LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 5 décembre 2008, qui, dans la procédure suivie contre Pierre X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble de l'article 1382 du code civil ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué n'a condamné le tiers responsable, Pierre X..., à rembourser à l'Etat, au titre de l'allocation temporaire d'invalidité accordée à son agent, M. Y..., que la somme de 1 489,66 euros, correspondant aux seuls arrérages échus ;
"aux motifs que « cette prestation doit donc s'imputer non sur la perte de gains professionnels, qu'elle ne compense nullement, mais sur le déficit fonctionnel permanent, puisqu'elle répare un déficit physiologique permanent non générateur d'une baisse de revenus ; mais considérant qu'en application de l'article 1249 du code civil, le créancier qui exerce son recours subrogatoire ne peut demander paiement de ses prestations qu'au fur et à mesure qu'elles sont servies, sauf si le débiteur accepte une capitalisation dans le cadre du pouvoir dispositif qui appartient aux parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ainsi, l'Agent judiciaire du Trésor ne peut solliciter que les sommes qu'il justifie avoir servies à la date de la clôture des débats ;
que les prestations versées au titre de l'allocation s'élèvent à 1 489,66 euros du 20 novembre 2006, date de l'ouverture des droits au 31 janvier 2008, suivant décompte produit aux débats, M. l'Agent judiciaire du Trésor n'ayant pas actualisé sa créance » ;
"alors que si le tiers payeur ne peut obtenir par le tiers responsable le remboursement du capital représentatif de frais futurs sans son accord, le juge doit cependant évaluer sa créance en tous ses éléments en tenant compte des arrérages échus et pour l'avenir par un capital calculé de manière à représenter les dépenses résultant des arrérages à échoir ; d'où il résulte que la cour d'appel qui constatait que l'allocation d'invalidité accordée à M. Y... réparait le déficit fonctionnel permanent sur lequel devait s'imputer l'allocation, ne pouvait, sous prétexte que l'Etat ne pouvait prétendre à son remboursement par le tiers responsable qu'au fur et à mesure de son service, limiter son imputation sur le poste de préjudice qu'elle réparait aux seuls arrérages échus à l'exclusion des arrérages à échoir, méconnaissant ainsi le droit du tiers payeur à la réparation complète de son préjudice et faisant bénéficier la victime d'une double réparation" ;
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, 1-III de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;
Attendu qu'aux termes de l'article 1-III de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, le remboursement par le tiers responsable des arrérages de pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive est effectué par le versement d'une somme liquidée en calculant le capital représentatif de la pension ou de la rente ;
Attendu qu'à la suite d'un accident de trajet, dont Jean-Luc Y..., fonctionnaire du Trésor, a été victime et dont Pierre X..., reconnu coupable de blessures involontaires, a été déclaré tenu à réparation intégrale, le tribunal correctionnel, appelé à statuer sur les conséquences dommageables de cet accident, qui n'a entraîné aucune perte de revenu pour la victime, a rejeté la demande de l'agent judiciaire du Trésor tendant à obtenir condamnation du prévenu à payer à l'Etat la somme représentant le capital de l'allocation temporaire d'invalidité versée à Jean-Luc Y... sous forme de rente ; que les juges du second degré, statuant sur le seul appel de l'agent judiciaire du Trésor, ont partiellement fait droit à la demande en imputant les seuls arrérages échus au 31 janvier 2008 sur le poste réparant le déficit fonctionnel permanent ;
Attendu que, pour rejeter le surplus de la demande, les juges retiennent qu'en application de l'article 1249 du code civil le créancier, qui exerce un recours subrogatoire, ne peut demander paiement des prestations qu'il verse qu'au fur et à mesure de leur paiement, de sorte qu'il sera alloué à l'agent judiciaire du Trésor uniquement les sommes figurant dans l'unique décompte produit antérieurement à la clôture des débats ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans prendre en compte l'arrêté de liquidation produit par l'agent judiciaire du Trésor, rendant ainsi certains les arrérages futurs, de sorte que, tant pour les arrérages à échoir que pour les arrérages échus, la condition tenant au versement préalable et effectif de la prestation, exigée par l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, est remplie, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Qu'en application de l'article 612-1 du code de procédure pénale, et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la cassation aura effet tant entre l'agent judiciaire du Trésor, demandeur au pourvoi, et la victime, qu'entre le prévenu, son assureur et cette victime ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 5 décembre 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Blondet conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Radenne conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;