LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1132 1 et L. 1134 1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. Mohamed X... a été engagé à compter du 17 janvier 2000 par la société Le soleil du Roucas blanc ; qu'il lui avait été demandé de se faire prénommer Laurent et que, sur sa demande, il n'a obtenu que deux ans plus tard de l'employeur la possibilité de reprendre l'usage de son prénom ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt retient que l'intéressé a accepté le changement de prénom lors de son embauche ; qu'au moment de la signature du contrat, quatre salariés de la maison de retraite se prénommaient Mohamed et qu'aucun comportement discriminatoire ne peut être reproché à l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi alors que le fait de demander au salarié de changer son prénom de Mohamed pour celui de Laurent est de nature à constituer une discrimination à raison de son origine et alors que la circonstance que plusieurs salariés portaient le prénom de Mohamed n'était pas de nature à caractériser l'existence d'un élément objectif susceptible de la justifier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Le Soleil du Roucas Blanc aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, la condamne à payer à la SCP Peignot et Garreau la somme de 2 500 euros à charge pour elle de renoncer à la part contributive de l'Etat ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en dommages et intérêts pour discrimination,
AUX MOTIFS QUE " Sur la discrimination dénoncée par le salarié :
En un courrier en date du 29 janvier 2002, la Maison de retraite " Le Soleil du Roucas Blanc " acceptait sans discuter la décision de M. X... de se faire dorénavant appeler par le prénom correspondant à son Etat-civil, en lieu et place de " Laurent ". Il ressort du rapport des conseillers rapporteurs que M. X... a accepté d'être dénommé " Laurent " lors de son embauche. Il ressort également de plusieurs bulletins de paie des mois de décembre 1999, janvier et février 2000 produits contradictoirement par la Maison de retraite qu'au moment de la conclusion du premier contrat à durée déterminée entre les parties, quatre salariés de la Maison de retraite, MM. Z..., A..., C... et D..., qui occupaient les fonctions de maître d'hôtel, d'agent d'entretien, et de manoeuvre, portaient le même prénom que M. X....
Il ressort très clairement des entretiens qu'ont pu avoir les contrôleurs du travail saisis d'une plainte pour pratiques discriminatoires de M. X..., avec le directeur de la maison de retraite et la chef de service Mme B..., qu'aucun comportement discriminatoire prohibé par les dispositions de l'article L 122-45 du Code du travail ne peut être imputé à la Maison de retraite " Le Soleil du Roucas blanc ", comme le conclut le rapport d'enquête en date du 5 décembre 2002 versé aux débats.
M. X... sera donc débouté de sa demande nouvelle en cause d'appel d'indemnité pour discrimination ",
ALORS QUE D'UNE PART, en retenant qu'il ressortait du rapport des conseillers rapporteurs que Monsieur X... aurait, lors de son embauche, accepté d'être dénommé " Laurent " au lieu de " Mohamed ", prénom figurant à son état civil, quand bien même cet accord donné au moment de l'embauche d'être appelé " Laurent " ne saurait établir une acceptation claire et non équivoque de renoncer à son prénom dans ses relations de travail, la Cour d'appel a violé l'article L 122-45 devenu l'article L 1132-1 du Code du travail ensemble le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 et l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la seule constatation de la demande d'un changement de prénom par l'employeur lorsque ce prénom traduit une origine ethnique ou géographique ou l'appartenance à une religion, justifie la violation de l'article L 122-45 devenu l'article L 1132-1 du Code du travail, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, quand bien le fait pour l'employeur de remplacer le prénom de " Mohamed " emblématique d'une religion par celui de " Laurent ", était constitutif d'une pratique discriminatoire, la Cour d'appel a violé l'article susvisé ensemble le préambule de la constitution du 4 octobre 1958,
ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QU'il appartient aux juges du fond de se déterminer par eux-mêmes et non par une simple référence à un rapport établi par des conseillers rapporteurs, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait, sans décider elle-même si le fait de remplacer le prénom de " Mohamed " emblématique d'une religion par celui de " Laurent ", était ou non constitutif d'une pratique discriminatoire, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs et partant violé l'article 455 du Code de procédure civile.