pression exercée par la direction, retient cependant que cette pression ressortait de la « marche normale de l'entreprise » (arrêt, p. 6, al. 8) ;
ALORS 3°) QUE l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'en jugeant que l'employeur contredirait les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée, en se fondant sur l'attestation de Madame Z..., salariée de l'entreprise, relatant les prétendus propos du salarié exposant selon lesquels il lui aurait fait part qu'il ne se plaisait plus dans la grande distribution (arrêt, p. 5, al. 4), ne faisant ainsi que rapporter les propres dires du salarié, la Cour d'appel a violé l'article 202 du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE rompt l'égalité des armes et viole l'article 6 de la CEDH la Cour d'appel qui écarte les témoignages du salarié en ce qu'ils ne comporteraient pas l'énoncé de faits dont leurs auteurs ont eu personnellement connaissance (arrêt, p. 5, al. 3 et 7), mais qui accueille de tels témoignages lorsqu'ils émanent de l'employeur (arrêt, p. 5, al. 4) ;
ALORS 5°) QUE constitue un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que ni le CHSCT ni le médecin du travail n'avaient été préalablement informés des agissements litigieux par le salarié (arrêt, p. 5, al. 6) ; qu'en subordonnant ainsi la reconnaissance d'une situation de harcèlement à l'information préalable du CHSCT et du médecin du travail, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49) et L. 1154-1 (anc. L. 122-52) du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Anthony X... de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE « Anthony X... sollicite le paiement de la somme de 63. 892, 56 Euros au titre d'heures supplémentaires effectuées du 15 mars 1999 au novembre 2004, et non réglées par la société ; qu'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'au soutien de sa demande, Anthony X... verse aux débats des attestations de voisins, mentionnant qu'il quitte tôt son domicile, pour y revenir tardivement, de parents, il fournit également des relevés hebdomadaires émargés par lui seul ; que le courrier du septembre 2004, adressé par la société, au couple, ne vaut pas reconnaissance de la valeur probante des documents, dès lors, qu'au contraire, la société fait valoir que les documents vantés ne sont pas à la gestion du personnel, la société ne les a donc pas eus, et n'a pas été à même d'en vérifier la véracité ; que ces documents ne sont pas probants, de même les attestations de deux anciens salariés, qui font état de grandes amplitudes de travail ou d'impossibilité de réaliser le travail confié dans l'amplitude de la convention collective, ne sont pas pertinents au regard de l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996 ; qu'en effet, la société CASINO verse aux débats l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996, qui prévoit pour le personnel d'encadrement une rémunération sur une base forfaitaire comprenant les majorations pour heures supplémentaires, avec une moyenne maximale de 44 heures de travail effectif par semaine, calculé sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, en contrepartie de ces contraintes le repos hebdomadaire (2 jours) et le repos forfaitaire (2 jours par trimestre) sont pris, des circonstances exceptionnelles conduisent les membres de l'encadrement à aller au-delà de ces seuils, dans ce cas une compensations adéquate est déterminée entre l'intéressé et sa hiérarchie ; qu'Anthony X... n'a pas établi ses décomptes, conformément à cet accord, ses relevés ont été établis pour les besoins de la procédure (même écriture, même stylo, aucun émargement de la société) ; que le salarié, pendant l'exécution de la prestation de travail, n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires, ni contesté l'amplitude de travail accompli, ni porté à la connaissance des représentants du personnel son mécontentement relatif aux heures accomplies ; qu'enfin il n'apporte aucun élément concernant l'accord même implicite de l'employeur sur l'accomplissement d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées ; que le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef, et le salarié débouté de ses prétentions relatives au paiement d'heures supplémentaires » ;
ALORS 1°) QUE la rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale, et que même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, précisant notamment le nombre d'heures travaillées incluses dans le forfait ; qu'en opposant au salarié un accord d'entreprise en date du 19 décembre 1996 pour le débouter de sa demande d'heures supplémentaires, sans aucunement vérifier si une convention individuelle de forfait avait été régulièrement conclue entre les parties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail ;
ALORS 2°) SUBSIDIAIREMENT QUE la convention de forfait n'est licite que si elle assure au salarié un sort plus favorable que celui qui découle de la loi ou de la convention collective, c'est-à-dire le minimum conventionnel, augmenté des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en ne recherchant pas si tel était le cas en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail ;
ALORS 3°) QU'en subordonnant le bien fondé de la demande de Monsieur X... au titre des heures supplémentaires à l'existence d'une réclamation ou d'une contestation préalable auprès de son employeur ou des représentants du personnel (arrêt, p. 6, al. 3), la Cour d'appel a statué par une motivation inopérante en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile.
Moyens produits au pourvoi n° C 08 44. 378 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Karine X... de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE « les faits de harcèlement moral sont imputés par la salariée à Monsieur Y... son supérieur hiérarchique, responsable du magasin Géant Espace Anjou ; que le harcèlement moral résulte d'agissements répétés qui ont pour objet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte au droit et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, le salarié a la charge d'établir des faits présumant l'existence du harcèlement allégué ; que Karine X... verse aux débats des attestations de membres de sa famille (père et beau-père), étrangères au fonctionnement de la société, qui relatent les dires du bénéficiaire de l'attestation, les attestations des collègues (attestation C..., D...) sont imprécises, vagues, elles ne rapportent pas de faits précis, circonstanciés et répétés (attestation D...), de nature à constituer un harcèlement moral commis par Monsieur Y..., alors même que l'attestation D... mentionne un différend avec le chef du rayon textile, Monsieur B... ; qu'en revanche, l'employeur verse aux débats de nombreuses attestations relatant l'excellence des rapports de Monsieur Y... avec ses subordonnés, une des attestations, celle de Madame Z... Cathy, fait état que les époux X... lui auraient fait part qu'ils ne se plaisaient pas dans la grande distribution ; que le CHSCT, réuni à la demande de la société, après la dénonciation faite contre le supérieur hiérarchique, a fait part qu'il n'avait jamais été informé par les époux X... de faits de harcèlement moral, de même, le médecin du travail n'a jamais été contacté par les époux X... pour la dénonciation, ou à tout le moins, la relation de cette situation prétendue ; que le certificat médical produit, et relatant un état anxio dépressif, n'a aucun caractère probant, le médecin reprenant les dires de sa patiente ; qu'il résulte de l'ensemble des faits et des témoignages, que Karine X... n'a pas subi de harcèlement moral, mais a vécu une situation de déprime due à sa désaffection pour le secteur de la grande distribution, dans un secteur nécessairement concurrentiel ; que le jugement sera confirmé de ce chef … ; que la dénonciation d'agissements de son supérieur hiérarchique que la salariée a ressenti comme étant un harcèlement ne peut constituer une faute, dès lors qu'il est établi que cette dernière était suivie médicalement pour des troubles anxio dépressif, et qu'elle vivait mal la pression exercée par la direction dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise, mais nécessairement concurrentielle, de même, la demande en paiement d'heures supplémentaires requérait une réponse appropriée à la salariée, et ne peut constituer un agissement fautif ; que la salariée n'a pas commis un abus de son droit d'expression » ;

ALORS 1°) QUE le juge ne peut débouter le salarié de sa demande tendant à la reconnaissance d'un harcèlement moral sans tenir compte de l'ensemble des éléments avancés par le salarié pour justifier sa demande ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a constaté que la salariée avait « vécu une situation de déprime due à sa désaffection pour le secteur de la grande distribution » (arrêt, p. 4, al. 10, qu'elle était suivie médicalement pour des troubles anxio dépressifs imputables au fait qu'elle « vivait mal la pression exercée par la direction » (arrêt, p. 5, al. 9), qu'il n'avait pas été répondu à ses demandes d'heures supplémentaires, et qu'elle avait été victime d'une atteinte à sa liberté d'expression par la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire injustifiée (arrêt, p. 5, al. 9 et 10), ne pouvait écarter l'existence d'un harcèlement moral au seul motif tiré de l'insuffisance des témoignages versés aux débats, sans rechercher comme l'y invitaient ses propres constatations, si le dégoût de la salariée pour son travail et sa situation de profond mal-être n'était pas imputable aux agissements de son employeur et si l'ensemble de ces agissements ne participait pas de la situation de harcèlement moral dénoncée par la salariée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49), L. 1154-1 (anc. L. 122-52) et L. 4121-1 (anc. L. 230-2) du code du travail ;
ALORS 2°) QUE si la marche normale de l'entreprise dans un secteur concurrentiel est susceptible de générer par nature un certain stress, sans pour autant que celui-ci dégénère en harcèlement moral, il en va différemment lorsque la pression dont se plaint le salarié de la part de sa direction est la cause de troubles anxio-dépressifs ; qu'en l'espèce, prive de plus fort sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49), L. 1154-1 (anc. L. 122-52) et L. 4121-1 (anc. L. 230-2) du code du travail, la Cour d'appel qui, ayant constaté que la salariée était suivie médicalement pour des troubles anxio7 dépressifs en relation avec la pression exercée par la direction, retient cependant que cette pression ressortait de la « marche normale de l'entreprise » (arrêt, p. 5, al. 9) ;
ALORS 3°) QUE l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; qu'en jugeant que l'employeur contredirait les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée, en se fondant sur l'attestation de Madame Z..., salariée de l'entreprise, relatant les prétendus propos de la salariée exposante selon lesquels elle lui aurait fait part qu'elle ne se plaisait plus dans la grande distribution (arrêt, p. 4, al. 7), ne faisant ainsi que rapporter les propres dires de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article 202 du code de procédure civile ;
ALORS 4°) QUE rompt l'égalité des armes et viole l'article 6 de la CEDH la Cour d'appel qui écarte les témoignages de la salariée en ce qu'ils ne comporteraient pas l'énoncé de faits dont leurs auteurs ont eu personnellement connaissance (arrêt, p. 4, al. 6 et 9), mais qui accueille de tels témoignages lorsqu'ils émanent de l'employeur (arrêt, p. 4, al. 7) ;
ALORS 5°) QUE constitue un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que ni le CHSCT ni le médecin du travail n'avaient été préalablement informés des agissements litigieux par la salariée (arrêt, p. 4, al. 8) ; qu'en subordonnant ainsi la reconnaissance d'une situation de harcèlement à l'information préalable du CHSCT et du médecin du travail, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles L. 1152-1 (anc. L. 122-49) et L. 1154-1 (anc. L. 122-52) du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Karine X... de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;
AUX MOTIFS QUE « Karine X... sollicite le paiement de la somme de 15. 850, 48 Euros au titre d'heures supplémentaires effectuées pendant la période non prescrite, et non réglées par la société ; qu'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; qu'au soutien de sa demande, Karine X... verse aux débats des attestations de voisins mentionnant qu'elle quitte tôt son domicile pour y revenir tardivement, de parents, elle fournit également des relevés hebdomadaires émargés par elle seule ; que le courrier du 25 septembre 2004, adressé par la société au couple, ne vaut pas reconnaissance de la valeur probante des documents, dès lors, qu'au contraire, la société fait valoir que les documents vantés ne sont pas à la gestion du personnel, la société ne les a donc pas eus, et n'a pas été à même d'en vérifier la véracité ; que ces documents ne sont pas probants, de même les attestations de deux anciens salariés, qui font état de grandes amplitudes de travail ou d'impossibilité de réaliser le travail confié dans l'amplitude de la convention collective, ne sont pas pertinents au regard de l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996 ; qu'en effet, la société CASINO verse aux débats l'accord d'entreprise du 19 décembre 1996, qui prévoit pour le personnel d'encadrement une rémunération sur une base forfaitaire comprenant les majorations pour heures supplémentaires, avec une moyenne maximale de 44 heures de travail effectif par semaine calculé sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, en contrepartie de ces contraintes, le repos hebdomadaire (2 jours) et le repos forfaitaire (2 jours par trimestre) sont pris, des circonstances exceptionnelles conduisent les membres de l'encadrement à aller au-delà de ces seuils, dans ce cas, une compensation adéquate est déterminée entre l'intéressé et sa hiérarchie ; que Karine X... n'a pas établi ses décomptes, conformément à cet accord, ses relevés ont été établis pour les besoins de la procédure (même écriture, même stylo, aucun émargement de la société ; que la salariée, pendant l'exécution de la prestation de travail, n'a jamais réclamé le paiement d'heures supplémentaires, ni contesté l'amplitude de travail accompli, ni porté à la connaissance des représentants du personnel son mécontentement relatif aux heures accomplies ; qu'enfin, elle n'apporte aucun élément concernant l'accord même implicite de l'employeur sur l'accomplissement d'heures supplémentaires, qu'elle prétend avoir effectuées ; que le jugement sera en conséquence infirmé de ce chef, et la salariée déboutée de ses prétentions relatives au paiement d'heures supplémentaires » ;
ALORS 1°) QUE la rémunération forfaitaire s'entend d'une rémunération convenue entre les parties au contrat de travail pour un nombre déterminé d'heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale, et que même si le principe en est posé par la convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié, précisant notamment le nombre d'heures travaillées incluses dans le forfait ; qu'en opposant à la salariée un accord d'entreprise en date du 19 décembre 1996 pour la débouter de sa demande d'heures supplémentaires, sans aucunement vérifier si une convention individuelle de forfait avait été régulièrement conclue entre les parties, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail ;
ALORS 2°) SUBSIDIAIREMENT QUE la convention de forfait n'est licite que si elle assure au salarié un sort plus favorable que celui qui découle de la loi ou de la convention collective, c'est-à-dire le salaire minimum conventionnel augmenté des majorations pour heures supplémentaires ; qu'en ne recherchant pas si tel était le cas en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-22 (anc. L. 212-5) du code du travail ;
ALORS 3°) QU'en subordonnant le bien fondé de la demande de Madame X... au titre des heures supplémentaires à l'existence d'une réclamation ou d'une contestation préalable auprès de son employeur ou des représentants du personnel (arrêt, p. 5, al. 4), la Cour d'appel a statué par une motivation inopérante en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame Karine X... repose sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail ;
AUX MOTIFS QUE « la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige reproche à la salariée : d'être en absence injustifiée (le 14 octobre 2004) depuis le 6 septembre, d'avoir effectué des manoeuvres visant à imputer faussement à son directeur des actes de harcèlement moral, d'avoir tenté d'obtenir une contrepartie financière à son départ ; que les faits reprochés recouvrent une situation alléguée de harcèlement moral et de non paiement d'heures supplémentaires que le salarié considère avoir accomplies, ainsi que des repos compensateurs et des dommages intérêts pour le préjudice subi ; … que le licenciement a été prononcé pour faute grave ; que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien de la salariée même pendant le temps limité du préavis ; que la dénonciation d'agissements de son supérieur hiérarchique que la salariée a ressenti comme étant un harcèlement ne peut constituer une faute, dès lors qu'il est établi que cette dernière était suivie médicalement pour des troubles anxio dépressif, et qu'elle vivait mal la pression exercée par la direction dans le cadre de la gestion normale de l'entreprise, mais nécessairement concurrentielle, de même, la demande en paiement d'heures supplémentaires requérait une réponse appropriée à la salariée, et ne peut constituer un agissement fautif ; que la salariée n'a pas commis un abus de son droit d'expression ; que la salariée était en arrêt injustifié depuis le 6 septembre 2004, son arrêt de travail se terminant le 28 août précédent, si une non régularisation dans des délais brefs peut être excusée, il en va différemment pour une absence non justifiée pendant un mois et demi, et toujours pas, même a posteriori, justifiée par un certificat médical ; que la justification de cette situation ne peut résulter d'une situation de harcèlement qui n'existe pas ; que l'absence injustifiée de la salariée ne constitue pas une faute grave, mais est une faute à l'égard de son employeur, qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que la salariée sera déboutée de sa demande indemnitaire de licenciement ; que le jugement sera en conséquence confirmé sur l'indemnisation du préavis et des congés payés y afférents » ;

ALORS QUE : la cassation du chef de l'arrêt qui a jugé que Madame Karine X... n'aurait pas été victime de harcèlement moral entraînera, sur le fondement de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef de l'arrêt qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-44377;08-44378
Date de la décision : 24/11/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 01 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 nov. 2009, pourvoi n°08-44377;08-44378


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
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